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Photo du rédacteurIgor Robinet-Slansky

ANECDOTE SPÉCIALE HALLOWEEN: LA MODE DU SPIRITISME AU 19e SIÈCLE

Dernière mise à jour : 16 oct.

"Esprit es-tu là?"... Halloween approche, et pour l’occasion, je vous propose de parler spiritisme. Il ne s’agit pas ici de vous aider à communiquer avec les défunts, mais plutôt de vous partager l’histoire de ce mouvement occulte qui naît et connaît un engouement sans précédent dans le monde occidental du 19e siècle.


Peut-être avez-vous d’ailleurs déjà vous-mêmes tenté d’entrer en contact avec les esprits, les doigts posés sur un verre retourné, ou les mains appuyées sur le plateau d’un guéridon, dans l’attente qu’ils se déplacent à l’appel d’une âme défunte? Mais si nous pratiquons désormais cette science occulte dans le but de se divertir, il faut savoir qu’au milieu du 19e, le spiritisme revêt un attrait beaucoup plus sérieux. On le considère alors quasiment à l’égal de la médecine ou de la philosophie.


Les États-Unis semblent précurseurs dans les tentatives de communications avec les morts. Ainsi, en 1848, des manifestations surnaturelles et une première connexion entre vivants et défunts auraient été observés dans la maison des sœurs Kate et Margaret Fox, à Hydesville dans l’état de New York. Rapidement diffusée, cette histoire inaugure la fascination pour ce qu’on appellera le «spiritualisme américain» et la mode des séances de tables tournantes qui gagne l’ensemble du pays. Mais ce spiritualisme englobe un certain nombre de croyances plus ou moins fantasques, et revêt un aspect avant tout spectaculaire, emmené par des médiums plus ou moins frauduleux. Ce spiritualisme américain dépasse ainsi la démarche «scientifique» que le spiritisme moderne entendra suivre plus tard en Europe.



Car en réalité, le spiritisme tel qu’on le connaît est né en France, au 19e siècle, et plus particulièrement dans la société du Second Empire (1852-1870), régime autoritaire fastueux porté par l’empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie. Une société en pleine transformation, curieuse et avide de nouvelles expériences, où les progrès scientifiques, comme la révolution industrielle et ses innovations, laissent place à un nouveau type de sciences: les sciences occultes qui étudient les phénomènes paranormaux et la possibilité d’une communication avec l’Au-delà.



C’est donc sous le Seconde Empire, période propice à son émergence, que le spiritisme apparaît et se développe rapidement au sein de la population, toutes classes sociales confondues -ouvriers, militaires, haute bourgeoisie, aristocratie, et jusqu’à la cour impériale. À tel point qu’en 1869, on dénombrait quelques 600 000 adeptes en France!


Comment ce mouvement est-il né? Tout commence avec un pédagogue lyonnais, Hippolyte Léon Denizard Rivail (1804-1869), reconnu pour son engagement dans l’amélioration des méthodes d’éducation. Mais en 1855, alors que la mode des tables-tournantes est arrivée des États-Unis en Europe, il assiste à une séance. Véritable phénomène ou non, la table se met à bouger, guidée par des forces invisibles qui répondent aux questions des participants. Intrigué, Hippolyte décide d’étudier scientifiquement et d’un point de vue philosophique le mécanisme de la communication avec les esprits qu’il appelle «spiritisme» pour le différencier du «spiritualisme ‘spectacle’ américain». D’ailleurs, pour Hippolyte Léon Denizard Rivail, et pour les philosophes français, le terme de «spiritualisme» ne désigne pas les pratiques occultes, mais il définit une doctrine qui prône l'esprit comme réalité supérieure à la matière, et qui s’oppose en cela au matérialisme.



Quoi qu’il en soit, les résultats des recherches d’Hippolyte sont publiés en 1857 sous le titre «Le Livre des Esprits». L’auteur, qui dit être la réincarnation d’un druide breton, prend alors le pseudonyme d’Allan Kardec pour éviter de ternir son image de pédagogue renommé. L’ouvrage est un immense succès! Tous les curieux et les adeptes de cette nouvelle discipline occulte se l’arrachent. Il faut dire que dans une époque où la mort rode à chaque coin de rue (maladie, mortalité infantile, pauvreté, guerres…), l’idée de pouvoir contacter les membres de sa famille décédés est séduisante et rassurante. Le phénomène, considéré par certains comme une superstition qui s’oppose à la morale chrétienne, sera aussi vivement critiqué par une partie de la population.


Que dit Allan Kardec? Dans son livre, il décide de compiler une série de questions et de réponses obtenues lors de séances spirites. Il entend également énoncer les principes fondamentaux du spiritisme, parmi lesquels la croyance en l'existence de Dieu et des esprits, l’immortalité de l’âme et la réincarnation, la pluralité des mondes habités, et la communicabilité avec les défunts à travers des médiums (objets, outils). Allan Kardec publiera d’autres ouvrages sur ce thème, tels que "Le Livre des Médiums" (1861) et "L'Évangile Selon le Spiritisme" (1864), où il codifie les enseignements du spiritisme, établit un système de croyances et de pratiques cohérent, et renforce les principes de cette science en fournissant des lignes directrices pour les pratiquants. Il est également le père de «La Revue spirite» qui existe encore aujourd’hui.


Et que dit le pouvoir en place de cette mystification de la société? Elle y adhère et participe grandement à sa diffusion! La France du 19e siècle est en proie à une fascination pour le surnaturel, dans laquelle le spiritisme va s’engouffrer. Napoléon III s’intéresse ainsi aux phénomènes paranormaux, et, en admirateur des progrès scientifiques, il ne voit pas pourquoi, là où Pasteur a découvert le monde invisible des microbes, on ne pourrait explorer le monde de l’au-delà et communiquer avec.



Ainsi, dès 1857, l’empereur accueille le médium américain Daniel Douglas Home pour une démonstration où il dit entrer en contact avec les esprits. Ce dernier sera finalement renvoyé de France l’année suivante pour affaires de vol et de mœurs. De la même façon, en 1865, Napoléon III et Eugénie reçoivent les frères Davenport, médiums américains eux-aussi connus pour leurs spectacles spiritualistes. Ils seront également plus tard poursuivis pour fraude.


L’impératrice Eugénie, qui lance les modes, n’est pas en reste. Il n’est pas rare qu’elle organisme des séances de spiritisme dans ses palais, légitimant en quelques sortes cette science occulte auprès de l’élite sociale qui va s’en emparer à son tour. Organisées dans des salons richement décorés, ses séances privées sont de véritables événements. Les participants portent souvent des vêtements sombres et élégants, créant une atmosphère mystérieuse et solennelle, et les médiums invités se présentent comme des scientifiques en quête de vérité pour ajouter de la crédibilité -et un peu de frisson- à l’affaire.


Dans le même temps, le couple impérial fera aussi beaucoup dans le développement des sciences et médecines dites parallèles -magnétisme, homéopathie…- auxquelles il croit fortement, parfois plus que la médecine traditionnelle, ce qui laisse place à des débats quelques fois un peu mouvementés.


Cependant, cet engouement mystique de la société ne va pas durer éternellement. En 1864, l’Église s’impose en condamnant cette pratique contraire à la morale religieuse. Par ailleurs, les évolutions économiques et sociales, les critiques des intellectuels quant à ces croyances occultes et irrationnelles, mais aussi l’entrée dans la modernité de l’Europe et de la France en particulier, vont conduire peu à peu à la baisse d’influence du spiritisme. Bien qu’importante, aujourd’hui encore, dans certains cercles qui suivent ses principes, cette science occulte reste un témoignage de notre histoire culturelle, à une époque où, en quête de nouvelles croyances, on cherchait à percer les mystères de l’Au-delà.


SOURCES


  • «Flamboyant Second Empire! Et la France entra dans la modernité…» de Xavier Mauduit et Corinne Ergasse, éditions EKHO.

  • Page Allan Kardec sur Wikipédia

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