Depuis la fin d’année dernière, le château de Compiègne, dans l’Oise, accueille deux expositions inédites que je vous recommande vivement, en plus de la visite traditionnelle de ce haut lieu du patrimoine français que j’affectionne tout particulièrement: «Fantastiques traîneaux, les collections cachées du château de Compiègne» jusqu’au 24 septembre 2024 & «Prosper Mérimée (1803-1870)» jusqu’au 18 mars 2024.
FANTASTIQUES TRAINEAUX, LES COLLECTIONS CACHÉES DU CHÂTEAU DE COMPIÈGNE
Dans le cadre d’une série d’expositions autour des trésors cachés du château de Compiègne, l’exposition «Fantastiques traîneaux» présente jusqu’au 24 septembre 2024 un ensemble remarquable de traîneaux d’apparat issus des cours françaises et européennes des 17e, 18e et 19e siècles, et conservés par le Musée National de la Voiture de Compiègne (inclus dans la visite du château et à faire impérativement).
Ces traîneaux d’apparats, sculptés d’animaux, et de figures et créatures mythologiques ou fantastiques, tirés par un cheval (voire, plus rarement, deux), étaient alors utilisés par l’aristocratie, les princes, les rois et les empereurs pour afficher leur richesse et leur pouvoir lors de parades sur les lacs gelés et les parcs enneigés de leurs propriétés ou des villes du royaume. Notez que le traîneau étant plus silencieux que la voiture à roues, afin d’être sûr de se faire entendre -et remarquer- en arrivant, on fixait très souvent des grelots au cheval ou sur les rennes.
Les neuf traîneaux exposés ici sont dignes des plus belles œuvres des arts décoratifs de l’époque. D’ailleurs, et ce n’est pas un hasard, il s’agissait souvent des mêmes ébénistes qui créaient le mobilier et les traîneaux, faisant de ces voitures sur patins de véritables bijoux de création.
Parmi les pièces remarquables présentées, on peut admirer un ensemble de traîneaux de facture française. On se laisse ainsi impressionné par ce modèle en forme d’aigle posé sur un nuage, et réalisé à la fin du 17e siècle ou au début du 18e; puis par celui en forme de dragon, également créé au 17e, et dans la tête duquel une bougie pouvait être glissée afin d’allumer les yeux rouges de la créature qui se mettait alors aussi à cracher du feu. On découvre ensuite ce modèle du 18e siècle dit en coquille, plus petit et tout en délicatesse, dont la caisse, s’ouvrant comme une fleur, pouvait accueillir une élégante passagère; ou encore ce traîneau néo-classique daté du Premier Empire, dont l’assise de style gondole rappelle les dessins de l’ébéniste Jacob-Desmalter.
L’exposition met également en lumière des traîneaux d’apparat originaires des Pays-Bas ou d’Allemagne, les pays germaniques étant en effet, à l’époque, de grands fabricants et consommateurs de traîneaux -le rude climat hivernal y est, de toute évidence, pour quelque chose. L’un d’eux, que l’on dit de type amstellodamois, est reconnaissable à sa caisse galbée caractéristique des traîneaux des Pays-Bas; le suivant, en forme de vaisseau orné d’une sculpture en bois polychrome figurant Bellone, la déesse des horreurs de la guerre, et agrémenté de masques grotesques, aurait été un traîneau utilisé au 18e siècle lors des parades du carnaval dans les pays germaniques. Les deux derniers, respectivement créés aux 17e et 18e siècles, en France, en Allemagne ou aux Pays-Bas (l’origine reste incertaine), représentent, pour l’un, une salamandre sortant des flammes, tout en dorures impeccablement restaurées; pour l’autre, un hippocampe, avec sa tête de cheval et sa queue de poisson emblématiques.
Mais la pièce la plus exceptionnelle de l’exposition reste la dernière acquisition du Musée National de la Voiture de Compiègne: le traîneau dit de Joséphine, qui aurait été réalisé en 1810 pour l’impératrice et première épouse de Napoléon 1er. Avec ses décors Premier Empire -assise en forme de fauteuil gondole, velours vert empire-, sa forme de griffon aux ailes d’aigle, ou encore sa statue de Hébé, échanson des dieux et déesses de la jeunesse, son allure est on ne peut plus impériale. Notez que, chose rare, ce traîneau peut être conduit par deux chevaux.
L’exposition «Fantastiques traîneaux», inédite, prend place dans la somptueuse et majestueuse galerie de Bal du château, créée par Napoléon 1er, et qui sera le lieu de dîners mondains mémorables lors des Séries de Compiègne organisées par le couple impérial Napoléon III et Eugénie sous le Second Empire (1852-70).
PROSPER MÉRIMÉE (1803-1870)
Jusqu’au 18 mars 2024, l’exposition «Prosper Mérimée (1803-1870)» explore la vie et l'héritage de cette personnalité emblématique du 19e siècle -Monarchie de Juillet (1830-48), mais aussi et surtout Second Empire (1852-70)-, et grand habitué du château de Compiègne. Un homme aux multiples facettes, célèbre encore aujourd’hui pour ses œuvres littéraires ou son rôle dans la préservation du patrimoine français, mais dont on ignore bien souvent toutes les ressources.
On connaît ainsi Prosper Mérimée, l’écrivain et académicien -il est élu à l’Académie Française en 1844-, réputé pour des œuvres comme Colomba (1830-40) ou Carmen (1847), qui inspirera Georges Bizet pour son opéra.
On connaît, également, Mérimée, l’inspecteur des Monuments Historiques, qui sauvera, entre autres, Notre-Dame de Paris, la cité de Carcassonne, la cathédrale de Laon ou encore l’église de la Madeleine à Vézelay. Nommé à ce poste en 1834 sous le règne de Louis-Philippe (1830-1848), il crée en 1837 la Commission des Monuments Historiques -toujours existante aujourd’hui- pour inventorier et classer les sites du patrimoine historique et culturel français, et répartir les fonds d’aide publique pour leur sauvegarde. Une liste de monuments en péril est alors établie en 1840 -dont Notre-Dame, confiée à Viollet-le-Duc en 1843-, et en 1849, ce sont déjà plus de 3000 édifices qui sont ainsi classés.
On sait aussi combien l’homme, mondain, fût proche du couple impérial sous le Second Empire. D’abord ami de la comtesse de Montijo qu’il rencontre en Espagne en 1830 -et qui, par le récit qu’elle lui fera d’un fait divers, lui inspirera le personnage de Carmen-, Proposer Mérimée prendra sous son aile sa fille, la future impératrice Eugénie, lorsqu’elle s’installera à Paris en 1834. Lorsque cette dernière épouse Napoléon III en 1853 et qu’elle devient l’impératrice des Français, elle intègre son protecteur à la vie politique du nouvel empire en le nommant sénateur. Mérimée sera de tous les événements qui animent ce qu’on appellera la ‘Fête Impériale’. Des soirées prestigieuses au palais des Tuileries, à Saint-Cloud, ou à Fontainebleau, en passant, bien entendu, par les très prisées Séries du château de Compiègne où, en automne, le couple impérial invite par séries hebdomadaires thématiques des personnalités qui comptent dans la société de l’époque: artistes, écrivains, scientifiques, aristocrates… C’est d’ailleurs à la demande d’Eugénie et pour amuser la cour impériale, que Proposer Mérimée aurait inventé sa désormais célèbre dictée en 1857. Une dictée à laquelle Napoléon III a fait 75 fautes, l’impératrice 62, Alexandre Dumas Fils 24… le moins mauvais ayant été, à la surprise générale, un étranger, Metternich, l’ambassadeur d’Autriche en France, qui ressort de l’expérience avec seulement trois erreurs.
Mais au-delà de ses rôles et qualités publiques, connaît-on Mérimée le passionné d’antiquités classiques et d’archéologie? Sait-on, également, qu’il fût un critique d’art reconnu qui recensera de sa plume exigeante les œuvres marquantes des Salons parisiens de peintures de 1839 et 1853 (certaines de ces œuvres sont ainsi présentées dans l’exposition)? Connaît-on, enfin, Mérimée l’ami des artistes, tels les écrivains Henri Beyle -plus connu sous le nom de Stendhal- et Victor Hugo, ou encore le peintre Eugène Delacroix?
Ce sont tous ces aspects, connus et moins connus, de l’homme que propose de découvrir l’exposition «Prosper Mérimée (1803-1870)», dont le parcours est organisé au cœur des grands appartements du château de Compiègne. Documents, œuvres d’art, objets personnels… elle permet de découvrir le personnage mondain comme l’homme privé qu’était Mérimée, de ses origines familiales à sa vie professionnelle et politique, en passant par ses activités artistiques, ses goûts et passions, ou encore ses amitiés publiques ou plus intimes.
À PROPOS DU CHÂTEAU DE COMPIÈGNE
Situé dans l’Oise, à 80 kilomètres de Paris, le château de Compiègne, résidence royale devenue palais impérial au 19e siècle, est un monument incontournable du patrimoine français et de notre histoire.
Si la région de Compiègne intéresse la royauté française dès le 6e siècle pour ses forêts giboyeuses, c’est Charles V (règne: 1364-1380) qui choisit d’installer un château à Compiègne à la fin du 14e siècle, à l’orée d’une forêt de 14 000 hectares. Un château quasiment achevé à sa mort en 1380 qui gardera un style médiéval jusqu’à ce que Louis XV (règne: 1715-1774) décide de le moderniser avec l’aide de son architecte Ange-Jacques Gabriel dans un style néo-classique. Agrandi et décoré par Louis XVI et Marie-Antoinette qui s’y rencontreront pour la première fois le 14 mai 1770, en amont de leur mariage à Versailles, le château est rénové dans un style Empire par Napoléon 1er entre 1808 & 1810. C’est ici qu’après son divorce d’avec Joséphine en 1809, Napoléon reçoit pour la première fois sa future épouse, la jeune archiduchesse d’Autriche Marie-Louise, le 27 mars 1810.
Mais Compiègne est aussi une résidence emblématique du Second Empire (1852-70) instauré par Napoléon III (1808-1873). C’est ici que le neveu de Napoléon Bonaparte conquiert le cœur de sa future impératrice, la belle comtesse de Teba, Eugénie de Montijo (1826-1920). C’est aussi là que, chaque automne à partir de 1856, l’empereur et son épouse organiseront les célèbres ‘Séries’ qui rassemblent les personnalités politiques, artistiques, scientifiques & culturelles les plus importantes de l’époque, contribuant ainsi au faste de ce qu’on appellera la ‘Fête Impériale’.
Pour en savoir plus sur le château de Compiègne, rendez-vous dans l’article dédié sur ce site. Vous pourrez également retrouver tous les points d’intérêts du château et les informations pratiques dans les articles illustrés et les podcasts dédiés à ce lieu riche d’histoire et d’histoires: des musées du Second Empire et de l’Impératrice aux impressionnants appartements impériaux, en passant par le musée national de la voiture (passionnant) et les superbes jardins!
INFORMATIONS PRATIQUES
Le Château est ouvert tous les jours, sauf le mardi, le 1er janvier, 1er mai, 25 décembre et certains jours fériés. Les expositions sont incluses dans le parcours de visite.
Toutes les informations sont à retrouver sur le site du château de Compiègne.
SOURCES
Visites et dossiers de presse des expositions.
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