100 ANS D’HONNEURS : UN SIÈCLE D’HISTOIRE(S) AU MUSÉE DE LA LÉGION D’HONNEUR
- Igor Robinet-Slansky
- 4 juil.
- 6 min de lecture

Du 25 juin au 23 novembre 2025, le musée de la Légion d’honneur et des Ordres de chevalerie, à Paris, célèbre les 100 ans de sa création avec l’exposition « 100 ans d’honneurs – Destin d’un musée, destins de décorés ».
L’occasion de découvrir toute la richesse d’un patrimoine unique en son genre : celui des décorations, des ordres et des distinctions françaises ou internationales… leur histoire, les objets, les institutions, mais aussi et surtout les destins singuliers des femmes et des hommes qui les ont reçus et en sont les visages.
On connaît la Légion d’honneur comme la plus haute distinction nationale. On sait moins que son musée, niché derrière les grilles du palais de la Légion d’honneur – ou hôtel de Salm – à deux pas du musée d’Orsay, conserve l’une des plus riches collections au monde consacrées aux décorations et ordres de chevalerie. Un lieu magnifique et pourtant discret, gratuit, et trop souvent ignoré du grand public, mais passionnant pour qui s’intéresse à l’histoire, aux grandes destinées humaines et à la transmission des valeurs républicaines.
Cette année, le musée fête son centenaire – imaginé après la Première Guerre Mondiale, il ouvre ses portes en 1925. L’exposition-anniversaire «100 ans d’honneurs» revient sur la création du musée, son évolution, et surtout sur celles et ceux qui en font la substance : les décorés, dont les objets et les parcours incarnent les valeurs d’engagement, de mérite, de courage. Un siècle de dons, de transmissions et de mémoire.
LE MUSÉE DE LA LÉGION D’HONNEUR : UN LIEU DE MÉMOIRE RÉPUBLICAIN
L’histoire du musée de la Légion d’honneur remonte aux lendemains de la Grande Guerre. En 1918, alors que la France sort meurtrie du conflit, le général Dubail, grand chancelier de la Légion d’honneur, lance l’idée d’un musée qui serait à la fois un lieu de mémoire et un vecteur de reconnaissance. Il imagine un «sanctuaire à la gloire des Français et des étrangers éprouvés par le conflit», fidèle à une mission : entretenir, «devant les vestiges d’un passé magnifique, le culte des hautes vertus». Un espace pour honorer celles et ceux qui ont mérité leur distinction.
Grâce à une souscription nationale et à un mécène américain, William Nelson Cromwell, le musée de la Légion d’Honneur et des Ordres de Chevalerie ouvre ses portes en 1925, dans les anciennes écuries de l’hôtel de Salm, siège historique de la Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur. Conçu comme un musée gratuit, accessible à tous, il présente encore aujourd’hui une collection unique au monde. Le palais de la Légion d’honneur est classé au titre des Monuments Historiques en 1985.
UN PATRIMOINE UNIQUE
Depuis sa création, le musée s’est enrichi au fil des décennies grâce aux dons de décorés, aux legs de familles, aux dépôts de grandes institutions (Louvre, Versailles, Mobilier national…), et à l’action de collectionneurs passionnés. Il abrite aujourd’hui plus de 5000 objets retraçant plus de mille ans d’histoire à travers les distinctions françaises et étrangères.
Le parcours muséographique invite à découvrir la symbolique des ordres, des croisades médiévales jusqu’aux distinctions récentes. S’y côtoient épées d’apparat, insignes impériaux, diplômes, portraits, objets personnels ou militaires – autant de témoins de la diversité et de l’universalité du mérite humain. Une salle entière est notamment consacrée aux ordres royaux disparus, comme ceux de Saint-Michel, Saint-Louis ou du Saint-Esprit.
UNE EXPOSITION POUR RACONTER UN SIÈCLE D’ENGAGEMENTS
L’exposition « 100 ans d’honneurs – Destin d’un musée, destins de décorés ». propose un parcours en deux grandes parties. Elle éclaire d’abord la genèse du musée, ses projets fondateurs, ses grandes figures, puis célèbre quatorze parcours emblématiques de décorés. À travers eux, se dessinent un siècle d’histoire nationale et les mutations de la notion même d’honneur.
1. LA NAISSANCE D’UN INTÉRÊT POUR LES DISTINCTIONS HONORIFIQUES
Le parcours s’ouvre sur les prémices du musée, avec les premières expositions sur les décorations, dès 1889 au pavillon du ministère de la Guerre de l’Exposition universelle, puis en 1911 au musée des Arts décoratifs. On y découvre planches, archives, photos et objets ayant appartenu aux pionniers de la collection.
Déjà, à cette époque, des collectionneurs passionnés mettent leurs trésors à disposition du public – notamment Maurice Bucquet, dont la collection est encore visible au musée aujourd’hui.
2. UN PREMIER PROJET DE MUSÉE
En 1912, un arrêté propose officiellement la création d’un musée de la Légion d’honneur. Une première salle d’exposition est aménagée, et le marquis de Champreux d’Altembourg offre un important ensemble d’insignes et objets de l’Ancien Régime. Mais la guerre de 1914 interrompt le projet.
3. LA CRÉATION D’UN MUSÉE DE L’HONNEUR
Après la guerre, la volonté de rendre hommage aux héros et à l’engagement collectif relance le projet. En 1925, le musée ouvre officiellement. Le général Dubail, moteur du projet, est mis à l’honneur dans cette section, notamment avec l’épée qui lui fut offerte le jour de l’inauguration, et l’ensemble de ses décorations.
Cette section évoque aussi les collections issues de dons privés, d’institutions prestigieuses, et la volonté de « faire vivre la mémoire nationale à travers les parcours singuliers ».
4. LES DESTINS HUMAINS, AU CŒUR DU MUSÉE
Quatorze parcours individuels incarnent la diversité des engagements récompensés par les ordres nationaux. Ils composent une galerie de portraits sensible et variée.
Les premiers légionnaires civils et militaires : Le citoyen Vincent Le Gras, Louis-Benjamin Saugnier (adjudant-major des voltigeurs de la garde impériale), Antoine Parmentier (Ingénieur) et le peintre Jacques-Louis David ;
Le maréchal Berthier (1753-1815), dont sont exposés deux objets rarissimes : une ceinture d’apparat et un collier de la Légion d’honneur (trois exemplaires connus seulement) ;
La peintre Rosa Bonheur (1822-1899), femme la plus décorée de son temps après les familles impériales et royales;
Le duc de Berry (1778-1820), le président Félix Faure (1841-1899), le maréchal Joffre (1852-1931) ;
Simone Veil (1927-2017), grand officier en 2008 et grand’croix en 2012 ;
Le chef cuisinier Paul Bocuse (1926-2018 ;
Rémy et Loïc Desmonts (le père et le fils), engagés dans la sauvegarde du patrimoine ;
Ludivine Loiseau, plus jeune décorée de l’ordre, récompensée à 16 ans après son titre paralympique à Atlanta en 1996.
Objets personnels, lettres, photographies, tenues, distinctions : chaque vitrine rend hommage à un destin singulier, un engagement au service de la France et de l’intérêt général.
L’HÔTEL DE SALM, UN ÉCRIN NÉOCLASSIQUE POUR UN MUSÉE D’EXCEPTION
Commandé en 1782 par le prince Frédéric III de Salm-Kyrbourg, l’hôtel de Salm est conçu par l’architecte Pierre Rousseau. Achevé en 1787, il est l’un des plus beaux exemples du style néoclassique parisien. Confisqué à la Révolution, il change plusieurs fois de mains avant d’être acquis en 1804 pour abriter la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur.
Napoléon Bonaparte, alors Premier Consul, a fondé la Légion d’honneur en 1802 pour récompenser les mérites civils et militaires selon des principes méritocratiques. Le comte de Lacépède, premier grand chancelier, s’installe dans l’hôtel en 1803. L’édifice est restauré, agrandi, puis ravagé par un incendie sous la Commune de Paris en 1871. Il est reconstruit dès 1874 grâce à une mobilisation nationale.
Le musée y trouve place à partir de 1925, dans l’aile sud. L’ensemble est classé Monument historique en 1985.
UNE INSTITUTION RÉPUBLICAINE FONDÉE SUR LE MÉRITE
Créée le 19 mai 1802, la Légion d’honneur est un système de récompense du mérite, accessible à tous, sans distinction de naissance. Elle vise à unir civils et militaires autour d’un idéal commun : l’honneur.
Aujourd’hui encore, environ 2 200 Français et 300 étrangers sont décorés chaque année. L’insigne, en forme d’étoile à cinq rayons doubles, est surmonté d’une couronne de laurier et de chêne, avec à l’avers l’effigie de la République, et au revers la devise : « Honneur et Patrie ».
MON AVIS : POURQUOI IL FAUT VOIR CETTE EXPOSITION ?
L’exposition 100 ans d’honneurs - Destin d’un musée, destins de décorés offre bien plus qu’un retour sur un siècle de musée : c’est une galerie d’histoires humaines, de visages oubliés ou célèbres, tous réunis par l’engagement au service des autres. Accessible, émouvante, parfois surprenante, elle permet aussi de (re)découvrir un lieu patrimonial superbe, gratuit et souvent méconnu, au cœur de Paris.
Un rendez-vous à ne pas manquer pour les curieux, les passionnés d’histoire, de patrimoine ou de récits inspirants.
INFOS PRATIQUES
Quoi ? Exposition « 100 ans d’honneurs - Destin d’un musée, destins de décorés »
Où ? Musée de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie
2, rue de la Légion d’honneur, 75007 Paris
(Métro : Solférino – RER : Musée d’Orsay)
Quand ? Du 25 juin au 23 novembre 2025
Ouvert du mercredi au dimanche de 13h à 18h
Nocturne jusqu’à 20h le jeudi
Combien ? Entrée libre et gratuite
Plus d’informations sur le site du musée de la Légion d’Honneur.