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ANECDOTE: LA MORT SULFUREUSE DE FÉLIX FAURE LE 16 FÉVRIER 1899



Suivez-moi aujourd’hui dans le salon d’Argent du palais de l’Élysée pour une anecdote quelque peu sulfureuse. Là, le 16 février 1899, le président de la République Félix Faure va s’éteindre dans des circonstances pour le moins politiquement incorrectes. Une mort qui fera alors couler beaucoup d’encre.

 

Et pour cause! Le décès, à l’âge de 58 ans, de ce président en exercice -il avait été élu le 17 janvier 1895- est quelque peu inhabituel et délicat pour le personnage central qu’est le président de la République. C’est en tout cas ce que l’on raconte depuis près de 125 ans. Mais, entre mythe et réalité, que s’est-il passé exactement ce jour-là?



Ce qui est communiqué officiellement au lendemain de sa mort soudaine, c’est que Félix Faure serait mort d’une «attaque d’apoplexie», soit d’un accident vasculaire cérébral. Cependant, très vite, les rumeurs se répandent concernant les circonstances de ce décès qui seraient en réalité plus douteuses et scandaleuses.

 

On raconte en effet que le président serait mort d’une crise cardiaque, certes, mais dans les bras de sa maîtresse, Marguerite Steinheil, en pleine partie fine, alors que les deux amants se trouvaient dans le salon d’Argent du Palais de l’Élysée.



Qu’en est-il vraiment? Pour le savoir, remontons au matin du 16 février 1899. Ce jour-là, dès son réveil, Félix Faure se sent fatigué, à tel point qu’il annule la promenade à cheval qu’il a l’habitude de faire quotidiennement. Il n’en oublie pas moins de donner rendez-vous à sa maîtresse, Marguerite Steinheil, surnommée Meg, à 17h l’après-midi même, après un conseil des ministres consacré à l’affaire Dreyfus qui divise alors la France.

 

Marguerite Steinheil est la femme de peintre Adolphe Steinheil (1850-1908). Félix Faure la rencontre à Chamonix en 1897 et, après plusieurs commandes passées par le président auprès de son mari, celle-ci devient l’une de ses maîtresses -le président est en effet un grand amateur de femmes. Les deux amants ont l’habitude de se retrouver dans le salon Bleu de l’Élysée (aujourd’hui salon des Fougères), accessible par une porte dérobée, ou dans le salon d’Argent, pour quelques coquineries entre deux rendez-vous officiels.



Le président est cardiaque, il le sait, mais cela ne l’empêche pas d’utiliser régulièrement des aphrodisiaques pour rester fougueux devant ses maîtresses. Le jour de sa mort, alors que son conseil des ministres se termine, Félix Faure attend sa belle Marguerite. Il a ainsi demandé à l’un de ses huissiers de le prévenir par deux coups sur la porte lorsque celle-ci arrivera. Vers 17h, les deux coups résonnent. Le président s’empresse d’avaler une pilule aphrodisiaque mais, déception, il s’agit en fait de l’archevêque de Paris, François-Marie-Benjamin Richard, suivi d’Albert 1er de Monaco, venus défendre la cause du capitaine Alfred Dreyfus. Une fois les deux invités partis, cette fois, les deux coups sont frappés pour annoncer Marguerite. Félix Faure aurait alors avalé une seconde pilule d’aphrodisiaque. C’est là que les versions divergent. 



La plus scandaleuse, relayée par la presse, et notamment les médias d’opposition, raconte qu’en plein acte sexuel, Félix Faure aurait été pris d’une attaque, criant et agonisant, au point d’alerter son directeur de cabinet, Louis Le Gall, qui décrira la scène dans ses mémoires: en entrant dans le salon d’Argent, affolé par les cris du président et de sa maîtresse, il aurait découvert l’homme le plus haut placé de la République affalé sur un divan, un gilet de flanelle comme seul vêtement, et près de lui, Marguerite Steinheil, les cheveux prisonniers par la main crispée de son amant. On aurait même dû lui couper quelques mèches pour la libérer, la laisser se rhabiller et surtout la renvoyer chez elle pour éviter tout scandale -Berthe Faure, l’épouse du président, étant en effet dans les locaux et pouvant débarquer à tout moment. Un prêtre aurait ensuite été fait appeler pour administrer les derniers sacrements. A son arrivée, et avant d’entrer dans le salon, il aurait ainsi demandé: «Le président a-t-il toujours sa connaissance?» -ce qu’on peut entendre de deux façons différentes, sa connaissance pouvant être sa conscience, comme faire référence à son invitée privée; ce à quoi on lui répondra: «Oui, elle est sortie par l’escalier de service!». Félix Faure serait ainsi mort trois heures plus tard, en présence de son épouse.



Cette rumeur se diffusant, elle s’est aussi amplifiée d’autres éléments encore plus croustillants. On écrira ainsi que Félix Faure serait mort en plein orgasme alors que sa maîtresse pratiquait sur lui l’art de la fellation. Cette légende a tellement été reprise que Marguerite Steinheil héritera du surnom de «Pompe Funèbre». Georges Clémenceau, fervent opposant au président, ajoutant foi à la légende, déclarera: «Il se croyait César, il n’est mort que Pompée!». Ici aussi, le double sens fait référence aux goûts fastueux de Félix Faure, mais aussi, bien sûr, à sa mort scandaleuse.



Cependant, les historiens s’accordent désormais sur une version moins grivoise de cette mort présidentielle. En effet, Félix Faure, sujet à la tachycardie, aurait été stressé par son entretien avec Albert 1er de Monaco au sujet de l’affaire Dreyfus: Faure condamnant le capitaine, le prince souhaitant son acquittement. Ces échanges houleux et la fatigue du président, connu pour ses abus -maîtresses, cigares, bonne cuisine et bons vins-, auraient entraîné un malaise cardiaque. Le président aurait bien passé quelques instants avec sa maîtresse, mais, ne se sentant pas bien, il aurait pris congés d’elle et serait retourné à son bureau où il serait mort, entouré de sa famille et de son médecin. Finalement, la légende viendrait des opposants au président, ayant eu vent de son entrevue avec sa maîtresse, mais aussi de Marguerite Steinheil elle-même qui aurait raconté une version des faits qui lui donne un rôle central.

 

La vérité n’éclatera certainement jamais complètement sur ce scandale qui fait vibrer l’histoire de la République et du palais de l’Élysée depuis plus d’un siècle. A chacun de juger et de choisir la version qu’il ou elle préfère.

 

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