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EXPOSITION «COMMENT LES NAZIS ONT PHOTOGRAPHIÉ LEURS CRIMES – AUSCHWITZ 1944» AU MÉMORIAL DE LA SHOAH (PARIS)

Photo du rédacteur: Igor Robinet-SlanskyIgor Robinet-Slansky
Mémorial de la Shoah - "Comment les nazis ont photographié les camp"
Jeune femme défiant l'oeil du photographe

Le Mémorial de la Shoah, dans le Marais à Paris, inaugure à partir du 23 janvier 2025 une exposition d’une intensité rare intitulée « Comment les nazis ont photographié leurs crimes – Auschwitz 1944 ».

Cette initiative, qui s’inscrit dans les célébrations du 80e anniversaire de la découverte des camps nazis, offre une relecture inédite de l’Album d’Auschwitz, un document photographique produit par les SS pour mettre en valeur leur maîtrise du génocide, mais qui révèle aussi des failles, des résistances et une vérité tragique sur l’extermination des Juifs à Auschwitz-Birkenau. Une plongée inédite dans les archives visuelles de l’horreur.



À l’heure où les images tiennent une place toujours plus grande dans notre société, cette exposition empreinte d’une forte émotion nous rappelle combien il est aussi crucial d’apprendre à les lire. Si la première partie de l‘exposition permet d’entrer littéralement dans l’Album d’Auschwitz (grâce à une reproduction XXL qui se déroule sous les yeux des visiteurs) et d’être directement confronté à ses clichés bouleversants, la seconde section offre les clés pour en décrypter toutes les informations, et ainsi mieux comprendre l’horreur des camps nazis.



L’ALBUM D’AUSCHWITZ : UN TÉMOIGNAGE AU CŒUR DE L’HORREUR


Durant la seconde guerre mondiale, le service anthropométrique (L’Erkennungsdienst) des camps de concentration et des camps de la mort organise de nombreuses prises de vue pour documenter des rapports sur son organisation et son fonctionnement. Une quinzaine d’albums auraient ainsi été réalisés.



L’Album d’Auschwitz, au cœur de l’exposition, est l’un d’entre eux. Il a été trouvé dans le camp de Dora-Nordhausen au printemps 1945 par une déportée hongroise, Lili Jacob Zelmanovic, alors âgée de 19 ans, consciente qu’il pourrait être un témoin précieux de l’horreur nazie. Déportée en juin 1944 avec sa famille vers Auschwitz, elle est transféré à Gross-Rosen en décembre 1944 puis à Dora-Norhausen en mars 1945 avant d’être libérée. Connu depuis les années 1950, cet album a servi lors des procès de plusieurs responsables de la « solution finale », et c’est l’historien et avocat français, Serge Klarsfeld, qui le redécouvre dans les années 1980. Ses clichés ont, depuis, souvent illustré les articles et documents pédagogiques sur la Shoah.



Réalisé par les photographes Bernhard Walter et Ernst Hofmann pour le compte des SS, cet album intitulé « Réimplantation des Juifs de Hongrie » (par ‘réimplantation’, il faut entendre ‘extermination’) présente une collection de 197 clichés montrant le processus industriel de mise à mort dans le camp d’Auschwitz-Birkenau durant l’été 1944, avec en toile de fond la déportation massive des Juifs de Hongrie : c’est l’opération Höss, en référence à Rudolf Höss qui, en avril 1944, est chargé de préparer le camp d’Auschwitz (infrastructures, organisation…) afin de permettre l’accueil des trains transportant les 630 000 Juifs hongrois qui doivent ensuite être sélectionnés puis exterminés.


Ces photographies, initialement réalisées à des fins de propagande en vue de démontrer « l’efficacité » des camps, révèlent aujourd’hui, grâce aux travaux de l’historien Tal Bruttmann, commissaire scientifique de l’exposition, les rouages logistiques de l’horreur. Elles documentent chaque étape, de l’arrivée des convois sur la rampe ferroviaire créée spécifiquement pour l’opération Höss (La ‘Bahnrampe’) au « tri » des hommes et des femmes, et jusqu’aux chambres à gaz.


L’album s’organise en six sections qui parlent d’elles-mêmes :


1. « Arrivée d’un convoi »,

2. « Tri » : avec, en sous-parties, « Hommes à l’arrivée » et « femmes à l’arrivée »

3. « Après le tri » : subdivisé en « Hommes encore aptes », « Femmes encore aptes », « Hommes plus aptes », « Femmes plus aptes et enfants ».

4. « Après l’épouillage »

5. « Installation au camp de travail »

6. « Effets » (en d’autres termes, les résultats)



Les photographies témoignent d’une mise en scène réfléchie par les SS, visant à masquer ou à manipuler la réalité des événements. Les visiteurs sont ainsi invités à décoder ces images, qui cachent bien plus qu’elles ne montrent.


Car ici, deux lectures se font face : d’un côté ce que les SS ont voulu montrer, leur maîtrise organisationnelle, leur efficacité, et de l’autre l’attitude des déportés qui montrent leur humanité et leur dignité. On observe ici la violence implicite, l’effacement des contraintes exercées sur les victimes par la mise en scène des photographes et souhaité par les SS, mais aussi des gestes de résistance et une dignité qui s’imposent malgré tout de la part des déportés (ici une femme tire la langue au photographe, là, un homme le regarde avec un regard haut et franc).


UNE SCÉNOGRAPHIE IMMERSIVE ET PÉDAGOGIQUE AU MÉMORIAL DE LA SHOAH


La scénographie, pensée par Ramy Fischler et son équipe, intègre deux éléments centraux : l’Album lui-même et une table cartographique lumineuse qui contextualise les lieux de prises de vue sur une photographie aérienne d’Auschwitz-Birkenau de 1944.



L’exposition est organisée autour de différente thématiques permettant d’approfondir l’analyse.


LES ALBUMS DE PHOTOGRAPHIE DES SS


Au-delà de l’Album d’Auschwitz, on découvre quelques exemples d’album témoins de la propagande et de la cruauté nazies.



LA BAHNRAMPE ET LES TRAVAUX D’AMÉNAGEMENT DU CAMP


Il s’agit de comprendre la logistique et la technique complexes employées par les nazis pour construire les infrastructures servant leurs crimes.



LES BRUITS ET LES ODEURS


Bien que les photos ne capturent ni les bruits ni les odeurs, elles laissent entrevoir des indices permettant d’imaginer l’horreur sonore et olfactive du camp (femmes se cachant le nez avec un mouchoir par exemple).



LE TRAVAIL DE RECONSTITUTION DES SÉRIES D’IMAGES


Les clichés de l’album, pris à des dates variées servent ici à construire une narration des événements, reconstituée grâce à des indices historiques.



Ici sont présentées :


  • Des images de la déportation et de et l’organisation des convois

    Les convois de déportation, organisés avec précision, montrent une logistique complexe incluant wagons, responsables de convois et équipements spécifiques



  • Des images du « tri » des déportés

    Certaines photos illustrent le processus cruel de sélection des déportés à leur arrivée.



LES RABBINS


Des clichés de rabbins, pris dans une intention propagandiste antisémite, sont présentés de manière organisée, comme une « photo de classe ».



LE KANADA


Cette zone de tri des effets personnels des victimes, surnommée « Kanada » pour sa richesse apparente, témoigne de l’exploitation systématique des biens des déportés, qui seront bien souvent redistribués à la population allemande.



LA RÉSISTANCE DES VICTIMES


Malgré l’intention des photographes de montrer des victimes passives, certains gestes dans les images témoignent de résistance et de dignité.



UNE APPROCHE PÉDAGOGIQUE


Cette approche pédagogique de l’exposition est renforcée par des dispositifs audiovisuels et sonores, ainsi que des compléments d’archives, comme les clichés clandestins pris à ses risques et périls d’Alberto Ferrera, un Juif grec membre du Sonderkommando (centre d’extermination nazi), dans la zone des chambres à gaz d’Auschwitz-Birkenau.



LE MÉMORIAL DE LA SHOAH : LA NÉCESSITÉ DE LA TRANSMISSION


Créé en 2005, le Mémorial de la Shoah s’est imposé comme une institution européenne de référence. En 2025, il célèbre non seulement les 80 ans de la libération des camps, mais aussi ses 20 ans d’existence.



Cette exposition s’inscrit dans une volonté de transmission, particulièrement importante à une époque où les témoins directs de la Shoah se raréfient, et où les actes d’antisémitisme dans le monde augmentent. « Comment les nazis ont photographié leurs crimes – Auschwitz 1944 » est un appel à la vigilance et à la mémoire, nous rappelant que derrière chaque photographie se cache une histoire humaine et une responsabilité collective.


INFORMATIONS PRATIQUES


  • Quoi ? « Comment les nazis ont photographié leurs crimes – Auschwitz 1944 »

  • Quand ? À partir du 23 janvier 2025

    Tous les jours (sauf le samedi) de 10h à 18h, nocturne jusqu’à 22h le jeudi

  • Où ? Mémorial de la Shoah

    17 rue Geoffroy l’Asnier, 75004 Paris

    Métros Saint-Paul (ligne 1) ou Hôtel-de-Ville (lignes 1 et 11).

  • Combien ? L’accès au mémorial comme à l’exposition est gratuit.


Plus d’informations sur le site du Mémorial de la Shoah


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