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HISTOIRE ET VISITE DU CHÂTEAU DE PAU, AU-DELÀ DE HENRI IV

Photo du rédacteur: Igor Robinet-SlanskyIgor Robinet-Slansky
Pau
Entrée du château de Pau

Direction Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques (64). Capitale de la région historique du Béarn depuis le 15e siècle, elle possède une histoire riche et singulière, marquée par des personnalités aussi emblématiques que Gaston III de Foix-Béarn dit Gaston Fébus (1331-1391), Henri IV (1553-1610), célèbre roi de France et de Navarre né à Pau, Jean-Baptiste Bernadotte (1763-1844), militaire palois devenu le roi Charles IV de Suède en 1818, ou encore, au 19e siècle, le roi des Français Louis-Philippe 1er (r.1830-1848) et l’empereur Napoléon III (r.1852-1870) qui contribueront à son développement et à sa modernisation.



Parmi les belles surprises que la cité paloise offre aux amateurs de patrimoine historique et culturel, l’incontournable reste son magnifique château qui surplombe le Gave de Pau (du gascon ‘gave’ : cours d’eau) et offre une vue spectaculaire sur les Pyrénées.


LE CHÂTEAU DE PAU : PRÈS DE MILLE ANS D’HISTOIRE DU MOYEN-ÂGE AU 19e SIÈCLE


Érigé dès le 12e siècle, le château de Pau a évolué au rythme des siècles et de l’histoire de France. Résidence des rois de Navarre puis des rois et empereurs français, il sera ensuite palais présidentiel sous la IIIe République, avant de devenir, en 1929, un musée national dont l’architecture, les décors et les collections retracent, aujourd’hui encore, l’histoire fascinante et millénaire des lieux et des personnages qui les ont habités, parmi lesquels le célèbre roi de France et de Navarre, Henri IV (règne: 1589-1610).


LE CHÂTEAU DE PAU : LES RACINES MÉDIÉVALES


La première mention du château de Pau remonte au 12e siècle, mais il est probable qu’une structure fortifiée existait déjà dès le 10e siècle, composée d’une palissade en bois, ou « pau » en béarnais, d’où la ville tire son nom.

Sous l’autorité des vicomtes de Béarn, cette première forteresse évolue pour se transformer en un château fort de pierre. L’édifice se dote alors de trois tours défensives : la tour Mazères au sud (la plus ancienne, carrée), le donjon Montauser au nord (13e), et la tour Billère à l’ouest (14e).



Mais c’est surtout Gaston III (1331-1391), comte de Foix et vicomte du Béarn, dit Gaston Fébus (le comte « soleil »), qui, au 14e siècle, fait de Pau une véritable place forte stratégique, idéalement située entre la France et l’Espagne.

Ce prince visionnaire et bâtisseur fait de Pau une citadelle imprenable. Il érige le donjon Fébus, une tour en briques de 33m (la brique est innovante car plus souple et résistante), l’actuelle tour de la Monnaie, qui servait de tour de guet tournée vers le Gave, et un système impressionnant d’enceintes et de glacis défensifs (talus inclinés, ici en pierre). Partout, son empreinte demeure gravée : « Febus me fe » (Fébus m’a fait).



LE PALAIS DES ROIS DE NAVARRE


Avec Gaston IV de Foix-Béarn (1423-1472), le château de Pau change de visage et de fonction. Par son mariage avec Éléonore d’Aragon, il fait en effet entrer Pau dans le royaume de Navarre - qui appartenait alors à l’Aragon – et permet à la lignée des comtes de Foix de devenir rois. En 1464, le couple s’installe à Pau qui devient officiellement la capitale du Béarn, et en 1481, leur petit-fils François Fébus devient roi de Navarre.


A cette époque, le château se transforme encore : fenêtres à croisées de pierre et lucarnes (encore visibles sur la façade nord), création d’un deuxième étage sur le bâtiment sud, réalisation de toits en ardoise sur les tours…

En 1484, après le mariage de Jean d’Albret à Catherine de Foix, la Navarre, comme le Béarn et le comté de Foix, passent aux mains de la famille d’Albret. Mais dépossédé de ses territoires espagnols en 1512, leur royaume de Navarre ne se limite bientôt plus qu’à sa partie française. Chassés de Pampelune, leur ancienne capitale, Jean et Catherine, décident de s’installer à Pau.



C’est ainsi au 16e siècle, sous le règne de leur fils, Henri II d’Albret (1503-1555), et de son épouse, Marguerite d’Angoulême (1492-1549), sœur de François 1er (règne : 1515-1547) que la ville béarnaise s’impose officiellement comme capitale du royaume de Navarre.



Influencés par le goût de la Renaissance, ils vont profondément marquer l’architecture et les décors du château : aménagement de cuisines modernes (toujours visibles), création d’un escalier d’honneur droit – et non plus en colimaçon comme cela se faisait avant - orné de motifs en hommage à leur amour (le H et le M y sont partout gravés) ; médaillons sculptés pour orner la cour d’Honneur ; balcon donnant sur les Pyrénées côté sud...


Leur fille, Jeanne d’Albret (1528-1572), reine de Navarre à partir de 1555, et son époux, le prince Antoine de Bourbon (1518-1562), aménageront de somptueux jardins qui feront la renommée du château.



C’est dans ce cadre raffiné que naît, le 13 décembre 1553, Henri de Navarre, le futur roi de France Henri IV (1553-1610) - sa chambre de naissance a été reconstituée avec le fameux berceau réalisé dans une carapace de tortue qui doit apporter au nouveau-né longévité, sagesse et persévérance.



QUI ÉTAIT HENRI IV, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE ?


Né en 1553 au château de Pau, Henri IV devient roi de Navarre à partir de 1572 et roi de France de 1589 à son assassinat le 14 mai 1610. Premier souverain de la dynastie des Bourbons (qui règnera jusqu’à la Révolution), il jouera un rôle décisif dans la pacification du royaume après des décennies de guerres de religion.


NAISSANCE, ÉDUCATION ET ENFANCE


Henri IV naît au château de Pau dans la nuit du 12 au 13 décembre en 1553, à la demande de son grand-père, Henri II d’Albret, qui souhaite que son petit-fils et futur roi de Navarre vienne au monde sur ses terres.


Fils d'Antoine de Bourbon (1518-1562), premier prince de sang – descendant direct du roi Louis IX dit Saint-Louis-, et de Jeanne III d'Albret (1528-1572), héritière du royaume de Navarre, il grandit dans un environnement marqué par les tensions religieuses entre catholiques et protestants.



Baptisé catholique, à la béarnaise, le 6 mars 1554 (on donne au bébé une gousse d’ail et quelques gouttes de Jurançon, sa bonne réaction étant signe de bonne santé), mais élevé dans la foi protestante par sa mère, convertie à la Réforme en 1560, il reçoit une éducation humaniste et militaire qui le prépare aux responsabilités politiques.

Il quitte ainsi Pau pour la cour de France en 1561, afin d’apprendre à être roi – de Navarre pour le moment.


Cependant, ses parents se disputent souvent sur la religion à lui inculquer, et il retourne finalement vivre avec sa mère sur ses terres béarnaises en 1567.


UN MARIAGE ET DES GUERRES DE RELIGION


En 1572, à la mort de sa mère, Henri devient roi de Navarre. La même année, le 18 août, son mariage avec sa cousine Marguerite de Valois, sœur du roi Charles IX et fille de Catherine de Médicis, doit sceller une fragile réconciliation entre catholiques et protestants.



Malheureusement, cette union est suivie du massacre de la Saint-Barthélemy qui, dans la nuit du 23 au 24 août 1572, voit entre 15 000 et 30 000 protestants tués. Henri échappe de peu à la mort et se convertit brièvement au catholicisme pour survivre. Il vit alors sous surveillance à la cour avant de réussir à s'échapper en 1576 et à rejoindre ses terres pour reprendre la tête du parti protestant. Il s’engage alors dans une guerre contre le royaume de France dès 1580.


Il devient, à ce moment-là, un acteur majeur des guerres de religion qui déchirent le royaume de France. Mais en 1584, le roi Henri III n'ayant pas d'enfant, et son frère François, duc d’Alençon et dernier héritier en ligne directe, venant de mourir, Henri devient l'héritier présomptif de la Couronne de France.


L’ACCESSION AU TRÔNE


La Sainte Ligue catholique, menée par les Guise, et appuyée par l'Espagne de Philippe II, s'oppose à ce qu’Henri de Navarre monte un jour sur le trône, et remet en question l’autorité même du roi Henri III, contraint de fuir Paris en 1588.

Face à la menace, ce dernier désigne alors officiellement Henri de Navarre comme son successeur, et convoque les États Généraux qui s’ouvrent au château de Blois le 16 octobre 1588 pour tenter de rétablir son autorité. Le 23 décembre suivant, Henri III organise l’assassinat d’Henri de Guise, qui convoitait sa couronne, avant d’être lui-même poignardé par le moine Jacques Clément, fervent défenseur de la cause catholique, le 1er août 1589.



Henri de Navarre devient ainsi le roi de France Henri IV. Toutefois, son accession au trône est contestée par la Ligue catholique et une partie des Français qui refusent toujours de reconnaître un roi protestant. Les Guise tentent même de porter sur le trône l’oncle d’Henri, le cardinal catholique Charles de Bourbon. Néanmoins, ses victoires à Arques (1589) et Ivry (1590) consolident l’autorité du nouveau monarque, même si Paris reste aux mains des ligueurs.


Il n’a bientôt plus le choix. En 1593, pour rallier la majorité catholique du royaume, il abjure le protestantisme en la basilique de Saint-Denis, et se convertit au catholicisme. C’est là qu’il aurait prononcé la célèbre phrase : « Paris vaut bien une messe !». Ne pouvant accéder à Reims, ville du sacre des rois de France, Henri IV est sacré le 27 février 1594 dans la cathédrale de Chartres.



Paris l’accepte enfin et après être entré dans la capitale, il met progressivement fin à près de 40 ans de guerres de religions, notamment par la promulgation de l'édit de Nantes en 1598, garantissant la liberté de culte aux protestants. Son règne commence enfin réellement.


LE RÈGNE D’HENRI IV, LE « BON ROI »


En monarque absolu, Henri IV réduit les pouvoirs des gouverneurs militaires et des parlements (tribunaux), gagne leur obéissance en leur permettant de transmettre leur charge à leur descendance.


Ainsi libre de ses actes, il travaille à restaurer la prospérité du royaume. Avec l'aide de son ministre Sully, il développe l'agriculture, rétablit les finances, encourage l'industrie et le commerce. Il entreprend de grands travaux, modernise Paris et favorise la construction d'infrastructures.


À l’international, il lance la colonisation du Québec, et sur le plan diplomatique, il renforce la position de la France en Europe, et prépare une guerre contre les Habsbourg en s’alliant avec les princes italiens. Un projet qui sera peut-être la cause de son assassinat en 1610.


HENRI IV, LE « VERT GALANT »


Célèbre pour sa personnalité charismatique et ses nombreuses aventures amoureuses, il était surnommé le « Vert Galant ».


Marié à Marguerite de Valois dont il divorce en 1599, il épouse ensuite la riche Marie de Médicis, avec laquelle il aura six enfants, dont son successeur, le futur Louis XIII (règne 1610-1643).



On lui connaît cependant des dizaines de maîtresses, dont la célèbre Gabrielle d’Estrées (1573-1599), qui s’est vue un temps en future reine de France et avec qui il aura trois enfants ; Catherine Henriette de Balzac d’Entragues (1579-1633) qui lui donnera également trois enfants ; ou encore Jacqueline de Bueil (1588-1651), sa maîtresse officielle durant six années avec qui il aura un fils. La majorité de ses enfants extraconjugaux seront légitimés.


L’ASSASSINAT


Le règne du « Bon roi Henri » se termine soudainement le 14 mai 1610. Ce jour-là, alors qu’il se rend chez Sully, Henri IV est assassiné à Paris, rue de la Ferronnerie, par François Ravaillac. Si l’on pense à un fanatique catholique isolé – il dit qu’il a agi seul, même sous la torture -, beaucoup d’indices pointent vers un complot : une charrette était positionnée en travers de la route pour retenir le carrosse royal ; la veille, sa seconde épouse Marie de Médicis s’est faite sacrée reine de France à la basilique Saint-Denis, ce qui lui permet d’assurer la régence du royaume en cas de décès du roi ; le duc d’Épernon, qui se trouvait avec Henri IV, aurait peu agi lors de l’assassinat et aurait pris son temps avant d’arrêter Ravaillac.



Quoi qu’il en soit, son décès marque une rupture brutale, laissant son fils Louis XIII hériter du trône et le royaume sous la régence de Marie de Médicis.


Le règne d’Henri IV est marqué par un apaisement religieux et une reconstruction économique. Mais il a aussi marqué une étape essentielle dans la construction d'une monarchie plus forte et plus stable, posant les bases du règne absolu de son petit-fils, Louis XIV (règne 1643-1715).

LE CHÂTEAU DE PAU. DE HENRI IV À LOUIS XIII


Après avoir été sacré roi de France, Henri IV ne reviendra plus au château de Pau qui, à partir de 1592, est géré par un gouverneur nommé par le souverain pour le représenter.


Il faut attendre le règne de son fils, pour qu’un roi y revienne. Nous sommes alors en octobre 1620, et le jeune Louis XIII signe à Pau un édit attestant du rattachement officiel du Béarn et de la Navarre au royaume de France.

Mais dans le contexte de la centralisation monarchique, Pau perd de son importance politique. Le château est alors moins utilisé, marquant le début d'une période de relative quiétude.



UNE RÉSIDENCE ROYALE DÉLAISSÉE


Après l’union du Béarn et de la Navarre au royaume de France, le château de Pau perd peu à peu son statut de résidence royale et sera délaissé par les monarques français aux 17e et 18e siècles. Ses collections sont d’ailleurs rapatriées à Paris. Les gouverneurs successifs qui en ont la charge, tous, issus de la famille de Gramont, entretiennent, non sans difficultés, les lieux, qui subissent alors incendies et éboulements.


À la Révolution, le château échappe de peu à la démolition en mémoire du roi populaire qu’est Henri IV. Il est néanmoins transformé en caserne dès 1792, entraînant sa détérioration.


Si Napoléon 1er, de passage à Pau le 22 juillet 1808, imagine restaurer le château, finalement, ni lui, ni ses successeurs, Louis XVIII et Charles X, ne le feront. Son renouveau viendra au 19e avec la Monarchie de Juillet de Louis-Philippe (1830-1848) qui entreprend sa restauration complète.



LOUIS-PHILIPPE ET LE RENOUVEAU DU CHÂTEAU DE PAU


Louis-Philipe d’Orléans, issu de la branche cousine des Bourbon régnant jusqu’à la Restauration, monte sur le trône après la révolution de Juillet 1830. Désireux de légitimer son règne et sa dynastie, il décide de transformer le château de Pau en un lieu glorieux dédié à la mémoire du populaire Henri IV, son aïeul.



Les travaux, commencés en 1838, vont durer dix ans. Les façades sont embellies et l’intérieur est redécoré dans le style Renaissance. Il s’agit de redonner au château sa splendeur d’antan, tout en intégrant aux évocations historiques, la modernité de l’époque.



Côté ouest, Louis-Philippe ajoute une tour en écho à celle déjà existante du 14e siècle - la tour Mazères – avec pour projet de créer ici l’entrée principale de la résidence royale. Côté est, il fait bâtir une chapelle attenante à la tour Fébus.

Louis-Philippe ne résidera jamais à Pau, contraint à l’abdication puis l’exil en 1848. Les travaux continueront alors sous la IIe République (1848-1852) et le Second Empire de Napoléon III (1852-1870).


LE CHÂTEAU DE PAU, RÉSIDENCE IMPÉRIALE


Sous le Second Empire (1852-1870), Napoléon III poursuit les évolutions du château, notamment en détruisant l’aile Est pour y créer une entrée principale néo-Renaissance majestueuse. Car c’est désormais par la ville que l’on entre au château, comme c’est encore le cas aujourd’hui.