«JOYAUX DYNASTIQUES» À L’HÔTEL DE LA MARINE : AU CŒUR DU FASTE DES COURS EUROPÉENNES
- Igor Robinet-Slansky
- il y a 1 jour
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Alors que le vol spectaculaire de plusieurs bijoux de la Couronne au musée du Louvre, en octobre dernier, a rappelé combien ces pièces suscitent encore fascination et convoitise, l’Hôtel de la Marine renoue cet hiver avec sa propre histoire et expose, en toute sécurité, quelques-uns des joyaux les plus précieux du patrimoine européen.
À deux pas de la place de la Concorde, l’Hôtel de la Marine renoue cet hiver avec une part essentielle de son histoire : celle d’un lieu où furent conservés, inventoriés et exposés les joyaux de la Couronne. À partir du 10 décembre 2025, et jusqu’au 6 avril 2026, la Collection Al Thani présente l’exposition Joyaux dynastiques, réalisée avec le Victoria and Albert Museum de Londres : plus de 140 pièces exceptionnelles, dont beaucoup sont pour la première fois montrées en France, racontent trois siècles de pouvoir, de magnificence et de passions intimes autour de la joaillerie.
PIERRES PRÉCIEUSES : UN ÉCLAT DE POUVOIR
La première salle s’attache à ce que les cours européennes admiraient et convoitaient le plus : les gemmes. Diamants, émeraudes, saphirs… autant de pierres capables d’asseoir un pouvoir, d’éblouir une cour ou de raconter une lignée.
Autour des pièces mythiques que sont l’Étoile de Golconde (57,31 carats) ou la Briolette des Indes (90,38 carats), l’exposition révèle aussi des pierres liées à des figures de l’histoire de France. On y découvre notamment :
les topazes roses et les améthystes de l’Oural provenant des parures de l’impératrice Marie-Louise, seconde épouse de Napoléon Ier ;
un somptueux saphir bicolore issu des anciens joyaux de la Couronne, confisqués lors de la Révolution française ;
des pierres offertes par les gouvernements du XIXᵉ siècle aux musées scientifiques français, témoins du prestige attaché à ces gemmes.
En mêlant pierres légendaires et gemmes françaises au destin mouvementé, cette première salle dessine un panorama de la valeur symbolique que les souverains attribuaient aux minéraux - richesse, pouvoir, autorité, mais aussi beauté pure et fascination scientifique.
DIADÈMES EN MAJESTÉ: LES TIARES DES REINES ET DES DUCHESSES
Après le face-à-face avec les grandes pierres, on entre dans l’une des sections les plus spectaculaires de l’exposition : une galerie entièrement consacrée aux diadèmes. Onze pièces d’exception, du 19ᵉ au 20ᵉ siècle, y dessinent un véritable défilé de tiares, de l’époque napoléonienne aux audaces de l’Art déco.
Remis à la mode sous l’Empire, le diadème devient l’accessoire indispensable des apparitions officielles. Dans les vitrines, on suit l’évolution du goût à travers des pièces signées des plus grandes maisons européennes. Le diadème Leuchtenberg, attribué à Fossin et conservé dans les collections de Chaumet, mêle diamants et émeraudes dans un esprit naturaliste, héritier des parures de l’impératrice Joséphine.
La maison Cartier tient une place de choix dans ce parcours. Le diadème Manchester, commandé en 1903 par Consuelo, duchesse douairière de Manchester, illustre le fameux « style guirlande » : un enchevêtrement de volutes, de cœurs enflammés et de motifs inspirés de la ferronnerie française du 18ᵉ siècle, entièrement sertis de diamants. Quelques années plus tard, le diadème Beit, conçu pour Lilian, Lady Beit, affiche une dentelle de platine, de lauriers et de nœuds d’amour, symbole à la fois du triomphe et de la force du lien amoureux.
Plus loin, les diadèmes Bourbon-Parme prolongent ce récit dynastique. Celui aux fuchsias, créé par Chaumet en 1919 pour le mariage d’Hedwige de La Rochefoucauld avec le prince Sixte de Bourbon-Parme, impose par ses dimensions tout en gardant une légèreté très moderne, déjà proche de l’esthétique Art déco. Le diadème aux fleurs de lys, réalisé en 1937 pour le mariage de la princesse Marie-Françoise d’Italie, intègre des diamants issus de la famille royale italienne, rappelant combien ces bijoux sont aussi des concentrés de mémoire familiale et politique.
Dans cette salle, chaque diadème apparaît comme un portrait en creux de celle qui l’a porté : duchesses anglaises, princesses européennes, héritières cosmopolites. On ne regarde plus seulement une belle pièce de joaillerie : on devine une silhouette, une cérémonie, une entrée en scène sous les lumières des salons.
DYNASTIES ÉCLATANTES : BONAPARTE, ROMANOV, WINDSOR ET SECOND EMPIRE
Dans la partie centrale, l’exposition prend une dimension narrative, presque intime : elle réunit les bijoux portés, commandés ou offerts par certaines des figures les plus illustres de l’histoire européenne.
LES BONAPARTE: JOSÉPHINE ET MARIE-LOUISE
Les bijoux liés à la famille Bonaparte offrent un dialogue précieux entre deux impératrices :
Joséphine, dont on peut voir une broche en saphir, une paire de boucles d’oreilles et des ornements en cornaline typiques du goût impérial ;
Marie-Louise, immortalisée à travers des dessins et des pierres provenant de ses majestueuses parures d’améthystes et de diamants.
Ces pièces évoquent la naissance d’une esthétique napoléonienne où le bijou, au-delà de la parure, devient un outil de représentation politique et dynastique.
LES ROMANOV: CATHERINE II ET L’EMPIRE DES DIAMANTS
La section consacrée à la Russie impériale est l’une des plus impressionnantes. Les Romanov, célèbres pour leur faste, utilisaient les pierres comme un langage diplomatique. L’impératrice Catherine II est représentée par plusieurs pièces spectaculaires :
une broche fleur étincelante de rubis et de diamants ;
des ornements de robe entièrement sertis ;
une miniature la représentant, ornée d’émeraudes et de pierres fines.
Ces joyaux rappellent combien Catherine la Grande fit des gemmes un signe d’autorité et d’affirmation de son pouvoir souverain.
LA REINE VICTORIA: LE BIJOU COMME LANGAGE AMOUREUX
Moment fort de l’exposition: la réunion exceptionnelle de deux bijoux dessinés par le prince Albert pour son épouse, la reine Victoria.
la couronnette en saphirs et diamants (1840–1842), symbole de leur union ;
le diadème d’émeraudes (1845), offert cinq ans plus tard.
Ces pièces, d’une grande délicatesse, rappellent combien la joaillerie pouvait être un langage affectif autant que politique. Elles sont exposées près d’un portrait officiel de la souveraine, renforçant leur dimension intime et historique.
LES JOYAUX DU SECOND EMPIRE
La France du 19ᵉ siècle est également à l’honneur avec des pièces liées à Napoléon III et à son entourage.
La princesse Mathilde, cousine de l’Empereur et figure mondaine, est représentée par une broche en diamants en forme de rose, d’une ampleur exceptionnelle.
L’impératrice Eugénie, icône du style Second Empire, brille à travers des boucles d’oreilles et une célèbre broche plume de paon, sertie de saphirs, rubis, diamants et émeraudes.
Ces bijoux racontent une France impériale majestueuse, fascinée par la mode, les arts et la haute joaillerie.
LE 20ᵉ SIÈCLE : ENTRE MODERNITÉ ET NOUVEAUX COMMANDITAIRES
La dernière salle montre comment, avec le 20ᵉ siècle, les joyaux quittent progressivement les trésors royaux pour se retrouver entre les mains de nouveaux acteurs - industriels, héritières américaines, mécènes cosmopolites.
On y observe notamment :
le spectaculaire diadème Soleil de Cartier (1907), serti d’un diamant jaune;
quelques parures Art déco aux lignes géométriques : bracelets, broches, parures modernistes;
plusieurs créations inspirées de l’Inde ou du Moyen-Orient, témoignant de l’évolution du marché de la haute joaillerie.
La scénographie évoque un moment charnière où les bijoux cessent d’être les attributs exclusifs des souverains pour devenir les symboles d’un monde mondialisé, en pleine mutation.
MON AVIS
L’exposition prend tout son sens dans ce monument qui fut, de 1767 à la Révolution, le siège du Garde-Meuble de la Couronne, institution responsable du mobilier et des joyaux royaux. Cette exposition inédite continue ainsi de raconter la grande histoire à travers des objets d’une puissance esthétique extraordinaire, dans un lieu qui leur redonne toute leur magie.
« Joyaux dynastiques » est donc un vrai coup de cœur. Elle rassemble, en un seul lieu des pièces impériales rarement visibles, un dialogue inédit entre dynasties européennes, des gemmes légendaires et authentiques, et des bijoux portés par Joséphine, Marie-Louise, Catherine II, Victoria, Mathilde Bonaparte ou Eugénie.
INFORMATIONS PRATIQUES
Quoi ? « Joyaux dynastiques ». Une exposition exceptionnelle de plus de 140 bijoux royaux et impériaux présentés par la Collection Al Thani.
Quand ? Du 10 décembre 2025 au 6 avril 2026
Tous les jours 10h30–19h
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h30
Où ? Hôtel de la Marine
2 place de la Concorde, Paris 8e
(Métro Concorde / Madeleine)
Combien ? Billet Collection Al Thani: 13 €
Gratuit: –18 ans, 18–25 ans UE, 1er dimanche (janv–mars, nov–déc), personnes handicapées, demandeurs d’emploi, journalistes.
Plus d’informations sur le site de l’Hôtel de la Marine.



























































































