SUR LES HAUTEURS DU VAUCLUSE, LA BELLE RENAISSANCE DU CHÂTEAU DU BARROUX
- Igor Robinet-Slansky
- 21 juil.
- 7 min de lecture
Direction le Vaucluse. Là, à mi-chemin entre Carpentras et Vaison-la-Romaine, et à une trentaine de kilomètres d’Avignon, se dresse une silhouette imposante sur un piton rocheux : le château du Barroux. Perché à 360 mètres d’altitude, ce fier vaisseau de pierre domine un village plein de charme et veille sur la plaine du Comtat Venaissin avec, à l’horizon, la silhouette majestueuse du mont Ventoux.
Lors de mon dernier séjour dans le Vaucluse, j’ai exploré ce lieu chargé d’histoire. Et quel lieu ! Une ancienne forteresse médiévale transformée en résidence de plaisance à la Renaissance, ruinée à la Révolution, restaurée pierre à pierre après avoir été laissée à l’abandon au début du 20e siècle, puis incendiée pendant la Seconde Guerre mondiale… Le château du Barroux a connu toutes les gloires et toutes les blessures.
Intégralement restauré entre 1959 et 1990, il connaît depuis quelques années une nouvelle vie, grâce à la passion de ses propriétaires actuels, Fanny et Jean-Baptiste Vayson de Pradenne, qui l’ouvrent à la visite en 2021, et y ont même installé une distillerie artisanale. Où ils produisent un whisky local (l'abus d'alcool est dangereux pour la santé).
Le château du Barroux se dévoile aujourd’hui dans une visite aussi instructive qu’émouvante, entre architecture médiévale défensive, raffinement Renaissance, et vues à couper le souffle sur les environs… On peut même y admirer une collection exceptionnelle de fossiles préhistoriques régionaux, présentés ici comme les témoins séculaires d’un Vaucluse millénaire.
Suivez-moi derrière les murs de ce château aux mille vies, puis dans le charmant village qu’il domine.
L’HISTOIRE MOUVEMENTÉE ET LES MILLES VIES DU CHÂTEAU DU BARROUX (VAUCLUSE)
Avant d’arpenter les couloirs de pierre et les remparts du château, un retour sur son histoire s’impose. C’est au 11e siècle que l’on trouve les premières traces d’un poste de garde à cet emplacement stratégique, frontière naturelle entre la Provence et le Dauphiné. Mais c’est au 12e siècle que le premier château fort est érigé par les seigneurs des Baux. En surplomb de la plaine, il veille sur la région et se transmet ensuite de mains en mains au fil des siècles.
Au 13e siècle, il passe aux princes d’Orange, puis aux comtes de Toulouse, avant d’intégrer, en 1274, le Comtat Venaissin – cet État pontifical qui restera sous autorité papale jusqu’à la Révolution. En 1449, la famille de Peyre entre en possession du château, qui n’est encore qu’une tour protégée de murailles, avant de le céder en 1536 à la famille Rovigliasc, originaire d’Italie. Cette dernière le transforme profondément : tours, loggias, salons Renaissance… Le château devient alors une demeure noble raffinée, dans le goût de l’époque.
Mais les guerres de Religion rattrapent bientôt les lieux : en 1563, le château est livré aux protestants par Barthélémy Bellon, avant d’être repris la même année sans dommages par les troupes catholiques.
C’est ensuite la famille de Joannis, héritière des Rovigliasc en 1659, qui donne au château un nouvel élan. Entre 1680 et 1690, ils l’agrandissent, y ajoutent une cour intérieure, renforcent les défenses en créant des remparts à la manière de Vauban. Le Barroux devient alors à la fois une résidence d’apparat et une forteresse imprenable.
Après être devenu propriété de la famille de Moret en 1732, le château est occupé par les révolutionnaires en 1791. Saccagé, dégradé, pillé puis abandonné, le bâtiment sert de carrière de pierres aux habitants du coin pendant plus de 150 ans. Il faut attendre 1929 pour qu’un passionné, André Vayson de Pradenne, rachète les ruines à la famille Moret, et entreprenne sa reconstruction. Il meurt en 1939 sans avoir terminé son œuvre. Et l’histoire semble s’acharner : le 21 août 1944, les troupes allemandes incendient les lieux lors de leur retraite.
La renaissance du château s’amorce véritablement à partir de 1959, portée par le Dr Mouliérac Lamoureux, une femme médecin-militaire qui tombe amoureuse des lieux et fait du château « son plus grand malade ». Jusqu’en 1990, elle travaillera à redonner à l’édifice sa grandeur et sa beauté. La famille Vayson de Pradenne, toujours propriétaire, l’accompagnera puis prendra le relais. Grâce à leurs efforts, le château retrouve peu à peu son allure et, en 2021, il est ouvert au public par Fanny et Jean-Baptiste Vayson de Pradenne. Un nouveau chapitre s’écrit désormais entre patrimoine, transmission, et même… distillation artisanale où sont aujourd’hui produits des whisky locaux de haute qualité.
LA VISITE DU CHÂTEAU DU BARROUX : UN PARCOURS IMMERSIF DANS L’HISTOIRE
Visiter le château du Barroux, c’est parcourir près de 9 siècles d’histoire grâce à la passion et aux rénovation menées par les propriétaires successifs, jusqu’à aujourd’hui.
LA COUR D’HONNEUR
La visite commence par la majestueuse cour d’honneur, au pied de la façade principale du château. De là, on peut mieux comprendre l’évolution de l’architecture de ce monument composite : donjon carré, tours d’angles défensives, chemin de ronde, corbeaux - support de pierre ou de bois en sailli servant à soutenir corniches, balcons ou, ici, mâchicoulis…
LE GRAND ESCALIER
Depuis la cour d'honneur, on gagne le donjon où se trouve le grand escalier en pierre. Celui-ci a été reconstruit dans les années 1930 par un ouvrier italien, Laurent Monchieri, qui s’inspirera de l’escalier d’origine restant dans la tour des gardes – et qui laissera ses initiales au niveau du dernier palier : saurez-vous le retrouver ?
Le grand escalier donne accès aux étages nobles.
LA GALERIE DES SEIGNEURS
Ici se trouve la seule cheminée d’origine qui n’ait pas été démontée à la Révolution. Une frise présente également l’histoire et les grandes dates du château, et on peut aussi observer des photos avant rénovation en 1929.
LA SALLE DES AUDIENCES ET LA SALLE DE LA GARENNE
La salle des Audiences est la première à avoir été restaurée après l’incendie de 1944. On y trouve des latrines, et elle ouvre sur la Loggia qui date, elle, des années 1930. Avec la salle de la Garenne attenante, la salle des Audiences présente une exposition inattendue mais captivante : celle des fossiles provençaux de la collection de Luc et Édith Ebbo, fondateurs de la Paléogalerie, à Salignac dans les Alpes-de-Haute-Provence. Un musée associatif conçu pour sensibiliser le grand public au patrimoine paléontologique local.
Les nombreux fossiles du Barroux sont présentés en dialogue avec les œuvres de l’artiste contemporaine et animalière Sandrot. On y découvre des scènes saisissantes de chasse entre reptiles marins, des squelettes fossilisés impressionnants, mais aussi un spectaculaire mur de douze mètres tapissé de plus de 300 ammonites. Les peintures grandeur nature de créatures préhistoriques par Sandrot ajoutent une dimension poétique et immersive à l’ensemble. Un mariage réussi entre science et art, qui offre aux visiteurs une plongée visuelle et sensorielle dans un monde disparu - surprenant et totalement fascinant dans ce décor de pierre.
LA SALLE DU PARLEMENT ET LES SALONS RÉNOVÉS
La visite se poursuit dans la salle du Parlement et d’autres espaces récemment restaurés. La salle du parlement, ancien espace de réception, accueille depuis 2022 des ateliers et des dégustations autour du whisky produit au château.
D’autres pièces rénovées nous laissent imaginer la vie ici au 17e siècle. On accède aussi, en reprenant le grand escalier, à la salle d’exposition Paul Vayson. Elle tient son nom de Paul Vayson (1841-1911), père d’André Vayson de Pradenne qui rachètera le château en 1929. Ingénieur, Président de la société préhistorique française, Conseiller général du Canton de Gordes… Paul Vayson est aussi un peintre reconnu pour ses paysages provençaux.
LES TERRASSES, LES REMPARTS ET LA VUE SUR LE MONT VENTOUX
La visite se poursuit sous les arcades de la Loggia, d’où un passage mène aux terrasses et aux remparts – que l’on gagne par l’escalier de la Tour des Gardes. Depuis la terrasse supérieure, on peut mieux voir la façade du château et la cour d’honneur, mais aussi les fortifications à la Vauban en contrebas. Enfin, quel panorama ! À perte de vue, les oliviers, les cyprès, les vignes et la silhouette du Ventoux en toile de fond.
On redescend alors par l’escalier de la Tour Nord-Ouest, jusque vers les salles basses.
LES SALLES BASSES ET LES CAVES
Les salles basses, anciennes caves voûtées, sont aujourd’hui utilisées pour l’activité de distillerie. L’odeur du bois et de la pierre humide rappelle que le château est encore bien vivant.
LA CHAPELLE NOTRE-DAME-DE-LA-BRUNE
La visite s’achève en beauté dans la cour de la chapelle, puis dans la chapelle Notre-Dame-de-la-Brune. Bâtie par les Rovigliasc à la fin du 16e siècle, elle était en restauration lors de ma visite.
Elle conserve de remarquables fresques des 16e au 19e siècles relatant la vie de la Vierge, ainsi qu’une émouvante statue de Vierge noire qui lui a donné son nom, rare témoignage d’une dévotion locale ancienne aux madones noires.
On raconte que lorsque les Protestants ont pris le château du Barroux en 1563,pendant les guerres de religions, ils auraient jeté la statue de la Vierge noire dans les flammes… dont elle aurait miraculeusement réchappé, intacte. Cette légende donnera naissance à de nombreux pèlerinages dès le 17e siècle.
Silence, lumière tamisée, peinture murale encore en cours de dégagement… l’atmosphère est saisissante.
AUTOUR DU CHÂTEAU DU BARROUX : LE VILLAGE DU BARROUX
Après la visite du château, ne repartez pas sans avoir flâné dans les ruelles du village du Barroux, blotti au pied de la forteresse. Rues pavées, volets bleus, l'ancien hôpital, les places ombragées et les fontaines anciennes composent une carte postale provençale parfaite. L’église Saint-Jean-Baptiste, édifiée au 12e siècle et remaniée aux 17e et 19e siècles, mérite un détour.
MON AVIS : UNE VISITE ENTRE CIEL ET PIERRE
J’ai été conquis par cette visite. Le château du Barroux ne joue pas la carte du spectaculaire ou du tout-reconstitué. Il mise sur l’authenticité, la sobriété et l’intelligence du propos. On y sent le poids de l’histoire, mais aussi l’engagement de ceux qui, depuis près d’un siècle, se battent pour le préserver. La scénographie, encore en évolution, laisse de la place à l’imagination. Et la vue, omniprésente, couronne le tout.
Si vous passez dans le Vaucluse, ne manquez pas cette étape. À la croisée des paysages provençaux, de l’histoire médiévale et de la Renaissance, le château du Barroux est une pépite trop peu connue à découvrir absolument.
INFORMATIONS PRATIQUES
Quoi ? Le château du Barroux
Où ? La Garenne - 84330 Le Barroux
Quand ? Le château est ouvert toute l’année sauf en janvier et février
De mai à fin septembre : 10h00-18h00
Combien ? 9,50€ tarif plein – 4,50€ enfant – tarif famille disponible
Toutes les informations et réservations sur le site du château du Barroux.
Commentaires