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EXPOSITION « LE MYSTÈRE CLÉOPÂTRE » : L’INSTITUT DU MONDE ARABE REDONNE VOIX À LA DERNIÈRE REINE D’ÉGYPTE

Exposition 'Le Mystère Cléopâtre', IMA
Cléopâtre essayant des poisons sur sur des condamnés à mort, Alexandre Cabanel, 1883

Du 11 juin 2025 au 11 janvier 2026, l’Institut du Monde Arabe (IMA), à Paris, présente une exposition d’envergure, aussi inédite que fascinante : Le mystère Cléopâtre.

 

À travers plus de 350 œuvres - objets archéologiques, archives, peintures, sculptures, films, et dispositifs interactifs (un partenariat avec Ubisoft reconstitue virtuellement la ville d’Alexandrie) -, l’exposition explore l’histoire et les légendes de Cléopâtre VII, dernière souveraine d’Égypte, femme d’État éclairée, amante stratège, devenue icône planétaire. Une plongée érudite dans les strates d’un mythe universel façonné par les siècles : celui de celle que l’on appelle simplement Cléopâtre, l’une des personnalités historiques les plus célèbres, pourtant souvent méconnue, en réalité.



Mais qui était réellement Cléopâtre ? Une femme de pouvoir injustement réduite à sa séduction ? Une redoutable stratège politique ? Une figure de résistance aux empires de l’Antiquité ? Et d’ailleurs, est-elle réellement morte ? L’exposition ne prétend pas tout résoudre, mais elle éclaire les zones d’ombre, déconstruit les légendes, et nous invite à repenser l’image d’une femme que l’Histoire a souvent préférée muette.

 

CLÉOPÂTRE : COURTE BIOGRAPHIE, ENTRE HISTOIRE ET LÉGENDES

 

Cléopâtre VII Philopator naît à Alexandrie en 69 avant notre ère. Héritière de la dynastie grecque des Ptolémées, fondée après la mort d’Alexandre le Grand, elle grandit dans une cour polyglotte, pétrie de culture grecque autant qu’égyptienne.


À la mort de son père, Ptolémée XII, elle accède au trône à 17 ans, aux côtés de son jeune frère et époux, Ptolémée XIII. Très vite, une lutte fratricide s’engage, sur fond de crise dynastique et de pressions romaines. C’est dans ce contexte que Cléopâtre parvient à rencontrer Jules César, selon la légende, dissimulée dans un tapis. Elle séduit le général romain autant par son intelligence politique que par son audace, et le convainc de la réinstaller sur le trône. De leur alliance naît un fils, Césarion, que Cléopâtre élève dans l’espoir d’un avenir impérial.



Deux ans plus tard, la reine se rend à Rome, escortée de toute sa cour. Sa présence, somptuaire et provocante, scandalise les sénateurs. Certains y voient une menace à la République. Après l’assassinat de César en 44 av. J.-C., Cléopâtre regagne Alexandrie. Elle y poursuit son règne en cheffe d’État avisée, jusqu’à une nouvelle alliance stratégique : celle qui la lie à Marc Antoine, lieutenant de César et rival d’Octave – également nommé Auguste, ce dernier est le petit-neveu par adoption du défunt chef romain, et prétend, lui aussi, à sa succession ; il deviendra le premier empereur romain en 27 av. J.C.


 

La rencontre entre Cléopâtre et Marc-Antoine à Tarse, en 41 av. J.-C., marque le début d’une union politique et amoureuse. Ensemble, ils règnent sur l’Orient romain, provoquant l’ire du Sénat. Cléopâtre donne à Marc Antoine trois enfants et renforce son pouvoir. Mais la rupture est consommée avec Rome. En 31 av. J.-C., après la défaite d’Actium, l’armée d’Octave entre à Alexandrie. Cléopâtre et Marc Antoine choisissent de se donner la mort. Par son suicide, la reine refuse l’humiliation de la captivité et met fin à la dynastie des Ptolémées.

 

Polyglotte, cultivée, Cléopâtre règnera sur un royaume d’une immense richesse. Elle restaure les temples, réforme la monnaie, soutient l’agriculture et contrôle les routes du commerce entre l’Afrique, l’Asie et la Méditerranée. Sa politique s’appuie sur une subtile alliance entre héritage pharaonique et influence grecque. Mais sa mémoire sera noircie par ses vainqueurs. Les auteurs romains - Plutarque, Horace, Virgile - la réduisent à une femme fatale, lascive et manipulatrice, responsable de la chute de Marc Antoine.



Ce récit s’oppose aux sources égyptiennes et arabes médiévales, qui font d’elle une reine savante, bâtisseuse et protectrice de son peuple. À la Renaissance, puis à l’époque romantique, elle devient un fantasme oriental, une héroïne tragique ou une séductrice exotique, selon les modes du temps. Le cinéma en fera une star absolue, de Theda Bara à Liz Taylor, et sa silhouette se retrouvera jusque dans les produits de beauté et les publicités. Mythe polymorphe, elle incarne désormais aussi bien l’émancipation féminine que la résistance aux dominations.


 

LE MYSTÈRE CLÉOPÂTRE, UNE EXPOSITION EN QUATRE TEMPS

 

L’exposition Le mystère Cléopâtre suit un parcours clair et structuré en quatre sections principales, chacune nourrie d’œuvres d’art, d’objets archéologiques, de dispositifs sonores et visuels.

 

1. L’HISTOIRE – CLÉOPÂTRE, CHEFFE D’ÉTAT

 

La première partie restitue la Cléopâtre historique, bien loin des fantasmes. On y découvre la complexité de son règne :  ses choix politiques, ses alliances avec César et Marc Antoine, ses enfants, son engagement dans les affaires religieuses et économiques de l’Égypte. Des monnaies à son effigie, des bas-reliefs, des bustes, des objets précieux, rappellent qu’elle fut avant tout une dirigeante habile, soucieuse de préserver l’indépendance relative de son royaume face à la toute-puissance romaine.



Dès les premières salles, l’exposition s’attache à rétablir les faits : avant d’être une icône ou un fantasme, Cléopâtre fut une reine. Dernière souveraine de la dynastie des Ptolémées, elle gouverne l’Égypte entre 51 et 30 avant notre ère dans un contexte géopolitique tendu, marqué par la montée en puissance de Rome et les luttes de pouvoir internes.

 

Loin de l’image d’une séductrice passive, Cléopâtre se révèle ici comme une stratège avisée. Elle choisit ses alliances, négocie avec Jules César, puis avec Marc Antoine, non par amour romantique mais pour préserver l’indépendance de son royaume. Elle s’efforce de maintenir l’équilibre entre la culture grecque et les traditions égyptiennes, dont elle se revendique pleinement : elle se fait représenter en Pharaon, restaure les temples, et participe activement aux rituels religieux.

 

L’exposition présente de nombreuses pièces archéologiques témoignant de cette posture politique : monnaies frappées à son effigie, bas-reliefs, sculptures, objets précieux, stèles bilingues grecques et hiéroglyphiques… autant de preuves matérielles d’un pouvoir assumé, autant de messages adressés à ses contemporains, Égyptiens comme étrangers. En replaçant Cléopâtre dans son époque, le parcours déconstruit les anachronismes, et rappelle qu’avant de devenir légende, elle fut une souveraine active, présente sur tous les fronts du pouvoir.


 

2. LA LÉGENDE DE CLÉOPÂTRE, ENTRE PROPAGANDE ET FANTASME

 

Ici, l’exposition déconstruit les récits hostiles venus de Rome, qui ont largement contribué à forger la légende noire de Cléopâtre. À l’inverse, les sources orientales et arabes du Moyen Âge la présentent comme une femme d’exception, bâtisseuse de murailles, mécène et philosophe. Les caricatures sexuelles côtoient les représentations idéalisées, illustrant la manière dont Cléopâtre a été instrumentalisée par les discours politiques de chaque époque.

 

Ici, l’exposition éclaire la manière dont le mythe de Cléopâtre a été façonnée au fil des siècles. Dès sa mort tragique en 30 av. J.-C., les auteurs proches d’Octave, futur empereur Auguste, orchestrent une véritable légende noire : poèmes, chroniques et caricatures la présentent comme une reine démente, assoiffée de pouvoir et de plaisirs, cause supposée de la chute de Marc Antoine. Cette campagne visait aussi à discréditer son fils Césarion, perçu comme un rival potentiel à Rome.



Mais cette vision ne fait pas l’unanimité. L’exposition rappelle qu’en Égypte et dans le monde arabe médiéval, Cléopâtre est restée une figure positive : une femme érudite, bâtisseuse, protectrice du peuple. Les auteurs coptes et arabes du Moyen Âge lui attribuent des qualités d’architecte, de philosophe, d’alchimiste, voire de résistante face à l’envahisseur romain.

 

Enfin, à partir de la Renaissance, et tout au long de l’époque moderne, Cléopâtre devient l’héroïne d’un imaginaire occidental nourri de fantasmes et de projections : Littérature, peinture, sculpture, opéra… redonnent à Cléopâtre un éclat tantôt noble, tantôt fantasmatique. Tour à tour séductrice fatale, tentatrice biblique, reine orientale ou héroïne tragique, elle devient le miroir de l’imaginaire occidental sur l’Orient.

 


Dans ce jeu d’images multiples, une œuvre contemporaine saisit particulièrement l’attention : About 2 inches long de l’artiste gréco-égyptienne Esmeralda Kosmatopoulos. Une série de petits nez sculptés en marbre sont alignés sur un mur doré, en référence directe à la fameuse formule de Pascal : « Le nez de Cléopâtre : s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé. » Cette phrase, qui suggère qu’un détail physique aurait pu infléchir le destin du monde, illustre à quel point l’histoire de Cléopâtre a été réduite à son apparence, et à ses qualités de séductrices – on dit aussi que c’est une référence au nez des Bourbons régnant sur la France, Louis XIV e tête : un nez proéminent étant alors symbole de puissance. En multipliant ces fragments anonymes, l’artiste déconstruit cette légende aussi absurde que persistante, pour mieux rappeler la force de la femme d’État oubliée derrière le mythe.


 

3. LE MYTHE CLÉOPÂTRE : THÉÂTRE, OPÉRA, CINÉMA, BANDE DESSINÉE

 

L’exposition consacre une large section à la façon dont Cléopâtre est devenue, à partir du 19e siècle et jusqu’à aujourd’hui, un mythe visuel et narratif, réinterprété par le théâtre, la littérature, l’opéra, le cinéma, la bande dessinée… jusqu’à la publicité.


Au 19e siècle, la redécouverte archéologique de l’Égypte inspire peintres, costumiers et décorateurs. L’égyptomanie remplace les tenues grecques par des ornements plus orientalisants. Sarah Bernhardt, drapée de voiles et de bijoux « exotiques », façonne un archétype qui marquera durablement l’imaginaire. Dans Antoine et Cléopâtre (1607) de Shakespeare, elle incarne l’héroïne déchirée entre passion et honneur, raison d’État et amour fatal. Le théâtre devient alors un laboratoire visuel du mythe de Cléopâtre à la frontière du savant et du spectaculaire.



Mais c’est au 20e siècle, avec le cinéma, que la « Cléomania » atteint son apogée. Dès 1899, Méliès la filme sous forme de momie ressuscitée. Puis vient Theda Bara en 1917 – dont le nom d’artiste, anagramme d’«Arab Death», en dit long sur les fantasmes projetés sur la reine.

 

Hollywood s’empare du personnage avec faste et excès : Claudette Colbert, Vivien Leigh, Sophia Loren, puis bien sûr Liz Taylor en 1963. Cette dernière incarne une Cléopâtre somptueuse, libre et glamour, dans un péplum monumental signé Mankiewicz, dont la démesure fera date. La coiffure, l’eye-liner, les décors : tout devient code. Le cinéma fixe une image aussi mythique qu’anachronique, entre star-system et design.



L’exposition rappelle que cette Cléopâtre de cinéma a été déclinée à l’infini. Parodies, téléfilms, dessins animés, films érotiques : plus de 220 œuvres audiovisuelles s’en emparent entre 1963 et 2023. Une Cléopâtre pour tous les genres, toutes les cultures, tous les marchés.

 

La bande dessinée n’est pas en reste : dès 1965, Goscinny et Uderzo s’amusent des clichés dans Astérix et Cléopâtre, parodiant directement l’affiche du film de Mankiewicz. Plus récemment, des BD plus sérieuses, comme Cléopâtre, la reine fatale de Gloris et Mouclier, ou les mangas d’Osamu Tezuka, explorent sa vie avec plus de nuances, mais toujours dans une veine mythologique.



Enfin, l’exposition souligne la puissance commerciale de cette icône universelle. Cléopâtre est devenue une marque : plus de 1500 noms déposés dans le monde, des savons aux cigarettes, du riz aux huiles, des tatouages aux produits de beauté. À travers les publicités, elle incarne tour à tour la beauté éternelle, l’exotisme séduisant ou la sensualité indomptable. Entre érotisme kitsch et glamour égyptisant, son image stéréotypée continue de faire vendre, jusqu’à brouiller toute connaissance historique. Une reine devenue produit, une icône plus célèbre que son histoire, une légende désormais consommable.

 

4. CLÉOPÂTRE, UNE ICÔNE CONTEMPORAINE

 

Dernière étape du parcours, l’exposition interroge la postérité contemporaine de Cléopâtre, figure mythique qui continue de fasciner, d’inspirer, mais aussi d’être récupérée. Depuis le film de 1963, son image a dépassé les sphères historiques ou artistiques : elle est partout. Son nom et son effigie ornent des centaines de marques, des savons aux huiles d’olive, des shampoings aux produits exotiques, des paquets de riz aux tatouages. Elle est à la fois muse, modèle, logo, archétype.

 

La Cléopâtre du XXIe siècle est un symbole ambivalent. Elle incarne à la fois la beauté intemporelle, la sensualité orientale, l’intelligence politique… mais aussi l’icône féminine de la résistance, de l’indépendance, du pouvoir. Elle inspire autant les campagnes de mode que les figures de l’empowerment. Cette surexposition, bien que flatteuse en apparence, brouille souvent les repères : entre la reine historique et sa version médiatisée, la confusion est presque totale.



L’exposition montre combien cette réappropriation s’inscrit dans une culture mondialisée, où chaque pays projette ses propres fantasmes sur l’ancienne souveraine. De la France aux Philippines, de la Russie aux États-Unis, Cléopâtre est utilisée pour vendre, séduire, incarner… mais rarement pour informer. Le mythe écrase la réalité. La femme d’État disparaît derrière la silhouette stylisée, le regard charbonneux, le profil devenu logo.

 

Cléopâtre devient ainsi une énigme contemporaine : célébrée pour sa puissance, mais vidée de sa complexité. Toujours vivante, mais presque méconnaissable. L’exposition referme ainsi son parcours sur une réflexion ouverte  : et si l’on rendait enfin à Cléopâtre non pas son nez… mais sa voix ?

 

En refermant les portes de l’exposition Le mystère Cléopâtre, le mystère, justement, n’est pas tout à fait levé. Mais Cléopâtre, la véritable, celle des textes et des objets, s’est frayé un passage à travers les masques de la légende. Elle apparaît enfin dans toute sa complexité : ni uniquement séductrice ni uniquement souveraine, mais les deux à la fois – une femme de son temps, intemporelle.

 

L’INSTITUT DU MONDE ARABE : UN PONT ENTRE LES CULTURES

 

Fondé en 1980, l’Institut du Monde Arabe œuvre à faire connaître et comprendre la culture arabe dans toute sa diversité, à travers des expositions, des conférences, des concerts et des publications. En présentant Le mystère Cléopâtre, l’IMA s’inscrit pleinement dans sa mission : déconstruire les stéréotypes, interroger les héritages communs entre Orient et Occident, et rendre justice à une figure historique que l’Histoire a souvent travestie.

 


MON AVIS

 

L’une des forces de l’exposition réside dans sa scénographie immersive. Entre les bustes en basalte, les objets liturgiques, les extraits de films, les œuvres d’art… on navigue entre fascination antique et fantasmes modernes. Le parcours, fluide et très pédagogique, propose aussi un focus étonnant : la visite virtuelle d’Alexandrie réalisée à partir du jeu vidéo Assassin’s Creed Origins d’Ubisoft. Une prouesse technologique qui, loin de détonner, donne chair à une cité disparue.

  

INFORMATIONS PRATIQUES


  • Quoi ? « Le Mystère Cléopâtre »

  • Où ? Institut du Monde Arabe

    1, rue des Fossés-Saint-Bernard

    Place Mohammed V – 75005 Paris

  • Quand ? Du 11 juin 2025 au 11 janvier 2026

    • Juillet / août 2025

      Mardi, jeudi, vendredi : 11h - 19h / Mercredi : 11h - 21h30 (nocturne)

      Samedi : 11h - 20h / Dimanche : 11h -19h

    • A partir du 1er septembre 2025

      Mardi, jeudi, vendredi : 10h - 18h / Mercredi : 10h - 21h30 (nocturne)

      Samedi : 10h - 20h / Dimanche : 10h - 19h

    • Fermé le lundi

  • Combien? Plein tarif : 15€ / réduit : 13€ / -26 ans : 7€

    Familles (2 adultes/2 enfants) : 34 € / -12 ans gratuit

 

Plus d’informations sur le site de l’Institut du Monde Arabe

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