EXPOSITION : « MAXIMILIEN LUCE, L’INSTINCT DU PAYSAGE », UNE RÉTROSPECTIVE LUMINEUSE AU MUSÉE DE MONTMARTRE
- Igor Robinet-Slansky
- il y a 4 jours
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Exposition « Maximilien Luce (1858–1941), L’instinct du paysage » – Musée de Montmartre, Paris – du 21 mars au 14 septembre 2025

À travers une centaine d’œuvres issues de collections publiques et privées, l’exposition « Maximilien Luce (1858–1941), L’instinct du paysage » invite à redécouvrir l’un des grands oubliés de la peinture française moderne. Présentée dans le cadre intimiste du musée de Montmartre – à deux pas de l’atelier qu’occupa l’artiste rue Cortot – cette rétrospective exceptionnelle dévoile toute la richesse d’un peintre profondément indépendant, engagé et sensible, pour qui le paysage fut bien plus qu’un décor : un révélateur de lumière, d’émotion, et d’humanité.
Membre actif du courant néo-impressionniste, Maximilien Luce adopte dès les années 1880 la technique divisionniste de Seurat et Signac, qu’il adapte au fil du temps avec une grande liberté, allégeant la rigueur scientifique pour mieux rendre les variations de la lumière naturelle, les clairs-obscurs des soirées urbaines, les reflets vibrants de la Seine ou les paysages industriels chargés de suie et d’effort. Sa peinture, habitée par la vie moderne, n’oppose jamais nature et travail, campagne et faubourgs, mais en révèle au contraire les tensions et les beautés secrètes.
Conçue en partenariat avec le musée de l’Hôtel-Dieu de Mantes-la-Jolie – dépositaire de la plus vaste collection Luce en France – et enrichie de prêts majeurs des musées d’Orsay, Carnavalet ou Lambinet (Versailles), l’exposition Maximilien Luce propose une rétrospective retraçant l’ensemble du parcours de l’artiste, de ses débuts à Montmartre aux grandes scènes ouvrières parisiennes, de la Bretagne aux rives industrielles de Belgique, jusqu’aux paysages apaisés de Rolleboise, sa maison de campagne et ultime retraite d’un peintre fidèle à sa vision du monde : fraternelle, lumineuse, et intensément poétique.
À PROPOS DE LA TECHNIQUE DIVISIONNISTE
Le divisionnisme, aussi appelé pointillisme (même si c’est un peu réducteur), est une technique picturale développée à la fin du 19e siècle par des artistes comme Georges Seurat et Paul Signac, et adoptée ensuite par d'autres peintres comme Maximilien Luce.
Plutôt que de mélanger les couleurs sur la palette, les artistes appliquent de petites touches ou points de couleurs pures directement sur la toile. C’est l’œil du spectateur, à distance, qui recompose les teintes. Par exemple, au lieu de peindre du vert en mélangeant du bleu et du jaune, le peintre place des points bleus et jaunes côte à côte. Le cerveau perçoit une teinte verte, souvent plus vibrante qu’un vert mélangé sur la palette.
Une base scientifique
Cette méthode s’appuie sur les théories optiques et colorimétriques du 19e siècle, notamment celles du chimiste Michel-Eugène Chevreul, qui a montré que les couleurs influencent leur perception mutuelle par contraste ou complémentarité.
L’objectif :
Créer une lumière plus intense et une couleur plus pure
Donner un éclat particulier à la peinture
Structurer la toile avec une rigueur presque mathématique
Chez Maximilien Luce
Maximilien Luce adopte le divisionnisme dès les années 1880, mais il s’en détache progressivement. Il conserve les principes de juxtaposition de couleurs, mais assouplit le geste, rendant sa peinture plus fluide, plus personnelle, moins systématique que chez Seurat. Son usage du divisionnisme devient un outil d’expression sensible, au service de la lumière, des atmosphères et des scènes de la vie moderne.
MAXIMILIEN LUCE : ARTISTE INDÉPENDANT ET MILITANT
Né à Paris en 1858 dans un milieu ouvrier, Maximilien Luce s’initie très tôt au dessin et à la gravure, avant de suivre des cours à l’Académie Suisse et dans l’atelier du peintre Carolus-Duran. Refusé au Salon officiel, il opte dès ses débuts pour une carrière indépendante, exposant en 1887 à la Société des Artistes Indépendants. Soutenu par Seurat, Signac et Pissarro, il devient l’un des piliers du néo-impressionnisme.
Militant anarchiste, illustrateur engagé, emprisonné en 1894, Luce ne dissocie jamais l’art de ses convictions sociales. Mais c’est surtout dans sa peinture qu’il déploie un regard profondément humain, attentif aux paysages traversés par les luttes, le travail, la nature, ou la lumière changeante des saisons. Jusqu’à sa mort en 1941, il reste fidèle à une approche sensible, directe et exigeante, faisant de lui un « dernier impressionniste », respecté mais encore trop méconnu.
EXPOSITION MAXIMILIEN LUCE : UNE VISITE EN 10 TEMPS
Présentée au sein de l’hôtel Demarne – bâtisse du 17e et 18e siècle qui borde le jardin du musée -, l’exposition Maximilien Luce s’articule en 10 sections rétrospectives de l’œuvre de l'artiste.
1. Maximilien Luce, un indépendant
Le parcours s’ouvre sur les débuts du peintre, entre gravure et peinture. Refusant les circuits officiels, Luce rejoint très jeune les cercles anarchistes et artistiques d’avant-garde. Son adhésion à la Société des Artistes Indépendants marque le début d’un engagement pour une création libre, sans jury ni hiérarchie, qu’il prolongera jusqu’à sa présidence en 1935. Une série d’œuvres illustre son apprentissage et ses premières influences, de Lançon à Seurat -avec des portraits des peintres et amis artistes de son entourage. On observe ici aussi la première peinture qu’il présentera au Salon des Indépendants.
2. Montmartre, rue Cortot
C’est à deux pas du musée actuel que Maximilien Luce vécut de 1887 à 1899. Ses premières vues de la Butte témoignent d’une évolution stylistique: abandon des teintes sombres au profit de la lumière et des couleurs de la technique divisionniste. Le quotidien intime et familial y trouve aussi sa place: compagne, enfants, intérieur. Une immersion sensible dans la Montmartre des artistes.
3. Mazas, Luce “dangereux anarchistes”
En 1894, Luce est arrêté après une vague d’attentats anarchistes. Il est incarcéré 42 jours à la prison Mazas. Plutôt que l’abattement, il en tire une série de dessins rares, intimes et introspectifs, publiés plus tard dans l’album Mazas. Ce chapitre offre un témoignage fort sur l’enfermement et la résistance intérieure par l’art.
4. Paris, Luce le “Parisien au cœur fidèle”
Luce ne cessa jamais de peindre Paris : ses quais, ses ponts, ses couchers de soleil sur la Seine, mais aussi ses faubourgs et sa banlieue. Grâce à sa maîtrise des teintes violacées et à la touche néo-impressionniste, ses vues nocturnes scintillent comme autant de poèmes visuels à la gloire de la Ville Lumière.
5. Paris, le “faubourien et le peuple d’ouvriers”
Luce observe Paris en mutation : les grands chantiers haussmanniens, le métropolitain, les ouvriers à l’œuvre. Ses toiles monumentales, comme Les Batteurs de pieux, allient observation sociale et ambition picturale. Plus qu’un peintre de la ville, Luce est un témoin du labeur urbain, qu’il traite avec respect et sensibilité.
6. Province, un “voyageur véridique”
Le peintre sillonne la France : Normandie, Bourgogne, Bretagne... Les paysages ruraux remplacent les monuments. Sa palette se fait plus douce, ses compositions plus contemplatives. À travers champs, vergers et côtes escarpées, Maximilien Luce poursuit sa quête d’un paysage habité, attentif aux nuances et aux ciels changeants.
7. Saint-Tropez, couleurs du Midi
Invité par son ami Signac, Maximilien Luce découvre la lumière du Sud à Saint-Tropez. Les pins, les rochers et les ciels azur forcent le peintre du Nord à composer avec des contrastes plus vifs. Le résultat? Des œuvres éclatantes, riches de couleurs et d’énergie, complétées ici par un rare ensemble de céramiques décoratives.
8. Belgique, le choc du Pays-Noir
À Charleroi, en Belgique, Maximilien Luce affronte un paysage industriel oppressant: mines, terrils, fumées. Bouleversé. Il transcrit cette dureté dans une série impressionnante de toiles. C’est un tournant: la peinture se fait plus dramatique, plus sombre, mais aussi plus engagée. Une page forte du parcours.
9. Londres et Rotterdam, lueurs néo-impressionnistes
Dans ces villes portuaires, Maximilien Luce retrouve les brumes qu’il aime tant peindre. À Londres comme à Rotterdam, il capte les reflets, les brouillards, la poésie des quais. Il rend hommage à la peinture hollandaise classique tout en maintenant sa touche personnelle.
10. Rolleboise, la consécration du “père Luce”
Dernier port d’attache : Rolleboise, au bord de la Seine, dans les Yvelines. C’est là que Maximilien Luce pose ses valises à partir de 1922. Il y trouve paix et inspiration. Les œuvres exposées ici sont les plus apaisées de sa carrière, presque contemplatives. Le paysage y devient essence même de la peinture.
MON AVIS
Cette rétrospective est un véritable hommage à un peintre injustement sous-estimé, l’un des grands noms du néo-impressionnisme français que l’on prend plaisir à découvrir ou redécouvrir dans toute sa richesse et sa diversité.
Maximilien Luce n’a jamais cessé d’explorer le monde qui l’entourait avec sincérité. Qu’il peigne une aciérie belge ou les reflets d’un bras de Seine, il y cherche toujours la lumière.
Installée dans le quartier même qui l’a vu s’épanouir, l’exposition du musée de Montmartre bénéficie d’un contexte unique, intime et chargé d’histoire.
A ne pas manquer !
INFROMATIONS PRATIQUES
Quoi ? « Maximilien Luce (1858–1941), L’instinct du paysage »
Où ? Musée de Montmartre, Paris
12, rue Cortot – 75018 Paris
Quand ? Du 21 mars au 14 septembre 2025
Tous les jours: de 10h à 18h d’octobre à mi-mars
de 10h à 19h de mi-mars à septembre
Combien ? Plein tarif : 15 € / 18-25 ans : 10 € / 10-17 ans : 8 €
Gratuit pour les - de 10 ans / Personnes à mobilité réduite : 10 €
Tarif enseignant : 10 €
Informations et réservations sur le site du musée de Montmartre.