EXPOSITION : ROBERT DOISNEAU. INSTANTS DONNÉS… ET SUSPENDUS AU MUSÉE MAILLOL
- Igor Robinet-Slansky
- il y a 2 jours
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On connaît ses amoureux de l’Hôtel de Ville, ses écoliers blagueurs et ses ouvriers saisis à la pause déjeuner… mais cela faisait longtemps que Paris ne lui avait pas rendu hommage : poète de l’instant et humaniste de l’image, Robert Doisneau (1912-1994) fait aujourd’hui l’objet d’une rétrospective sensible et lumineuse au musée Maillol à travers l’exposition Robert Doisneau. Instants donnés, jusqu’au 15 septembre 2025.
Une plongée dans les coulisses d’un regard libre, qui a su capter la tendresse comme la gravité du Paris populaire d’après-guerre et de sa banlieue ; mais aussi dans les amitiés artistiques du photographe, les archives du publicitaire moins connu, ou encore ses années mode pour Vogue.
Conçue en étroite collaboration avec l’Atelier Robert Doisneau, l’exposition dévoile plus de 350 tirages originaux sélectionnés parmi les 450 000 existants, et issus des collections conservées par ses filles, Annette Doisneau et Francine Deroudille. Un parcours riche, émouvant, ponctué d’archives inédites, qui nous invite à rencontrer l’homme derrière l’objectif.
ROBERT DOISNEAU : UN REGARD PROFONDÉMENT HUMAIN
Né en 1912 à Gentilly, Robert Doisneau entre dans la légende comme l’un des grands photographes humanistes du 20e siècle. Il appartient à cette génération qui, comme Willy Ronis ou Édouard Boubat, a fait de la rue un théâtre d’humanité. Loin du sensationnel ou de l’actualité brûlante, Doisneau cherche ce qu’il appelait des « instants donnés »: des instants suspendus, des scènes fugaces, souvent banales, mais révélatrices d’une vérité plus profonde. Ses clichés racontent le Paris d’après-guerre, les petits métiers, les bistrots de banlieue, la jeunesse exaltée, les écoliers farceurs, mais aussi la créativité d’un Paris « capitale de la mode », ou encore ses rencontres avec Picasso, Prévert, Braque ou Giacometti.
EXPOSITION ROBERT DOISNEAU: UN PARCOURS THÉMATIQUE RICHE ET INÉDIT
L’exposition se déploie sur deux niveaux. Dès l’entrée, on est accueilli par un grand portrait de Doisneau, appareil en main – appareil qui est également exposé -, et par une citation qui donne le ton : « Ce que j’essayais de montrer, c’était un monde où je me serais senti bien, où les gens seraient gentils… » Tout est dit. L'exposition s'articule autour de dix sections thématiques, offrant un panorama complet de l'œuvre mais aussi de la personnalité du photographe.
1. ENFANCE
Doisneau a souvent photographié les enfants, capturant leur espièglerie et leur innocence. On se surprend à sourire, nous aussi, amusés par ses clichés - que vous reconnaîtrez sûrement, pour certains – qui révèlent une tendresse particulière pour ces moments de jeu et de liberté, témoins d'une époque révolue.
2. ATELIERS D'ARTISTES
Ici, le photographe pénètre l'intimité des ateliers de grands artistes du 20e siècle : Picasso, Giacometti, Buffet, Utrillo ou encore Hockney et Niki de Saint-Phalle. Ses images dévoilent la complicité entre Doisneau et ces créateurs, offrant un regard unique, parfois empreint d’humour, sur leur processus artistique.
3. TIRAGES, COLLAGES ET BRICOLAGES
Dans les années 1960, face à la généralisation de la photographie couleur et aux nouvelles techniques, Robert Doisneau décide d’expérimenter de nouveaux procédés pour renouveler son art et innover. C’est ce que l’on découvre ici : montages, collages, « bricolages photographiques », comme ils les nomment… il va jusqu’à trafiquer ses appareils photos pour obtenir des clichés déformés, et propose un univers original qui, comme souvent, n’est pas dénué d’humour.
4. PUBLICITÉ ET PUBLICATIONS
On explore ici un aspect moins connu de la photographie de Doisneau : la production publicitaire qui témoigne de sa capacité à conjuguer créativité et contraintes commerciales, tout en conservant son style inimitable. On découvre aussi plusieurs commandes pour des publications : couvertures de livres, photographies de magazines… mais aussi une belle collection de documents personnels.
5. LES ANNÉES VOGUE
Durant sa collaboration avec le magazine Vogue, Doisneau explorera l'univers de la mode et les mondanités parisiennes, apportant son regard singulier et poétique sur des sujets souvent perçus comme superficiels.
6. ÉCRIVAINS
Doisneau a également immortalisé des figures majeures de la littérature française, comme Jacques Prévert, avec qui il partageait une profonde amitié, ou encore Simone de Beauvoir, Marguerite Yourcenar, Colette, André Malraux et Françoise Sagan. A travers l’œil du photographe, ces portraits révèlent la dimension humaine de ces écrivaines et écrivains, loin des clichés officiels.
7. BISTROTS
Les cafés et bistrots, lieux de convivialité et de rencontres, occupent une place centrale dans l'œuvre de Doisneau. Ses clichés saisissent l'ambiance chaleureuse et les interactions humaines propres à ces établissements. On s’y croirait, et en même temps, on a parfois envie d’y être dans ces bars ou restaurants populaires, et de se mêler aux jeux et conversations.
8. GRAVITÉ
Cette section aborde les aspects plus sombres de la société, mettant en lumière la dureté de la vie quotidienne, la pauvreté et l'exclusion. Doisneau y adopte un regard lucide, sans jamais sombrer dans le misérabilisme.
On y découvre les gens des rues, les travailleurs des mines, les ouvriers de chez Renault – où Doisneau travaillera comme photographe de 1934 à 1939 -, mais aussi les mouvements sociaux : les manifestations du 1er mai, les événements de mai 1968, ou le premier vote des femmes en 1945.
9. BANLIEUES
De 1943 à 1984, Doisneau documentera l'évolution des banlieues parisiennes, capturant les transformations urbaines et sociales de ces territoires en marge de la capitale, qui connaîtront un développement fulgurant et des évolutions impressionnantes dans les années 1950-1980.
10. RENCONTRES
« Photographier, c’est arrêter un moment qui m’enchante », dira Doisneau. Dans cette section, on est confrontés à une diversité de personnages, toutes et tous rencontrés par le photographe au gré de ses déambulations, notamment parisiennes.
La visite se termine d’ailleurs par son cliché le plus célèbre : « Le Baiser de l’Hôtel de Ville » réalisé en 1950. Mais ici, la rencontre est provoquée : il ne s’agit pas d’un couple pris au hasard, mais de comédiens. Pourquoi ? La photographie fait en réalité partie d’une commande pour le magazine américain LIFE. Pour des questions de droits à l’image, Doisneau ne pouvait capturer le baiser volé de deux inconnus.
EXPOSITION ROBERT DOISNEAU : UN RENDEZ-VOUS À NE PAS MANQUER
Loin du simple hommage nostalgique, Instants donnés redonne toute sa place à la modernité et à la liberté de Robert Doisneau. Son art du cadrage, son sens du récit en une image, sa manière de suspendre le temps continuent de parler à notre époque. Et l’on ressort de l’exposition avec le sentiment d’avoir partagé une part de sa vision du monde, un monde dont il savait capturer la beauté et la poésie mieux que quiconque.
INFORMATIONS PRATIQUES
Quoi ? « Robert Doisneau, Instants donnés »
Où ? Musée Maillol
59-61 rue de Grenelle - 75007, Paris
Quand ? tous les jours de 10h30 à 18h30
Nocturne le mercredi jusqu’à 22h.
Combien ? 16,50€ / Jeune (6 – 25 ans) : 12,50€
Enfant (< 6 ans) : gratuit
Tarif réduit : 12,50€
Toutes les informations et réservations sur le site du Musée Maillol.