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L’HÔTEL DE TOULOUSE, SIÈGE DE LA BANQUE DE FRANCE


Exceptionnellement ouvert pour les Journées Européennes du Patrimoine, l’Hôtel de Toulouse, siège de la Banque de France, est un incontournable parisien de ce week-end annuel dédié à la richesse de notre patrimoine historique et culturel.


Construit par François Mansart en 1635 pour Louis Phélypeaux de La Vrillière, secrétaire d’état de Louis XIII, l’hôtel particulier est racheté en 1713 par le comte de Toulouse, fils légitimé de Louis XIV et de sa favorite Madame de Montespan. Nationalisé sous la Révolution, l’édifice est ensuite acquis par la Banque de France en 1808. Parmi les merveilles à découvrir: la galerie Dorée avec son décor baroque qui s’étend sur 40 mètres de long, 6,5 de large et 8 de haut.

Aujourd’hui, l’ensemble immobilier que l’on visite, et qui héberge les différents services de la Banque de France, se compose de l’Hôtel de Toulouse du 17e siècle, mais également d’espaces plus récents pour mieux accueillir l’activité de la banque et ses visiteurs: les bâtiments du 19e siècle, avec notamment la façade de la rue Croix-des-Petits-Champs sculptée par Albert-Ernest Carrier-Belleuse et qui porte la devise «La sagesse fixe la fortune»; et le bâtiment moderne du 20e, réalisé entre 1936 et 1950, dont l’impressionnant grand hall réalisé par Louis Faure-Dujarric. A cela, on peut ajouter l’étonnant Auditorium suspendu, conçu en 2012 comme une boîte métallique tout en inox par le cabinet Moatti-Rivière, au cœur du grand hall; mais aussi ce qu’on appelle la Souterraine, une cave blindée située à 10 mètres de profondeur (et qui va même jusqu’à 27 mètres), construite entre 1924 et 1927, et qui contient les réserves d’or de la France (et qu’on ne visite pas, bien entendu!). Pour information, la Banque de France y conserve aujourd’hui 2 436 tonnes d’or, soit l’équivalent d’un peu plus de 100 milliards d’euros!

Pour le passionnée d’histoire et de patrimoine que je suis, c’est surtout la visite de l’Hôtel de Toulouse qui m’a émerveillé. Un lieu riche d’historie que je vous propose de découvrir maintenant.

L’HISTOIRE DE L’HÔTEL DE TOULOUSE

Louis Phélypeaux de la Vrillière

L’histoire de l’Hôtel de Toulouse commence avec son premier commanditaire et propriétaire : Louis Phélypeaux, marquis de la Vrillière (1599-1681). Nommé secrétaire d’État par Louis XIII en 1629 -il le restera 50 ans, sous les ordres du cardinal de Richelieu puis du cardinal Mazarin-, il commande à l’architecte François Mansart (1598-1666) la construction d’un hôtel particulier digne de sa fonction au cœur de Paris.


Les travaux sont exécutés entre 1635 et 1640. Le bâtiment se déploie autour d’une cour centrale et se dote d’une galerie impressionnante de longueur (40 mètres) qui borde le jardin et accueille les œuvres d’art du marquis, grand collectionneur. C’est en 1646 que cette galerie se pare d’une fresque mythologique remarquable, peinte par François Perrier (1594-1649), avec au centre Apollon sur son char et, autour, des scènes de la mythologie romaine et de l’histoire antique, mais aussi des allégories des fleuves du monde, dont le Nil, représenté sous les traits de Louis Phélypeaux lui-même, et à côté de lui, un sphinx peint à l’image de son épouse, Marie Particelli d’Emery.


Point biographie : qui est François Mansart ?

Né le 23 janvier 1598 à Paris, François Mansart (1598-1666) est issu d’une famille d’artisans du bâtiment et de sculpteurs, une voie qu’il suivra également. A 25 ans, il se fait remarquer grâce à différents travaux dont celui pour la façade de l’église des Feuillants, à Paris, entre 1623 et 1625. Il se fait également connaître pour avoir construit, entre 1635 et 1638, une nouvelle aile au château de Blois pour le compte de Gaston d’Orléans (1608-1660), le frère du roi Louis XIII. Un nouveau bâtiment qui impressionne avec son style différent et sa façade monumentale, ornée de colonnes et de pilastres aux allures antiques d’ordres dorique, ionique et corinthien. Le corps du logis, encadré en symétrie par deux pavillons d’angle carrés, se distingue par son avant-corps légèrement en saillie. Le jeu des volumes et des sculptures, comme les portiques en arc-de-cercle, qui adoucissent les lignes droites de la façade, ajoutent à l’admiration que cette nouvelle construction provoque à l’époque.

François Mansart

Ce style que l’on qualifiera de classique, fera la réputation de François Mansart à qui René de Longueil fait ainsi appel pour son château de Maisons. Réalisé à la perfection, selon les dires de l’époque, Maisons permettra à l’architecte d’avoir accès à la Régente, la reine Anne d’Autriche, mère du roi Louis XIV encore mineur, et à son Premier Ministre, le cardinal Mazarin. Mansart se verra ainsi confié différents projets par le pouvoir royal, comme ceux pour l’église du Val-de-Grâce ou le Louvre -même si ces projets ne seront pas retenus. Il travaillera aussi pour le compte de clients privés, comme pour l’hôtel Carnavalet qu’il modernise en 1660-61, ou celui de Guénégaud en 1652 (l’actuel musée de la Chasse & de la Nature).


En revanche, si le nom de Mansart est souvent lié à celui du château de Versailles, il faut savoir qu’il ne s’agit pourtant pas de François. En effet, François Mansart formera son neveu, Jules Hardouin (1646-1708), à l’architecture et au classicisme qui ont fait sa renommée. Accolant le nom de son oncle au sien pour mieux se faire connaître, Jules Hardouin-Mansart s’inspirera aussi de ses travaux. Après s’être fait remarquer en 1674 pour ses aménagements du château de Chantilly, propriété du cousin de Louis XIV, dès 1678, il est missionné par le roi pour prendre la suite de l’architecte Louis Le Vau (1612-1670) et ainsi remanier le château de Versailles et ses environs. Nommé premier architecte du roi en 1681, intendant général des Bâtiments du roi en 1685, il devient inspecteur général des Bâtiments du roi en 1691, après avoir réalisé le dôme des Invalides. Comme François son oncle, Jules Hardouin-Mansart continuera à développer le style classique qui fera la grandeur de l’architecture française du Grand Siècle, avec pour emblème le palais versaillais du Roi Soleil.


En 1713, Louis-Alexandre de Bourbon (1678-1737) acquiert l’hôtel de la Vrillière ainsi que les nombreux tableaux qu’il contient. Dernier fils légitimé de Louis XIV et de Madame de Montespan, il est nommé comte de Toulouse par son père en 1681, amiral de France en 1683 et grand veneur en 1714 -commandant des chasses royales si vous préférez.

Comme tout nouveau propriétaire, il décide de rénover son hôtel particulier, qui prend alors le nom d’Hôtel de Toulouse, et d’y ajouter une touche plus 18e. Pour cela, il fait appel au premier architecte du roi, Robert de Cotte (1656-1735), qui reprend les thèmes emblématiques de la marine et de la chasse, chers à l’amiral et au grand veneur qu’il est. Deux thèmes qui viennent agrémenter la galerie Dorée qui se dote de boiseries dorées sculptées par François-Antoine Vassé dans un chêne à grains fin similaire à celui des navires royaux. Les travaux durent jusqu’en 1718.


À la mort du comte de Toulouse, à Rambouillet le 1er décembre 1737, son fils, Louis-Jean-Marie de Bourbon (1725-93), duc de Penthièvre, hérite de l’hôtel. Il s’y installe et prévoit aussi des appartements pour son fils, Louis-Alexandre, prince de Lamballe, et son épouse, Marie-Thérèse-Louise de Savoie-Carignan, la célèbre Madame de Lamballe, intime de la reine Marie-Antoinette.

À la mort du duc de Penthièvre le 4 mars 1793, en pleine Révolution, la demeure est saisie. L’hôtel accueille alors l’Imprimerie nationale, ce qui le sauve de la destruction, et la galerie Dorée devient un entrepôt pour stocker le papier.


La Banque de France, créée en 1800, s’installe d’abord dans la maison de l’Oratoire du Louvre, rue Saint-Honoré -aujourd’hui temple protestant-, puis place des Victoires, avant de racheter l’hôtel de Toulouse à l’État français en 1808. Le bâtiment du 17e-18e siècle sera rénové entre 1865 et 1870, sous le Second Empire, à la demande de l’impératrice Eugénie, attristée par la dégradation des peintures de la galerie Dorée lors d’une visite qu’elle fait des lieux. Mais, en mauvais état, l’hôtel est en partie dénaturé par les réhabilitations de l’architecte Charles-Auguste Questel. Les étages sont réhaussés, les façades sont entièrement modifiées, et les décors de la galerie Dorée, trop abîmés, sont remplacés par des copies.


Au fil des décennies suivantes, l’hôtel qui accueille toujours le siège de la Banque de France, sera progressivement agrandi. En 2015, une grande campagne de rénovation permettra à la galerie Dorée de retrouver ses décors et sa splendeur du 18e siècle.


Maintenant que l’histoire des lieux vous est plus familière, suivez-moi à la découverte du circuit de visite proposé au sein de l’Hôtel de Toulouse lors des dernières Journées Européennes du Patrimoine.



VISITE DE L’HÔTEL DE TOULOUSE


L’hôtel tel que nous le visitons est à la fois, par ses décors, le reflet de celui qu’habitèrent le marquis de la Vrillière et surtout le comte de Toulouse puis son fils, le duc de Penthièvre; mais c’est aussi un lieu toujours utilisé par la Banque de France et ses différents services. Si le parcours commence dans les parties 19e et 20e, je vous propose de nous concentrer sur la visite de l’Hôtel de Toulouse.


Après avoir traversé la cour des Adjudants et la cour d’Honneur, nous gravissons un escalier pour pénétrer dans un premier bureau d’accueil où sont exposés de très beaux cartons réalisés par Charles-Antoine Coypel (1694-1752) pour la 3e tenture de l’histoire de Don Quichotte, tissée entre 1732 et 1736 à la Manufacture Royale des Gobelins à Paris.

De cette pièce de passage, nous gagnons la grande salle du Conseil de la banque. On y observe de très belles tapisseries, dites ‘tapisseries à pilier et vases de fleurs’, qui, mises côte à côte donnent l’illusion d’un jardin intérieur. Elles ont été réalisées en Belgique au milieu du 17e siècle. Au-dessus de la cheminée, le portrait du premier propriétaire des lieux, Louis Phélypeaux, seigneur de la Vrillière, domine les visiteurs.

Nous avançons et arrivons dans une pièce d’angle toute en boiseries: la salle à Manger. Les quatre panneaux de chêne datent du 17e siècle et évoquent les saisons. Ils sont ornés de trophées de chasse sculptés d’un loup, un cerf, un héron et un faucon.

S’ouvre alors devant nous la majestueuse galerie Dorée, point d’orgue de la visite, guetté et attendu par tous. La version que nous voyions ici date de la réhabilitation du 19e siècle (1865-70), elle-même restaurée entièrement en 2015. Cette galerie est d’abord impressionnante par ses dimensions: 40 mètres de long, 6,5 de large et 8 de haut.

Le marquis de la Vrillière y expose ses tableaux et fait réaliser une fresque mythologique remarquable par François Perrier (1594-1649) en 1646. Au centre Apollon trône sur le char du soleil. Autour de lui, l’Étoile du matin, et Diane, sa sœur et déesse de la chasse et de la Lumière; mais aussi des fleuves comme le Gange, le Tibre, le Saint-Laurent ou encore le Nil -représenté sous les traits de Louis Phélypeaux lui-même, et à côté de lui, le sphinx est peint à l’image de son épouse, Marie Particelli d’Emery.

Aux quatre coins de la galerie se déploient des scènes de la mythologie romaine rappelant les quatre éléments, mais aussi la gloire du roi Louis XIII et de son fils, le futur Louis XIV, incarné ici par Apollon:

  • L’Eau, représentée par Neptune et Amphitrite qui, sous les traits Louis XIII et Anne d’Autriche, symbolisent l’union sacrée du roi et de la reine en 1615.

  • La Terre, avec Pluton et Prospérine qui reflètent la dispute et la réconciliation du roi et de la reine en 1637.

  • Le Feu, où Jupiter et Sémélé symbolisent la nuit d’orage miraculeuse qui a vu la conception du futur Louis XIV le 5 décembre 1637.

  • L’Air, où Junon-Anne d’Autriche s’apprête à prendre les rênes du royaume comme régente, alors que Louis XIII mourant repousse tant bien que mal les vents du dieu Éole, symboles de la Fronde émergente contre le pouvoir royal.

Sur les murs, Louis Phélypeaux fait installer dix tableaux peints entre 1635 et 1660 qui reprennent des temps forts de l’histoire de l’Antiquité romaine. Depuis la Révolution, les originaux sont au Louvre.

Devenu propriétaire des lieux en 1713, le comte de Toulouse commande de nouveaux décors à l’architecte Robert de Cotte et au sculpteur François-Antoine Vassé. Ils s’articulent autour de deux thèmes qui reprennent les charges du comte, la chasse et la marine, et s’inspirent de la tapisserie des triomphes marins réalisée pour Madame de Montespan, sa mère, qui s’y était faite représentée en Vénus.

On trouve ainsi aux extrémités de la galerie deux trophées sculptés rappelant ces deux thématiques: côté entrée, Diane chasseresse avec ses compagnes -les cornes du cerfs sont d’authentiques bois dorés à la feuille d’or; côté cheminée, la proue du navire d’Énée encadrée par Vénus et Eurus, les vents des tempêtes. Par ailleurs, on peut observer le portrait du comte de Toulouse couronné par des génies dans la voûte, sous le tableau d’Apollon. Il a été peint à la demande du fils du comte de Toulouse, le duc de Penthièvre, au 18e siècle.


Aux quatre coins de la grande galerie, quatre statues sculptées par Gabriel Thomas en 1872 représentent les quatre continents -à l’époque, on n’en compte que quatre: l’Europe et l’Asie côté cheminée, l’Amérique et l’Afrique côté entrée.

Enfin, sur la cheminée, trône le buste de Jean Racine (1639-99). Il est exposé ici pour rappeler que le tragédien a inspiré les billets de 50 francs émis en 1963. Devant lui, on peut observer un baromètre et un thermomètre en cuivre, écailles de tortue et bronze doré ayant appartenu au comte de Toulouse qui les avait commandés à l’ébéniste André-Charles Boulle vers 1720. La série de sièges présentés le long des murs de la galerie, en hêtre et damas de soie et coton cramoisi, date, elle, de 1770.

Après avoir pris le temps de bien en observer tous les détails, quittons la galerie Dorée pour poursuivre vers les appartements de réception. Nous traversons d’abord une première pièce de passage, où se trouve un portrait du duc de Penthièvre en grand amiral, réalisé par Vaxcillière, élève de Van Loo, et une tapisserie aux armes des Phélypeaux de la Vrillière, tissée vers 1700.

S’en suit une seconde petite pièce tout en longueur, où le mobilier n’est plus ni 17e, ni 18e, mais de style Empire. On remarque notamment un très beau meuble d’appui ayant appartenu à Caroline Bonaparte, sœur de Napoléon et épouse de Joachim Murat, maréchal d’Empire puis roi de Naples à partir de 1808.

La pièce suivante est le bureau du gouverneur de la Banque de France. Il est nommé pour six ans par le Président de la République après avis du Parlement et préside le conseil général de l’institution. Ce bureau est meublé dans un style éclectique, du 18e au 20e siècle en passant par le Premier Empire.

Nous pénétrons alors dans le premier salon d’apparat. Ici, plusieurs œuvre et objets remarquables. D’abord, le bureau plat réalisé par Philippe-Claude Montigny vers 1765-1770. C’est l’un des premiers de style Louis XVI d’inspiration antique. Ensuite, deux tableaux attirent l’attention: «La Fête à Saint-Cloud» de Fragonard, et deux toiles de François Boucher commandées par Madame de Pompadour pour son château de Crécy, et exposées ici par le duc de Penthièvre, devenu propriétaire du château en 1757. Ces deux toiles, «Sylvie guérissant Philis piquée par une abeille» et «Aminte délivrant Sylvie surprise par un satyre» étaient installées dans la chambre que la princesse de Lamballe avait dans l’hôtel de Toulouse.

Poursuivons dans un second salon de réception, dont les murs sont couverts de lambris. Ici, on remarque un superbe bureau à cylindre d’époque Louis XV imaginé vers 1765-70 par Roger VanderCruse dit Lacroix, mais aussi une imposante table console en bois doré et à pattes de lion réalisée par Philippe Caffiéri vers 1675, et qui proviendrait de la Galerie des Glaces du château de Versailles.

La visite se termine enfin par deux autres pièces de réceptions dans lesquelles nous ne pouvons malheureusement pas entrer mais dont nous pouvons apercevoir les décors, notamment, tout au fond, les quatre tapisseries des Triomphes marins datant de 1697: «Le triomphe de Vénus», «Vénus et Anchise», «Vénus donnant ses armes à Énée» et «Vénus guidant Énée alors qu’Eurus détruit la flotte troyenne».

Avant de partir, prenez le temps d’observer le tableau représentant «Le Duc de Penthièvre et sa famille buvant une tasse de chocolat», peint par Jean-Baptiste Charpentier vers 1768 (ici, il s’agit d’une copie du 19e siècle).


La visite de l’Hôtel de Toulouse se termine ici. Si vous en avez l’occasion, lors des quelques visites guidées proposées tout au long de l’année ou lors des Journées Européennes du Patrimoine, n’hésitez pas! C’est un témoignage précieux des hôtels particuliers de la fin du 17e et du début du 18e siècle. Notez que si vous visitez le siège de la Banque de France pendant les Journées Européennes du Patrimoine, il est préférable de réserver en amont son créneau de visite en ligne.


INFORMATIONS PRATIQUES


Pour tout renseignement sur la visite ou sur l’histoire de l’Hôtel de Toulouse et de la Banque de France, rendez-vous sur le site Internet dédié.


SOURCES

  • Visite de la Banque de France

  • Documents remis pendant la visite

  • Site Internet de la Banque de France

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