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VISTE ET HISTOIRE DU CHÂTEAU DE CHANTILLY

Dernière mise à jour : il y a 2 jours


Château de Chantilly reflets sur l'eau
Château de Chantilly

Aujourd’hui je vous invite au château de Chantilly. Situé dans l’Oise, le domaine de Chantilly est facilement accessible en voiture comme en train – il faut 30 minutes depuis Gare du Nord à Paris pour s’y rendre.

Le Château de Chantilly est assez original dans son histoire, et il est important de bien comprendre ses évolutions pour apprécier la version moderne que nous pouvons voir aujourd’hui.



Le château est en réalité composé historiquement de deux bâtiments : le grand et le petit châteaux. Ils ont été reliés au 19ème siècle par le dernier propriétaire du château, le duc d'Aumale, qui en a fait le monument que l’on peut admirer aujourd’hui.



Concernant la visite du Domaine de Chantilly, elle se décompose en quatre parties, voire cinq si vous choisissez comme moi de faire une visite guidée des petits appartements du Duc et de la Duchesse d’Aumale :

  • Le Musée Condé, qui rassemble des collections de peintures -la plus riche collection de peintures en France après le Musée du Louvre ; une impressionnante collection de livres d’Heures, ces recueils religieux du Moyen-Âge superbement illustrés ; une collection de porcelaines de Chantilly.

  • Les Grands Appartements situé au 1er étage du petit château.

  • Les appartements privés du Duc et de la Duchesse d’Aumale.

  • Les jardins à la Française, imaginés et dessinés par André Le Nôtre, futur jardinier de Versailles, mais aussi le jardin anglo-chinois et le hameau.

  • Les Grandes Ecuries et le Musée du Cheval.

Je ne vous détaillerai pas tout. Je vais me concentrer sur la visite du château et des appartements. Concernant le musée, je ne m'attarderai que sur les salles principales qui le composent. Puis, je vous dirai deux mots du jardin et des écuries qui valent vraiment la peine d’être visités.

Mais avant de commencer la visite, comme je le fais régulièrement, je vais vous faire un point sur l’histoire du Château de Chantilly afin que vous ayez les clés pour mieux le comprendre lors de votre visite.


Un peu d’Histoire : Chantilly, huit siècles d’Histoire

Si l’histoire du Château de Chantilly commence au Moyen-Âge, la version que vous avez devant vous quand vous arrivez, elle, date du 19ème siècle. En effet, le Château de Chantilly a connu de multiples évolutions au cours de son histoire.

Au Moyen-Âge, du 10ème au 14ème siècles, Chantilly appartient aux seigneurs de Senlis, les Le Bouteiller. Ils font construire un premier château sur le domaine qu’ils devront vendre, ruinés, en 1386, à Pierre d’Orgemont, ancien chancelier du Roi Charles V. Ce nouveau propriétaire construit une forteresse médiévale de sept tours sur un îlot entouré de la Nonette, la rivière qui passe dans ce domaine marécageux.

Les bases de ces sept tours subsistent encore aujourd’hui et ont servi de bases aux fondations du château actuel. Elles lui donnent d’ailleurs sa forme triangulaire. N’ayant pas d’héritier, Pierre d’Orgemont cède Chantilly en 1484 à son neveu, Guillaume de Montmorency, qui lui-même donnera Chantilly à son fils, le connétable Anne de Montmorency (Oui, à l’époque, on pouvait être un homme et s’appeler Anne).

C’est lui qui va donner le premier à Chantilly un aspect proche du château moderne. Anne de Montmorency est un proche compagnon de François 1er, notamment lors des campagnes d’Italie et à Marignan (1515 comme tout le monde le sait). D’Italie, il reviendra avec le goût de la Renaissance.

Il fait ainsi rénover le château de Chantilly dans ce style, puis il fait construire un deuxième château sur un second îlot au sud de la forteresse : le Petit Château ou la Capitainerie.

Ce bâtiment est quasiment inchangé aujourd’hui et c’est la partie la plus ancienne du château. Anne de Montmorency fait également construire sept chapelles sur le domaine, dont deux sont encore visibles aujourd’hui.

Lorsque Henri II de Montmorency, petit-fils d’Anne, se révolte contre le pouvoir du Roi Louis XIII, ce dernier le fait décapité à Toulouse et réquisitionne Chantilly en 1632.

En 1643, le neveu d’Henri II de Montmorency, Louis II de Bourbon-Condé, qui n'est autre que le cousin de Louis XIV, mène la France à la victoire lors de la bataille de Rocroy. On l'appellera à partir de cet événement « le Grand Condé ».

En remerciement, Anne d’Autriche, alors régente du Royaume de France à la mort de son mari Louis XIII (à 5 ans, Louis XIV est en effet trop jeune pour gouverner), rend Chantilly à la famille de Montmorency.

Avec l’aide de Jules-Hardouin Mansart, premier architecte du Roi Louis XIV, il transforme Chantilly en déplaçant notamment l’entrée principale du château et en construisant les deux pavillons de la grille d’honneur. Mais surtout, il fait appel à André Le Nôtre, le futur célèbre jardinier de Versailles, pour canaliser la Nonette et réaliser les jardins à la Française, les jeux d’eaux et le Grand Canal qui vont créer la réputation du château de Chantilly. Le Grand Condé fait de Chantilly un lieu de fêtes somptueuses où sont reçus les plus grandes personnalités du moment comme La Fontaine, La Bruyère, Molière ou encore Madame de Sévigné.

Son arrière-petit-fils, Louis-Henri, Duc de Bourbon, qui est Premier Ministre de Louis XV de 1723 à 1726, fait appel à l’architecte Jean Aubert pour bâtir les grandes écuries. Un chef d’œuvre du 17ème siècle que l’on peut encore admirer lors de la visite du domaine. Ces écuries sont d’ailleurs toujours utilisées. Louis-Henri décore également les appartements du Petit Château. Il crée surtout la manufacture de porcelaine de Chantilly.

Point anecdote ! La porcelaine de Chantilly. Dès le 17ème siècle, on cherche à produire de la porcelaine, à l’image de celle que l’on importe d’Orient et de Chine pour des sommes faramineuses. Louis-Henri de Bourbon-Condé crée ainsi à Chantilly en1725 l’une des premières fabriques de porcelaine en France. Cette porcelaine est dite « tendre » par opposition à la « porcelaine dure » que l’on trouve en Orient mais que l’on ne sait pas faire en Europe à l’époque. Pour information, la différence est l’utilisation de kaolin (argile blanche) dans la composition de la porcelaine dure. Un matériau que l’on n’a pas en France.

Jusqu’à la Révolution, les Princes de Condé embellissent le château, notamment avec la construction en 1769 du château d’Enghien, un long bâtiment à l’architecture classique que l’on aperçoit encore en face du château ; ou encore avec la création du jardin anglo-chinois qui mène au hameau du domaine, un groupe de sept maisons rustiques (il en reste cinq aujourd’hui) qui inspirera Marie-Antoinette pour son Hameau de la Reine à Versailles (pour en savoir plus, j’y ai consacré un article et un podcast à retrouver sur le blog).

En tant que cousins de la famille royale, les Condé-Bourbon émigrent lors de la Révolution. Leur château de Chantilly est dépouillé. En 1799, le Grand Château est détruit, ainsi que l’Orangerie, la ménagerie et le théâtre.

A la Restauration en 1815, après le 1er Empire de Napoléon, le Prince de Condé-Bourbon Louis-Joseph, de retour d’exil, tente de rénover les lieux. Il remeuble le château, réinstalle certaines œuvres d’art qu’il réussit à récupérer, et réaménage les jardins. Son fils Louis-Henri-Joseph, duc de Bourbon, meurt sans héritier direct en 1830. Il lègue ses biens à son petit-neveu et filleul, Henri d’Orléans, duc d’Aumale, qui n’est autre que le fils du duc Louis-Philippe d’Orléans, qui devient Roi des Français en 1830.



Point histoire ! Pour rappel, voici quelques repères historiques pour comprendre les différents régimes politiques après la Révolution qui ont accompagné l'histoire du château:

  • La Première République de septembre 1792 à mai 1804 : Plusieurs régimes s’y succèdent. Le Directoire de 1795 à 1799, qui doit son nom aux Cinq Directeurs, ou chefs de gouvernement qui sont à la tête du pays. Puis le Consulat qui s’impose à partir du 10 novembre 1799 suite au coup d’état du 18 brumaire de l’an VIII (i.e. le 9 novembre 1799) dont Napoléon Bonaparte est l’un des principaux protagonistes, et qui durera jusqu’à la proclamation du 1er Empire le 18 mai 1804.

  • Le 1er Empire, dirigé par Napoléon 1er, Empereur des Français de 1804 à 1815.

  • La Restauration. Deux Rois de France vont revenir sur le trône: les frères de Louis XVI, Louis XVIII (1814/15-1824) et Charles X (1824-1830). Cette période est appelée la «Restauration» puisque c’est un retour à la dynastie des Bourbon de l’Ancien Régime.

  • La Monarchie de Juillet : Louis-Philippe 1er devient Roi après une nouvelle Révolution de 3 jours qu’on appelle les « trois glorieuses » et qui met fin au règne de Charles X qui doit abdiquer. Si vous connaissez Paris, c’est en l’honneur de ces journées des 29/30 et 31 juillet 1830 que la colonne de la Bastille est dressée. Louis-Philippe, duc d’Orléans, accède donc au pouvoir. Il fait partie de la branche cousine des Bourbons, la dynastie régnante jusqu’alors. La Monarchie de Juillet de Louis-Philippe 1er dure de 1830 à 1848. Louis-Philippe se fera appeler Roi des Français et non plus Roi de France, pour montrer une certaine inclinaison face au peuple français.

  • La deuxième République : elle est proclamée en février 1848 après quelques jours d’une 3ème Révolution qui fait se soulever les libéraux et les républicains.

  • Le Second Empire : Louis-Napoléon Bonaparte, le neveu de Napoléon 1er, est élu Président de la République en 1848. Celui qu’on appelle le "Prince-Président" va restaurer l’Empire après un coup d’état le 2 décembre 1851. Le Second Empire est proclamé en 1852 et durera jusqu’au 4 septembre 1870.

  • La troisième République : après la défaite de la France lors de la Guerre menée par Napoléon III contre la Prusse en 1870, c’est la chute du Second Empire. A Paris, un groupe de Républicains mené par Gambetta proclame la République le 4 septembre 1870.

Âgé de 8 ans lorsqu’il hérite du Château de Chantilly, le Duc d’Aumale fait redécorer les appartements privés situés dans le Petit Château en 1845 et y fait élever une galerie en bois.

Il souhaite également reconstruire le Grand Château mais la révolution de 1848 le pousse à l’exil en Angleterre, au château de Twickenham. Il n’en reviendra qu’en 1870.

A son retour en France, le duc d’Aumale fait appel à l’architecte Honoré Daumet pour entamer la reconstruction du Grand Château. Les travaux dureront de 1875 à 1885. Il va apporter les transformations que l’on connaît aujourd’hui. Le Grand Château est rebâti sur les bases des fondations des tours médiévales.

Point anecdote! à de nombreux endroits dans le Château, on retrouve un H et un O superposés. C'est e,n fiat le chiffre, soit la signature, le symbole, de Henri d'Orléans, dernier propriétaire de Chantilly.


Pour le Duc d’Aumale, la rénovation du château doit rendre hommage à tous les propriétaires qu’il a connu au cours de l’Histoire. C’est un mélange de Renaissance, de 17ème et 18ème siècle. Il en fait une résidence familiale qui accueillera de nombreuses personnalités au cours du19ème siècle. Mais il décide aussi d’en faire un lieu pour exposer ses nombreuses collections de peintures, sculptures, porcelaine ou encore de livres anciens.


En effet, très grand collectionneur, le duc d’Aumale fonde son musée particulier dans une aile du Grand Château : le Musée Condé. Un Musée qui, comme le Château de Chantilly et tout le Domaine, sera léguer à l’Institut de France à la mort d’Henri d’Orléans en 1897 qui décède sans héritiers vivants. L’Institut de France ouvrira les lieux au public dès l’année suivant, comme le souhaitait le duc d’Aumale.

Vous en savez maintenant plus sur le Château de Chantilly, ses évolutions à travers l’Histoire, mais aussi sur ses différents propriétaires. Rendons-nous sans plus attendre à l’entrée du château pour commencer notre visite de ce monument construit pour et par le duc d’Aumale au 19ème siècle.

La visite du Château de Chantilly

Lorsque vous arrivez dans la ville de Chantilly, vous ne soupçonnez pas qu’un domaine aussi beau et grand que celui du château vous y attend. Et pourtant, le château est tout proche du centre-ville. Je vous conseille d’y arriver à pieds depuis le centre. Vous passez sous un porche impressionnant qui délimite la ville du domaine. Vous longez les Grandes Écuries qui vous donnent un aperçu de la beauté des lieux.

Et là, au détour des arbres qui bordent la route, vous apercevez au loin le château. Il est comme posé sur l’eau, découpé sur le ciel bleu et bordé de jardins et de pelouses vertes, le tout donnant un aspect à la fois impressionnant et très paisible à l’ensemble du domaine.

Le fait que l’on soit en plein automne lors de ma visite, avec ces arbres de toutes les couleurs, à ajouter à la beauté du moment.

Revenons à la visite. Comme je vous l’expliquais, elle se décompose en plusieurs parties, dont le Musée Condé par lequel le parcours commence.

Le Musée Condé

Nous entrons dans le Musée Condé par l’entrée principale, dans la cour d’honneur. Je ne vais pas tout vous détailler ce qu’on trouve dans ce musée. Mais il y a des œuvres importantes à voir. Et il nous permet de traverser des pièces intéressantes de la vie du château. En effet, si une partie du château était prévue pour accueillir le musée dès la reconstruction par le duc d’Aumale, les espaces d’exposition se sont agrandis en débordant sur les appartements du logis princier du 18ème siècle.

Le Musée Condé rassemble la seconde collection de peintures anciennes en France, après celle du musée du Louvre. Ce qui est intéressant, c’est que la présentation des œuvres est restée telle qu’on présentait les œuvres d’art au 19ème siècle : l’accrochage est réalisé selon le format des œuvres et leur esthétique, sans regroupement chronologique, ni par époque, école ou origine. C’était d’ailleurs ainsi au Louvre également à l’époque.

Dans la première partie du Musée, on traverse ainsi différentes salles où l’on trouve :

  • Des peintures relatant l'époque où Henri d’Orléans était gouverneur général d’Algérie

  • Des portraits de la famille d’Orléans aux 17ème et 18ème siècles, dont Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV.

  • Des statuettes égyptiennes et gréco-romaines antiques.

  • Des peintures françaises et italiennes du 15ème et 16ème siècles.

  • Une collection de porcelaines de Chantilly du 18ème siècle et des dentelles du 19ème, dans le salon d’Orléans où se trouve également des portraits et une statue de la mère du Duc d’Aumale, la dernière Reine des Français, Marie-Amélie.

  • Des peintures françaises du 18ème siècle avec des portraits de Louis XVI ou de Madame de Pompadour.

Parmi ces salles, on notera la salle Clouet, impressionnante avec ses 90 portraits des Rois et reines de la Renaissance (Catherine de Médicis, François 1er…) réalisés au 16ème siècle par les peintres Clouet et Corneille de Lyon.

Après cette enfilade de pièces muséales, nous pénétrons dans la Galerie des Peintures. C’est l’une des premières salles du château qui m’a réellement impressionné. C’est en effet une grande pièce tout en longueur, entoilée de tentures murales rouge sombre, où se trouvent exposés sur plusieurs niveaux, du sol au plafond, un ensemble de 85 peintures disposé selon les goûts du duc d’Aumale. On y trouve entre autres des toiles de Nicolas Poussin, mais aussi des mosaïques de Pompéi installées dans la rotonde située à l’extrémité de la galerie.

Nous gagnons ensuite la Galerie de Psyché. Cette galerie en bois comporte 44 vitraux en grisaille qui relatent le mythe de Psyché. Les vitraux avaient été commandés par le Connétable Anne de Montmorency pour la galerie de son château d’Ecouen dans le Val d’Oise, d’où ils proviennent.

Au milieu de cette galerie se situe ce qu’on appelle le Santuario. C’est une petite salle sombre, dans laquelle on trouve les chefs-d’œuvre du duc d’Aumale. Elle regroupe deux œuvres de Raphaël: Les Trois Grâces et La Madone de la maison d’Orléans, mais aussi 40 enluminures miniatures de Jean Fouquet pour le Livre d’heures d’Etienne Chevalier. Elles sont magnifiquement bien conservées et la vivacité de leurs couleurs est impressionnante.

Point histoire ! Qu’est-ce qu’on appelle « Livre d’Heures » ?

Un livre d'heures est un livre liturgique qui recueillait les prières pour chaque heure de la journée, mais aussi un calendrier pour suivre l'évolution de la liturgie catholique tout au long de l'année, comme les fêtes religieuses. Ces livres sont richement illustrés d’enluminures qui en font de précieux témoins de la chrétienté médiévale.

Nous quittons le Santuario pour entrer dans une salle appelée la Tribune. Cette salle est d’une surface assez petite mais très haute de plafond. Ses murs couverts de toile rouge et sa verrière en font l’une des pièces les plus impressionnantes du musée selon moi. Le duc d’Aumale a conçu cette salle comme un panorama de l’histoire de la peinture avec des œuvres de la Renaissance réalisées par Fra Angelico, Botticelli, Le Titien ; des peintures françaises et flamandes du XVIIe et XVIIIe siècles avec Poussin, Van Dyck, Watteau ; et des œuvres du XIXe siècle français : des peintures néoclassiques avec Ingres, ou encore romantiques avec Delacroix.


Après la Tribune, nous gagnons la Galerie des Cerfs. Cette salle est majestueuse et en même temps très chaleureuse avec sa grande table décorée et préparée pour recevoir un nombre impressionnant d’invités. La Galerie des Cerfs est aménagée à la fin du 19e siècle dans un style Renaissance, avec un plafond à caissons. C’est la salle à manger de réception du duc d’Aumale qui y accueillait le dimanche toute l’élite artistique et intellectuelle de son temps avec lesquels il visitait ensuite sa Galerie des Peintures. La chasse est omniprésente dans le décor. Les 8 tapisseries qui ornent les murs datent du 17ème siècle et proviennent de la Manufacture royale des Gobelins. Elles reprennent le thème d’une célèbre tenture du 16ème siècle : Les Chasses de Maximilien.


Le Musée Condé se termine ici. Nous gagnons maintenant les Grands Appartements.

Les Grands Appartements des Princes de Condé

Situés au 1er étage du château, les grands appartements servaient de lieux de réception et d'habitation aux princes de Bourbon-Condé. Les décors d'apparat sont un bel exemple de ce que l’on trouvait dans les châteaux du 18ème siècle. On y trouve une grande variété d'objets d'art, de mobilier et de peintures. Ces appartements ont été largement pillés à la Révolution. Ils ont été réaménagés au 19ème siècle par le duc d’Aumale avec des meubles précieux provenant de la famille royale ou de châteaux royaux qu’il a acquis ou dont il a hérité. Il peut ainsi restituer dans ces Grands Appartements la grandeur et le faste du temps des princes de Condé.

Nous commençons la visite des Grands Appartements par le Cabinet des Livres.

Créé au 19ème siècle, ce bureau/bibliothèque est superbe, tout en bois. Les 13 000 livres que l’on voit du sol au plafond sont accessibles par une coursive qui fait le tour de la pièce. On y trouve exposé une collection exceptionnelle de Livres d’Heures français que le duc d’Aumale a racheté à l’étranger, en Italie notamment, pour les ramener en France. Vous avez en particulier les célèbres « Très Riches Heures du duc de Berry » dont les enluminures ont souvent illustré la partie sur le Moyen-Âge de nos livres d’histoire au collège.



Nous traversons ensuite l’antichambre et la salle des gardes, construites à la fin du 19ème siècle par l’architecte du duc d’Aumale, Honoré Daumet, pour relier le Grand Château à l’ancien Petit Château. Ici, déjà, on remarque l’abondance de dorures que nous allons retrouver tout au long de cette visite.



Nous gagnons alors la chambre de Monsieur le Prince. Cette pièce marquait l’entrée des grands appartements du prince de Condé. Elle présente donc un décor de lambris blanc et or, caractéristique du début du style rocaille sous Louis XV. Les meubles d’origines ne sont plus là. Mais on peut admirer la commode réalisée par Riesener et qui provient de la chambre de Louis XVI à Versailles.

Nous traversons ensuite le Grand Cabinet d’Angle. C’était le bureau du prince de Condé. Il est décoré de boiseries blanches et or datant de 1720 et orné de motifs liés à la chasse. Les chaises et les fauteuils de style néoclassique datent de Louis XVI.

Quittons le Grand Cabinet pour entrer dans une des salles les plus insolites du château à mon goût: la salle dite « la Grande Singerie ». Les murs de ce boudoir ont été peints dans les années 1730 dans un style évoquant le goût de l’époque pour l’Asie et les décors orientaux. On y trouve des allégories de la guerre, de la chasse, de la musique, des cinq sens ou encore des quatre parties du Monde. A ce propos, savez-vous pourquoi on parle des 4 parties du monde ? Tout simplement parce qu’à l’époque, on ne connaissait que quatre continents, d’où l’origine de l’expression que nous utilisons encore « aux quatre coins du monde ».

Mais revenons à la Grande Singerie. Ce qu’il y a de plus étonnant, si on regarde les détails des peintures mais aussi des objets sculptés qui y sont exposés, c’est que tous les personnages que l’on voit sont en fait… des singes ! D’où le nom de cette salle : la Grande Singerie.

Point anecdote ! Pourquoi autant de singes ? Au 18ème siècle, il est très à la mode de représenter les actions des hommes sous la forme de singes. Il s’agit ainsi de se moquer d’eux et de leurs travers.

Après la Grande Singerie, nous découvrons la Galerie des Batailles. C’est la plus vaste pièce des grands appartements. Cette salle de réception des princes de Condé a été décorée à la fin du 17ème siècle pour le Grand Condé par Jules Hardouin-Mansart. On y trouve une série de onze toiles qui illustrent ses principales victoires. Si on aime l’or, c’est la pièce idéale !

Nous finissons la visite des Grands Appartements par le salon de Musique. On y trouve du mobilier en bois doré de Georges Jacob commandé par le roi Louis XVI pour le château de Saint-Cloud. Si vous avez aimé les singeries, vous avez une horloge à automates qui en présente de très belles dans cette pièce.

Ainsi s’achève la visite public du Château de Chantilly.

Je l'avais pour ma part prolongé avec une visite guidée des appartements privés du duc d’Aumale et de sa femme. Je vous invite également à le faire. C’est rapide (30-45minutes) et très instructif, notamment pour en savoir plus sur le 19ème siècle et ses caractéristiques.

Les Appartements Privés du Duc d’Aumale

Les appartements privés du duc et de la duchesse d’Aumale occupent le rez-de-chaussée du Petit Château. Ils ont été aménagés entre 1844 et 1846 par le peintre et décorateur Eugène Lami. C'est l’un des rares appartements princiers datant de la Monarchie de Juillet qui soit resté intact.


Le lieu de rendez-vous avec le guide se fait à l’entrée du Petit Château, dans la Cour de la Capitainerie.


Pour gagner les appartements privés, nous empruntons la Galerie Daumet, du nom de son architecte, qui relie le Grand et le Petit Château au rez-de-chaussée (sous l’antichambre et la salle des gardes des Grands Appartements au 1er étage).

Nous entrons par le salon de Guise. On peut y observer le portrait du duc d’Aumale, Henri d’Oléans, âgé de neuf ans, et ceux de ses deux fils, Louis d’Orléans et François. Cette salle a été rebaptisée en 1872, après la mort du second fils du duc d’Aumale, François, duc de Guise. Le style de cette première pièce est emblématique du style du milieu du 19ème siècle que l’on retrouve dans tout cet appartement.


Point anecdote ! Qu’est-ce que le style Louis-Philippe ?

Le milieu du 19ème siècle, c’est la période des « néo » : néo-classique, néo-empire, né-baroque, néo-renaissance, néo-gothique… c’est un style très éclectique. On s’inspire du passé et on mélange les époques. Comme sur la table qui se trouve au milieu du Salon de Guise, on peut trouver sur un même meuble des pieds droits très Louis XVI, mais aussi des éléments de décorations en bronze style rocaille très Louis XV. On trouve des dorures à foison. Les meubles sont à la fois richement décorés, parfois trop, mais aussi confortables et fonctionnels. Dans le salon de Guise, la commode noire aux décors de bronze doré est typique de cette époque : un fond sombre, sur lequel s’impose des décors clinquants dorés. Cette commode de style Louis XV est pourtant moderne car fonctionnelle, puisque prévue pour s’apposer contre un mur et s'intégrer au mieux dans les appartements, à l’image des consoles qui voient le jour sous Louis-Philippe. Enfin, c’est à cette époque que l’industrie se développe. On peut désormais réaliser des meubles en série. Ainsi plus besoin d’un artisan qui fait tout à la main. Les panneaux des meubles sont découpés à la machine, les éléments de décors en bronze sont moulés et non plus sculptés… le mobilier est plus accessibles. C’est le Style bourgeois qui s'invite même dans la famille royale, entre confort et richesse ostentatoire des décors.

Revenons aux appartements privés. Du Salon de Guise, aussi appelé antichambre de la duchesse, nous entrons dans la chambre de ladite duchesse d’Aumale: Marie-Caroline de Bourbon-Siciles. Cette chambre est typique de la Monarchie de Juillet. Ce qui marque, par rapport aux châteaux que j’ai pu visiter, c’est l’aspect chaleureux de cette chambre. Le lit à baldaquin bleu parait répondre aux exigences de confort moderne. D’ailleurs, il est de la largeur d’un lit double d’aujourd’hui. Les fauteuils de style Louis XV sont capitonnés, ce qui est nouveau et cosy. Un style en provenance direct d’Angleterre et de l’ère Victorienne. On y trouve également un cabinet de toilette avec une baignoire fixe et avec accès à l'eau courante, grande nouveauté de ce siècle (auparavant, on avait généralement une baignoire pour se baigner, et une pour se rincer). D'ailleurs, l’ensemble du Château est moderne. Le gaz y est installé dès les 1ers travaux, puis l'électricité à la fin du 19ème. Un système de chauffage central y est aussi installé dès les années 1845.


Nous quittons la chambre pour gagner ensuite le Salon Violet. Ce qui surprend, au-delà de la couleur violet profond des murs, c’est la toile qui les recouvre, ici une damas brochée d’argent. A cette époque, l’usage de la toile pour le décor se répand fortement. Sur les murs, elle ajoute un côté chaleureux et bourgeois aux intérieurs. Mais on la retrouve aussi sur le mobilier: paravents, fauteuils... et même corbeilles à papier. Cette salle sert de boudoir à la duchesse d’Aumale. A l’origine la pièce était verte. Mais après la mort de la duchesse en 1869 pendant son exil, le duc la retapisse de violet, couleur associée au deuil.

Nous sortons du Salon Violet et donc de l’appartement de la duchesse afin de gagner celui du duc.


Nous traversons la petite Singerie. Un petit boudoir décoré dans les années 1730 comme la Grande Singerie. Les peintures sont donc d’origine, et mettent en scène des singes, surtout des «singesses» imitant les faits et gestes de l’aristocratie. Cette pièce est la seule des petits appartements à dater du 18ème siècle.

Nous passons ensuite par la salle de bain du duc d’Aumale, avec sa baignoire, puis nous entrons dans sa chambre.

Cette pièce est impressionnante et émouvante car elle est restée intacte depuis la mort d’Henri d’Orléans en 1897. On y trouve son lit, mais aussi un bureau à cylindres offert par son père, le Roi Louis-Philippe 1er, et surtout tout un tas d’objets et de portraits qui rappelle qu’on est totalement dans l’intimité du duc. D’ailleurs, cette pièce? Il l'a surnommée son «sanctuaire» car tous ses souvenirs y sont rassemblés, dont ceux de ses parents, sa femme ou ses enfants, tous décédés avant lui. Il n’y mourra pas. Il décèdera en Sicile, dans sa belle-famille, des suites d’une crise cardiaque qui survient au moment où il apprend que sa nièce préférée, Sophie-Charlotte de Bavière, duchesse d'Alençon et sœur de la fameuse Impératrice Sissi, meurt dans le tristement célèbre incendie du Bazar de la Charité à Paris.

De la chambre du duc, nous entrons dans le Salon de Condé. Avec ses sièges capitonnés, ses chauffeuses et fauteuils crapauds matelassés entièrement recouverts de tissus, cette ancienne antichambre présente tout le confort bourgeois du 19ème siècle. Un grand nombre de portraits des princes de Condé y sont présentés. Sur la cheminée, le buste sculpté qui domine la pièce est un hommage du d’Aumale à celui qui lui a légué le Domaine de Chantilly : Louis-Henri-Joseph, duc de Bourbon.

Nous finissons la visite par la salle de marbre qui servait de salle à manger puis de bureau pour le duc d’Aumale. Elle dénote avec les autres salles car plus froide à cause de la surutilisation de marbre. Elle n’en reste pas moins une très jolie pièce avec son imposante cheminée surmontée de bois de cerfs.

La visite se termine ainsi, et nous sortons du château par la Galerie de Duban construite par l’architecte du même nom en 1846 pour desservir tous les appartements privés.

J’en resterai là pour la visite du Domaine de Chantilly.


Après le château, je me suis promené dans les jardins à la Françaises, très réguliers et symétriques, typiques de Le Nôtre. Mais j’ai aussi poussé ma balade jusqu’au hameau, en passant par les jardins anglo-chinois. Je recommande vivement de prendre le temps de le faire. Le parc est immense, donc je n’ai bien sûr pas pu tout parcourir, mais je reviendrai pour mieux les explorer.


J’ai quitté le Château en faisant un détour par les Grandes Écuries. Le bâtiment est impressionnant. Il vaut le coup d’œil. J’avoue ne pas avoir eu le temps de visiter le musée du cheval, mais là aussi, je compte y revenir car de ce que j’en ai vu, il m‘a semblé très intéressant.


Ainsi s’achève ma visite du Domaine de Chantilly. J’espère vous avoir donné envie d’aller vous aussi explorer ce lieu d’exception.

Mon avis sur cette visite

Chantilly était un château que je souhaitais découvrir depuis longtemps. C’est chose faite et je n’ai pas été déçu.

J’ai aimé l’impression de sérénité que donnent le château et le domaine quand on arrive. Ce monument qui apparaît comme posé sur l’eau est vraiment superbe. Les pièces sont toutes très bien rénovées. C’est l’un des châteaux les plus meublés que j’ai pu visiter.

Il est idéal pour comprendre le 19ème siècle et plus particulièrement la Monarchie de Juillet, une période souvent très peu connue. Le parc et les jardins sont vraiment agréables et reposants.

Je veux cependant prévenir que la visite est moins adaptée aux enfants selon moi, car la partie du Musée Condé est axée uniquement sur des collections de peintures qui peuvent les ennuyer. Les jardins en revanche sont parfaits pour eux.


Par ailleurs, même si le domaine a plus de 800 ans, le Chantilly actuel n’est pas un château d’Histoire avec un grand « H » comme Versailles ou Fontainebleau par exemple, car il ne reste que peu de choses d’avant la Révolution. Il ne faut pas s’attendre à se replonger dans un passé très lointain. Il faut au contraire en apprécier son éclectisme.

Enfin, je recommande la visite guidée des appartements privés car c’est important pour comprendre l’hôte des lieux, le duc d’Aumale, mais aussi la vie de cette société du 19ème. Elle n’est pas chère, 5€ en plus du ticket. En revanche, gros point négatif selon moi : le guide n’était pas enthousiasmant. Il récitait son texte, on est allé un peu trop vite pour moi (30 minutes de visite vs les 45 annoncées), et il n’a pas demandé si on avait des questions à la fin, et est parti très rapidement.

Informations Pratiques

Retrouvez toutes les informations de visites sur le site internet du Domaine de Chantilly.

Il est très bien fait et détaillé.


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