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Photo du rédacteurIgor Robinet-Slansky

LE CIMETIÈRE DE MONTMARTRE À PARIS

Dernière mise à jour : 24 mai

Aujourd’hui, je vous emmène au sud et en contrebas de la célèbre Butte de Montmartre à Paris, dans un lieu qui, à première vue, n’invite pas forcément à la promenade… et pourtant ! C’est un endroit paisible, riche d’histoire et de personnalités célèbres : le cimetière de Montmartre !


Souvent éclipsé par le Père Lachaise, plus célèbre et connu, le cimetière de Montmartre est pourtant un lieu digne d’intérêt en plein Paris, au pied du village touristique de Montmartre. C’est d’ailleurs le troisième cimetière de Paris intramuros par sa taille après ceux du Père Lachaise et de Montparnasse.


D’un point de vue historique, vous allez le voir, ce cimetière vaut le détour avec ses étonnantes chapelles, ses nombreuses sculptures et bien sûr ses 21 500 sépultures, dont plus de 350 accueillent des personnalités artistiques et littéraires du 19e, 20e et même 21e siècles.

Mais c’est aussi un lieu peu fréquenté et pourtant très approprié pour ceux qui cherchent un espace calme et proche de la nature en plein Paris. Avec une superficie de près de 11 hectares, le terrain au relief accidenté du cimetière de Montmartre est très arboré avec 783 arbres de 38 essences différente : érables, marronniers, tilleuls et thuyas…


Pour en savoir, plus, je vous propose tout d’abord un point rapide sur l’histoire du cimetière de Montmartre, avant de vous partager la visite que j’en ai faite cet hiver, et où je vous présenterai certaines des sépultures incontournables ou marquantes que j’ai pu observer.


L’Histoire du Cimetière de Montmartre


Pour commencer, il faut savoir que l’actuel cimetière de Montmartre n’est pas historiquement la nécropole originelle de ce quartier.


En effet, avant d’être rattaché à Paris en 1860, en vertu de la loi d’extension de la capitale promulguée au Second Empire, le Village de Montmartre était une commune indépendante.


Jusqu’à la Révolution, le cimetière du Calvaire était le seul cimetière du village.

Créé en 1688 par les abbesses bénédictines de l’Abbaye Royale de Montmartre, il existe toujours aujourd’hui. C’est d’ailleurs le plus petit cimetière de la capitale. Malheureusement, il n’est ouvert qu’à la Toussaint, le 1er novembre. Il est situé juste à côté de l’église Saint-Pierre de Montmartre, non loin du sacré Cœur (bâti, lui entre 1875 et 1914, donc bien après). Fondée en 1134, c’est la plus vieille église existant encore à Paris après celle de Saint-Germain-des-Prés.

Pendant la Révolution, l’abbaye comme le cimetière du Calvaire vont être démantelés (les biens du clergé sont alors considérés comme biens nationaux). Si l’abbaye est alors détruite, et la dernière abbesse guillotinée en 1793, le cimetière du Calvaire est nationalisé et devient la propriété de la commune de Montmartre en 1791. Il restera fermé pendant cette période de troubles.


En parallèle, une fosse commune est créée dans les anciennes carrières de gypse qui servaient à fabriquer le plâtre de Montmartre. Dès l’été 1792, on va y enterrer les victimes des émeutes de la Révolution, notamment les corps des Gardes Suisses exécutés par les insurgés révolutionnaires au Palais des Tuileries le 10 août 1792. Cette fosse commune prend le nom de cimetière de la Barrière Blanche, du nom de son emplacement sur les carrières. Ça n’est cependant encore qu’un petit enclos et non un cimetière à proprement parler.


Le cimetière du Calvaire, qui va rouvrir en 1801 après la Révolution, reste en effet le cimetière de référence pour Montmartre. Mais, trop petit, il n’accueille surtout que l’aristocratie montmartroise de retour d’exile et quelques meuniers qui travaillent encore dans les moulins de la Butte. Rapidement saturé, il va devoir refermer ses portes en 1823 et sera remplacé à partir de 1830 par un nouveau cimetière pour accueillir les habitants du quartier : le cimetière de Saint-Vincent. Pour information, ce cimetière est toujours utilisé aujourd’hui, et c’est ici qu’a été inhumé Michou en janvier 2020, vous savez, le célèbre propriétaire du Cabaret transformiste « Chez Michou ».


Cependant, à la fermeture du cimetière du Calvaire, et avant la construction de celui de Saint-Vincent, on va décider d’agrandir et de développer le cimetière de la Barrière Blanche -la fosse commune ouverte sous la Révolution. Le cimetière de la barrière blanche prendra successivement le nom de cimetière sous Montmartre, puis de Champ du Repos.


Pourquoi choisit-on de l’agrandir et de le développer ?

A cette période, pour cause d’hygiène, on va fermer tous les grands cimetières de Paris intramuros. Ainsi, au-delà des habitants de Montmartre, il va falloir accueillir les corps de tous les Parisiens qui seront répartis dans de nouveaux cimetières créés en dehors de Paris : le cimetière de Montmartre au nord, le cimetière du Père-Lachaise à l'est, le cimetière du Montparnasse au sud et le cimetière de Passy à l'ouest.


C’est ainsi que l’ancienne fosse commune du cimetière de la Barrière Blanche, où les corps étaient inhumés dans des conditions assez déplorables, va se structurer et s’assainir.


Et en 1825, est inauguré le grand cimetière du Nord, clôturé et protégé contre les pilleurs de sépultures qui sévissaient dans les cimetières parisiens.


Point Anecdote ! A propos de la protection de ce cimetière, elle va faire le malheur d’un de ses gardiens. M. de Vaulabelle, conservateur du cimetière de Nord, avait inventé un système ingénieux de pièges anti-profanation avec mise à feu pour dissuader et même punir les intrus qui tenteraient de dégrader ou voler les sépultures. Mais le 15 janvier 1856, alors qu’il fait une ronde de surveillance, il va être victime de son ingéniosité, et s’envoyer malencontreusement une décharge fatale en pleine poitrine !


Revenons à notre cimetière. De cimetière du Nord, il devient rapidement le cimetière de Montmartre qui va être rattaché à la ville de Paris en 1860, comme le village de Montmartre. En 1888, après de nombreuses polémiques, on va construire un pont métallique au-dessus de ce cimetière. C’est le pont Caulaincourt que vous pouvez toujours voir et emprunter aujourd’hui. Il relie la Place de Clichy, à Paris, et la Butte Montmartre alors récemment rattachée à la capitale.

Maintenant que vous en savez plus sur l’histoire du cimetière de Montmartre, je vous propose d’y entrer pour s’y promener et y rencontrer, au détour des allées, les personnalités artistiques et les célébrités qui y reposent.


Visite guidée du cimetière de Montmartre


L’entrée du cimetière de Montmartre se fait en contrebas de la Butte, au 20 de l’avenue Rachel dans le 18e arrondissement de Paris. Avant même d’entrer dans le cimetière, une question nous taraude : qui est cette Rachel ?

Point anecdote ! Qui est la Rachel de l’avenue Rachel ?

Vous le savez, le cimetière de Montmartre accueille de nombreuses sépultures d’artistes du 19e et 20e siècles. L’avenue, qui n’a d’avenue que le nom car c’est en fait une ruelle en impasse, porte donc le nom d’une de ses personnalités qui ont fait la réputation du Paris artistiques du 19e siècle (Rachel est cependant enterrée au Père Lachaise). Elisabeth-Rachel Félix est une actrice d’origine suisse, née en 1821, dont les parents se sont installés en France pour tenter de sortir de leur vie de misère. Chanteuse de rues, musicienne, elle entre au conservatoire d’art dramatique et débute une carrière de comédienne au théâtre du Gymnase. Mais c’est en entrant au Théâtre-Français, c’est-à-dire à la Comédie Française, que celle qu’on appelle désormais Rachel ou Mademoiselle Rachel connait le succès. Talentueuse, Rachel devient une grande tragédienne et une véritable « star » avant l’heure, admirée par Victor Hugo et même reçue par le Roi de Prusse. Rachel va malheureusement mourir de la tuberculose en pleine gloire en 1858 à l’âge de 36 ans. Pour information, Rachel est à l’origine de la première jurisprudence française sur le droit à l’image. Après son décès, un journal publie une gravure la représentant sur son lit de mort. La sœur de l’actrice va alors engager des poursuites et le média sera condamné par le tribunal. Une première en France !

Maintenant que vous en savez plus sur Mademoiselle Rachel, entrons dans le cimetière.

La première tombe « célèbre » que l’on croise est celle du dramaturge, acteur, metteur en scène, réalisateur et scénariste Alexandre Guitry, dit Sacha Guitry. Il est né le 21 février 1885 à Saint-Pétersbourg et mort le 24 juillet 1957 à Paris. Il fait partie de ces hommes du théâtre et du cinéma qui ont marqué l’histoire et que l’on retrouve ici.


Nous montons les quelques marches qui se trouvent sur la droite et empruntons l’avenue des Polonais. Nous continuons à monter dans cette allée bordée de chapelles et sépultures plus ou moins anciennes, mais souvent majestueuses. L’avenue des Polonais devient le chemin des gardes en haut duquel se trouve la tombe la plus visitée du cimetière : celle de Dalida.


Chanteuse et actrice italienne, véritable icône de la variété française des années 60 aux années 80, Iolanda Gigliotti, dite Dalida, est née le 17 janvier 1933 au Caire (Égypte). Elle se donnera tragiquement la mort dans sa villa montmartroise le 3 mai 1987. Amoureuse inconditionnelle de Montmartre où elle a vécu la majorité de sa vie parisienne (sa maison est encore visible au 11 de la rue d’Orchampt, une petite ruelle calme et charmante près de la rue Lepic), il était logique qu’elle repose au cimetière de Montmartre.

Redescendons un peu le chemin des Gardes avant de bifurquer sur la droite. Là, en haut de l’escalier qui redescend vers les prochaines allées à explorer, ne manquez pas la vue que l’on a sur l’ensemble du cimetière. Nous redescendons quelques marches, passons sous le pont métallique de Caulaincourt, et nous trouvons sur un rond-point. En face, à droite, se trouve la tombe d’Emile Zola, ou plutôt son cénotaphe.

Point anecdote ! Qu’est-ce qu’un cénotaphe ?

Alors c’est très simple, un cénotaphe est monument funéraire vide, élevé à la mémoire d’une personne ou d’un groupe de personnes. Contrairement au mausolée ou à la sépulture qui contiennent le ou les corps des défunts, le cénotaphe est un édifice uniquement mémoriel. Ici, les cendres d’Emile Zola ayant été transportées au Panthéon le 4 juin 1908, sa tombe est donc vide, et le monument que l’ont observe est donc un cénotaphe en la mémoire de cet écrivain et journaliste né le 2 avril 1840 à et mort le 29 septembre 1902 Paris.


A partir du cénotaphe d’Emile Zola, je vous propose de vous perdre au fil des allées et de vous laisser happer par la beauté des lieux et des différentes sépultures, parfois grandioses, parfois confidentielles, souvent marquées par les affres du temps, mais toujours pleines d’émotion.

Je vous propose de faire des focus sur une sélection de tombes célèbres et sur celles qui m’ont marqué, en vous indiquant leur position, bien sûr, et quelques lignes sur les personnes qu’elles accueillent. Mes nombreuses photos tenteront de vous faire ressentir l’atmosphère unique qui se dégage des allées de ce cimetière riche d’Histoire et d’histoires.

Nous étions donc près du cénotaphe d’Emile Zola. Nous continuons maintenant notre parcours à travers les sépultures alentour où le lierre et la mousse prennent parfois le dessus sur la dureté de la pierre ancienne, dégageant une atmosphère presque féérique.


Nous arrivons ensuite dans la partie du cimetière réservée aux sépultures juives, entre l’avenue Hector Berlioz, l’avenue Cordier et le chemin Halévy. Nous nous retrouvons alors face à une tombe impressionnante avec une sculpture colossale en bronze qui copie le Moïse de Michel-Ange qui avait été sculpté pour la tombe du Pape Jules II en Italie. Si on s’approche, on peut lire qu’il s’agit de la sépulture d’un certain Osiris.

Point anecdote ! Qui est cet Osiris parisien qui se paye une statue majestueuse au cœur du cimetière de Montmartre ?

Rien à voir avec le dieu de l’Egypte antique ! Notre Osiris est en fait Daniel Iffla, né à Bordeaux le 23 juillet 1823 dans une famille juive modeste. Après des études à Paris et grâce à ses qualités d’observateur éclairé, il va connaitre une ascension fulgurante dans les milieux financiers et faire fortune dans la banque. Mais après la mort de sa femme Léonie en 1955, il va décider de se consacrer au mécénat et à la philanthropie. Il va ainsi contribuer à la restauration de nombreux monuments historiques, et en bâtir d’autres notamment à Paris mais aussi à Bordeaux, sa ville natale. En 1861, il prend officiellement le patronyme d’Osiris en référence au dieu égyptien connu pour ses qualités de « bienfaisant et de civilisateur ». A sa mort le 5 février 1907, il lègue la majeure partie de son immense fortune à l’Institut Pasteur. Osiris était aussi propriétaire du château de Malmaison, l’ancienne résidence de l’impératrice Joséphine. De son vivant, il va s’attacher à la remeubler. Il va aussi rassembler de nombreuses reliques de l’Empereur Napoléon 1er qu’il admire. A sa mort, Osiris va léguer la Malmaison à l'État à condition qu'on y poursuive le retour du mobilier d'origine. D’ailleurs, si vous visitez le château de Malmaison, vous verrez qu’un Pavillon Osiris se trouve à l’entrée. Il présente encore la collection napoléonienne du mécène. Enfin, selon la volonté d’Osiris, sa tombe du cimetière de Montmartre se situe à la limite des parties juive et chrétienne. Pourquoi ? tout simplement parce qu’il peut ainsi reposer près de sa femme Léonie qui, elle, était chrétienne.


Restons dans cette partie du cimetière. A quelques mètres d’Osiris, se trouve le caveau de la famille Camondo. Y sont inhumés Moïse de Camondo, un banquier et collectionneur d'art italien d'origine turque né à Istanbul le 15 mars 1860 et mort à Paris le 14 novembre 1935, et son fils Nissim de Camondo, également banquier et collectionneur né le 23 septembre 1892 et mort lors de la Première Guerre Mondiale le 5 septembre 1917. Depuis 1936, l’hôtel particulier de la famille, situé aux abords du Parc Monceau, rassemble les collections familiales. Ce Musée Nissim de Camondo dédié aux Arts Décoratifs est encore ouvert à la visite et je vous invite à le découvrir quand vous pourrez, si ce n’est déjà fait.


Poursuivons dans le cimetière par les avenues Cordier et Berlioz.

Il y a une tombe que j’ai trouvée assez émouvante, c’est celle du peintre orientaliste Gustave Guillaumet (26 mars 1840-14 mars 1887). On est impressionné par la statue de bronze réalisée par le sculpteur Barrias qui trône sur la sépulture. La jeune fileuse qui est représentée s’inspire d’une œuvre du peintre « Les Fileuses de Bou Saada ». Très expressive, elle paraît presque vivante, comme veillant avec tristesse sur son maître. Mais regardez bien ses yeux. Ils paraissent clos mais en réalité ils vous regardent !

Après quelques pas, avenue Cordier, je tombe nez à nez avec une tombe plus récente mais néanmoins très originale : celle de Joseph Ezri (mort le 20 février 2002) et de sa femme Jacqueline