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LA MAISON BONAPARTE À AJACCIO : DANS L’INTIMITÉ D’UN FUTUR EMPEREUR

Maison Bonaparte
Carte de Corse, 1738 - Maison Bonaparte

Lors de mon dernier séjour à Ajaccio, en Corse du Sud, j’ai eu le privilège de découvrir, en visite privée, la Casa Buonaparte : la maison historique de la famille Bonaparte où naîtra le futur empereur Napoléon. Aujourd’hui musée national de la maison Bonaparte, le lieu est ouvert à tous, toute l’année, et géré par les Musées Nationaux de Malmaison et Bois-Préau (Plus d’informations sur le site de la Maison Bonaparte).

 

C’est une demeure modeste, à la façade ocre et aux volets verts, nichée dans une ruelle étroite de la vieille ville d’Ajaccio – la rue Saint-Charles, ancienne rue Malerba. Et pourtant, c’est ici que naquit, au matin du 15 août 1769, l’un des personnages les plus célèbres de l’Histoire : Napoléon Bonaparte.



La Maison Bonaparte, aujourd’hui musée national, conserve la mémoire familiale de celui qui allait devenir empereur des Français. Classée Monument historique dès 1924, elle nous plonge dans les origines corses du futur conquérant, et raconte l’ascension d’une famille devenue dynastie. Que l’on aime Napoléon ou non, c’est un lieu chargé d’histoire qui, parce qu’il a su garder son intimité, offre à tous les amateurs de patrimoine et aux curieux une visite aussi émouvante qu’éclairante.

 

HISTOIRE DE LA MAISON BONAPARTE : MAISON DE FAMILLE ET LIEU DE MÉMOIRE

 

L’histoire des Bonaparte à Ajaccio débute à la fin du 15e siècle avec Francesco Bonaparte, venu de Ligurie (Italie) s’installer sur l’île – on le surnomme alors «le Maure de Sarzane», en référence à son village natal.

 

Ses descendants acquièrent au fil du temps une partie d’une maison située dans l’actuelle rue Saint-Charles - alors rue Malerba - dans le centre historique d’Ajaccio. À l’époque, la coutume corse morcelle les propriétés à l’extrême, les héritiers se partageant étages et pièces – une même maison pouvait ainsi accueillir des dizaines de propriétaires. Il faudra des décennies de tractations, de mariages stratégiques et d’achats successifs pour que les Bonaparte réunifient la maison, ce qu’ils parviennent à faire en 1766.

 

UNE MAISON FAMILIALE AGRANDIE ET MODERNISÉE

 

En 1764, Carlo-Maria Buonaparte (Charles-Marie Bonaparte), 18 ans, seul héritier masculin de la famille et fils d’un propriétaire terrien et notable ajaccien, épouse Maria-Letizia Ramolino, 14 ans, fille d’un capitaine de cavalerie et inspecteurs des Ponts et Chaussées.



Le couple s’installe dans la maison qui vient d’être rénovée par l’oncle de Charles-Marie, l’archidiacre Luciano Bonaparte. Les travaux entrepris ont été importants : toiture, planchers, murs intérieurs, fenêtres, et même un escalier fixe, qui remplace l’échelle en bois utilisée jusque-là pour accéder aux étages supérieurs.

 

De cette union naîtront treize enfants, dont huit survivront et sept verront le jour dans cette maison (seul l’aîné, Joseph, naîtra à Corte), parmi lesquels Napoléon, né le 15 août 1769. À cette époque, la famille n’occupe qu’une partie du bâtiment actuel : quatre pièces au premier, et quelques autres au rez-de-chaussée.

 

Avocat au Conseil supérieur de l’île et homme d’influence, Charles-Marie est anobli par Louis XV en 1771 et se fait désormais appeler Charles de Buonaparte. Plus tard, il sera envoyé en mission à Versailles en 1778 pour représenter la noblesse corse. Ce statut social s’affiche dans la demeure familiale : la chambre principale est tendue d’étoffes cramoisies, la salle à manger s’orne d’une grande table de vingt couverts, une terrasse est aménagée, et une cheminée de marbre est installée. La maison, bien que modeste de façade, devient un symbole d’ascension sociale.

 

ÉVOLUTIONS DE LA MAISON BONAPARTE APRÈS LA MORT DE CHARLES

 

À la mort de Charles d’un cancer de l’estomac en 1785, Joseph, l’aîné, n’a que 17 ans. Napoléon, lui, parti en 1778 étudier sur le continent, ne reverra pas son père. Il ne sera de retour qu’en 1786 (voir la partie ci-après sur la jeunesse de Napoléon à Ajaccio). La gestion des affaires familiales revient à son oncle, l’archidiacre Luciano, qui continue d’agrandir la maison en rachetant un bâtiment voisin comprenant cuisine, chambres et greniers.


Il parvient aussi à réintégrer dans le patrimoine familial le domaine rural des Milelli, à trois kilomètres d’Ajaccio. Mais les finances sont tendues : Letizia économise sur tout pour payer les études de Joseph et de Lucien, tout en veillant à l’éducation des plus jeunes, Jérôme n’ayant que quelques mois à la mort de son père.

 

RÉVOLUTION, EXIL ET PILLAGES

 

La Révolution, le soulèvement républicain sur l’île que soutiennent les Bonaparte, et les tensions avec les paolistes nationalistes, plongent bientôt la Corse dans le chaos (voir la partie ci-après sur l’histoire de la Corse).

 

Opposés à Pasquale Paoli, favorable à l’indépendance de la Corse face aux Français et soutenu par les Anglais, les Bonaparte doivent fuir précipitamment Ajaccio en mai 1793 pour Toulon. La maison est pillée et en parte démantelées (huisseries, mobilier) par leurs adversaires, puis réquisitionnée par les troupes britanniques qui y installent un dépôt d’armes, un magasin de fourrage et un logement pour leurs officiers – parmi lesquels, ironie de l’Histoire, Hudson Lowe, qui sera le geôlier de Napoléon à Sainte-Hélène.


 

Ce n’est qu’en 1796, après le départ des Anglais, que Joseph Bonaparte peut revenir à Ajaccio. A la demande de son frère Napoléon, il entreprend la reconstruction du patrimoine familial. La maison est remise en ordre et même agrandie lorsque Joseph acquiert le second étage du bâtiment.

 

RESTAURATION ET EMBELLISSEMENTS DE LA MAISON BONAPARTE

 

Grâce à une loi de 1797 votée par le Directoire qui indemnise les Corses victimes de l’occupation anglaise, la famille dispose enfin de moyens pour restaurer la maison.

 

Les travaux commencés par Joseph se poursuivent avec l’architecte suisse Samuel-Étienne Meuron. Letizia supervise tout : elle dresse un inventaire précis de tout ce qui lui a été volé, jusqu’aux petites cuillères, de manière à rassembler suffisamment d’argent. Si elle engage des artisans locaux, par rancœur pour la Corse qui l’a contrainte à l’exil, elle décide de commander briques, tomettes, tuiles et mobilier à Marseille et en Italie. Une rampe d’escalier en fer forgé est même expédiée depuis le continent.



En 1799, les travaux sont achevés. La maison Bonaparte est l’une des plus belles et richement décorées de l’île. Pourtant, Letizia décide de quitter définitivement l’île peu de temps après, lorsque son fils Napoléon est nommé Premier Consul à la suite du coup d’État du 18 Brumaire de l’an VIII (9 novembre 1799).

 

UN HÉRITAGE FAMILIAL DISPUTÉ

 

Après son départ, Letizia confie la maison à Camille Illari, l’ancienne nourrice de Napoléon. Ce dernier souhaite d’ailleurs lui offrir, mais Letizia refuse, arguant que la maison familiale doit rester aux mains des Bonaparte. En 1805, la propriété est ainsi cédée à son cousin, André Ramolino. à la condition qu’il aménage une place devant l’entrée : ce sera l’origine du jardin que l’on connaît aujourd’hui - il doit, pour cela, détruire deux bâtisses existantes.


Gardien de la maison familiale, André Ramolino n’hésitera pas à faire visiter les lieux aux curieux et aux admirateurs de Napoléon après sa mort le 5 mai 1821.

 

Lorsqu’André décède en 1831, la propriété revient à son filleul Napoléon Levie Ramolino. Mais Letizia conteste l’héritage, d’abord au nom du roi de Rome, son petit-fils – Napoléon François Charles Joseph, fils de Napoléon et Marie-Louise -, puis comme héritière de ce-dernier qui meurt prématurément en 1832.

 

Après de multiples rebondissements, la maison passe au cardinal Fesch, demi-frère de Letizia, puis à Joseph Bonaparte, son fils aîné, qui en récupère officiellement la possession en 1843. Elle est alors vide : le mobilier a été dispersé.



DU SECOND EMPIRE AU MUSÉE NATIONAL

 

En 1852, Zénaïde Bonaparte, fille de Joseph, qui avait hérité de la propriété, en fait don à son cousin Napoléon III, qui vient de rétablir l’empire. L’Empereur souhaite restaurer la maison familiale et en confie les travaux à l’architecte Alexis Paccard, déjà chargé du château de Fontainebleau, et au peintre décorateur Jérôme Maglioli.

 


Lors d’une visite en 1860, Napoléon III et l’impératrice Eugénie sont déçus de la trouver vide. Le garde-meuble impérial tente alors de reconstituer les collections à partir de pièces retrouvées ou rachetées.

 

En 1869, à l’occasion du centenaire de la naissance de Napoléon, Eugénie revient avec son fils. Ce sera la dernière visite impériale, car l’année suivante, la chute du Second Empire entraîne la confiscation de la maison. Elle est restituée au prince impérial en 1874, revient à Eugénie à sa mort, puis à son héritier, le prince Victor Napoléon, petit-fils de Jérôme Bonaparte – le plus jeune frère de Napoléon.

 


UNE MAISON CLASSÉE ET OUVERTE À TOUS

 

En 1923, le prince Victor cède la maison à l’État. Elle est classée Monument historique l’année suivante, en 1924. En 1967, elle devient musée national, rattaché aujourd’hui au musée national du château de Malmaison. Depuis, la Maison Bonaparte continue de faire vivre la mémoire d’une famille et d’un destin hors du commun, dans un décor restitué avec soin, entre mobilier Louis XV, Louis XVI et Empire, souvenirs intimes et fragments d’histoire.



À votre tour d’explorer ces lieux aussi instructifs qu’émouvants, qui racontent, entre mémoire familiale et destin impérial, l’histoire d’un homme et d’une lignée qui ont marqué la France et l’Europe.


Avant de suivre la visite que j’en ai fait, je vous propose deux précisions historiques : un focus sur les liens entre Napoléon et la Corse, et un autre sur l’histoire de la Corse et le rôle des Bonaparte dans cette histoire.

 

NAPOLÉON A AJACCIO : UNE JEUNESSE CORSE ENTRE ATTACHEMENT ET EXIL

 

Né dans la maison familiale le 15 août 1769, Napoléon Bonaparte passe ses premières années à Ajaccio, entouré de ses nombreux frères et sœurs. À neuf ans, il quitte la Corse avec son frère aîné Joseph pour suivre ses études sur le continent, d’abord au collège d’Autun, puis au prestigieux collège royal et militaire de Brienne, avant d’intégrer l’École militaire de Paris en 1784. La Corse, pourtant, reste au cœur de ses pensées : c’est une terre qu’il chérit, dont il connaît les reliefs, les passions politiques et les traditions.



En 1786, il obtient un congé de son régiment stationné à Valence et revient passer près d’un an auprès de sa mère Letizia à Ajaccio – son père Charles-Marie est décédé en 1785. Il y mûrit un projet d’ouvrage sur l’histoire et l’avenir de la Corse, preuve de son engagement profond dans les débats politiques insulaires. L’année suivante, un second congé lui permet d’enrichir encore sa réflexion sur l’autonomie corse et le rôle que la Révolution pourrait jouer dans l’émancipation de l’île.

 

Lorsque la Révolution éclate en 1789 et bouleverse l’ordre établi, Napoléon revient sur l’île aux côtés de Joseph pour participer à l’élection de la première administration du département. Il assiste également au retour triomphal de Pasquale Paoli, figure emblématique du nationalisme corse, amnistié par l’Assemblée constituante après deux décennies d’exil en Angleterre. Le jeune officier est d’abord admiratif, mais très vite, des désaccords apparaissent.



Après un retour à Valence, Napoléon revient à Ajaccio à l’automne 1791, et prend une part active à la vie politique locale : il devient lieutenant-colonel d’un bataillon de volontaires corses et se positionne clairement dans le camp des républicains. En 1792, alors qu’il séjourne à Corte, il participe à l’expédition française contre la Sardaigne. Mais la tension monte avec les partisans de Paoli, qui, désormais, se méfie de Paris et se rapproche des Anglais.

 

De retour à Ajaccio en cette même année, Napoléon échappe à une tentative d’assassinat. La situation devient intenable : le 2 avril 1793, Paoli est déclaré hors-la-loi par la Convention. La famille Bonaparte, jugée trop favorable aux idéaux de la Révolution, devient la cible des paolistes. Contraints de fuir, Letizia et ses enfants embarquent à destination de Toulon où ils arrivent le 13 juin 1793. L’exil est définitif.



Napoléon ne reviendra que six ans plus tard, brièvement, après son retour triomphal d’Égypte. Du 2 au 5 octobre 1799, il séjourne à nouveau dans la maison familiale, dort dans la chambre récemment rénovée dite « à l’alcôve », assiste à un bal donné en son honneur par Murat dans la galerie, et se promène jusqu’à la propriété familiale des Milelli avec ses compagnons d’armes Lannes, Berthier et Murat. Le 5 octobre, il quitte discrètement la maison par une trappe pour rejoindre la frégate La Muiron qui mouille en rade d’Ajaccio. Ce sera son dernier passage sur l’île et sa dernière visite dans la maison de son enfance.

 

BRÈVE HISTOIRE DE LA CORSE, ENTRE RÉVOLTE, DOMINATION ETRANGÈRE ET RATTACHEMENT À LA FRANCE

 

Terre de montagne, de fierté et de résistance, la Corse a longtemps été au cœur des rivalités méditerranéennes. Dès le Moyen Âge, l’île suscite les convoitises des grandes puissances maritimes, notamment celles de Pise et de Gênes. En 1284, la bataille de Meloria marque un tournant : Gênes l’emporte sur Pise et s’impose peu à peu comme puissance dominante sur l’île. Cette domination génoise, toutefois, reste indirecte. L’île est administrée par des notables ou des compagnies privées comme l’Office de Saint Georges, une banque génoise qui gère la Corse à partir de 1453. Mais le contrôle est lointain, instable, et souvent mal accepté par la population.



Aux 17e et 18e siècles, les révoltes corses se multiplient contre l’arbitraire de l’administration génoise, perçue comme oppressive et corrompue. Le soulèvement de 1729 dure plusieurs décennies et aboutit, en 1755, à la proclamation d’une république corse indépendante sous l’autorité de Pasquale Paoli qui tient tête aux Génois pendant près de douze ans. Ce dernier dote l’île d’une Constitution, d’un système judiciaire, d’une armée, d’une monnaie et même d’une université. Une expérience démocratique unique dans l’Europe du temps.

 

Le saviez-vous ? La constitution démocratique corse de Paoli fût la première du genre. Elle inspirera même la constitution américaine.

 

De son côté, Gênes est incapable de rétablir son autorité. La République fait alors appel au royaume de France pour l’aider à réprimer le désir d’indépendance corse.

 

LE RATTACHEMENT À LA FRANCE

 

Par le traité de Versailles signé le 15 mai 1768, Gênes cède à la France l’administration temporaire de l’île, en échange d’un soutien militaire. L’armée française intervient rapidement pour soumettre les partisans de Paoli. Le 9 mai 1769, la bataille de Ponte-Novo scelle la défaite des troupes indépendantistes… mais aussi l’annexion plus officielle du territoire au royaume de France. Quelques mois plus tard, le 15 août, naît à Ajaccio Napoleone di Buonaparte, dans une Corse désormais sous domination française.



Les Bonaparte, issus des cercles de notables corses, prennent rapidement parti pour l’autorité française. Charles Bonaparte, le père de Napoléon, y voit une opportunité d’ascension sociale. Il obtient une reconnaissance de noblesse par Louis XV, devient avocat au Conseil supérieur de la Corse, puis député de la noblesse corse à Versailles en 1778. Grâce à ses démarches, ses fils peuvent bénéficier de bourses royales pour leurs études sur le continent.

 

UNE ÎLE EN PLEINE MUTATION RÉVOLUTIONNAIRE

 

Mais les divisions refont surface en 1789 avec la Révolution française. Amnistié par la Constituante, Paoli revient en héros en 1790. Sa popularité est immense, mais il se méfie très vite des dérives révolutionnaires, et sa vision diverge de celle des républicains. Méfiant vis-à-vis de Paris, il se rapproche bientôt de l’Angleterre, espérant établir une Corse autonome sous protection britannique.

 

C’est dans ce contexte que se durcit le conflit entre deux visions de l’île. Paoli et ses partisans défendent une Corse fidèle à ses traditions et appuyée sur la diplomatie britannique. On retrouve à ses côtés, Charles-André Pozzo di Borgo, brillant avocat et figure montante de l’élite insulaire : ancien ami des Bonaparte, il bascule dans l’opposition politique et devient le bras droit de Paoli. De l’autre, la famille Bonaparte adhère pleinement aux idéaux de la Révolution, et s’oppose au détachement de la France.



Napoléon, alors jeune officier, revient régulièrement à Ajaccio entre 1786 et 1793. Il milite pour la République, devient lieutenant-colonel dans un bataillon de volontaires corses et s’investit dans les affaires locales. Mais il devient rapidement la cible des paolistes. En avril 1793, la Convention déclare Paoli hors-la-loi. L’île plonge dans le chaos. Les partisans de Paoli, soutenus militairement par les Anglais, prennent le contrôle de l’île. Les Bonaparte sont pris entre deux feux. Leur maison est pillée, leurs biens confisqués, et la famille est contrainte de fuir l’île le 11 juin 1793 à bord d’un navire pour Toulon. L’exil marque la fin de leur présence en Corse… et le début de leur ascension sur la scène nationale.

 

LA BRÈVE DOMINATION ANGLAISE

 

En juillet 1794, avec l’aide de la flotte britannique commandée par l’amiral Hood, Paoli proclame la création d’un royaume anglo-corse. Le roi George III en devient souverain nominal. L’île est placée sous protectorat britannique, avec un vice-roi à Bastia. Cette période, qui dure jusqu’en octobre 1796, est instable : les rivalités politiques persistent, l’économie est affaiblie, et la présence anglaise suscite méfiance et résistance.

 

Cette domination anglaise, bien que brève, aura des conséquences durables. Elle accentue la fracture entre les clans corses et conforte la position des Bonaparte dans le camp républicain.

 

UNE RUPTURE DÉFINITIVE

 

En octobre 1799, de retour de la campagne d’Égypte, Napoléon fera un dernier passage à Ajaccio. Il séjourne dans la maison familiale du 2 au 5 octobre, assiste à un bal donné en son honneur, et se rend une dernière fois aux Milelli – la propriété agricole de la famille. Mais l’heure n’est plus à la nostalgie : deux semaines plus tard, il prendra le pouvoir à Paris lors du coup d’État du 18 Brumaire de l’an VIII (9 novembre 1799), et devient Premier Consul.

 

L’île de ses origines, avec ses divisions, ses passions et ses haines, appartient désormais au passé. Elle l’a vu naître, mais c’est sur le continent qu’il fera l’Histoire.

 

VISITER LA MAISON BONAPARTE : UN PARCOURS À TRAVERS LES SOUVENIRS D’UNE FAMILLE IMPÉRIALE

 

Pousser la porte de la Maison Bonaparte, c’est remonter le temps. De la modeste maison de notables corses au lieu de mémoire national, chaque pièce raconte un fragment de l’histoire familiale et du destin napoléonien.

 

Le parcours se déploie sur plusieurs niveaux, alternant espaces privés, salles historiques et espaces muséaux. Lors de ma visite, j’ai commencé par le musée du second étage, avant de redescendre vers les espaces plus anciens et plus intimes : l’appartement familial au premier, et les caves voûtées du rez-de-chaussée. Ces espaces montrent une demeure à la fois modeste et soignée, à l’image des ambitions d’une famille désireuse d’affirmer son rang.

 

Notez que toutes les peintures murales et décors peints – notamment les magnifiques plafonds – datent du Second Empire et ont été rénovés en 2003.

 

LE DEUXIÈME ÉTAGE : LA MÉMOIRE NAPOLÉONIENNE ET LES LIEUX MARQUANTS

 

C’est au dernier niveau que débute le parcours, à l’étage racheté par la famille en 1796 et où résidera la princesse Marianne Bonaparte de 1874 à 1891.

 

Dans ce musée introductif, tout évoque l’histoire corse des Bonaparte : la famille, la naissance et la destinée de la « Casa Buonaparte », la jeunesse de Napoléon...

 

NAISSANCE DE LA CASA BONAPARTE

 

La première section présente divers infirmations, documents et tableaux rappelant le contexte dans lequel les Bonaparte se sont imposés en Corse : de la République de Gènes aux révoltes indépendantistes des Paoli (Hyacinthe puis Pasquale, son fils) ; de l’aide militaire française – menée par le Marquis de Maillebois, envoyé par Louis XV pour mater les insurgés – au rattachement de l’île à au royaume de France ; mais aussi les principaux membres actifs de la famille Bonaparte : Charles-Marie, père de Napoléon, Letizia, sa mère, ou encore le cardinal Joseph Fesch, demi-frère de Letizia qui l’aidera après la mort de son époux.



Parmi les pièces remarquables : une immense carte militaire de la Corse réalisée en 1738 par les Français pour préparer leurs premières interventions. Elle est curieusement présentée horizontalement pour permettre une meilleure lecture.

 

LA MAISON DU JEUNE BONAPARTE

 

On revient ici sur la jeunesse de Napoléon qui quittera sa maison natale et Ajaccio pour le continent à l’âge de 9 ans.

 


On observe ici des objets ayant appartenu à ses parents, les livres d’école du jeune Bonaparte, des portraits d’amis de la famille - dont Charles-André Pozzo di Borgo qui deviendra son ennemi en prenant le parti des Anglais pendant la Révolution.

 

LA CHAMBRE « À L’ALCÔVE »

 

On pénètre ici dans l’une des premières pièces historiques : la chambre dite « à l’alcôve » où Napoléon Bonaparte, alors général, aurait dormi du 2 au 5 octobre 1799 à son retour de campagne d’Égypte.



Remeublée pour lui dans un style annonçant le style Empire, elle présente aussi des portraits et documents évoquant les frères et sœurs du futur empereur.

 

On évoque aussi dans la pièce attenante l’exil des Bonaparte et leur retour sur l’île sous le Directoire, avec un focus sur les évolutions de la maison d’Ajaccio, les travaux menés par Joseph à al demande de Letizia, puis l’héritage de sa fille Zénaïde qui offrira la « Casa Buonaparte » au second empereur célèbre de la dynastie : Napoléon III.


 

LE PREMIER ÉTAGE : DANS L’INTIMITÉ DES BONAPARTE

 

En descendant d’un étage, on entre dans l’appartement occupé par la famille Bonaparte et réaménagé par Letizia entre 17896 et 1799. Ces espaces, plus intimes, sont émouvants à explorer : on est ici dans les lieux qui ont vu naître et grandir l’une des personnalités historiques les plus célèbres et influentes de l’histoire de France.

 

On y découvre les pièces de vie de Charles et Letizia Bonaparte, restituées d’après les inventaires et les archives dans l’esprit de la fin du 18ᵉ siècle, dans des styles Louis XV et Louis XVI :

 

LE SALON

 

Le salon de compagnie de Madame Mère, Letizia Bonaparte, est encore aménagé des meubles Louis XVI choisis par cette dernière en 1797.Les maisons d’Ajaccio ne disposant pas d’antichambre, les invités arrivaient directement dans cette pièce de réception.



CABINET DE TRAVAIL – CHAMBRE DE MADAME BONAPARTE

 

Le cabinet de travail de Charles-Marie, est transformée, en 1797, en chambre pour Letizia. Le mobilier Louis XV, dont le lit qui disposait à l’origine d’un baldaquin, date de cette époque.



LA CHAMBRE NATALE DE NAPOLÉON

 

C’est la pièce attendue par tous les visiteurs. En effet, cette pièce qui ressemble plus à un couloir ou un passage qu’à une chambre, aurait vu naître Napoléon.



Quoi qu’il en soit, on observe ici la chaise à porteurs qui transportera Letizia depuis l’église où elle assiste à la messe du 15 août 1769, jusqu’à sa maison où elle accouchera du futur empereur. Le lit Louis XVI est, quant à lui, postérieur à cette naissance.

 

Autres pièces remarquables ici : une magnifique commode italienne de la fin du 18e, réalisé par l’ébéniste Giuseppe Maggiolini ; une crèche de style bavarois qui aurait cependant été rapportée d’Orient par Napoléon ; et, plus surprenant, un buste du prince impérial, fils de Napoléon III et Eugénie, déposé ici par sa mère lors de sa visite en 1869.



LA SALLE À MANGER

 

Cette pièce a gardé son aménagement et ses décors d’origine : canapé, table et chaises de style Directoire en châtaigner et velours vert, vaisselier d’angle, peinture murale imitant le marbre…



LA GALERIE

 

C’est la pièce la plus impressionnante de la maison, et aussi la plus luxueuse. Aujourd’hui, mais aussi à l’époque. Aménagée en 1797, elle présente un parquet en noyer rare en Corse où les maisons sont plutôt pavées de carreaux de terre cuite.

 

Pendant ajaccien de la galerie des Glaces de Versailles, elle est décorée de nombreux miroirs muraux renvoyant les rayons du soleil qui émanent des grandes fenêtres ouvrant sur la terrasse intérieure. Le soir, ces miroirs reflètent les flammes des bougies qui illuminent la pièce les soirs de réception.



Le mobilier Directoire en acajou est recouvert d’un damas jaune jonquille, l’une des couleurs favorites de Letizia Bonaparte. A noter ici, des tables de jeux, et deux commodes exceptionnelles, marquetées de pierres dures, signées de l’ébéniste italien Giuseppe Maggiolini.

 

LE FUMOIR ET LES CHAMBRES EN ENFILADE

 

La pièce suivante est renommée « fumoir » au 19e siècle, mais a servi de petit salon ou de salon de musique.



Les deux chambres attenantes en enfilades, simplement meublées, ont été intégrées à la maison en 1790. La première dispose d’une trappe cachée dans un coin. C’est par ici que Napoléon s’est enfuit discrètement le 5 octobre 1799 pour regagner la frégate Le Muiron, et ainsi rejoindre Paris, où il fomentera le coup d’État qui, le 18 Brumaire (9 novembre), le mènera au pouvoir.

 

C’est ici que se terminait la maison des Bonaparte aux 18e et 19e siècles. Aujourd’hui, après l’acquisition du bâtiment voisin par le musée, les espaces se sont agrandis pour accueillir des expositions temporaires et une section sur le Second Empire, évoquant les restaurations menées alors et les visites de Napoléon III, Eugénie et leur fils à Ajaccio.



Sont présentés ici aussi des objets rappelant la « Napoléon-mania » qui touchera les admirateurs de l’ex-empereur dès sa disparition… et jusqu’à aujourd’hui !

 


EXPOSITION TEMPORAIRE : LES TRÉSORS DE MALMAISON À AJACCIO

 

Jusqu’au 4 novembre 2025, la Maison Bonaparte propose une exposition temporaire exceptionnelle : Trésors de Malmaison. Organisée en partenariat avec le musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau, cette exposition présente une sélection d’objets d’art, de mobilier et de souvenirs liés à l’impératrice Joséphine et à Napoléon, issus des collections de Malmaison.



On y découvre notamment des objets précieux ayant appartenu à Joséphine, des pièces décoratives emblématiques du style Empire, ainsi que des portraits, le tout exposé dans une scénographie élégante et sobre. Un dialogue sensible entre deux lieux emblématiques de l’histoire impériale.

 

LE REZ-DE-CHAUSSÉE : ACCUEIL ET INTRODUCTION

 

La visite se termine dans la partie la plus ancienne de la maison, où se trouvent aujourd’hui la billetterie et l’accueil. Ce niveau abrite aussi les caves voûtées et les anciennes dépendances, qui servaient autrefois de réserves et de pièces de service.


 

Des panneaux explicatifs retracent également la généalogie de la famille et replacent la maison dans le contexte de l’Ajaccio du18ᵉ siècle, avec notamment un focus sur les autres propriétés des Bonaparte, comme le domaine des Milelli et son oliveraie. Des outils, pressoirs et autres objets rappelant ces propriétés rurales sont exposés ici. Enfin, on remarque au plafond une trappe : c’est celle que nous avons déjà repérée dans l’une des deux chambres de l’étage supérieur, par laquelle Napoléon s’est esquivé le 5 octobre 1799.

 

MON AVIS - UNE MAISON HABITÉE PAR L’HISTOIRE

 

Si vous passez par Ajaccio, vous ne pouvez pas ne pas visiter la Maison Bonaparte. Dans cette vile où tout rappelle Napoléon, c’est un incontournable.

 

Ce qui frappe dans cette visite, c’est la sensation d’entrer, non pas dans un musée figé, mais dans une maison vivante, où chaque pièce raconte la vie d’une famille de notables devenue la plus célèbre de l’histoire de France, entre souvenirs personnels, enjeux politiques et destin impérial.

 

Et au-delà du musée national de la maison Bonaparte, je vous suggère d’explorer Ajaccio, et notamment les lieux marqués par le passage de Napoléon et sa famille.



Parmi les points d'intérêts liés à Napoléon (liste non exhaustive) :

 

  • La place Foch ou place des Palmiers devant l’Hôtel de Ville : Dominant la place, la statue en marbre blanc de Napoléon Bonaparte, représenté en consul romain, est signée du sculpteur italien Massimiliano Laboureur (1767-1831). Elle repose sur un piédestal décoré de figures allégoriques. Juste devant, la fontaine des quatre lions en granit a été conçue par l’architecte Jérôme Maglioli sous le Second Empire.

 


  • L’Hôtel de Ville, édifié sous le règne de Charles X entre 1824 et 1830, abrite une salle des mariages dont les décors 19e sont un véritable hommage à l’empereur et sa dynastie. Ce salon napoléonien expose même l’acte de baptême du jeune Napoléon.


 

  • La cathédrale Santa Maria Assunta (Sainte-Marie de l’Assomption) achevée en 1593 : elle accueille le baptistère où Napoléon fût baptisé le 21 juillet 1771, et jusqu’à la construction d’une chapelle impériale (dans l’actuel musée Fesch), on y trouvait également la chapelle funéraire des Bonaparte.


 

INFORMATIONS PRATIQUES

 

  • Quoi ? Musée national de la maison Bonaparte

  • Où ? Rue Saint-Charles – 20000 Ajaccio

  • Quand ? Ouvert tous les jours sauf lundi

  • Combien ? 7 € (gratuit -26 ans)

 

Exposition en cours : Trésors de Malmaison (jusqu’au 4 novembre 2025)

 

Toutes les informations et réservations sur le site de la Maison Bonaparte.

1 Comment


Osborn Tyler
Osborn Tyler
il y a 3 jours

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