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Photo du rédacteurIgor Robinet-Slansky

À LA DÉCOUVERTE DU MUSÉE DE LA CHARTREUSE DE DOUAI AVEC PIERRE BONNAURE, SON DIRECTEUR

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Chartreuse de Douai

À une heure de TGV de Paris, la ville de Douai a de quoi surprendre et séduire les passionnés d’histoire et de patrimoine, comme les curieux avides de nouveaux territoires à explorer. Son histoire séculaire, qui s’est construite entre le royaume de France et le comté de Flandre, confère à cette cité frontière une formidable richesse culturelle, architecturale et patrimoniale.

 

Parmi les pépites de ce patrimoine douaisien, je vous propose de découvrir un lieu étonnant et riche de près de 500 ans d’histoire : la chartreuse de Douai qui accueille aujourd’hui, et depuis 1958, le musée des Beaux-arts de la ville.



Au-delà de la diversité et de la qualité de ses collections qui, à elles-seules valent la visite, l’architecture-même de la chartreuse, précieux témoin de son histoire et de ses évolutions, en fait un monument incontournable de la région.

 

Cet ancien hôtel particulier bâti dans un style Renaissance entre la fin du 16e siècle et le début du 17e, accueillera ainsi la communauté religieuse des Prémontrés de Furnes en 1623, avant de devenir la propriété de moines Chartreux en 1662, des Chartreux qui vont l’agrandir et notamment ériger l’église que l’on peut encore admirer.

 

Nationalisée à la Révolution, la chartreuse devient un site militaire, et plusieurs bâtiments sont détruits pour servir ses nouvelles fonctions. Classée aux monuments historiques, elle restera cependant aux mains de l’armée jusqu’en 1940. Après la seconde guerre mondiale, elle est cédée à la ville de Douai qui projette d’en faire le nouveau musée des beaux-arts, l’ancien ayant été détruit par les bombardements anglais en août 1944. Après des aménagements, le musée ouvre le 3 mai 1958.

 

Aujourd’hui, plus de 750 œuvres (peintures, sculptures, objets d’art, photos) y sont exposées, couvrant les grandes périodes de l’histoire de l’art européenne, depuis le Moyen-Âge jusqu’aux artistes contemporains du 20e siècle.


Pour ma part, c’était la première fois que je me rendais à Douai. Je ne connaissais pas la chartreuse, mais j’ai été conquis par ma visite. Il faut dire que j’ai eu la chance d’être accompagné dans ma découverte par Pierre Bonnaure, son Directeur, avec qui j’ai eu le plaisir de m’entretenir pour mon podcast.

 

Après une présentation de la chartreuse de Douai, de son histoire et de son musée, et afin de mieux comprendre ce lieu atypique et passionnant de notre patrimoine, je vous invite donc à suivre mon entretien avec Pierre Bonnaure (ici et sur toutes les plateformes d’écoute).


Avec lui, je reviens sur les grandes évolutions du site, sur les spécificités de son musée, mais aussi sur quelques anecdotes et sur ses prochaines actualités. Car au-delà des expositions permanentes, les murs et jardins de la Chartreuse accueillent de nombreux événements culturels tout au long de l’année.

 

 

LA CHARTREUSE DE DOUAI : UNE HISTOIRE RICHE ET SÉCULAIRE

 

Avant de plonger directement dans la visite de la chartreuse de Douai et de son musée, il est nécessaire, pour mieux appréhender les lieux, de revenir sur leur histoire, mais aussi et avant tout sur celle de la ville de Douai elle-même.

 

DOUAI, L’HISTOIRE MOUVEMENTÉE D’UNE VILLE FRONTIÈRE

 

La ville de Douai est née au Moyen-Âge, au cœur du comté de Flandre. Ce comté, appartenant à la maison de Flandre depuis la fin du 9e siècle, devient vite un fief vassal des rois de France, et le reste tout au long du Moyen-Âge. La première mention de Douai date, elle, de 930.



LE COMTÉ DE FLANDRE : DE LA PROVINCE BOURGUIGNONNE AU ROYAUME DE BELGIQUE

 

Après être brièvement passé aux mains de la maison Dampierre, grande famille noble originaire de l’Aube, en 1280, le comté de Flandre devient propriété des ducs de Bourgogne et de la maison des Valois en 1384. Cette province des Pays-Bas bourguignons sera régulièrement disputée par la France aux ducs de Bourgogne, notamment pendant la Guerre de Cent Ans (1337-1453), mais elle reste en leur possession.

 

Il faut attendre 1482 pour que le comté change de propriétaires. Cette date marque en effet la mort de Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire (duc de Bourgogne) et épouse de Maximilien d’Autriche, fils de l’empereur Frédéric III. Par héritage, le comté quitte ainsi les possessions bourguignonnes et intègre officiellement la maison des Habsbourg d’Autriche, et donc le Saint-Empire Romain Germanique.

 


Le comté de Flandre est ensuite naturellement transmis au petit-fils de Marie et Maximilien, Charles, roi de Castille et d’Aragon. Devenu chef de la Maison des Habsbourg, Charles est proclamé empereur du Saint-Empire-Romain-Germanique en 1520, et devient le célèbre empereur Charles Quint (règne 1620-1558). Il réussit alors à contraindre le roi de France François 1er (règne 1515-1547) à renoncer à la suzeraineté sur le comté de Flandre. Un comté qui devient désormais une province de ce qu’on appellera à la fin du 16e siècle les Pays-Bas espagnols.

 

Il faut attendre le 17e siècle et la guerre de Hollande (1672-1678) pour que Louis XIV (règne 1643-1715) conquiert une partie de ce territoire et intègre la Province des Flandres au royaume de France. Parmi les villes conquises : Lille, Dunkerque ou encore, bien sûr, Douai.

 

Mais la France perd de nouveau ces territoires en 1714 à la suite de la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714) qui voit le royaume espagnol céder ses anciens Pays-Bas à l’empire d’Autriche. Ce n’est qu’à la Révolution, en 1795, que l’armée de la France républicaine récupère ce qu’on appelait alors les Pays-Bas Autrichiens. Elle les gardera jusqu’en 1830, date à laquelle une partie de ces territoires intègrent le royaume de Belgique tout nouvellement créé.

 

ET LA VILLE DE DOUAI DANS TOUT ÇA ?

 

Depuis le premier castrum du 10e siècle, Douai s’est développée autour des rives de la rivière Scarpe, sous l’autorité des comtes de Flandre. Cependant, cette ville frontalière, à la position stratégique, est constamment tiraillée entre le roi de France et le comte de Flandre qui en revendiquent chacun la propriété ou la gouvernance, d’autant plus que la ville est alors très prospère grâce à ses activités commerciales et artisanales. Spécialisée dans la vente de grains en provenance des régions agricoles voisines, et dans la draperie, la cité médiévale s’est en effet fortement enrichie.

 

FRANCE, FLANDRE OU HAINAUT : LA PROSPÉRITÉ AVANT TOUT

 

Tout au long du Moyen-Âge, Douai passe en alternance aux mains des Français, des comtes de Hainaut (comté voisin appartenant au Saint-Empire-Romain-Germanique) et des comtes de Flandre. Les rois de France Philippe Auguste (règne 1180-1223), Louis VIII (règne 1223-1226) et Louis IX, dit Saint-Louis (règne 1226-1270), en feront même une possession royale lors des guerres franco-flamandes du 13e siècle.



Cependant -et c’est ce qui a fait le succès et la force de la ville-, depuis le 11e siècle et suivant un accord passé avec les comtes de Flandre, Douai est une cité gérée en toute autonomie. Le pouvoir local -économie, urbanisme, justice, sécurité- est ainsi administré par seize échevins (ou magistrats municipaux si vous préférez), tous égaux et désignés selon un système bien spécifique.

 

Ce système, qui restera en place quels que soient les suzerains de la ville, permettra aux échevins de garder une certaine indépendance, et avec elle, de garantir la stabilité de la cité ; une stabilité indispensable pour le maintien de la prospérité.

 

DE LA FRANCE À LA BOURGOGNE

 

En 1369, alors que Douai est française depuis plus d’un demi-siècle, elle repasse aux mains de la Flandre sous l’impulsion du roi de France Charles V (règne 1364-1380). En effet, ce-dernier offre la ville à son frère Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, pour son mariage avec la fille du comte de Flandre, Louis de Male. Douai intègre donc la Flandre, et par la même occasion le duché de Bourgogne qui va en rester propriétaire pendant plusieurs siècles.



La France, notamment sous le règne de Louis XI (r.1461-1483), tentera régulièrement –en vain- de reprendre aux ducs de Bourgogne cette ville de Douai, dont la situation frontalière reste toujours très stratégique. Mais le mariage en 1477 de Maximilien de Habsbourg, fils de l’empereur d’Autriche, avec Marie de Bourgogne, consolide la propriété bourguignonne et rattache la cité au puissant Saint-Empire-Romain-Germanique.

 

LE SAINT EMPIRE ROMAIN GERMANIQUE : DOUAI L’IMPÉRIALE ET LA RELIGIEUSE

 

Sous l’impulsion de l’empereur du Saint Empire Romain Germanique, Charles Quint (règne 1520-1558), puis de son fils Philippe II d’Espagne (règne 1556-1598), qui intègre la ville à ses provinces des Pays-Bas Espagnols, Douai prend un nouveau tournant stratégique, à la fois administratif et religieux.



Déjà au 13e siècle, alors que ses activités commerciales déclinaient, Douai était devenue l’un des centres religieux les plus importants de la région. Cette époque a ainsi vu naître et se développer nombre d’églises ou de congrégations religieuses (couvents, abbayes…) au cœur de la ville.

 

Au 16e siècle, alors que la nouvelle religion protestante (réformiste) s’étend partout en Europe, la cité dousaisienne réagit en renforçant ses positions catholiques et en érigeant de nouveaux édifices et établissements religieux (près d’une quarantaine de couvents sont recensés à la veille de la Révolution). La cité accueille notamment les réfugiés catholiques anglais qui ont fuit leur pays face au protestantisme.

 

En parallèle, et avec le soutien des papes Paul IV puis Pie VI, Philippe II d’Espagne fonde en 1562 l’Université de Douai. Il s’agit à la fois de proposer un enseignement catholique à celles et ceux qui fuient les régions protestantes, mais aussi aux Français perturbés par les guerres de religions qui ébranlent alors leur royaume.

 

Cependant, si l’Université de Douai accueille 1000 étudiants et, entre autres, cinq facultés (théologie, médecine, droit canon et droit civil, arts libéraux) et huit collèges, elle ne parvient pas à rivaliser avec les grandes Universités d’alors et à attirer les grandes familles européennes de l’époque.

 

DOUAI DEVIENT FRANÇAISE AU 17E SIÈCLE

 

Lorsque Louis XIII (r.1610-1643), via Richelieu, déclare la guerre à l’Espagne en 1635, s’en est fini de la tranquillité pour les Pays-Bas Espagnols. Arras devient française en 1640, et les combats se poursuivent jusqu’aux portes de la ville de Douai qui se dégrade et s’appauvrit.



Il faut cependant attendre 1667 pour que Louis XIV (r.1643-1715), aidé par son ingénieur et architecte militaire Vauban, envahisse la Flandre et attaque Douai et Lille avant de s’en emparer. En 1668, le traité d’Aix-la-Chapelle atteste l’annexion définitive de la Flandre à la France.

 

La position de Douai, à la frontière du reste des Pays-Bas Espagnols, en fait une ville stratégique à protéger. En effet, Louis XIV entend récupérer les territoires espagnols qu’il considère comme étant l’héritage que son épouse la reine Marie-Thérèse est en droit de récupérer à la suite de la mort de son père, le roi Philippe IV d’Espagne, en 1665.

 

Le Roi Soleil doit, pour cela, combattre la Triple-Alliance de La Haye constituée en 1668 par les Provinces-Unies (7 régions du nord des actuels Pays-Bas, dont la Hollande), l’Angleterre et la Suède qui s’opposent à l’expansion de la France sur les Pays-Bas Espagnols. Face au risque d’attaques, Louis XIV confie à Vauban le renfort et l’amélioration des fortifications et du système de défense de Douai qui devient une véritable cité militaire avec ses casernes, son arsenal, ou encore ses fonderies à canons.

 

Après une courte reprise de la ville par les Provinces-Unies lors de la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714) – ce conflit qui oppose, entre autres, la France à l’Angleterre, l’Autriche et aux Provinces-Unies -, Douai redevient définitivement française en 1712. En grande partie détruite, la ville est rebâtie dans un goût français et non plus flamand. Afin de consolider son pouvoir en Flandre française et de conserver la main sur la ville de Douai, le roi décide également d’y implanter le Parlement de Flandre, auparavant installé à Tournai.

 

Redevenue prospère, Douai se redéveloppe tout au long du 18e siècle autour des activités militaires, administratives et religieuses. L’Université, quant à elle, périclite face aux départs des étudiants étrangers, ordonnés par le gouverneur des Pays-Bas Autrichiens voisins.

 

DE LA RÉVOLUTION À L’INDUSTRIALISATION

 

Lorsque la Révolution éclate, elle est soutenue, à Douai, par les nombreux avocats de la ville et par la bourgeoisie, mais elle se déroule sans grandes violences. La vente des biens nationaux disperse les richesses du clergé, comme dans tout le pays, et provoque le démantèlement ou la transformation de nombreux édifices. En parallèle, en novembre 1789, la Flandre française devient le département du Nord, avec pour chef-lieu la ville de Douai.

 


Le calme douaisien va être interrompu lorsque la France révolutionnaire déclare la guerre à l’Autriche en 1792. La ville est en effet en première ligne des combats. La menace est cependant définitivement écartée en 1794 grâce à plusieurs victoires des armées françaises.

 

Sous le Premier Empire de Napoléon 1er (1804-1815), Douai perd sa fonction de chef-lieu du département au bénéfice de Lille. L’Université y est cependant réinstallée, avant d’être de nouveau supprimée pendant la Restauration (1815-1830). Elle n’y sera réimplantée que sous Napoléon III (r. 1852-1870), dont le règne marquera également la modernisation de la ville. Une ville qui se transforme et grandit, en même temps qu’elle accueille une gare de chemin de fer lui permettant de relier Paris et les villes alentour.



D’un point de vue économique, si Douai n’entre pas rapidement dans l’ère industrielle, elle développe petit à petit, au cours du 19e siècle, ses activités textiles (tissages, tulles), minières (charbon), de forge (métallurgie) et de transformations des produits agricoles (betteraves). Sa prospérité est grandissante jusqu’à la Première Guerre Mondiale.

 

DOUAI DANS LES TROUBLES DU 20E SIÈCLE

 

Occupée par les troupes allemandes pendant la guerre de 1914-1918, Douai se reconstruit dans l’entre-deux-guerres, notamment aux abords de la gare où les immeubles Art-Déco fleurissent. Et malgré une moindre diversité industrielle, l’économie reprend et prospère jusqu’à la seconde Guerre Mondiale.



La Seconde Guerre Mondiale, justement. La ville est occupée jusqu’au 11 août 1944, date de sa libération. Reconstruite, Douai continue ses activités industrielles d’extraction houillère avec la nationalisation de nombreuses mines. Une activité qui, on le sait, va peu à peu décliner.



Je m’arrêterai là pour l’histoire de Douai et ne me risquerai pas aux commentaires sur le développement contemporain de la ville, ce n’est pas mon rôle. Mais vous avez, il me semble, une idée plus précise des évolutions de la ville et de la région au fil des siècles. Une histoire locale qui va permettre de mieux situer celle de la chartreuse dont je vous propose de découvrir les secrets.

 

LA CHARTREUSE DE DOUAI : 5 SIÈCLES D’HISTOIRE

 

L’histoire de ce qu’on appelle aujourd’hui la chartreuse de Douai commence il y a près de 500 ans. A cette époque, la ville de Douai, qui fait partie des Pays-Bas espagnols, propose des exemptions fiscales pour attirer les riches familles nobles françaises. Ce sera le cas de Jacques d’Abencourt qui s’y installe en 1554 sur un domaine hérité de son père.



Pour comprendre l’histoire des lieux, il suffit d’être un bon observateur. En effet, lorsqu’on arrive devant le musée de la Chartreuse, l’architecture parle d’elle-même: de gauche à droite, la succession des trois bâtiments qui nous font face raconte son histoire.

 

L’HÔTEL RENAISSANCE

 

Le premier bâtiment que l’on peut observer est l’hôtel Renaissance, bâti par Jean d’Abencourt au 16e siècle et agrandi par Jean de Montmorency au début du 17e.


Tout commence donc avec Jean d’Abencourt. En 1559, après avoir détruit le manoir primitif qui se trouvait sur son nouveau domaine, ce-dernier décide de bâtir un hôtel particulier dans le goût de la Renaissance flamande, avec ses briques et ses pierres typiques de la région, ses fenêtres à meneaux surmontées de frontons en cintre ou triangulaires, et ses inspirations tantôt antiques, tantôt gothiques.



Nommé commissaire aux finances de l’Université en 1562, Jean d’Abencourt occupe ainsi sa propriété trente ans, avant qu’elle passe aux mains de Gilles de Lens, baron d’Aubigny. À sa mort en 1607, ce-dernier la transmet à son gendre, Jean de Montmorency, fils cadet d’une riche famille noble française proche des Habsbourg à qui la région appartient toujours.

 

Jean de Montmorency et son épouse Magdeleine de Lens, qui vient d’hériter du domaine, vont y apporter des transformations significatives. En effet, afin d’accueillir leur famille nombreuse (ils ont 13 enfants), le couple agrandit son nouvel hôtel dès 1608, et construit ainsi deux grandes salles de réception dignes de son rang. Ces deux pièces superposées attenantes à l’hôtel d’Abencourt sont reliées par un escalier au sein d’une tour carrée, encore visible aujourd’hui. Une nouvelle aile – détruite après le Seconde Guerre mondiale – prolongeait, en angle droit, le corps principal du bâtiment. D’un point de vue architectural, bien que plus imposantes, les nouvelles constructions sont réalisées dans le même style Renaissance choisi par d’Abencourt, de telle sorte que si on ne connaît pas l’histoire des lieux, on peut penser que l’ensemble a été bâti à la même époque.



Grand catholique, Jean de Montmorency va contribuer à l’installation de nombreuses congrégations et institutions religieuses à Douai et dans la région. En effet, le début du 17e siècle voit la religion catholique triompher du protestantisme dans le sud des Pays-Bas espagnols. Appuyée par son Université, la ville de Douai encourage la construction d’églises, de couvents et de collèges catholiques.

 

C’est ainsi naturellement qu’en juillet 1623, alors qu’il est appelé à quitter la ville pour devenir gouverneur d’Aire dans le Pas-de-Calais, Jean de Montmorency vend son hôtel douaisien à un groupe de religieux : les Prémontrés de Furnes. Il meurt en 1630 en Espagne où il avait été nommé ambassadeur auprès du roi Philippe IV quelques années plus tôt.

 

Pour information, la communauté religieuse des Prémontrés de Saint-Nicolas de Furnes, qui suit la règle stricte de pauvreté prônée par Saint Augustin, tient son nom de l’abbaye de Prémontré, située dans l’Aisne et fondée par Saint Norbert en 1120.

 

En 1662, après 40 ans d’occupation, les Prémontrés résidant à Douai, revendent leur domaine à une communauté de Chartreux. Ces-derniers, originaires de Valenciennes, cherchaient un nouveau lieu pour s’installer après que leur monastère avait été détruit par les Protestants en 1571. S’ils ont pu se porter acquéreurs, c’est grâce à une Douaisienne, Mary Loys, qui, en 1654, a choisi de leur léguer sa fortune à la condition qu’ils fondent un monastère, ici même à Douai. Ce qu’ils vont donc faire.

 

LA NAISSANCE DE LA CHARTREUSE

 

L’ordre des Chartreux, dont les règles officielles sont nées en 1140, a été initié en 1084 par Saint Bruno, alors que ce-dernier décide de se retirer avec six compagnons dans le massif de la Grande Chartreuse près de Grenoble (d’où leur nom). Là, le petit groupe de moines va mener une vie de prières dans la solitude et la contemplation, tout en s’inscrivant dans une vie communautaire où le salut passe par l’accomplissement des tâches matérielles.



De même que Saint Bruno et ses disciples, les moines chartreux vont mener une vie alliant l’austérité des ermites et la vie en communauté. Ils se répartissent entre les pères, moines anachorète, qui suivent une vie de prière et de solitude dans leur cellule, et les frères, moines cénobites, qui vivent ensemble et travaillent à la vie matérielle du groupe.

 

Les Chartreux de Douai, après avoir racheté des terrains voisins pour agrandir leur domaine, réalisent ainsi de grands travaux pour adapter l’hôtel particulier à leur vie monastique. Ils vont alors bâtir leur monastère en trois grandes parties, selon les règles prescrites par Saint Bruno.

 

D’abord, dans l’ancien hôtel d’Abencourt-Montmorency, ils vont créer une hôtellerie pour accueillir, d’une part, les visiteurs et les pèlerins, mais aussi, dans une autre aile, les frères, et dans la dernière, les services communautaires (boulangerie, buanderie etc…). Un grand cloître est ensuite édifié, autour duquel s’organisent les cellules des frères, et de nouvelles galeries sont enfin élevées pour créer un petit cloître.



Si le réfectoire et la chapelle (qui deviendra la salle capitulaire où se réunit la communauté) voient le jour dès 1663 autour du petit cloître, la conquête de la région et de la ville par les Français en 1667 ralentira les travaux. Ils ne reprendront qu’en 1687 avec la construction de la galerie Ouest, et en 1690 avec le bâtiment des offices qui accueille l’administration cartusienne mais aussi des chambres pour les hôtes.

 

Pour information, c’est cette galerie du bâtiment des offices élevée par les chartreux qui compose le deuxième bâtiment que l’on voit en arrivant face au musée, à droite de l’hôtel Renaissance.



Le troisième et dernier bâtiment que l’on peut observer est facilement reconnaissable. Il s’agit de l’église de la chartreuse que l’on décide d’ériger à partir de 1699-1700. Consacrée en 1725, elle remplace la chapelle située autour du petit cloître qui perd alors ses fonctions et devient la salle capitulaire : une pièce importante pour la communauté de moines puisque c’est ici qu’on entend la lecture de la règle de l’ordre, qu’on reçoit la pénitence, qu’on se confesse ou qu’on se réunit pour toute question administrative.



Contrairement à l’hôtel d’Abencourt-Montmorency qui est de style Renaissance flamande, les constructions des chartreux sont d’abord de style baroque flamand, à l’image de la galerie que l’on peut encore observer, puis, à partir de la conquête française, de style classique, à l’instar de l’église du 18e qui en est l’exemple parfait.

 

Anecdote : L’affaire Augustin Louchet, entre amour passion et religion.