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ANECDOTE: CÉLÉBRER L’ÉPIPHANIE, DES ORIGINES À LA COUR DE VERSAILLES

Dernière mise à jour : 4 janv.

Noël et le nouvel an à peine passés, on célèbre déjà l’Épiphanie autour de l’incontournable galette des rois. Une tradition séculaire qui existait déjà à la cour de Versailles.


Projetons-nous ainsi au château de Versailles, un 6 janvier de la fin du 17e siècle. Comme le veut la tradition, et comme il aime le faire, le roi Louis XIV (règne 1643-1715) reçoit une assemblée de courtisans, hommes et femmes de la cour, pour l’Épiphanie. Avant l’installation de la cour au château de Versailles en mai 1682, c’est à Fontainebleau ou dans d’autres résidences royales qu’elle est célébrée. À partir de 1683, ce sera dans le salon de Mercure, au cœur des Grands appartements du Roi. Pour l’occasion, 5 à 6 tables y sont dressées. La première, plus grande, est réservée au roi et aux hommes; les autres accueillent la reine et les femmes invitées.

Un gâteau des rois est alors déposé sur chaque table et après que Louis XIV et les princesses présentes aient choisi leur part, le reste de l’assemblée s’approprie la sienne. Une fois les fèves découvertes, les rois et reines d’un jour s’amusent à organiser leur propre gouvernement postiche avec des ministres choisis dans l’assemblée. Le roi lui-même peut alors devenir ministre ou intendant d’un de ses invités… de manière provisoire et fictive bien sûr! Louis XIV va en revanche rapidement abolir la possibilité pour celles et ceux qui portent la couronne du jour de pouvoir lui demander grâces et faveurs. Faire tomber temporairement les barrières, d’accord, mais il ne faudrait pas en abuser!


Cependant, la tradition du gâteau et de la galette des rois ne date pas du Grand Siècle du Roi Soleil. D’ailleurs, savez-vous ce que signifie l’Épiphanie, mais aussi pourquoi et depuis quand nous la fêtons de cette manière?

Dans la chrétienté, et la religion catholique en particulier, il s’agit de la manifestation de Jésus Christ aux yeux du monde, symbolisée par l’arrivée des Rois Mages autour de la crèche à Bethléem, offrant des présents au fils de Dieu. Mais en réalité, il faut savoir qu’on parle d’épiphanie dès l’Antiquité.


En grec, ‘epiphanios’ signifie ‘illlustre, éclatant’ et ‘epipháneia’, ‘manifestation, apparition’. En Grèce antique, l’Epiphanie est une fête qui célèbre la renaissance de la lumière et la manifestation du Soleil après le solstice d’hiver (21 déc.), notamment à partir du 6 janvier où les jours se rallongent visiblement. Les Grecs fêtent alors les épiphanes, 12 dieux de l’Olympe apparus aux hommes. Cette fête sera reprise par la Rome antique qui célèbre alors ses propres dieux épiphanes.


Avec le développement de la chrétienté, le 6 janvier va être adapté pour célébrer une autre épiphanie, un autre type de naissance et de manifestation divine. Jusqu’au 4e siècle, cette date fête à la fois la naissance de Jésus (la Nativité), la venue des rois mages, mais aussi des événements plus tardifs comme le miracle des noces de Cana (l’eau changée en vin).


Vers 330 ou 354, l’Empereur romain Constantin 1er, converti au christianisme, va fixer la Nativité au 25 décembre pour remplacer les fêtes païennes du solstice d’hiver (le sol Invictus, soit les fêtes du soleil invaincu célébrées traditionnellement par les Romains).

L’Épiphanie, toujours fêtée le 6 janvier, marque alors le jour où Jésus est apparu aux yeux du monde à travers ceux des Rois Mages qui, selon la Bible, arrivent 12 jours après la naissance de Jésus (donc bien le 6 janvier). Venus d’Orient et guidés par une étoile, ces mages, cités dans la Bible comme des «sages» sans véritable idée de nombre, deviennent les 3 Rois Mages au 3e siècle. Ils seront nommés Melchior, Gaspard et Balthazar au 8e siècle. L’Adoration des Mages est ainsi célébrée le 6 janvier ou le 2e dimanche de janvier selon les pays.


Cela étant dit, une autre question se pose: pourquoi mange-t-on de la galette et pourquoi tire-t-on les rois à cette date? Tout remonte en réalité aux fêtes païennes des Saturnales dans la Rome antique. Durant 7 jours, la hiérarchie sociale est parodiée à l’occasion de grandes festivités. Il s’agit de rendre hommage à Saturne, dieu de l’agriculture et de la fertilité des sols dont on dit qu’il aurait su gouverner les hommes de manière douce et équitable, en usant de son pouvoir pour rassembler leurs forces et ainsi fonder une société prospère.


Pour fêter cet âge d’or d’équité, et pour représenter Saturne, on élisait le roi ou la reine d’un jour parmi les esclaves, grâce à une fève glissée dans une galette (ronde, de la forme du soleil, rappelant l’origine de ces fêtes liées au solstice d’hiver). Comme aujourd’hui, le plus jeune de l’assemblée se devait d’annoncer la distribution des parts de la galette aux convives. Le roi ou la reine avait le privilège de donner des gages ou de faire exaucer ses vœux. Plus de maître ni d’esclave pendant ces Saturnales. Chacun faisait, mangeait et buvait ce qui lui plaisait.

Au 13e siècle, les chrétiens s’approprient cette tradition païenne et vont tirer les rois en hommage aux 3 Rois Mages. Au Moyen-Âge, les seigneurs désignent un enfant qui doit se cacher sous la table et qui, après avoir répondu à une série de questions, doit choisir la répartition des parts de la galette. Les chanceux qui tirent la fève deviennent les maîtres à la place des seigneurs pour la journée. Et comme je vous le disais, cette tradition de galette et de tirage des rois va se poursuivre sous l’Ancien Régime.


Finalement, si ce n’est pendant la Révolution où l’Épiphanie devient le ‘jour des sans-culottes’ et la galette des rois la ‘galette de l’Égalité’, la tradition de l’Épiphanie et du tirage des rois est restée très populaire, jusqu’à aujourd’hui où chaque année 30 millions de galettes sont consommées en France.


Bonne dégustation!


Sources

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