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EXPOSITION: ‘BERTILLE BAK, ABUS DE SOUFFLE’ AU JEU DE PAUME


Le musée du Jeu de Paume, à Paris, qui fête ses 20 ans cette année, présente une nouvelle exposition inédite autour du travail de l’artiste contemporaine française Bertille Bak, nommée au prix Marcel Duchamps 2023: «Abus de souffle», du 13 février au 12 mai 2024. Artiste vidéaste et plasticienne née en 1983 à Arras, Bertille Bak voyage à travers le monde depuis plus de dix ans, observant et explorant les sociétés et les populations marginalisées ou stigmatisées que la mondialisation a souvent désavouées. À travers ses œuvres subversives, elle propose de renverser les idées reçues ou habituellement véhiculées à propos de ces communautés, afin de valoriser les gestes et les rites de leur quotidien qui, à travers le prisme de l’artiste et la complicité des protagonistes qu’elle met en scène, deviennent de véritables actions contestataires.



Volontairement réalisées avec des effets spéciaux ‘low-tech’ et des techniques de cinéma primitives (montages accélérés, bruitages décalés, décors en carton-pâte), les œuvres vidéo de Bertille Bak immergent le spectateur dans les vies d’hommes et de femmes souvent invisibilisés par la société, notamment par le monde globalisé qui connecte plus intimement les pays autant qu’il en obstrue les frontières, et qui accroît les relations d’interdépendances et les inégalités entre les catégories sociales.

 

Fictionnels, les récits de Bertille Bak permettent, par le trucage, l’humour et le jeu complice de ces populations d’acteurs et d’actrices d’un jour, de dénoncer des rapports sociaux de plus en plus asymétriques, et de libérer les clichés. Partant des usages, des coutumes et des conditions de vie et de travail qu’elle observe, l’artiste bouleverse les codes et les rites établis, et réinterprète la réalité, proposant un nouvel imaginaire collectif qui, avec une légèreté toute décalée, met l’accent sur la gravité des sujets traités, et sur le danger de la construction d’images médiatiques parfois trompeuses.



Ainsi, parmi les œuvres présentées, ‘Le Tour de Babel’, réalisée autour des chantiers navals de Saint-Nazaire en 2014, explore un paquebot de croisière et son organisation. Ville flottante luxueuse et techniquement à la pointe, ce bateau de croisière est aussi une véritable société sur l’eau où coexistent travailleurs et voyageurs. Les employés -serveurs, restaurateurs, équipages, décorateurs-, souvent rendus invisibles des touristes, travaillent à satisfaire leurs désirs. Deux mondes parallèles cohabitent, chacun dans des espaces réservés qui ne se croisent que rarement. À partir de cette vidéo, Bertille Bak a ensuite créé plusieurs œuvres -tableaux, objets, photographies- qui sont également exposés ici.



À travers les 5 vidéos intitulées ‘Mineur Mineur’, réalisée en 2022, l’artiste aborde la question du travail minier des enfants dans cinq pays: l’Inde (mines de charbon), l’Indonésie (mines d’étain), la Thaïlande (mines d’or), la Bolivie (mines d’argent), et Madagascar (mines de saphirs). Plutôt que de montrer les conditions de travail sordides de ces enfants mineurs, Bertille Bak les met en scène jouant à une kermesse fictive, comme une pose ludique avant de retourner à leur rude besogne souterraine, ici animée à la façon d’un jeu vidéo.



 C’est l’une des œuvres que j’ai préférées, mais il y en a bien d’autres étonnantes à découvrir lors de cette exposition:

  • ‘La Brigada’ a été réalisée entre 2018 & 2024 à La Paz, en Bolivie. Elle met en scène un groupe de cireurs de chaussures qui, plutôt que de rester dans l’anonymat de leur condition, deviennent, ici et sous l’œil de la caméra, la respectueuse brigade de ‘défense du soulier lustré’, comme investis d’une mission de haute importance.




Figure imposée, exposition 'Abus de Souffle', Bertille Bak, musée du Jeu de Paume, Paris
Figure imposée, 2015

  • ‘Figure imposée’ a été commandée en 2015 par la Maison des femmes du Hédas qui, à Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques, accueille depuis plus de 30 ans des femmes de toutes nationalités précaires, en exil ou émigrées. Ici, l’artiste raconte l’histoire de ces femmes tout en les présentant pendant un entraînement physique imaginaire, préalable à leur départ. À l’image de soldats ou de sportifs qui se préparent pour un combat ou une épreuve, elles s’activent ici pour réussir le passage d’une frontière, la traversée d’une mer, ou encore le voyage dans des conditions éprouvantes à l’arrière d’un camion ou cachées dans un avion.





  • ‘Usine à divertissement’ est un triptyque vidéo créé en 2016 qui met l’accent sur l’absurdité du tourisme de masse. Les voyageurs, en quête d’authenticité et d’exotisme, se voient souvent proposer un folklore local désolidarisé du réel. Ici, des villageois de la province de Tétouan, au Maroc, de Lahu, au nord de la Thaïlande, ou de Camargue, dans le sud de la France, sont invités par l’artiste à parodier leurs propres cultures, proposant une copie trafiquée et absurde de la réalité.



Enfin, le parcours se termine par une vidéo commandée spécialement pour le Jeu de Paume, et qui a donné son nom à l’exposition: ‘Abus de souffle’, réalisée en 2024, au nord du Maroc, dans la province du Tétouan. On y voit les derniers artisans-fabricants de soufflets pour le feu, appelés rabouz. En écho à l’ensemble des œuvres exposées, Bertille Bak questionne ici les déséquilibres et les rapport de domination et de subordination engendrés par la mondialisation.



MON AVIS

 

Comme toujours, je recommande de visiter les expositions du Jeu de Paume les yeux fermés! Enfin, pas complètement parce qu’il y a beaucoup à voir, notamment dans les œuvres de Bertille Bak.

 

Je ne connaissais pas cette artiste, et je dois dire que son travail est passionnant. Ses vidéos, parfois légères et humoristiques, poussent à réfléchir à notre monde tel qu’il a été pensé et tel qu’il évolue aujourd’hui encore, et à se révolter, chacun à sa façon, contre les inégalités croissantes.

  

INFORMATIONS PRATIQUES

 

  • Où ? Musée du Jeu de Paume: 1, place de la Concorde, Jardin des Tuileries (Paris 1er) Métro Concorde (lignes 1, 8, 12)

  • Quand ? Du 13 février au 12 mai 2024. Mardi 11h-21h / du mer. au dim. 11h-19h (fermé le lundi)

  • Combien ? Plein tarif: 12€ / Tarif réduit: 9€ / Tarif -25 ans & étudiant: 7,50€ (en semaine)

 

 

SOURCES

  • Visite commentée de l’exposition

  • Dossier de presse de l’exposition

 

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