EXPOSITION « LE COMTE D’ARTOIS, PRINCE ET MÉCÈNE » AU CHÂTEAU DE MAISONS
- Igor Robinet-Slansky
- il y a 3 jours
- 11 min de lecture

Le Centre des monuments nationaux présente, en partenariat avec le château de Versailles, une nouvelle exposition d’ampleur consacrée à Charles-Philippe de France (1757-1836), comte d’Artois, troisième frère du roi Louis XVI, et futur Charles X (règne : 1824-1836), figure brillante, controversée, extravagante… et aujourd’hui largement méconnue : « Le Comte d’Artois, prince et mécène. La jeunesse du dernier roi de France », visible du 14 novembre 2025 au 2 mars 2026 au château de Maisons - Maisons-Laffitte (78).
Cette exposition inédite retrace la jeunesse du comte d’Artois, de sa naissance à Versailles en 1757 jusqu’à son départ en exil en 1789. Elle s’appuie sur plus d’une centaine d’œuvres - peintures, dessins, objets d’art, mobilier, sculptures, livres, curiosités – issues principalement des collections du château de Versailles, mais aussi de prêts du Louvre, des Archives nationales, de la BnF, de Fontainebleau, du Mobilier national, du musée Carnavalet, du musée du Lycée Hoche de Versailles, ou encore de collections privées.
Richement documentée, élégamment mise en scène dans les salles du rez-de-chaussée, l’exposition se déroule dans un lieu qui a lui-même appartenu au comte d’Artois : le château de Maisons, chef-d’œuvre de François Mansart – et du classicisme français - que le prince acquiert en 177, et où il entreprend de nombreux aménagements, notamment avec son architecte François-Joseph Bélanger.
Ce cadre authentique donne toute sa cohérence au parcours : visiter cette exposition, c’est retrouver le comte d’Artois chez lui – plus de détail sur le château de Maisons dans l’article dédié sur ce site.
« LE COMTE D’ARTOIS, PRINCE ET MÉCÈNE » : RENCONTRE AVEC UNE PERSONNALITÉ HAUTE EN COULEURS
L’exposition s’ouvre sur une présentation du château de Maisons au moment de son acquisition par le comte d’Artois. Plans, dessins et documents rappellent la splendeur de cette demeure classique du Grand Siècle, l’une des plus parfaites réalisations de Mansart, et la manière dont le prince projette immédiatement de l’adapter à ses goûts grâce à son architecte François-Joseph Bélanger.
Le parcours plonge ensuite dans sa jeunesse. Né en 1757, cinquième fils du Dauphin Louis de France (1729-1765), Charles-Philippe grandit à Versailles. Ses chances de monter un jour sur le trône sont faibles. C’est un prince cadet, éduqué dans le raffinement mais tenu à distance des enjeux politiques. L’exposition montre de nombreux portraits, gravures et documents illustrant son enfance, son éducation confiée à la comtesse de Marsan puis au duc de La Vauguyon, et son mariage, en 1773, avec Marie-Thérèse de Savoie (1756-1805), célébré à Versailles avec éclat. On voit aussi sa jeune famille, ses trois enfants, les cérémonies, les fêtes, le quotidien d’un couple princier dans les années 1770.
En tant que troisième frère du futur roi, on ne le mêle pas aux affaires politiques. Son grand-père Louis XV va cependant lui offrir un rôle militaire comme colonel général des Suisses et Grisons dès 1772. Sous le règne de son frère Louis XVI, devenu représentant du roi en Europe, le prince voyage. En 1782, il est mandaté pour représenter le roi en Espagne, alors que l’île de Minorque vient d’être reprise aux mains des Anglais par les Français. Mais l’échec des opérations de blocus naval à Gibraltar, le pousse à rentrer à Versailles.
Le comte d’Artois se consacre alors à ses passions. Il aime la chasse, les courses de chevaux, la musique, le théâtre, l’opéra, les jeux d’appartement - autant d’activités qu’il partage avec sa belle-sœur Marie-Antoinette. L’exposition présente son fusil de chasse, des livres consacrés à la vénerie et plusieurs objets témoignant de ces loisirs raffinés.
Le visiteur découvre aussi un aspect souvent méconnu du prince : son goût pour les curiosités. À partir de 1785, il rassemble une collection considérable d’objets ethnographiques venus du monde entier, de spécimens d’histoire naturelle, de livres et de manuscrits scientifiques, philosophiques ou littéraires. Ces objets, autrefois installés au domicile de son gouverneur, le marquis de Sérent, ont été saisis en 1791. L’exposition en montre plusieurs, comme ce modèle étonnant de canot esquimau, des coquillages rares ou même des tatous naturalisés, révélant l’esprit encyclopédique du 18ᵉ siècle et la curiosité authentique du prince.
Le comte d’Artois est également un amateur éclairé de peinture contemporaine. Il acquiert des œuvres de Vigée-Le Brun, David, Greuze, Vernet ou encore Fragonard. L’exposition revient sur cette collection au cœur de la production artistique de son temps, qui témoigne d’une sensibilité esthétique bien ancrée dans la mode et le goût des années 1780.
Mais c’est peut-être l’architecture qui révèle le mieux la personnalité du comte d’Artois. Le prince supervise l’aménagement de ses différents lieux de vie: ses appartements à Versailles, son élégante résidence de Bagatelle, ses projets de construction à Saint-Germain-en-Laye, et surtout le palais du Temple à Paris, où il s’installe à partir de 1776.
Le parcours présente de nombreux documents d’architecture, des dessins, des meubles d’époque, des porcelaines et objets d’art qui reconstituent ces intérieurs sophistiqués. On découvre ses cabinets turcs, aux décors inspirés de l’Orient, très en vogue à la fin du 18ᵉ siècle, ainsi que la création et l’aménagement du pavillon de Bagatelle, construit en un temps record de trois mois en 1777 à la suite d’un pari avec Marie-Antoinette – plus d’informations dans l’article dédié au château de Bagatelle sur ce site.
À Maisons, il entreprend avec François-Joseph Bélanger un vaste chantier d’embellissement : décoration intérieure, mobilier, sculptures, aménagements de jardins. Le château conserve encore certains décors voulus à cette époque. L’exposition montre en particulier les superbes meubles et objets ayant appartenu au prince ou à son épouse, comme cette commode de Riesener ou ces fauteuils signé Jacob ou Nadal l’Aîné.
Le parcours aborde enfin un aspect moins connu du prince : le comte d’Artois promoteur. À l’instar du duc d’Orléans et du Palais-Royal, il imagine dans les années 1780 un projet de lotissement moderne dans Paris, baptisé « Nouvelle Amérique », près des Champs-Élysées. Le projet n’aboutira jamais, mais les plans présentés révèlent une ambition urbaine réelle. Le prince fait également bâtir auprès de la Tour du Temple une étonnante rotonde elliptique, dotée d’une cour intérieure et de boutiques, démolie au 19ᵉ siècle mais reconstituée grâce aux gravures et dessins exposés .
La dernière salle évoque l’exil du comte d’Artois, qui quitte la France dès le 16 juillet 1789 à la demande de Louis XVI. Son train de vie, sa réputation et son opposition aux réformes l’avaient rendu impopulaire. Le parcours rassemble des documents, extraits d’inventaires et meubles saisis en vertu de la loi sur les émigrés de 1792.
L’exposition s’achève sur le retour exceptionnel à Maisons de plusieurs sculptures créées pour le château et transférées à Versailles après la Révolution : médaillons de Minerve et de Mercure signés Houdon, groupe de « l’Amour combattant un satyre », désormais exposés dans le château où ils avaient été achetés et installés à l’origine en 1771 et 1778…
Au fil de ce parcours clair et richement illustré, se dessine le portrait d’un prince parfois caricaturé mais dont la jeunesse fut marquée par les arts, le goût, la curiosité et l’architecture. Une figure complète, replacée dans le cadre même où elle s’est exprimée : le château de Maisons, l’un des joyaux du classicisme français.
POUR ALLER PLUS LOIN : À PROPOS DE CHARLES-PHILIPPE DE FRANCE, COMTE D’ARTOIS & ROI CHARLES X
Charles-Philippe de France naît le 9 octobre 1757 au château de Versailles. Titré comte d’Artois, il est le 7e enfant du Dauphin de France et fils de Louis XV, Louis-Ferdinand de France (1729-1765), et son 5e et plus jeune fils. À la mort de ses deux frères ainés, c’est son frère Louis-Auguste, futur Louis XVI, qui doit devenir Dauphin et héritier du trône. Il le sera plus vite que prévu puisque son père meurt le 20 décembre 1765 alors que Louis XV, leur grand-père, règne toujours. Le 10 mai 1774, le roi meurt, Louis XVI lui succède..
LE COMTE D’ARTOIS À VERSAILLES
Promis à Louise-Adélaïde de Bourbon-Condé, Charles-Philippe épouse finalement Marie-Thérèse de Savoie le 16 novembre 1773, afin de renforcer l’alliance entre la France et la Savoie. Ensemble ils auront quatre enfants : Louis-Antoine d’Artois (1775-1844), duc d’Angoulême, qui épousera après la Révolution la fille de Marie-Antoinette, Marie-Thérèse de France ; Mademoiselle d’Artois (1776-1783) qui mourra jeune et n’aura pas de prénom car elle n’est pas encore baptisée le jour de son décès ; Charles-Ferdinand d’Artois (1778-1820), duc de Berry, le fils préféré ; et Mademoiselle d’Angoulême (6 janvier - 22 juin 1783) qui ne vivra que quelques mois et n’aura également pas de prénom.
Le comte d’Artois est très porche de sa belle-sœur Marie-Antoinette, et son attrait pour les jeux et son caractère affirmé en feront le trublion de la famille royale. Il sera d’ailleurs de toutes les fêtes, prendra part aux pièces de théâtre jouées par la petite cour de la reine, et dépensera sans compter.
LE COMTE D’ARTOIS & LA RÉVOLUTION
Lorsque la Révolution éclate, à la demande du roi son frère, il est l’un des premiers à fuir la France dans la nuit du 16 au 17 juillet 1789, lançant le mouvement de l’émigration de la noblesse française - son caractère dépensier tend en effet à renforcer l’image d’une cour déconnectée du peuple. Réfugié à Turin, dans le Piémont, il s’emploie à convaincre les cours étrangères d’intervenir au secours de son pays et de son frère.
En juin 1791, il retrouve en exil son deuxième frère, le comte de Provence. Ce dernier était resté avec Louis XVI jusqu’à la fuite manquée de la famille royale, rattrapée à Varennes le 20 juin 1791. Le comte d’Artois engage alors une série de voyages, de cours européennes en cours européennes, jusqu’en Angleterre où il tente d’opérer une contre-révolution avec une armée dite « armée des Princes ». Mais il est stoppé à Valmy le 20 septembre 1792.
Nommé Lieutenant-Général du Royaume en février 1793, il se rend en Russie pour solliciter l’aide de Catherine II, mais l’alliance Russie-Angleterre nécessaire ne prendra pas. Les plans échouent, dont celui, en 1795, d’un déparquement sur l’île d’Yeu en Vendée pour aider les royalistes en guerre contre les révolutionnaires. Finalement, en 1799, il s’installe à Londres où il restera jusqu’en 1814, de la fin de la Révolution, donc, jusqu’à la chute du Premier Empire de Napoléon 1er.
LA RESTAURATION ET LE RÈGNE DE LOUIS XVIII (1814/15-1824)
Après l’abdication de Napoléon 1er le 6 avril 1814 à Fontainebleau, le comte de Provence, deuxième frère du comte d’Artois, est appelé par le Sénat français à monter sur le trône de France sous le titre de roi Louis XVIII.
C’est le début de la première période de Restauration qui voit le retour d’un monarque à la tête du pays. Le comte d’Artois accompagne son frère qu’il a aidé dans la préparation de son retour en France, et devient Colonel Général des Gardes Nationales le 15 mai 1814.
Mais Napoléon Bonaparte, exilé sur l’île d’Elbe au large de l’Italie, réussit à s’enfuir et à remonter depuis le sud de la France jusqu’à Paris où il reprend le pouvoir le 20 mars 1815. Ce nouveau règne, qu’on appellera la Période des Cent Jours, est de courte durée puisque l’ex-empereur est défait par les coalitions étrangères à Waterloo le 18 juin 1815. Il est alors contraint d’abdiquer une nouvelle fois le 22 juin suivant dans son palais de l’Élysée. Le 8 juillet 1815, Louis XVIII remonte ainsi sur le trône, alors que son ennemi, Bonaparte, est exilé par les Anglais sur l’île de Sainte-Hélène où il mourra le 5 mai 1821. La seconde période de Restauration s’ouvre ainsi en France.
LA RESTAURATION ET LE RÈGNE DE CHARLES X (1824-1830)
Le 16 septembre 1824, Louis XVIII meurt, et c’est donc naturellement que son frère lui succède, sous le nom de Charles X. Contrairement à son frère, le 29 mai 1825, il décide d’organiser une cérémonie de sacre à Reims, comme la tradition d’Ancien Régime l’exigeait pour les nouveaux monarques. Ce sacre d’un autre temps surprendra l’opinion et marquera les prémices d’un règne effectivement nostalgique de la monarchie d’Ancien Régime.
Alors que Louis XVIII avait ouvert la voie à une monarchie plus en phase avec l’héritage révolutionnaire, Charles X apparaît plus conservateur et désireux de revenir sur les acquis libéraux. Le nouveau roi, soutenu par les ultraroyalistes, va travailler à restaurer l’Ancien Régime et effacer la Révolution de 1789. Il prend alors une série de mesures autoritaires, parmi lesquelles: la limitation du droit de vote, l’indemnisation des nobles qui avaient émigré (mesure qu’on appellera le «milliard des émigrés»), ou encore par exemple, l’instauration d’une loi sur le Sacrilège afin de redonner à la France une identité et une morale toute chrétienne.
Finalement, après plusieurs dissolutions de la Chambre des Députés (assemblée), une alternance de ministères plus ou moins modérés et surtout plus ou moins compétents, d’ultimes élections législatives ont lieu en juillet 1830, renforçant l’opposition libérale au régime monarchique de Charles X. Le 25 juillet, en réaction à cet échec politique et s’appuyant sur la Charte constitutionnelle qui régit la vie politique et juridique du pays depuis 1814, le roi promulgue quatre ordonnances qui suspendent la liberté de la presse, dissolvent la Chambre nouvellement élue, modifient la loi électorale pour réduire le nombre de votants, et fixent de nouvelles élections au 6 et 13 septembre 1830.
Mais le peuple de Paris se soulève et des combats ont lieu les 27, 28 et 29 juillet (trois journées qu’on appellera les Trois Glorieuses). Le 2 août 1830, replié au château de Rambouillet, Charles X abdique en faveur du duc de Bordeaux, son petit-fils. Cependant, la Chambre des députés ne l’entend pas ainsi, et le 7 août 1830, le trône est déclaré vacant.
On porte alors à la tête du pays un autre roi descendant de la branche des Orléans, cousine de celle des Bourbon dont est issue Charles X : Louis-Philippe 1er, ancien duc d’Orléans. Pour marquer sa différence avec le règne autoritaire de Charles X, Louis-Philippe prend le titre de roi des Français, et non plus roi de France, pour montrer son inclinaison vis-à-vis du peuple.
L’EXIL DE CHARLES X
Charles X s’exile alors en Écosse à Holyrood, d’abord, puis à Prague, avant de finir sa vie à Görz, alors en Autriche mais aujourd’hui à la frontière italo-slovène (Gorizia), où il meurt d Choléra le 6 novembre 1836.
La Monarchie de Juillet de Louis-Philippe, instaurée le 9 août 1830, est renversée par une ultime révolution le 24 février 1848, conduisant à l’avènement de la IIe République dont le premier président ne sera autre que Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon 1er. Un Bonaparte qui rétablira l’Empire en 1852 et qui prendra le nom de Napoléon III. Le Second Empire durera jusqu’à la guerre franco-prussienne de 1870, laissant définitivement place au régime républicain en France avec la IIIe République (1870-1940).
MON AVIS SUR L’EXPOSITION
En arrivant au château de Maisons, je ne m’attendais pas à une exposition d’une telle ampleur. Présentée sur tout le rez-de-chaussée et d’une grande clarté, elle offre un portrait solide, documenté et accessible du comte d’Artois avant la Révolution, sans chercher l’effet ou la dramatisation. J’ai particulièrement apprécié la richesse et la diversité des œuvres exposées : tableaux, meubles, sculptures, objets de curiosité, mais aussi les documents d’archives et dessins d’architecture.
Le cadre du château de Maisons joue un rôle essentiel dans la réussite de l’exposition. Les décors de Bélanger encore visibles, la distribution des pièces, l’élégance de l’architecture de Mansart : tout contribue à replacer le prince dans un environnement réel et authentique. On a vraiment la sensation de marcher dans ses pas.
L’ensemble est pédagogique, soigné, très agréable à parcourir, et donne évidemment envie de prolonger la visite par la découverte complète du château de Maisons, chef-d’œuvre du classicisme français aujourd’hui géré par le Centre des monuments nationaux.
INFORMATIONS PRATIQUES
Quoi ? « Le Comte d’Artois, prince et mécène. La jeunesse du dernier roi de France »
Quand ? Du 14 novembre 2025 au 2 mars 2026
Ouvert tous les jours sauf mardi :
16 mai → 15 septembre : 10h–12h30 / 14h–18h
16 septembre → 15 mai : 10h–12h30 / 14h–17h
Où ? Château de Maisons, 2 avenue Carnot, 78600 Maisons-Laffitte.
Accès Depuis Paris: RER A ou lignes J et L (Saint-Lazare), arrêt Maisons-Laffitte
10 minutes à pied depuis la gare.
Combien ? Tarif plein : 9 €
Gratuit pour les -18 ans, 18-25 ans de l’UE, demandeurs d’emploi, PMR + accompagnateur, et le 1er dimanche de certains mois...
Tous les détails sur le site du château de Maisons.



























































































































































































