EXPOSITION « LÉONOR FINI ET FLORIAN MERMIN : LE SPHINX ET LA ROSE » AU PALAIS IDÉAL DU FACTEUR CHEVAL (DRÔME)
- Igor Robinet-Slansky
- 18 juil.
- 7 min de lecture

Du 22 juin au 30 août 2025, l’exposition Le Sphinx et la Rose propose un dialogue inattendu entre les peintures flamboyantes et énigmatiques de Léonor Fini, et les sculptures sensibles et baroques de Florian Mermin. Une rencontre artistique singulière qui prend vie dans un lieu tout aussi exceptionnel : le Palais idéal du facteur Cheval, à Hauterives, dans la Drôme.
Vous connaissez ? C’est un lieu magique, complètement fou. Un palais de pierres, de coquillages et de créatures fantastiques, entièrement bâti par un seul homme : Ferdinand Cheval, facteur rural et artiste autodidacte, qui, pendant 33 ans (entre 1879 et 1912), a donné corps à un rêve minéral peuplé d’animaux, de temples, de géants et de personnages mythiques, entre Orient et Occident. Un monde de poésie brute, né dans son jardin au cœur de la campagne drômoise, devenu chef-d’œuvre d’art naïf et classé monument historique en 1969.
C’est à deux pas de ce décor fabuleux que s’installe cette exposition inédite. Sensorielle et onirique, Le Sphinx et la Rose met en regard deux artistes que tout semble opposer - l’époque, le médium, l’esthétique - mais que réunit un imaginaire commun de l’étrange, du merveilleux et de l’hybridité… ainsi que leur lien intime au Palais idéal. Tous deux l’ont visité, à des époques différentes, et en ont été profondément marqués : Léonor Fini à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le 26 juillet 1939 ; Florian Mermin le jour de son 28e anniversaire, le 1er novembre 2019.
Léonor Fini (1907–1996), peintre avant-gardiste proche des surréalistes, est célèbre pour ses femmes-sphinx, ses chats et ses mises en scène énigmatiques. On explore ici son univers onirique, entre sensualité et mysticisme, traversé de figures féminies et de chimères félines aussi fascinantes qu’inquiétantes.
Florian Mermin (né en 1991), plasticien de la jeune scène contemporaine, développe un langage baroque, sensuel et olfactif, entre mémoire, corps et parfum. Pour cette exposition, il imagine des œuvres aux accents surréalistes : sculptures en terre cuite et céramique, formes métamorphes, objets rituels, en résonance intime avec l’imaginaire de Léonor Fini et celui du facteur Cheval.
Tout au long du parcours, il a également intégré à ses œuvres une dimension olfactive et visuelle autour de la rose, à la fois peinture et senteur, ornement et motif. Une rose que l’on retrouve dans le célèbre tableau Le Sphinx et la Rose de Leonor Fini qui a donné son nom à cette exposition multi-sensorielle.
En filigrane, quelques photographies de Leonor Fini par Lee Miller ponctuent la visite. Figure majeure de la photographie du 20e siècle, Lee Miller visita elle aussi le Palais en 1937. Les clichés présentés furent réalisés à l’été 1939, lorsque Fini rejoignit Miller et Max Ernst à Cap Saint-Martin, peu après sa venue à Hauterives.
Depuis 2019, le Palais idéal propose des expositions qui font dialoguer les avant-gardes du 20e siècle avec la création contemporaine. Le Sphinx et la Rose s’inscrit pleinement dans cette ambition, renouvelant l’élan poétique du lieu dans une scénographie où passé et présent, visible et invisible, réel et imaginaire se répondent.
UNE EXPOSITION SENSORIELLE ET BAROQUE, ENTRE SPHINX, ROSES ET MÉTAMORPHOSES
L’exposition s’ouvre sur un clin d’œil historique : la visite de Léonor Fini au Palais idéal, le 26 juillet 1939. Elle y laisse une signature dans le Livre d’or, envoie une carte postale à Paul et Nusch Eluard, et prolonge son périple estival en Ardèche et sur la côte Atlantique, avec dans son sillage Lee Miller et les surréalistes. Ce lien personnel avec le lieu devient le point de départ d’un hommage à l’imaginaire libre et sensuel de Leonor Fini.
On découvre ainsi ses sphinx flamboyants, ses femmes aux pouvoirs ambigus, ses mises en scène énigmatiques, entre peinture, dessin et tapisserie. Un univers à la fois théâtral et charnel, où se croisent figures mythologiques, félins, fleurs inconnues et créatures métamorphes. Parmi les œuvres présentées, citons Le troisième essayage (1989), La fleur inconnue (1994), la tapisserie Jeu de Sphinges (1985) ou encore Scène Antique (1933) et le célèbre 14 chats dans la forêt (1962), emblématiques de cette esthétique entre sensualité et inquiétante étrangeté.
En miroir, les œuvres de Florian Mermin viennent réveiller d’autres sens. Nourri par l’univers de Fini mais aussi par Jean Cocteau ou Edgar Poe, Florian Mermin imagine un rituel visuel et olfactif autour de l’extraordinaire et de la rose. Dans ses sculptures, la rose devient parfum, ornement, objet de désir. On y trouve un grand flacon surréaliste sur pattes de sphinx moulées d’après ses propres mains – et justement intitulé Le Sphinx et la Rose (2025) ; des appliques-bougies – Le spectre de la rose (2024) - qui diffusent une senteur de rose - clin d’œil à la lumière des bals corses de Leonor Fini, mais aussi aux veillées à la bougie du facteur Cheval ; ou encore des souliers de contes de fées, Les ballades (2019), et ce tableau botanique composés de multiples pétales de rose, Minimal odorant (2022-2024). Ses œuvres convoquent souvenirs et sensations, dans une approche quasi magique où l’objet devient trace d’un rituel imaginaire.
À PROPOS DE LEONOR FINI
Née à Buenos Aires en 1907, élevée à Trieste, Léonor Fini est une artiste inclassable, proche des surréalistes sans jamais en faire partie. Arrivée à Paris en 1931, elle se lie avec Paul Éluard, Max Ernst, Jean Genet ou André Pieyre de Mandiargues. Peintre, décoratrice, créatrice de costumes et illustratrice, elle développe un univers sensuel, féminin et théâtral. À partir de 1954, elle s’installe l’été dans un ancien monastère en ruines à Nonza, en Corse, où elle organise chaque 30 août de fastueux bals costumés. Elle meurt en 1996, laissant une œuvre foisonnante, célébrée internationalement.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site officiel de Leonor Fini.
À PROPOS DE FLORIAN MERMIN
Né en 1991, diplômé des Beaux-Arts de Paris, Florian Mermin s’impose depuis une décennie comme une figure de la jeune scène contemporaine. Récompensé par plusieurs prix (Salon de Montrouge, Fondation Ruinart, Académie des Beaux-Arts…), il développe une œuvre sensorielle, baroque et onirique, mêlant céramique, installations et performances. Présenté à la Biennale de Lyon ou à Venise, il explore le lien entre objets, souvenirs et mémoire sensorielle. Il prépare un second volet de cette exposition en solo, prévu au Palais idéal jusqu’au 11 novembre 2025.
Plus d’informations sur l’artiste et son travail à retrouver sur le site de Florian Mermin.
UN ÉCRIN UNIQUE : LE PALAIS IDÉAL DU FACTEUR CHEVAL
On ne peut vraiment comprendre l’exposition sans évoquer le lieu qui l’accueille. Hauterives, petit village drômois, abrite l’un des monuments les plus atypiques de France : le Palais idéal du facteur Cheval. Un château de pierres, de coquillages et de sculptures fantastiques né du rêve d’un seul homme, Joseph Ferdinand Cheval, aujourd’hui plus connu comme le facteur Cheval, né le 19 avril 1836 à Charmes-sur-l'Herbasse (Drôme) et mort le 19 août 1924 à Hauterives. Ce facteur rural autodidacte s’est ainsi consacré à la construction de son palais imaginaire pendant 33 ans, entre 1879 et 1912.
L’histoire est connue mais ne cesse d’émerveiller. Un jour d’avril 1879, alors âgé de 43 ans, Joseph Ferdinand Cheval trébuche sur une pierre étrange lors de sa tournée (une pierre encore visible sur la terrasse du Palais). C’est le déclic : chaque jour, pendant ses 30 kilomètres de marche, il identifie des pierres qu’il revient collecter à la fin de la journée à l’aide de sa brouette (elle aussi exposée dans les murs du château). Avec elles, il bâtit dans son jardin une œuvre inspirée par la nature, les cartes postales et les rêves d’Orient. Il y sculpte éléphants, lézards, géants, temples hindous, mosquées et grottes végétales…
Une arche de paix et d’utopie, entre l’art brut et l’art naïf, qui inspirera de nombreux artistes : Picasso, Dali, Dora Maar, André Breton, Jean Tinguely, ou encore Niki de Saint Phalle, pour ne citer qu’eux !
Refusé comme lieu de sépulture, Cheval édifie à 78 ans son propre tombeau au cimetière : «Le tombeau du silence et du repos sans fin» qu’il mettra huit ans à érigé. Il y repose depuis 1924. Son palais, classé monument historique par André Malraux en 1969, attire chaque année plus de 270 000 visiteurs et continue d’inspirer artistes et rêveurs.
Aujourd’hui, sous l’impulsion de Frédéric Legros, son Directeur, le Palais Idéal du Facteur Cheval accueille des événements culturels pour tous : expositions temporaires (comme Le Sphinx et la Rose), concerts, rencontres…
Plus d’informations sur la programmation sur le site du Palais Idéal.
MON AVIS : POURQUOI ALLEZ VOIR CETTE EXPOSITION ?
Cette exposition a été une vraie belle surprise. Je connaissais Leonor Fini, mais peu le travail de Florian Mermin – que j’avais pu admirer dans l’exposition Grandeur Nature II dans les jardins du château de Fontainebleau. J’avais, en outre, très envie de découvrir le Palais idéal du facteur Cheval.
Et je n’ai pas été déçu ! L’exposition célèbre l’imaginaire et l’extravagance, et nous plonge dans un univers de beauté fantastique. C’est aussi fascinant d’observer les liens créés ici entre une grande artiste du 20e siècle et un jeune créateur contemporain, autour d’un univers commun fait de métamorphoses, de mystères et de sensualité.
Et puis, visiter Le Sphinx et la Rose réveille la magie d’un lieu hors du temps, le Palais idéal, véritable manifeste de liberté artistique, à la croisée des mondes réels et rêvés. Un monument atypique qu’il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie !
INFOS PRATIQUES
Quoi ? Le Sphinx et la Rose et le Palais Idéal du facteur Cheval
Où ? Palais idéal du facteur Cheval, 8 rue du Palais, 26390 Hauterives (Drôme)
À 1h15 de Lyon, 45 min de Valence, 1h de Grenoble
Quand ? Exposition : du 22 juin au 30 août 2025
Le Palais Idéal du Facteur Cheval est ouvert tous les jours
de 9h à 18h30 en juillet-août
Combien ? 9,50€ (adulte) / 5,50€ (enfant) / 6,50€ (tarif réduit)
Toutes les informations pratiques, horaires et réservations sur le site du Palais Idéal.