SPÉCIAL HALLOWEEN : LA LÉGENDE SANGLANTE DU BARBIER ET DU PÂTISSIER DE LA RUE CHANOINESSE (PARIS 4e)
- Igor Robinet-Slansky
- il y a 1 jour
- 5 min de lecture

Sur l’île de la Cité, entre les flèches de Notre-Dame et les ruelles du vieux Paris, se cache l’une des adresses les plus troublantes de la capitale. À première vue, la rue Chanoinesse semble paisible : pavés anciens, façades blondes, silence presque monacal. Et pourtant… sous ses pierres dort une légende terrifiante, l’un des récits les plus macabres du vieux Paris : l’affaire du barbier et du pâtissier, née au Moyen Âge et transmise jusqu’à nous, entre frisson et folklore.
À l’approche d’Halloween, l’histoire ressurgit, mêlant crime, vengeance et spectres errants au cœur même du Paris médiéval, et principalement au numéro 20 de la rue Chanoinesse.
LA RUE CHANOINESSE : SOMBRE RUELLE AU CŒUR DE L’ÎLE DE LA CITÉ
La rue Chanoinesse, l’une des plus anciennes de l’île de la Cité, tire son nom des chanoines du chapitre de Notre-Dame, qui y vivaient au Moyen Âge. On y accédait par un lacis de ruelles étroites bordées de maisons en bois, d’échoppes et d’auberges. Å l’époque, dans ce quartier latin qui tient son nom des universités qui s’y trouvaient, on croise de nombreux voyageurs, des petites gens, mais aussi et surtout étudiants, érudits, scientifiques et gens de plume.
Mais derrière la quiétude religieuse et académique des lieux, Paris bruissait alors de rumeurs : disparitions inexpliquées, odeurs suspectes, et une inquiétante pâtisserie où l’on servait, dit-on, les tourtes les plus délicieuses du quartier, grâce à un ingrédient secret… et horrifiant !
LA LÉGENDE DU BARBIER ET DU PÂTISSIER SANGUINAIRES
L’histoire se situe vers 1384-1387, au numéro 20 de la rue Chanoinesse. Un barbier y tenait boutique, juste à côté d’un pâtissier réputé (pour rappel, le pâtissier à l’époque fait des « pâtés ». Le nom évoluera par la suite vers la pâtisserie que l’on connaît). Mais derrière leur apparence tranquille, les deux hommes, voisins et complices, partageaient bien plus qu’un simple mur mitoyen !
Le barbier, connu pour ses rasages impeccables, accueillait les clients de passage : étudiants, voyageurs, bourgeois. Une fois assis, la lame effleurait leur gorge pour la raser… puis d’un geste rapide, la tranchait net. Le corps, basculait alors dans une trappe, et tombait directement dans la cave du pâtissier. Là, le complice s’emparait de la chair pour en faire la farce de ses tourtes. Des petits pâtés si savoureux qu’ils vont faire sa renommée dans tout Paris – jusqu’au roi Charles VI, dit-on. Personne ne soupçonnait quel secret macabre se cachait sous la croûte dorée !
La légende raconte que les deux criminels auraient agi ainsi pendant plusieurs années sans éveiller le moindre soupçon. Ce n’est qu’un jour, lorsqu’un étudiant allemand, logé tout près, disparut mystérieusement, que l’affaire éclata. Son chien, refusant de quitter la devanture du barbier, attira l’attention. Les enquêteurs du Châtelet fouillèrent alors la boutique… et découvrirent l’horreur.
Dans les sous-sols, on retrouva les restes de plusieurs victimes. L’odeur de chair mêlée à celle du sang aurait saisi les premiers témoins d’effroi. Le pâtissier et le barbier furent arrêtés, jugés, puis exécutés - l’un pendu, l’autre roué vif, selon certaines versions. Leurs maisons furent rasées, leurs âmes, dit-on, condamnées à hanter éternellement la rue qu’elles avaient souillée.
Cependant, la Mairie de Paris rappelle que les historiens n’ont trouvé aucune trace de l’affaire dans les documents officiels. Nous sommes donc bien ici dans le registre de la légende urbaine, solidement ancrée mais non attestée.
Aujourd’hui, au 20, rue Chanoinesse, à l’emplacement des échoppes se trouve un bâtiment de la police - le garage des motocyclistes de l’île de la Cité: une certaine ironie de l’histoire. Quoi qu’il en soit, au fond du garage subsiste une pierre qui, selon la légende, ne serait autre que le billot du boucher, preuve, s’il en est, que la légende rejoindrait bien la réalité - elle n'est pas visible, mais l'agent placé à l'entrée du bâtiment m'a confié que parfois, le week-end, ils laissent les visiteurs entrer.
LES SPECTRES DE LA RUE CHANOINESSE
Depuis ce jour, les fantômes du barbier et du pâtissier, ou ceux de leurs victimes rôderaient encore dans les parages. Les riverains évoquent parfois une silhouette translucide, un murmure dans la nuit, ou une odeur de viande brûlée flottant inexplicablement dans l’air froid de l’hiver. Certains disent même avoir aperçu, près de la façade du numéro 20, une forme vêtue de blanc, glissant sans bruit sur les pavés, avant de disparaître dans la pierre.
Au 19ᵉ siècle, siècle du spiritisme et du paranormal par excellence, plusieurs témoins auraient rapporté des phénomènes étranges dans le quartier: outils de barbier retrouvés dans des caves murées, bruits d’eau et de scie sous les planchers, rires étouffés dans la nuit… Des chroniqueurs, fascinés par l’histoire, évoquent alors la « rue maudite » dans les guides du Paris hanté, au même titre que les Tuileries et leur célèbre « petit homme rouge » qui hanterait encore ses allées (voir mon article dédié).
Légende urbaine ou mémoire collective ? Difficile de trancher (sans mauvais jeu de mots). Mais il est certain que cette ruelle, dissimulée derrière la cathédrale Notre-Dame, conserve quelque chose de mystérieux.
DE PARIS A LONDRES : QUAND LA FICTION REJOINT L’HISTOIRE… ET VOYAGE !
Si le récit semble tout droit sorti d’un conte macabre, il trouve pourtant ses racines dans des faits authentiques. Les registres médiévaux mentionnent bien la disparition inexpliquée de plusieurs apprentis et voyageurs dans le quartier au 14ᵉ siècle.
Quant à la légende du barbier et du pâtissier, elle a traversé les siècles, inspirant Sweeney Todd, le célèbre « barbier diabolique » de Fleet Street à Londres. Certains historiens pensent même que la version anglaise n’est qu’une adaptation parisienne exportée par les récits populaires.
Quoi qu’il en soit, réelle ou non, cette légende raconte aussi les peurs médiévales : la crainte du voisin, de l’inconnu, de la chair, et l’obsession du péché. Dans un Paris encore labyrinthique, où les ruelles étroites pouvaient masquer nombre de secrets, la frontière entre réalité et imaginaire se faisait bien mince.
La rue Chanoinesse, aujourd’hui, ne garde presque plus de traces visibles de cette histoire : les bâtiments médiévaux ont disparu, remplacés par des immeubles du 19ᵉ siècle. Mais il suffit d’y marcher à la tombée du soir pour sentir une atmosphère étrange, comme si le souffle du vieux Paris s’y faisait plus lourd, chargé d’une mémoire trop sombre pour s’effacer.
Alors, la prochaine fois que vous flânerez sur l’île de la Cité, jetez un œil à cette rue discrète. Sous ses pavés sages, dorment encore les murmures des siècles passés, les ombres d’un barbier et d’un pâtissier qui, un jour, ont fait frémir tout Paris. Et peut-être qu’en croisant le reflet d’une lame dans une vitrine, vous y verrez, l’espace d’un instant, le sourire pâle d’un spectre revenu réclamer justice…
Notez que des sites comme Paris ZigZag proposent des visites guidées dans ce Paris Hanté et légendaire.
SOURCES
Site de la Mairie de Paris
Site Paris ZigZag
Site Histoires de Paris






























































