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LA JOURNÉE DES DUPES – 10 NOVEMBRE 1630 : LE TRIOMPHE DE RICHELIEU

Dupes
La Journée des Dupes

 Le 10 novembre 1630, un événement politique majeur se joue au cœur de la monarchie française. Ce jour-là, la reine-mère Marie de Médicis (1575-1642), veuve d’Henri IV (règne 1589-1610) tente d’obtenir du jeune roi Louis XIII la disgrâce de son ministre, le cardinal de Richelieu (1585-1642).

 


Mais ce qui devait être la chute du tout-puissant cardinal se transforme en son triomphe. À l’issue de deux journées de crise, c’est la reine-mère qui perd toute influence et quitte définitivement la scène politique. Ce renversement spectaculaire, passé à la postérité sous le nom de « Journée des Dupes », marque un tournant dans le règne de Louis XIII et dans la consolidation de l’autorité royale.

 

LE CONTEXTE: UN CONFLIT D’INFLUENCE À LA COUR

 

En 1630, la France est un royaume en recomposition après les décennies de guerres de religions. Depuis 1624, le cardinal de Richelieu dirige les affaires du royaume avec l’appui du jeune Louis XIII. Homme d’Église mais surtout homme d’État, il cherche à renforcer le pouvoir monarchique en imposant l’autorité royale sur la noblesse, et à affirmer la place de la France sur la scène européenne.

 


Nous sommes alors en pleine Guerre de Trente Ans (1618-1648), qui voit s’affronter les grandes puissances d’Europe : les partisans des Catholiques, menés par Saint-Empire romain germanique dirigé par la maison de Habsbourg d’Autriche et d’Espagne ; et les défenseurs des Protestants, portés par les États allemands, les Provinces-Unies (Pays-Bas) et les pays scandinaves.

 

La France est catholique. Pourtant, Richelieu choisit de soutenir les princes protestants allemands contre la maison catholique des Habsbourg, au nom de l’intérêt de la France. Cette politique étrangère, jugée audacieuse voire scandaleuse, choque profondément le parti catholique, dit «des dévots», influent à la cour.

 

Parmi ses adversaires figure la reine-mère, Marie de Médicis. Ancienne régente, elle a longtemps exercé une forte influence sur son fils et a elle-même favorisé la carrière du cardinal avant de le juger trop ambitieux. Elle lui reproche d’accaparer le pouvoir, de s’opposer à ses vues et de marginaliser le parti catholique. À l’automne 1630, elle rassemble autour d’elle un groupe de fidèles - nobles, conseillers et membres du clergé - décidés à obtenir la chute du ministre.


 

Au même moment, la situation du roi suscite l’inquiétude. Affaibli par la maladie (il est atteint de dysenterie), Louis XIII se montre hésitant et peu communicatif, alimentant les spéculations. Autour de lui, la cour bruisse de rumeurs : Richelieu serait sur le point de tomber, remplacé par Marillac, le garde des sceaux. Le climat est à la manœuvre et aux intrigues : la reine-mère et ses partisans décident d’agir.

 

JOURNÉE DES DUPES, 10 NOVEMBRE 1630 : LA CONFRONTATION AU PALAIS DU LUXEMBOURG

 

À la cour, la nouvelle se répand rapidement : Richelieu est perdu. Ses ennemis se félicitent de sa chute annoncée, tandis que ses partisans se préparent à sa disgrâce.

 

Le matin du 10 novembre, Louis XIII rend visite à sa mère au Palais du Luxembourg, à Paris, où elle réside. Marie de Médicis profite de cette entrevue pour exiger du roi le renvoi de Richelieu. Elle l’accuse d’avoir trahi la confiance royale, de diviser la cour, d’affaiblir la religion catholique et de gouverner sans rendre de comptes, compromettant ainsi les intérêts du royaume. Elle met alors son fils met face à un choix difficile : « C’est lui ou moi ».



Plusieurs courtisans, convaincus de la chute du cardinal, soutiennent sa demande. Louis XIII écoute sans répondre. Cette absence de réaction est interprétée comme une victoire pour la reine-mère. À la cour, la nouvelle se répand rapidement : Richelieu est perdu. Ses ennemis se félicitent de sa chute annoncée, tandis que ses partisans se préparent à sa disgrâce.

 

Le cardinal, informé des manœuvres, se croit effectivement sur le point d’être écarté. Il envisage de quitter Paris ou de se retirer. Pourtant, au lieu de fuir, il choisit de se présenter devant le roi pour défendre sa cause. Il se rend lui aussi au Palais du Luxembourg.


Les accès au roi et à la reine sont bien gardés. Mais Richelieu, qui connaît bien les couloirs et les portes dérobées du Palais, réussit à accéder par un petit escalier au cabinet de la Reine où Marie de Médicis est encore en pleine discussion pour imposer à son fils le renvoi du Cardinal. Sa présence provoque la stupeur. Marie de Médicis l’accueille avec colère, le traite publiquement d’ingrat et d’imposteur. Le cardinal s’agenouille devant le roi et, les larmes aux yeux, lui renouvelle sa fidélité.

 


Louis XIII, impassible, ne dit mot. Il écoute les accusations de sa mère et les supplications de son ministre. Puis, sans un mot, il se retire. Pour tous les témoins, son départ signifie la fin de Richelieu. La reine-mère jubile : elle est convaincue d’avoir enfin obtenu son renvoi.

 

Dans la soirée, la nouvelle se répand dans Paris : le cardinal est tombé. Ses ennemis se pressent chez Marie de Médicis pour la féliciter, tandis que ses partisans s’éclipsent, persuadés que tout est perdu.

 

LE RETOURNEMENT À VERSAILLES

 

Le soir du 10 novembre, Louis XIII ne regagne pas le Louvre, mais quitte Paris pour Versailles, qui n’est alors pas encore le grandiose palais que l’on connaît, mais un simple relais de chasse royal – sur lequel sera bâti, deux ans plus tard, le petit château qui servira de corps central au projet de Louis XIV… mais ça, c’est une autre histoire !

 


Louis XIII y convoque Richelieu qui, encouragé par son entourage et conscient qu’il doit tenter le tout pour le tout, arrive à la nuit tombée. Reçu dans le cabinet aux tapisseries, situé au premier étage, il se jette aux pieds du roi. Contre toute attente, ce dernier renouvelle sa confiance à son ministre et refuse sa démission. Il estime qu’il est le seul capable de maintenir l’ordre et de défendre les intérêts de la France. L’entretien, chaleureux, marque un renversement complet de la situation.

 

Cependant, malin et fin stratège, Richelieu feint de ne pas accepter, et insiste pour quitter ses fonctions par devoir, pour éviter que la situation de s’envenime. En faisant cela, il renforce la confiance du jeune monarque qui voit ici le geste d’un véritable homme d’État. Maintenu à ses fonctions, Richelieu consolide ainsi ses pouvoirs et apparaît plus puissant que jamais.

 

Ce que la cour croyait être une victoire de la reine-mère devient, en l’espace d’une nuit, un triomphe pour le cardinal. Le roi a fait le choix de la raison d’État avant celui de la famille. Devant ses ministres, il confirme le soir même le maintien de Richelieu.

 

Le lendemain, le 11 novembre, Marillac, qui pensait encore qu’on allait le nommer premier ministre, est arrêté. Il se retrouve écarté du gouvernement et, comme d’autres opposants, il est condamné à l’exil. Marie de Médicis, mise devant le fait accompli, quitte Paris pour Compiègne avant d’être contrainte à l’exil aux Pays-Bas espagnols, où elle continuera à comploter contre le cardinal, et où elle finira sa vie. Elle y meurt dix ans plus tard, le 3 juillet 1642 sans avoir jamais revu son fils.

 

Ce brusque renversement d’alliance explique le surnom de « Journée des Dupes » donné à l’événement par Guillaume Bautru, comte de Serrant. Face au retour triomphal de Richelieu à Paris, ce dernier se serait en effet exclamé : « C’est la journée des dupes ! », les « dupes » étant ici ceux qui croyaient à la chute du cardinal et qui se sont retrouvés trompés par la décision du roi – parmi lesquels le garde des Sceaux Marillac, les « dévots », ou encore la reine Marie de Médicis elle-même.

 

LES CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA JOURNÉE DES DUPES

 

La Journée des Dupes marque une étape essentielle dans la construction de la monarchie absolue. En choisissant Richelieu contre sa mère, Louis XIII affirme son autorité et son indépendance. Il prouve qu’il n’est plus un roi sous tutelle mais un souverain décidé à gouverner seul.



Richelieu, quant à lui, sort renforcé de cette épreuve. Libéré de ses adversaires, il consolide son rôle de principal ministre et poursuit sa politique de centralisation du pouvoir. Les années qui suivent voient le renforcement de l’administration royale, la réduction du pouvoir des grands seigneurs et l’affermissement de l’autorité de l’État sur les provinces. Sur le plan diplomatique, la France s’engage plus résolument dans la guerre de Trente Ans, affirmant sa place parmi les grandes puissances européennes.

 

La victoire du cardinal consacre aussi celle de la raison d’État, principe selon lequel l’intérêt du royaume prime sur toute considération personnelle ou religieuse. En confirmant Richelieu et en écartant sa mère, Louis XIII pose les fondements d’une monarchie forte, centralisée et durable. Ce jour où tout semblait perdu pour le cardinal marque en réalité la consolidation du pouvoir royal et l’entrée de la France dans une nouvelle ère politique.

 

SOURCES

 

1 commentaire


rping Zhuang
rping Zhuang
il y a 2 jours

Cette intrigue politique m'a laissé un sentiment de fascination mêlée d'effroi devant la complexité des rapports de pouvoir à la cour. Pour se détendre après une telle lecture, Crazyig propose une large sélection de free online games accessibles à tous.

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