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LE THÉÂTRE LOUIS-PHILIPPE AU CHÂTEAU DE COMPIÈGNE

Photo du rédacteur: Igor Robinet-SlanskyIgor Robinet-Slansky

Dernière mise à jour : il y a 5 jours

Compiègne
Théâtre Louis-Philippe

Direction le château de Compiègne, dans l’Oise (à seulement 45 minutes en train de Paris). C’est l’un de mes monuments préférés, et chaque visite permet de parcourir près de huit siècles d’histoire : du château médiéval de Charles V au 14e siècle, au palais impérial de Napoléon III sous le Second Empire (1852-1870), en passant par l’architecture et les décors néoclassiques de Louis XV et Louis XVI, ou encore la grandeur des aménagements de Napoléon 1er sous le Premier Empire (1804-1815).



Mais au-delà du parcours officiel de visite, ce haut lieu de notre patrimoine réserve bien des surprises à ses visiteurs ! Tout au long de l’année, une programmation de visites guidées exclusives ouvre les portes d’espaces habituellement fermés au public qui, chacun, illustrent une part de l’histoire du château (agenda disponible sur le site du château).


Parmi les dernières visites que j’ai pu faire et qui m’ont marqué : celle du théâtre Louis-Philippe. En effet, si l’envie vous prend de remonter les siècles et de plonger dans le faste du 19e siècle - en plein mariage royal sous la monarchie de Juillet de Louis-Philippe (r.1830-1848) ou au milieu d’une soirée impériale sous le Second Empire (1852-1870) de Napoléon III - ne cherchez plus, et poussez les portes du théâtre Louis-Philippe.



Uniquement accessible en visite guidée, ce lieu dédié au spectacle de cour offre un véritable voyage dans le temps. En effet, inauguré en août 1832 pour le mariage de Louise d’Orléans, fille du roi Louis-Philippe 1er, avec le premier roi des Belges, Léopold 1er, ce théâtre de 800 places est ‘dans son jus’. Il n’a, pour ainsi dire, pas bouger depuis le Second Empire, où il était utilisé par l’empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie lors des célèbres Séries de Compiègne – ces séjours très prisés qui, chaque automne, pendant plus d’un mois, rassemblaient en séries hebdomadaires une centaine d’invités parmi les personnalités artistiques, scientifiques et aristocratiques les plus influentes de l’époque.


J’ai eu le privilège d’explorez ce magnifique témoin de l’histoire qu’est le théâtre Louis-Philippe, et je vous propose donc de me suivre à la découverte de ses secrets.

L’HISTOIRE DES LIEUX, DU JEU DE PAUME AU THÉÂTRE LOUIS-PHILIPPE


Jusqu’à leur transformation en théâtre au 19e, les lieux accueillaient la salle du jeu de Paume du château, bâtie à la demande de Louis XV au 18e siècle. Il faut attendre l’arrivée sur le trône du roi des Français Louis-Philippe 1er, en 1830, pour que la destination de cet espace dédié au sport se convertisse en salle de spectacle. Pourquoi ces changements ?


UN MARIAGE ROYAL À L’ORIGINE DU THÉÂTRE LOUIS-PHILIPPE


L’idée de bâtir un théâtre à Compiègne naît lorsque Louis-Philippe décide de marier sa fille Louise d’Orléans (1812-1850) au premier roi des Belges Léopold 1er (1790-1865). Nous sommes alors au début de l’année 1832, et l’union est fixée au 9 août suivant. Il devient urgent d’aménager une salle de théâtre pour donner tout le prestige royal aux festivités qui doivent se dérouler au château de Compiègne – et non à Paris où les légitimistes, partisans du retour sur le trône des Bourbons et non des Orléans, sont trop présents.



Une question reste en suspens : où et comment peut-on construire une telle salle de spectacle en si peu de temps ? Le défi semble périlleux, mais il sera relevé par l’architecte Frédéric Nepveu (1777-1862). D’abord, les délais ne permettant pas d’ériger de toute pièce un nouveau bâtiment, on va choisir d’installer le nouveau théâtre dans la salle du jeu de Paume existante, créée par Louis XV.


EN QUATRE MOIS, LE DÉFI EST RELEVÉ !


Nepveu réussit l’exploit de transformer en quatre mois ce vaste espace dédié aux activités sportives en un théâtre de cour pouvant accueillir 800 spectateurs. C’est d’ailleurs pour cela que, contrairement aux salles de spectacle habituellement arrondies, celle de Compiègne est rectangulaire – elle suit l’architecture originelle du jeu de Paume.



Le chantier mobilise les meilleurs talents de l’époque. Le peintre décorateur Pierre-Luc-Charles Ciceri réalise le rideau et le manteau d’Arlequin (les deux châssis et la frise peints de draperies en trompe-l’œil qui encadrent la scène), ainsi que douze décors de scène toujours visibles aujourd’hui.



Étienne Dubois signe les décors de la salle, où dominent le rouge et l’or pour accentuer l’impression de richesse – et se démarquer des tonalités bleues et or de l’Ancien Régime. Les voussures rouges ornées de croisillons or peints en trompe-l’œil, les moulures dorées du plafond, ou encore le velours et la soie rouges des murs et des assises donnent à l’ensemble le faste et l’opulence attendus pour un théâtre royal.



Quant au lustre majestueux, il provient directement de la salle de spectacle du palais des Tuileries à Paris. Ses lampes à huile Carcel, qui s’inscrivent dans la modernité de l’époque, sont associées à plusieurs rangées de bougies pour illuminer la salle, ses spectateurs et surtout ses spectatrices et leurs toilettes éblouissantes – d’autant plus qu’on vient au théâtre pour voir et être vu, et qu’il n’est donc pas question d’éteindre la lumière.


UNE INAUGURATION EN GRANDES POMPES


Inauguré le 10 août 1832, lors des célébrations du mariage entre Louise d’Orléans et Léopold 1er, le théâtre royal présente ce soir-là deux opéras bouffes interprétés par la troupe de l’Opéra-Comique de Paris : « Picaros et Diego » et « Le Prisonnier ou La Ressemblance ».



Tout n’est cependant pas finalisé, et les travaux seront définitivement achevés en 1835.

UN RÉPERTOIRE ÉVOLUTIF AU GRÉ DES ÉPOQUES


Sous Louis-Philippe, le théâtre accueille principalement des opéras-comiques, alternant avec des ballets ou des œuvres lyriques.


Avec l’arrivée au pouvoir de Napoléon III, le répertoire s’adapte aux goûts du Second Empire (1852-1870) : comédies de mœurs en trois actes, créations contemporaines interprétées par des troupes prestigieuses comme celles de la Comédie-Française, de l’Odéon ou encore du théâtre du Vaudeville.



Ces représentations accueillent la cour, les notables locaux et une sélection de personnalités invitées par le couple impérial. Le théâtre du château de Compiègne s’intègre en particulier dans le programme des célèbres « Séries », ces séjours mondains et diplomatiques organisés à l’automne par l’empereur et l’impératrice.


Pour l’anecdote, on raconte qu’à la demande de l’impératrice, les troupes de théâtre qui se produisaient à Compiègne arrivaient en train depuis Paris le jour-même, et repartaient aussitôt après la représentation. Pourquoi ? Simplement parce qu’Eugénie connaît son époux, Napoléon III, et qu’elle ne veut pas risquer qu’il s’amourache d’une jeune et jolie actrice.

UNE LENTE MISE EN SOMMEIL APRÈS LA CHUTE DE L’EMPIRE


Après 1870, la chute du Second Empire et l’avènement de la IIIe République, le théâtre de Compiègne n’est que très rarement utilisé, comme ce sera le cas lors de la visite du tsar Nicolas II en septembre 1901.


Aujourd’hui, le théâtre Louis-Philippe est considéré comme un exemple rare de théâtre de cour des années 1830, témoignant à la fois du faste royal et des évolutions culturelles de l’époque. Il se situe à la croisée des salles palatines du 18e siècle et des théâtres plus modernes de l’époque Napoléon III – comme à Fontainebleau, ou même à Compiègne, où le couple impérial entamera la construction d’un théâtre impérial plus grand.



Sa conservation exceptionnelle en fait un lieu précieux de notre patrimoine. Le visiter, c’est plonger dans un décor où l’histoire semble s’être arrêtée.

DU FOYER À L’ARRIÈRE-SCÈNE : VISITE GUIDÉE DU THÉÂTRE LOUIS-PHILIPPE


Pour gagner le théâtre du château de Compiègne, plusieurs solutions s’offrent à vous selon votre rang. D’abord, un escalier privé, réservé au couple royal – ou impérial – et à ses invités privilégiés, mène directement depuis les ailes situées autour de la cour de l’Orangerie du château vers le foyer du théâtre. C’est bien sûr cette entrée que j’ai empruntée.



Pour le reste des invités, selon s’ils étaient placés côté cour ou côté jardin de la scène, ils pouvaient rejoindre leur place par un escalier situé dans la partie gauche de l’édifice (côté jardin), directement accessible depuis la rue ; ou par un autre à droite (côté cour) qui venait du château et datant de la création du jeu de Paume au 18e siècle.


EN ATTENDANT LE SPECTACLE


Les hôtes privilégiés se retrouvaient dans le foyer royale (puis impérial) aux tons cramoisis et or, et même, sous le Second Empire, dans le petit foyer privatif de l’Empereur attenant, dont les soieries vertes et or, aujourd’hui très abîmées, devaient donner une atmosphère chaleureuse et intime à la pièce.



Les autres spectateurs pouvaient se rafraîchir et sociabiliser dans le foyer du rez-de-chaussée (également en mauvais état).


TOUT EST QUESTION DE HIÉRARCHIE


Pour accéder à votre place, il suffisait d’emprunter les galeries de circulation qui reprenaient tout simplement les galeries des spectateurs de l’ancien jeu de paume.



Une fois dans la salle, vous pouviez d’abord être placé au niveau du rez-de-chaussée, appelé le parterre. Souvent réservé aux hommes et aux militaires, il était subdivisé en deux parties, la plus haute étant la plus prisée.

Ensuite, si vous étiez chanceux, un membre de la cour ou un invité proche du couple royal ou impérial, vous pouviez être assis au premier niveau, le plus prestigieux.



Enfin, si vous faisiez partie des invités extérieurs au château, comme les personnalités locales, ou des convives de moindre importance, c’est au second balcon que le protocole vous plaçait.


LA SCÈNE ET LES COULISSES


Passer derrière le rideau de scène et dans les coulisses est une expérience pleine d’émotion, mais aussi une vraie découverte du fonctionnement d’un théâtre.



La machinerie du théâtre Louis-Philippe, en bois d’origine, permettait des changements de décor à vue. Elle est toujours fonctionnelle et offre un témoignage unique sur les techniques théâtrales du 19e siècle. Les 12 décors peints, composés de dizaines de pièces, étaient manœuvrés par les cintres et plantés dans les costières, ces rainures dans le plancher qui, grâce à des chariots de costières situés sous la scène, permettaient de faire coulisser les différents éléments (d’où les expressions « planter le décor » et « les coulisses »).


À l’arrière de la scène, se trouvait le foyer des acteurs (d’autant plus émouvant qu’il est, lui-aussi, « dans son jus »). Puis la visite nous conduit sous la scène. On y découvre les chariots de costières et l’emplacement du souffleur qui pouvait venir en aide aux comédiens et comédiennes frappés d’un trou de mémoire.



Regagnons la salle de spectacle puis le foyer impérial (royal) avant de quitter le magnifique théâtre du château de Compiègne. Si vous le pouvez, je vous recommande cette visite guidée. Elle est riche de surprise, d’histoire(s) et surtout d’émotion.

À PROPOS DU CHÂTEAU DE COMPIÈGNE


Si la région de Compiègne intéresse la royauté française dès le 6e siècle pour ses forêts giboyeuses, c’est Charles V qui choisit d’installer un château à Compiègne à la fin du 14e siècle, à l’orée d’une forêt de 14 000 hectares. Un château quasiment achevé à sa mort en 1380 qui gardera un style médiéval jusqu’à ce que Louis XV décide de le moderniser avec l’aide de son architecte Ange-Jacques Gabriel dans un style néo-classique. Agrandi et décoré par Louis XVI et Marie-Antoinette qui s’y rencontreront pour la 1ère fois le 14 mai 1770, en amont de leur mariage à Versailles, le château est rénové dans un style Empire par Napoléon 1er entre 1808 & 1810. C’est ici qu’après son divorce d’avec Joséphine en 1809, Napoléon reçoit pour la 1ère fois sa future épouse, la jeune archiduchesse d’Autriche Marie-Louise, le 27 mars 1810.


Mais Compiègne est aussi une résidence emblématique du Second Empire (1852-1870) instauré par Napoléon III (1808-1873). C’est ici que le neveu de Napoléon Bonaparte conquiert le cœur de sa future impératrice, la belle Eugénie de Montijo (1826-1920). C’est aussi là que, chaque automne à partir de 1856, l’empereur et son épouse organiseront les célèbres ‘Séries’ qui rassemblent les personnalités politiques, artistiques, scientifiques & culturelles les plus importantes de l’époque, contribuant ainsi au faste de ce qu’on appellera la ‘Fête Impériale’.


Pour en savoir plus sur le château de Compiègne, rendez-vous dans l’article et le podcast dédiés. Vous pourrez retrouver tous les points d’intérêts du château et les informations pratiques : des musées du Second Empire et de l’Impératrice aux impressionnants appartements impériaux, en passant par le musée national de la voiture (passionnant) et les superbes jardins !

INFORMATIONS PRATIQUES


  • Quoi ? Le château de Compiègne

  • Où ? Place du Général de Gaulle, 60200 Compiègne

  • Quand ? Tous les jours (sauf le mardi) de 10h à 18h

  • Combien ? 10€ (Tarif réduit : 9€)


Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site du château de Compiègne, et pour les visites guidée – dont celle du théâtre de Louis-Philippe- tous les renseignements sont ici, dans l’agenda.


NOUVEAUTÉ : UN PASS ANNULE EXCLUSIF !


Notez que pour profiter pleinement du château de Compiègne et de ses événements, il existe désormais un pass annuel qui offre :

  • Un accès gratuit au château, à ses musées et expositions ;

  • Un tarif privilégié pour ses événements ;

  • Des avantages chez les sites partenaires ;

  • Un abonnement à une newsletter exclusive.


Les tarifs : 30€/an (solo) ou 45€/an (duo).


SOURCES


  • Visite guidée du théâtre

  • « Musées nationaux du château de Compiègne », édition des Musées Nationaux.


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