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VISITE: QUAND LA FENICE RENAÎT À VENISE



Suivez-moi à la découverte de la Fenice, à Venise, en Italie, que j’ai eu le plaisir d’explorer pour la première fois il y a quelques semaines. Au cœur du sestiere (quartier/district) de San Marco, ce théâtre porte bien son nom: née à la fin du 18e siècle, la Fenice, soit le phénix, a subi plusieurs incendies destructeurs (1836, 1996) qui ne l’ont pas empêché de renaître de ses cendres, à l’image de l’oiseau mythologique qui lui a donné son nom, et de dépasser chaque épreuve.

 

Aujourd’hui, ce mythique théâtre se visite, et je vous encourage à le faire (avec l’audioguide, c’est indispensable). Sa mythique salle de spectacle aux décors de pur style rococo italien, a vu passer les plus grands noms de la scène lyrique internationale, de Maria Callas à Luciano Pavarotti; et certains des plus célèbres opéras de l(histoire y ont été présentés pour la première fois: Tancredi (1813) et Sigismondo (1814) de Gioachino Rossini, Hernani (1843), Rigoletto (1851) et La Traviata (1853) de Giuseppe Verdi, ou encore La Carrière d’un libertin (1951) d’Igor Stravinsky et L’Ange de feu de Sergueï Prokofiev.



L’histoire de la Fenice commence à la fin du 18e siècle. À l’époque, sept théâtres animent la vie culturelle de la cité lacustre, parmi lesquels le théâtre San Benedetto, inauguré en 1755 et côtoyé par la haute société vénitienne. Mais en 1773, ce dernier disparaît tragiquement sous les flammes. La Nobile Società di palchetti sti (la Noble Société des abonnés des loges), haute autorité de la vie mondaine d’alors et propriétaire du théâtre, décide de le rebâtir. Un projet rapidement compromis puisqu’en 1787, la Société perd la gestion du bâtiment qu’elle est contrainte de céder à la famille Venier, propriétaire du terrain. Le San Benedetto est reconstruit et devient le théâtre Venier. (qui sera transformé en cinéma au 19e siècle).

 

Mais la Nobile Società di palchetti sti n’a pas dit son dernier mot! En 1790, désireux de montrer leur puissance, ses membres achètent un terrain entre les quartiers de Santa Maria Zobenigo et Sant-Angelo, où ils décident de construire un opéra encore plus luxueux que l’ex San Benedetto. Une salle de spectacle qui marquera la ‘renaissance’ de ses activités, et qui sera ainsi nommée en conséquence ‘la Fenice’.

 

Parmi les 29 projets présentés, c’est celui de l’architecte Gian Antonio Selva qui est retenu. De style néo-classique, le nouveau bâtiment s’ouvre d’un côté sur la place Campo San Fantin, avec une façade néo-Renaissance à colonnes, surmontée d’un phénix sculpté et des statues des muses de la Tragédie et de la Danse, Melpomène et Terpischore; et de l’autre sur un canal, le Rio delle Veste, creusé spécialement pour permettre une arrivée par l’eau, en gondole, comme cela se faisait à l’époque. Les spectateurs entrant ainsi par ce qu’on appellera alors «la porte d’eau».

 


Les travaux commencent en 1791 et le Gran Teatro de la Fenice sort de terre (ou de mer) 18 mois plus tard. L’inauguration, le 16 mai 1792, avec ‘I giuchi di Agrigento’ de Giovanni Paisiello, et la richesse de sa programmation, propulsent immédiatement le nouveau théâtre au rang des principaux lieux de création lyrique et musicale en Italie et en Europe.

 

Malheureusement, le destin de la Fenice ne s’arrête pas là. Alors qu’un nouveau poêle autrichien est installé pour chauffer les lieux, dans la nuit du 13 décembre 1836, celui-ci s’enflamme, détruisant la majeure partie du bâtiment dans un incendie qui durera trois jours et trois nuits. Seuls la façade, le foyer et les salons de réception dits salles d’Apollon, seront préservés.

 

Mais la Fenice porte bien son nom, et la Noble Société décide de la rebâtir rapidement. On fait appel à l’architecte Giambattista Meduna, à son frère, l’ingénieur Tommaso Meduna, et au décorateur Tranquillo Orsi. Reconstruit et restauré à partir de février 1837 au plus près de la salle originale et dans le goût de l’époque, la nouvelle Fenice est inaugurée le 26 décembre de la même année. Là encore, les travaux sont exécutés en un temps record!

 

Rénové une première fois en 1854, puis en 1935 par la Municipalité de Venise, nouvellement propriétaire des murs, le théâtre de la Fenice devient une salle de spectacle mythique pour les opéras, les ballets et les concerts de musique classique.

 

Mais la Fenice a le sens de la tragédie, et dans la nuit du 29 janvier 1996, un incendie criminel s’empare du théâtre qui détruit entièrement la salle de spectacle et une partie des salles apolloniennes. Une nouvelle épreuve dramatique qui sera une nouvelle fois surmontée, et sous la direction de l’architecte Aldo Rossi, le théâtre est reconstruit, et rouvert le 14 décembre 2003 avec La Traviata de Verdi. Bien que techniquement modernisée, la salle de spectacle a été recréée ‘telle qu’elle était, là où elle était’, soit selon les plans initiaux, dans un style rococo, dans les tonalités de bleu, d’or, de rouge et de vert foncé.



Du foyer qui vous accueille avec ses couleurs douces de marbre et de peinture rose, blanches et or, aux luxueuses salles d’Apollon, en passant, bien entendu, par la majestueuse salle de spectacle, ses décors et sa loge royale (ou impériale selon les époques), la visite de la Fenice permet de pénétrer les splendeurs d’un lieu mythique qui fera rêver les amateurs d’art lyrique comme les passionnés d’histoire et d’architecture. 

Je vous propose maintenant de découvrir certains des plus beaux espaces de la Fenice. 

 

LES PIÈCES REMARQUABLES DE LA FENICE

 

LE FOYER

 

C’est par le Foyer que spectateurs et visiteurs débutent leur expérience de la Fenice. C’est donc ici que le rêve doit commencer. Marbre rose, murs blancs, lustres et dorures, les décors restent simples malgré leur richesse. Préservé de l’incendie de 1836, agrandi en 1937, le Foyer est ainsi l’un des seules témoins du bâtiment d’origine et de son style néo-classique italien, typiquement 18e.



Si vous visiter la Fenice, je pense que le Foyer saura vous séduire et vous donner l’envie de pousser les portes qui vous mèneront à la découverte des espaces suivants.

 

LA SALLE DE SPECTACLE

 

C’est LE point d’orgue de la visite de la Fenice, et le moment que l’on attend lorsqu’on pousse les portes du théâtre: la salle de spectacle ne déçoit pas. Elle est grandiose et peut aujourd’hui accueillir jusqu’à 1126 places assises.

 

La version que l’on peut voir aujourd’hui est celle de 2003, réalisée par l’architecte Aldo Rossi qui, après l’incendie de 1996, l’a reconstruite à l’identique de la salle d’origine du 18e siècle, avec la qualité de bois qui lui donne son acoustique si particulière, le papier mâché et le plâtre de ses sculptures et moulures, ses couleurs bleu et or emblématiques… tout en y apportant la modernisation nécessaire à une salle du 21e siècle -chauffage et climatisation au sol, fauteuils confortables, enveloppe de murs et plafond en béton armé, plan mobile pour transformer la fosse orchestre… Le beige initial qui se trouvait à l’intérieur des loges a, quant à lui, été changé en reprenant le bleu-vert pastel des peintures.



Parmi les points remarquables de cette salle majestueuse dans laquelle je vous suggère de vous éterniser pour bien en observer tous les détails, on notera:

  • Le lustre en cuivre doré, impressionnant par sa taille et son apparente légèreté. C’est une reproduction de celui imaginé par les frères Meduna lors de la reconstruction de la salle après l’incendie de 1836, et réalisé à Liverpool en 1854.


  • Le plafond, reproduit à l’identique, est peint de telle façon à donner l’impression qu’il est voûté. Des personnages féminins tenant des instruments de musique se mélangent aux Trois Grâces que sont la Musique, la Danse et l’Aurore.


  • La richesse des décors: feuilles d’acanthe et courbes végétales dorées à la feuille d’or typiquement rococo; peintures extérieures des loges agrémentées d’amours jouant de la musique et s’amusant, et représentant des poètes et philosophes au premier étage, des allégories de l’histoire, de la poésie, de la philosophie, de la comédie, de la tragédie et de la musique au deuxième…


  • Le rideau de velours vert foncé décoré de 1100 fleurs en cuir doré.

 

Face à la scène, les places les plus prestigieuses se trouvent dans l’impressionnante loge Royale. Sa création et ses évolutions esthétiques sont étroitement liées aux évolutions historiques de Venise. Cette loge n’existait pas à l’origine. Elle a été construite en 1807 pour Napoléon 1er.



Mais que vient faire l’empereur des Français à Venise et en particulier à la Fenice? Pour cela, un peu d’histoire. En 1797, la République de Venise, jusque-là gouvernée par les Doges, perd son indépendance face aux victoires de Napoléon Bonaparte pendant la campagne d’Italie. Après le traité de Campo Formio signé la même année avec l’empire austro-hongrois, la cité lacustre passe sous domination autrichienne. Mais en 1805, alors que Napoléon est devenu empereur en 1804 -et roi d’Italie par la même occasion-, Venise repasse sous domination française. Afin de recevoir l’empereur des Français, son roi, qui doit assister à la cantate ‘le Jugement de Jupiter’ de Lauro Corniani Algarotti, le 1er décembre 1807, on décide de créer une loge impériale (ou royale) dans le théâtre de la Fenice. Trois loges sont ainsi détruites pour en bâtir une très grande, majestueuse, pour l’empereur et ses invités. L’architecte Gian Antonio Selva est chargé du projet avec le décorateur Gisueppe Borsato.

 

Mais en 1815, après la chute de Napoléon, Venise revient dans le giron de l’Autriche et la loge impériale accueille les Habsbourg. Ce sont eux qui, après l’incendie de 1836, commandent une loge encore plus fastueuse aux frères Meduna et à Borsato. Un temps détruite, après qu’en mars 1848, la République de Venise ne s’insurge et ne décide de se détacher de l’empire austro-hongrois, la loge impériale est transformée en six loges ‘républicaines’. Lorsque le 22 août 1849, Venise redevient autrichienne, la loge impériale est rebâtie à l’identique.

 

En 1866, la loge impériale devient loge royale lorsque la Vénétie devient propriété du nouveau Royaume d’Italie. Le symbole de la famille royale italienne y est encore visible. Depuis 1946, il cohabite avec le Lion de Saint-Marc, emblème républicain de la ville de Venise.

 

Cette loge, impériale, royale puis républicaine, est impressionnante de décors surchargés, de dorures en sculptures, de miroirs en velours rouge. De là, la vue sur la salle est exceptionnelle.

  

LES SALLES D’APOLLON

 

Ces cinq salles de réception sont dédiées au dieu grec protecteur des arts, et donc de la musique, et père des Musées. Leur configuration actuelle date de 1937, mais on peut repérer certaines parties antérieures à l’incendie de 1996, notamment au niveau des cadres de porte ou des décors muraux.

 

Les spectateurs et visiteurs y sont accueillis pendant les spectacles ou les visites, et des soirées peuvent y être organisées. On trouve, entre autres:

  • La salle de Dante, avec le bar principal du théâtre, recouverte de fresques créées par le peintre Giacomo Casa pour les 600 ans de la naissance de Dante.


  • La salle Malibran, imaginée en hommage à la célèbre cantatrice Maria Malibran.



  • La salle Ammannati dédiée à l’architecte et sculpteur florentin Bartolomeo Ammannati.



  • La Grande salle, la plus impressionnante, qui servait de salle de bal. Elle a été entièrement reconstruite à l’identique après l’incendie de 1996.



INFORMATIONS PRATIQUES

 

Cette visite audioguidée est souvent incluse dans les pass et autres cartes touristiques qui permettent d’accéder à une diversité de lieux. Que vous soyez détenteur d’une telle carte ou non, je vous recommande de ne pas faire l’impasse sur l’audioguide qui vous donnera les clefs pour mieux comprendre ce théâtre légendaire qui a su résister aux épreuves du temps.

 

Tous les détails concernant les visites se trouvent ici, sur le site de la Fenice.

Si vous le pouvez, essayez d’assister à une représentation. Je n’ai pas eu l’occasion de le faire, mais j’aurais beaucoup aimé car l’expérience doit être incroyable.

 


SOURCES

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