Le 16 mai 1770, il y a 254 ans, était célébré le mariage de Louis XVI et de Marie-Antoinette, ou plutôt l’union du Dauphin de France Louis-Auguste, 15 ans, petit-fils de Louis XV -au pouvoir jusqu’à sa mort le 10 mai 1774-, et de la jeune Dauphine Marie-Antoinette de Habsbourg-Lorraine, 14 ans, archiduchesse d’Autriche, fille de l’impératrice du Saint-Empire Germanique, Marie-Thérèse.
Ce mariage est avant tout politique. Pour le comprendre, revenons quelques 12 années en arrière. En 1756, après plus de trois siècles de conflits et d’opposition, la France de Louis XV et l’Autriche de Marie-Thérèse décident de s’allier. C’est ce qu’on appelle le renversement des alliances, une révolution diplomatique qui met fin à la lutte entre les rois de France et la maison des Habsbourg qui dure depuis le 16e siècle. Encore pendant la Guerre de Succession d’Autriche (16 décembre 1740-18 octobre 1748), l’Autriche, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et la Russie s’opposent à la France, la Prusse, la bavière et l’Espagne. Finalement, le traité d’Aix-la-Chapelle en 1748 marque la fin de la guerre et la défaite de l’alliance menée par la France. Une défaite qui contribuera à rendre Louis XV impopulaire. Face à une Prusse grandissante et menaçante, et à une Angleterre aux velléités coloniales grandissantes, Marie-Thérèse décide de se rapprocher de Louis XV par l’intermédiaire de l’ambassadeur d’Autriche en France, Antoine de Kaunitz, et de Madame de Pompadour, favorite et conseillère officieuse du roi. Le traité d’alliance entre la Prusse et l’Angleterre va accélérer les pourparlers, et le 1er mai 1756, le traité de Versailles, d’abord défensif puis également offensif l’année suivante, est signé entre le Royaume de France et l’Empire d’Autriche.
Cette alliance va se renforcer avec la guerre de Sept ans qui, du 17 mai 1756 au 15 février 1763, voit s’opposer entre autres la coalition franco-autrichienne et la coalition anglo-prussienne. Ce conflit, le premier réellement mondial, implique l’affrontement, à l’international, des empires coloniaux français et anglais, notamment en Amérique du Nord et en Inde où la France perd une grande parties de ses territoires -des pertes qui, là-aussi, contribueront à ternir l’image de Louis XV; et en Europe entre la Prusse de Frédéric II qui, de plus en plus puissante, reprend des terres à l’Autriche (dont la Silésie).
C’est dans ce contexte que, dès les années 1760, le chef du gouvernement de Louis XV, Etienne-François de Choiseul-Beaupré-Stainville (1719-85), proche de Madame de Pompadour, va œuvrer pour rapprocher les deux couronnes grâce aux liens du mariage.
LE MARIAGE DE LOUIS XVI ET MARIE-ANTOINETTE PAR PROCURATION
C’est chose faite le 19 avril 1770, quand est célébré à Vienne le mariage par procuration entre le futur roi de France et la future reine. Le lendemain, Marie-Antoinette part pour la France, et le 7 mai, à Strasbourg, se tient la «remise de la Dauphine au Royaume de France». Là, sur l’île aux Épis, zone neutre située au milieu du Rhin entre Kehl et Strasbourg, dans un bâtiment éphémère en bois construit à cheval sur la frontière, la jeune archiduchesse d’Autriche se dépouille de ses vêtements et des biens de sa patrie d’origine, pour se parer de ses nouveaux habits à la française. Entrée jeune fille du côté autrichien, elle ressort jeune dauphine du côté français. Après des réceptions et fêtes officielles, Marie-Antoinette reprend la route et arrive le 14 mai au château de Compiègne où l’attend son futur époux et dauphin de France, Louis-Auguste.
LE MARIAGE DE LOUIS XVI ET MARIE-ANTOINETTE À VERSAILLES
Finalement, c’est le 16 mai à 10h que le futur couple royal arrive à Versailles où l’attend la cour pour le mariage royal. Préparée dans le Grand Appartement de la Reine et habillée d’une robe à paniers en brocart blanc, elle rejoint le dauphin qui porte un habit d’or et de diamants, et le cordon bleu de l’ordre du Saint-Esprit. Ensemble, traversant le Grand Appartement du Roi main dans la main, et suivis par Louis XV et les princes de sang, ils se rendent à la chapelle royale du château où est célébrée leur union par l’archevêque de Reims.
Plus tard, après la réception des ambassadeurs et un passage dans la galerie des Glaces somptueusement illuminée, un festin est organisé dans le nouvel Opéra royal réalisé par l’architecte de Louis XV, Ange-Jacques Gabriel.
Le soir-même, les deux jeunes mariés sont conduits dans la chambre nuptiale où, à l’occasion d’une cérémonie du coucher publique afin qu’on les voit bien dormir ensemble, le lit est béni par l’archevêque. Mais rien ne se passera cette nuit-là, et pour les sept années à venir, au grand dam de Louis XV et de Marie-Thérèse. Il faudra l’intervention du frère de Marie-Antoinette, l’empereur d’Autriche Joseph II, et une opération (Louis-Auguste souffre d’une infirmité physique qui rend l’acte d’amour douloureux) pour que les deux époux consomment leur mariage. De cette union naîtront quatre enfants: Marie-Thérèse (1778-1851), Louis-joseph (1781-1789), Sophie (1786-1787) et Louis-Charles (1785-1795).
Les festivités du mariage royal dureront encore plusieurs semaines. Mais le 30 mai, alors que la ville de Paris organise un feu d’artifice place Louis XV (actuelle place de la Concorde), un drame va se produire. Ce soir-là, les fontaines de vin coulent à flots, et des victuailles et des cadeaux sont distribués au peuple qui s’agglutine sur la place pour assister au spectacle. A la tombée de la nuit, toute la place et les maisons alentour sont illuminées. Tiré depuis une construction représentant un Temple de l’Hymen, symbole du mariage, le feu d’artifice commence. Mais l’estrade s’enflamme et les quelques 300 à 400 000 spectateurs tentent de s’enfuir par la rue royale, encombrée par les travaux de construction de la future église de la Madeleine. La foule panique, des gens tombent et sont piétinés : c’est un désastre ! 132 personnes -49 hommes ou garçons et 83 femmes ou filles- trouveront la mort ce soir-là et plus de 1500 seront blessées. Apprenant la nouvelle, le jeune couple aidera les victimes sur ses deniers personnels, mais cette tragédie ne peut que résonner comme un mauvais présage pour le règne à venir. Quand on connaît la suite des événements, on ne peut qu’approuver.
LE ROI ET LA REINE DE FRANCE
Quatre ans plus tard, le 10 mai 1774, Louis XV décède à Versailles. On crie «le Roi est mort» -le roi étant ici Louis XV-, puis «vive le roi» -en référence à Louis XVI qui lui succède, afin de marquer la continuité de la monarchie française, car il doit toujours y avoir un roi en France. Les courtisans courent ensuite à travers la galerie des Glaces et jusqu’au rez-de-chaussée dans l’appartement du Dauphin. Le nouveau roi Louis XVI et la jeune reine Marie-Antoinette s’agenouillent et prient. Ils auraient alors murmuré: «Mon Dieu, guidez-nous, protégez-nous, nous régnons trop jeunes!». La suite, on la connaît. Destitués puis condamnés à mort pendant la révolution, ils seront les derniers souverains de l’Ancien régime, et avec eux s’achèveront des siècles de monarchie française.
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