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LA CONCIERGERIE À PARIS - PARTIE I : HISTOIRE

Dernière mise à jour : 11 avr. 2023


Aujourd’hui, je vous emmène au cœur de ma ville d’adoption : à Paris. J’ai choisi de partager avec vous la visite libre que j’ai faite de la célèbre Conciergerie, ce Palais situé au cœur de l’Île de la Cité. Un monument que tous ceux qui sont venus à Paris ont pu admirer, mais que peu, finalement, connaissent réellement.


La Conciergerie, c’est pour moi un édifice incontournable qui m’a marqué dès mes premières visites de Paris, avant même que je m’y installe. Ce bâtiment qui longe la Seine au cœur de la Capitale m’a toujours impressionné avec ses deux tourelles tout droit sorties du Moyen-Âge. Le meilleur moment pour la contempler selon moi ? Le soir, lorsque, éclairée, elle contribue à ce Paris by night féérique tant décrit par les touristes émerveillés devant les trésors de la Ville Lumière.


Je vous propose d’entrer avec vous dans ce Palais de la Cité, témoin du Paris médiéval et des évolutions de l’Histoire de France. Pour cela, je vous propose deux articles accompagnés de deux podcasts :

  • Dans un 1er article (et podcast), je vous raconte à ma façon l’histoire du monument. C’est l’objet de mon propos ici.

  • Dans un 2nd article (et podcast), je vous y emmènerai en visite guidée.

Partons donc aujourd’hui à la découverte de la Conciergerie dont l’histoire se confond indéniablement avec celle de la monarchie puis de la république françaises.


C’est d’abord une demeure Royale du 6e siècle à la fin du 14e siècle, qui va petit à petit incarner le pouvoir monarchique centralisé au cœur de la Capitale du royaume de France : Paris. Délaissée comme résidence principale des rois à la fin du 14e siècle, elle reste le siège du Parlement de Paris et de l’administration du Royaume, et le pouvoir judiciaire s’y impose tandis que de palais royal elle devient en partie prison. Si la Conciergerie ne possède plus de prison depuis 1934, elle héberge aujourd’hui encore le Palais de Justice, même si une partie des effectifs et des fonctions judiciaires, comme le Tribunal de Grande Instance, ont migré en 2018 vers le 17ème arrondissement de Paris.


Sans plus attendre, laissez-moi vous raconter l’histoire de ce Palais célèbre mais souvent méconnu.


La Conciergerie : Histoire du Palais au fil des siècles


Avant toute chose, une fois n’est pas coutume, j’aimerais commencer par une anecdote.


Point anecdote ! Pourquoi la Conciergerie s’appelle ainsi ?

Les origines remonteraient sous le règne de Philippe II Auguste (1180-1223). Lorsque le Roi part en croisades, il laisse l’administration du royaume à ses conseillers, et la gestion du palais à un concierge qu’il nomme pour l’occasion. Mais c’est surtout sous le règne de Charles V le Sage (1364-1380), alors que le Palais est délaissé comme résidence royale à la faveur du Louvre, que le lieu est définitivement confié au concierge. Ce dernier a les pouvoirs de basse et moyenne justice, c’est-à-dire qu’il gère la justice des délits mineurs (c’est l’équivalent de notre tribunal de première instance). Une prison va alors être aménagée dans les parties basses du bâtiment qui prend bientôt le nom de « Conciergerie ».


Le Palais de la Conciergerie est bâti sur les fondations d’une forteresse gallo-romaine. C’est dire comme son histoire est ancienne !


Si l’on sait que la présence de l’homme dans les environs de la future ville de Paris remonte à -4000 avant J.-C, et que des exploitations agricoles sont présentes dès -750 av. J-C, la première mention d’une place fortifiée sur la future Île de la Cité nous vient de Jules César lui-même qui parle d’un Oppidum (place fortifiée) sur une « île au milieu de la Seine » habitée par le peule des Parisii (d'ailleurs, Parisii, Paris… vous faites le lien ?).

Alors que se développe une ville Gallo-Romaine, Lutèce, sur les bords de Seine, une résidence pour les gouverneurs et un tribunal militaire sont bâtis sur la pointe de l’île.


L’Île se fortifie ensuite pour résister aux invasions barbares. Au 4e siècle, la forteresse en forme de quadrilatère des gouverneurs accueille les Empereurs romains Julien et Valentinien. Elle devient Palatium, soit palais impérial, siège du pouvoir suprême. Déjà, la future Conciergerie prend ce rôle de résidence de pouvoir et de justice.


Point Histoire : la France de l’Antiquité au Moyen-Âge.

Pour bien comprendre la suite, voici quelques repères historiques qui permettent de comprendre l’évolution de la Gaule, et donc de Paris, de l’Antiquité au Moyen-Âge.

Après la paix romaine qui règne en Gaule aux 1ers et 2e siècles, les invasions barbares vont s’amplifier de la fin du 3e siècle au milieu du 5e siècle avec l’arrivée de ces peuples dits «barbares» du Nord et de l’Est de l’Europe : les Francs, les Ostrogoths, les Wisigoths, les Huns, les Vandales, les Alamans, les Burgondes…

En 451, Attila, le célèbre chef des Huns, ce peuple venu d’Europe Centrale, entre en Gaule par l’Est. Il recule à Paris face à la défense de Sainte-Geneviève, mais surtout, il est contraint de se replier de Gaule face à aux guerriers gallo-romains mais aussi aux Francs et aux Wisigoths qui s’associent à eux.

Alors que ces guerres conduisent à la perte d’influence de l’Empire Romain sur sa partie occidentale, la chute du dernier Empereur Romain d’Occident, Romulus Augustule en 476, marque la fin de l’Antiquité et le début du Moyen-Âge. La Gaule est alors aux mains des peuples dits «barbares . Notez qu’ils étaient appelés comme cela par les Romains parce qu’étrangers, mais qu’ils n’étaient en réalité pas plus cruels ou incivilisés qu’on le raconte.

La Gaule est donc divisée entre ces peuples : les Burgondes dans le Sud-Est, les Wisigoths dans le Sud-Ouest, et les Francs dans le Nord. Ce dernier peuple réussit à se faire accepter des populations gauloises locales qui s’assujettissent à leur roi. La dynastie des Mérovingiens commence alors avec le roi Mérovée en 448, puis son successeurs Childéric qui meure en 480. Lui succède alors son fils, le célèbre Roi Clovis qui unifie la Gaule et fonde le Royaume des Francs.

En parallèle, entre le 2e et le 4e siècles, l’Empire Romain puis la Gaule se sont christianisés. A la fin du 3e siècle, le christianisme est d’ailleurs la religion de l’Empire.

Si Clovis n’est pas chrétien, il épouse une burgonde catholique, la reine Clothilde, et s’attire les faveurs de l’église de Rome qui voit en lui un appui militaire capable de la défendre. En 496, Clovis embrasse ainsi la religion catholique et se fait baptiser à Reims. C’est le début d’une longue tradition de rois catholiques qui se succèderont de pères en fils, la loi franque, ou loi salique, imposant ce mode de succession.


Après ce point historique qui, je pense, était nécessaire, osons enchainer par un point anecdote !


Point anecdote ! Savez-vous que Clovis est beaucoup plus présent qu’on ne le pense dans l’histoire de la royauté française ?

En effet, Clovis a eu une influence importante sur les rois de France et sur la mythologie qu’ils ont cherché à créer autour de leurs origines. Par déformation, Clovis donnera le prénom « Louis ». Pas moins de 18 rois de France porteront ainsi son nom à partir de Louis le Pieux en 814 et jusqu’à Louis XVIII qui règnera de 1815 à 1824, et même, si on veut jusqu'à Louis-Philippe 1er (1830-1848).

C’est aussi en référence symbolique au baptême de Clovis que les rois de France seront couronnés à Reims de 1207 à 1825, sauf de rares exceptions comme Henri IV qui sera couronné à la Cathédrale de Chartres le 27 février 1594 à cause des guerres de religions qui l’empêchent d’accéder à Reims ou Paris.

Enfin, tous les monarques seront inhumés à la basilique Saint-Denis près de Paris où le « tombeau des rois » les accueilles depuis que le roi mérovingien Dagobert 1er (629-639) a choisi de reposer dans cette abbaye qu’il fonde sur la tombe du martyr romain Saint-Denis, tué par les Romains en 250 alors qu’il évangélisait Lutèce. A ce propos, voici une anecdote dans l’anecdote : Saint-Denis aurait été décapité sur les hauteurs d’une colline au Nord de Paris. Il aurait parcouru plusieurs kilomètres, la tête entre ses mains, avant de tomber mort à l’emplacement de l’acyuelle basilique Saint-Denis. La fameuse colline appelée dès lors le Mons Martyrum (le Mont des Martyres), est devenue au fil du temps… Montmartre !


Après ces parenthèses historiques et anecdotiques, revenons à notre Conciergerie qui est alors encore un Palatium. Alors que Clovis devient Roi des Francs, il décide d’installer la capitale de son royaume à Paris et s’installe dans le Palais existant qui devient pour la première fois résidence royale, mais aussi le siège du gouvernement et un tribunal où le roi rend la justice.


Avançons un peu dans l’histoire. Nous sommes au milieu du 8e siècle. Les carolingiens devienne la dynastie régnante sur le Royaume des Francs avec Pépin le Bref qui détrône le dernier roi mérovingien Childéric III en 751. Soutenu par l’Église de Rome il est sacré roi par le pape et acte le rôle protecteur des rois des Francs envers l’Église Catholique. Son fils Charlemagne lui succède en 771 et devient Roi des Francs. Après une série de conquêtes victorieuses en Europe, il se fait sacrer Empereur d’Occident à Rome le 25 décembre 800.


Cette période est importante car le pouvoir royal se détache de Paris pour s’installer à Aix-la-Chapelle dans la vallée du Rhin. La Conciergerie est délaissée. Elle abrite alors le Comte de Paris, sorte de préfet de la région.


Il faut attendre la fin du 10e siècle et l’arrivée des capétiens, la nouvelle dynastie régnante, pour que le Palais parisien retrouve son rôle de résidence royale.

En effet, l’assemblée des pairs, les plus grands seigneurs du royaume, élit Hugues Capet (987-996) comme roi des Francs face au déclin de l’Empire carolingien. Ce roi itinérant ne séjournera que temporairement au palais.


C’est son fils, Robert II le Pieux (996-1031) qui va transformer le palais en une résidence royale moderne. Pour sa femme Constance d’Arles, il en fait un palais somptueux avec tout le confort de l’époque. Il y rend également la justice en réunissant une assemblée de conseillers qui l’aide dans sa gouvernance : la Curia Regis.


Au 12e siècle, Louis VI le Gros (1108-1137) renforce la puissance du roi en soumettant ses vassaux à son autorité et en accroissant le développement économique du royaume. Son Palais de la Cité doit assoir cette autorité et il décide de l’agrandir. Les embellissements se poursuivent avec ses successeurs.


Parmi eux, Philippe II Auguste (1180-1223) étend le royaume et son influence. Il fait de Paris sa capitale, et du Palais de la Cité le lieu de la puissance royale. Lorsqu’il part en croisades, le roi délègue l’administration du royaume à ses conseillers et le fonctionnement de son palais à un concierge. Philippe Auguste va lui aussi beaucoup améliorer le palais, tout comme il va moderniser et fortifier la ville de Paris.

C’est son petit-fils qui lui succède : Louis IX (1226-1270). Ce roi pieux et engagé dans les croisades chrétiennes sera ensuite appelé Saint-Louis. Il va apporter de nombreux changements au palais.


Paris est en plein essor économique. Avec 200 000 habitants, c’est la ville la plus peuplée d’Europe, et ses universités en font la cité la plus intellectuelle de son époque. Pour assoir le pouvoir royal, mais aussi la puissance religieuse de la France, Louis IX va modifier et agrandir son Palais. Parmi les grands travaux : la construction de la Sainte Chapelle en lieu et place de l’ancienne chapelle du palais, la chapelle Saint-Nicolas.

Entre 1239 et 1241, à Constantinople, Saint-Louis acquiert de nombreuses reliques de la Passion du Christ. Il choisit de construire pour les accueillir une chapelle fine et élégante de style gothique rayonnant : la Sainte-Chapelle. Si la chapelle basse sert pour les habitants et serviteurs du palais, la chapelle haute est réservée pour les religieux, le roi et ses invités. Beaucoup des reliques achetées par Saint-Louis seront perdues à la Révolution. Mais il en reste aujourd’hui encore quelques-unes des plus importantes qui ont quitté la Sainte-Chapelle pour le trésor de Notre Dame de Paris : la Couronne d’épines, un morceau de la Sainte Croix, des clous et le fer de la lance qui transpercèrent le corps de Jésus, ainsi que l’éponge qui lui fut tendue.

Si vous ne l’avez jamais fait, je vous invite à visiter ce lieu incroyable et très coloré, ce qui n’est pas habituel dans nos églises.


Continuons notre aventure historique et rendons-nous maintenant à la fin du 13e siècle, sous le règne de Philippe le Bel (1285-1314). Alors que le pays se transforme et étend son influence et sa richesse, le Palais de la Cité ne représente plus cette puissance. Le roi choisit d’en faire en un lieu de prestige, symbole du pouvoir royal et miroir de sa majesté. On est 500 ans avant Louis XIV, mais déjà on sait l’importance de la représentation et de la mise en scène du pouvoir. Les transformations esthétiques du palais vont s’accompagner d’évolutions fonctionnelles qui parachèvent la centralisation de la monarchie en accueillant de nouveaux organes du pouvoir : le pouvoir judiciaire avec le Parlement, le pouvoir financier avec le Chambre des Comptes, et le pouvoir politique avec le Conseil du Roi.


La superficie du palais va alors tripler. Je ne vous détaille pas tout ici car lorsque je vous raconterai ma visite, nous évoquerons l’évolution architecturale.

Philippe le Bel fait du Palais la plus belle demeure royale d’Europe d’où il peut régner grâce à un appareil d’état renouvelé.

Mais alors que ses fils se succèdent sans laisser d’héritiers mâles, la couronne de France est transmise à une branche cadette des Capétiens, les Valois, en 1328.

Ces derniers sont confrontés à la Guerre de Cent Ans contre l’Angleterre. Ils vont peu transformer le palais, bien qu’ils s’attèlent à l’agrandir encore. En tant que Dauphin, Charles V le Sage (1364-1380) a assisté à la révolte des bourgeois à Paris en 1358 qui, sous la conduite du prévôt des marchands Étienne Marcel, s’insurgent contre l’augmentation des prélèvements fiscaux par le pouvoir royal. Il est marqué par l’assassinat des maréchaux de Normandie et de Champagne qui a lieu dans l’enceinte même du palais. Devenu roi, il va quitter cette résidence royale pour le Louvre, qui a été réaménagé et qui est plus sûr.


C’est la fin du Palais de la Cité comme résidence royale. Le palais garde un rôle d’affirmation du pouvoir royal par les grandes cérémonies et réceptions qui s’y tiennent encore, et par sa magnificence : la luxueuse première horloge publique de Paris, réalisée par Henri de Vic, est installée sur la Tour Carrée, et les jardins sont somptueusement restaurés.

Mais surtout, le Palais de la Cité reste le siège du Parlement et de l’administration du royaume.

Le lieu est définitivement confié au concierge qui a les pouvoirs de basse et moyenne justice, c’est-à-dire sur la justice des délits mineurs (notre tribunal de première instance).

Une prison est alors installée dans les parties basses du Palais, bientôt connue sous le nom de la « Conciergerie ».


Au 17e siècle, sous le règne des Bourbons qui commence avec Henri IV (1589-1610), les abords de la Conciergerie sont transformés : les jardins sont remplacés par la Place Dauphine, en l’honneur du Dauphin, le futur Louis XIII, fils d’Henri IV, et le Pont Neuf est construit.


Point anecdote ! Le Pont-Neuf, pas si neuf ?

En réalité, c’est le plus anciens des ponts de Paris encore existants aujourd’hui. Sa construction commence à la demande d’Henri III en 1578 qui pose la 1ère pierre, accompagné de sa célèbre mère Catherine de Médicis. Les travaux sont interrompus 10 ans entre 1588 et 1598 à cause des guerres de religion. Ils finissent en 1604 sous le règne d’Henri IV. Le Pont Neuf est réalisé en pierre ce qui est une révolution à une époque où les ponts étaient surtout en bois, et donc plus fragiles. C’est ainsi le 1er pont en pierre à traverser entièrement la Seine.

L’autre nouveauté de ce « pont neuf », c’est qu’il est quasi nu. En règle générale, les ponts accueillaient des habitations et des commerces sur plusieurs étages. A tel point que lorsqu’on était dessus, on ne voyait souvent plus du tout la Seine. Ici, il n’y a que sur les demi-lunes qui se tiennent sur la longueur du pont que l’on trouvait quelques boutiques, des arracheurs de dents (les ancêtres de nos dentistes), ou encore des bateleurs et saltimbanques.

Autre avantage pour les passants, la traversée de ce pont de 238 m de long (le 3ème plus long de Paris aujourd’hui) et 20 m de large est facilitée par la présence de larges trottoirs. Plus de projection de boue, ni de risque de se faire renverser par les chevaux et autres carrioles.

C’est pour l’ensemble de toutes ces nouveautés qu’on va rapidement lui donner le nom de « Pont Neuf » dès 1636.

Revenons à la Conciergerie. Le bâtiment subit deux incendies en 1618 et en 1776. Le premier entraîne la reconstruction par Salomon de Brosse de la Grand’Salle du Palais avec des voûtes de pierres. Située au 1er étage, elle avait été créée par Philippe le Bel.

Le second incendie conduit à la reconstruction et à la modernisation d’une partie du Palais, notamment des prisons avec la création d’un quartier des femmes, mais aussi, d’un point de vue architectural, avec la réalisation de nouvelles façades néo-classiques.


Au cours du 18e siècle, le Parlement de Paris va régulièrement contester les choix du gouvernement et des rois de France, ce qui ne va bien sûr pas leur plaire. Ainsi, Louis XIII interdit au Parlement d’accéder aux affaires de l’État, tandis que Louis XIV, afin d’éviter les blocages, décide de systématiquement enregistrer les textes émit par son gouvernement avant même qu’ils ne soient lus, validés ou contestés par le Parlement. Le Roi Soleil agit ici en réaction à la fronde qu’il a connu plus jeune : une période entre 1648 et 1653 durant laquelle une partie de la noblesse profite que le royaume soit sous la régence d’Anne d’Autriche -la mère du futur Louis XIV trop jeune pour régner- pour s’opposer au pouvoir royal, risquant de détrôner le futur roi.


Ces actions n’empêcheront pas le Parlement de s’opposer ouvertement à la monarchie absolue sous Louis XV et d’empêcher ainsi nombre de réformes proposées par le Roi. Mais c’est ensuite sous Louis XVI que le Parlement va s’opposer le plus fortement au pouvoir royal en déclarant illégal un édit royal sur les emprunts en 1787. Une décision qui aura pour conséquence la convocation des États Généraux en 1789 pour tenter de sauver les finances du royaume. La Révolution est en marche et avec elle la fin de la monarchie qui entraîne également la fin de ses institutions, donc la fin du Parlement.


Après la mise en place d’un nouveau code pénal en 1791 par l’Assemblée Nationale, le Palais accueille la Cour de Cassation, puis entre autres les départements de la Police et des Finances. Les étages sont ainsi dédiés à la justice, tandis que le rez-de-chaussée, toujours appelé «la Conciergerie», accueille toujours une prison.

Le 17 août 1792, un tribunal extraordinaire est créé pour juger les crimes commis lors de l’invasion du Palais des Tuileries le 10 août qui a provoqué la chute de la Monarchie. Mais alors que la France est entrée en République le 21 septembre 1792, on raconte qu’une contre-révolution se fomenterait dans les prisons tandis que dans certaines villes de province, notamment en Vendée, des soulèvements royalistes populaires ont lieu en réaction à la mort de Louis XVI le 21 janvier 1793.


Le 10 mars 1793 est alors créé, au sein du Palais, le tribunal criminel extraordinaire de Paris, que vous connaissez certainement sous le nom de « Tribunal Révolutionnaire ».


Rapidement, face à l’invasion de troupes étrangères et à la guerre civile, un État d’Exception est instauré. Une période entre le printemps 1793 et le printemps 1795 qu’on appellera plus tard «la Terreur» durant laquelle on juge et condamne sans concession les ennemis de la Liberté et de la Révolution. Des accusés qui meurent souvent sous le couperet de la guillotine, même si plus d’un tiers des condamnés y échappent. La Terreur portera bien son nom quand, à partir de septembre 1793, on élargit la cible des personnes menaçantes pour la République aux «gens suspects», c’est-à-dire à ceux qui, même s’ils n’ont rien fait contre la Liberté, sont accusés de n’avoir rien fait pour elle ou pour la défendre. Tout le monde peut alors être accusateur et accusé d’un jour à l’autre.


Vous l’aurez compris, pendant la Révolution, c’est à la Conciergerie et au Tribunal Révolutionnaire que tout se joue ! Et au printemps 1794, jusqu’à 600 hommes et femmes y sont enfermés ! la Conciergerie est alors appelée «l’Enfer des vivants», comme était ainsi appelée la Bastille avant sa démolition.


Point Histoire : Marie-Antoinette à la Conciergerie

S’il y a bien une personne emblématique de la Conciergerie et du Tribunal Révolutionnaire, c’est la dernière reine de France : Marie-Antoinette.

Petit retour en arrière. Le 10 août 1792, à l’instigation entre autres de l'avocat Danton, le Palais de Tuileries est envahi par le peuple parisien. La résidence royale est prise. L’Assemblée Nationale vote la déchéance du Roi. Dès le 13 août, Louis XVI, sa femme Marie-Antoinette, son fils Louis-Charles, Dauphin de France, Marie-Thérèse, sa fille, et sa sœur, Madame Elizabeth, sont incarcérés à la prison du Temple. Humiliés, surveillés, hébergés dans des conditions déplorables et même séparés les uns des autres à la fin, les membres de la famille royale vont vivre un véritable calvaire au Temple. Alors que le 21 septembre, la République est proclamée, l’ex-roi Louis XVI va être jugé entre le 10 et le 26 décembre 1792. Le verdict tombe le 20 janvier 1793 : accusé de haute trahison, il est condamné à mourir sur l’échafaud le lendemain. Il meurt ainsi le 21 janvier 1793 à 10 h 22 sur la place de la Révolution (ancienne place Louis XV, devenue en 1795 la place de la Concorde).

Toujours en vie, Marie-Antoinette concentre toutes les haines des révolutionnaires et du peuple qui dénonce cette «étrangère», cette «Autrichienne» que l’on décrit comme insensible aux difficultés des Français. On la juge responsable des mauvaises finances de la France -on l’appelle même «Madame Déficit . On la dit traitre et prête à tout pour vendre la France aux armées étrangères contre-révolutionnaires. Dans la nuit du 1er au 2 août 1793, elle est transférée à la Conciergerie en vue de son procès. Elle loge dans une cellule aménagée pour elle donnant sur la cour des femmes. Pour éviter tout complot ou toute évasion, elle est en permanence surveillée à vue par deux gendarmes. Alors qu’un projet d’évasion échoue et que d’autres seraient en préparation, on l’installe dans une cellule moins accessible où elle reste 44 jours. Le 3 octobre 1793 commence son procès devant le Tribunal Révolutionnaire. 3 chefs d’accusations : collusion avec l’Autriche, dépenses excessives et opposition à la Révolution. Ses avocats, réputés, Claude Chauveau-Lagarde et Guillamue Alexandre Tronçon-Ducoudray, n’auront que deux jours pour se préparer. Parmi toutes les accusations faites à Marie-Antoinette, l’une révolte la salle. Pour intenter à son image, on l’accuse de relations incestueuses avec son fils. Alors qu’on lui pose la question à ce sujet, elle ne répond pas. Relancée, elle se lève, et dans un discours pignant, s’insurge contre ces accusations qu’elle juge immorales. : « Si je n'ai pas répondu, c'est que la nature se refuse à une pareille inculpation faite à une mère. ». Elle se tourne alors vers les femmes du public et les regarde en disant : « J'en appelle à toutes les femmes qui peuvent se trouver ici ! J’en appelle à toutes les mères ! ». L’effet est immédiat et son image, au lieu d’être entachée, en sort grandie, l’érigeant en femme-reine victime des hommes de la révolution.

Finalement, elle est condamnée à mort par décapitation. La veille de son exécution, elle écrit une lettre déchirante à sa belle-sœur, Madame Elisabeth. Une lettre dans laquelle elle dit adieu à ses enfants, dont seule Marie-Thérèse survivra à la Révolution. Elle leur demande de ne jamais se venger. Et elle pardonne à ses détracteurs. Le 16 octobre 1793 à 10h du matin, on lui lit la sentence. On lui coupe les cheveux, on l’habille d’une simple chemise blanche, et elle monte dans une simple charrette, les mains liées dans le dos par le bourreau Sanson. Pour Louis XVI, on avait accepté qu’il soit en habit et transporter en carrosse. Pour Marie-Antoinette, on ne fait aucune concession. Le comédien Grammont suit le cortège et est payé pour l’insulter et haranguer la foule tout au long du trajet jusqu’à la Place de la révolution . Un trajet qui durera près de deux heures. Pourtant, on dit qu’à son passage, beaucoup ôtèrent leur chapeau et baissèrent la tête en signe de respect.

A midi elle arrive près de l’échafaud. On raconte qu’en montant, elle marche sur le pied du bourreau et s’excuse d’un «Monsieur, je vous demande pardon, je ne l’ai pas fait exprès».

Finalement, elle monte sur la guillotine. L’ancienne reine n’est plus. Les cris de «Vive la République» retentissent alors. Marie-Antoinette et Louis XVI sont enterrés dans une fosse commune au cimetière de la Madeleine qui n’existe plus. Leurs restes sont transférés à Saint-Denis alors que Louis XVIII, frère de Louis XVI, monte sur le trône sous la Restauration en 1815. En lieu et place du cimetière de la Madeleine, il construit une grande Chapelle Expiatoire en souvenir de son frère et de sa belle-sœur. Il fera de même au sein de la Conciergerie.


Après cette longue parenthèse, revenons à l’histoire du Palais.

En 1794, alors que les répressions sont de moins en moins populaires, les responsables de ce qu’on appelle alors la «dérive révolutionnaire» sont jugés et condamnés. Robespierre est exécuté le 28 juillet 1794. Antoine Fouquier-Tinville, l’accusateur public chargé de piloter l’instruction des dossiers du Tribunal Révolutionnaire et de représenter l’intérêt public est exécuté le 7 mai 1795. Le Tribunal Révolutionnaire s’arrête avec lui. Le 22 août 1795, la Convention vote une nouvelle constitution. C’est la fin de la terreur, et la fin du rôle révolutionnaire de la Conciergerie.


Après la Révolution, le Palais conserve sa fonction judiciaire. Mais même sous la période de Restauration de la monarchie qui, après le 1er Empire de Napoléon 1er, voit les arrivées successives sur le trône de France des frères de Louis XVI, Louis XVIII (1815-1824) et Charles X (1824-1830), le Palais ne sera plus jamais rattaché à la Couronne.


Sous la Restauration, la Conciergerie, au rez-de-chaussée, devient un lieu de mémoire royaliste. L’architecte Peyre érige une chapelle expiatoire en lieu et place de la cellule qui a accueilli Marie-Antoinette. On y trouve également des « reliques » de la Reine ou du passé monarchique de la France.


La Conciergerie demeure cependant une prison, qui sera régulièrement rénovée pour plus de salubrité. Sous le 1er Empire de Napoléon 1er (1804-1814), à la Restauration (1814/15-1830) comme sous la Monarchie de Juillet de Louis-Philippe 1er (1830-1848), les personnalités menaçantes pour l’ordre public y seront incarcérées. Ainsi, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon 1er et futur Napoléon III, y sera enfermé par Louis-Philippe contre lequel il a tenté un coup d’état manqué en 1840.


A partir de 1847, le Palais de Justice est agrandi par les architectes Etienne Théodore Dommey et Joseph Louis Duc. De 1868 à 1879, sous le Second Empire puis sous la IIIe République, Duc fait aussi restaurer les parties médiévales de la Conciergerie.


Incendié par la Commune le 24 mai 1871, le Palais sera reconstruit par Duc et Honoré Daumet en gardant le style néo-classique. En 1888, la Cour de Cassation est achevée. La prison du Palais tourne toujours à la fin du 19e et au début du 20e siècle, même si la concurrence de nouveaux établissements carcéraux comme la prison de la Santé devient plus importante.


La Conciergerie est classée aux monuments historiques en 1862 et est ouverte au public en partie en 1914 et devient un lieu de patrimoine sous le Palais de Justice qui lui fonctionne toujours.


Enfin, pour le bicentenaire de la Révolution en 1989, la Conciergerie est rénovée et inaugure des salles consacrées à la Révolution Française.


Ainsi s’achève l’histoire de la Conciergerie et plus généralement de ce Palais de la Cité devenu Palais de Justice. Rendez-vous dans un second article et un second podcast, pour pénétrer dans cette Conciergerie et m’accompagner pour une visite guidée des lieux.


D’ici là, n’hésitez pas à consulter mon blog et mes comptes Facebook et Instagram pour découvrir d’autres lieux d’histoire et de culture, mais aussi pour suivre mes actualités à travers mes photos et diverses anecdotes.


Mon avis sur cette visite


Je vous en dis plus dans l’article dédié à la visite, mais la Conciergerie est pour moi un incontournable pour les amateurs d’Histoire de France mais aussi pour ceux qui veulent mieux connaitre Paris.


Je recommande donc de faire cette visite qui n’est pas très longue au final mais qui permet de comprendre le rôle et le fonctionnement d’un palais royal médiéval, mais aussi l’histoire et l’évolution de notre justice, ou encore de mieux connaître la période de la Révolution Française, fondatrice de notre République.


Informations pratiques


La Conciergerie est au cœur de Paris. Accessible via le métro (par les stations Pont Neuf, Châtelet ou Cité), ou par bus. Tous les détails pratiques sont sur le site de la Conciergerie.


Entre autres sources qui m’ont beaucoup aidé à écrire cet article après ma visite, je citerai :

  • Les textes du prospectus remis à l’entrée de la Conciergerie qui est concis et assez complet.

  • Le guide de visite « La Conciergerie, Palais de la Cité » aux Éditions du Patrimoine que j’ai acheté à la boutique du monument.

  • « L’Histoire de France » d’Aurélien Fayet aux éditions Eyrolles Pratique qui est un ouvrage que je recommande pour rapidement comprendre les grandes étapes de l’Histoire de France.


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