Suivez-moi aujourd’hui à la Ferté-Vidame, en Eure-et-Loir (28), dans un château atypique situé à une centaine de kilomètres de Paris. Un lieu riche d’histoire, qui a accueilli l’un des plus célèbres mémorialistes des 17e & 18e siècles: le duc de Saint-Simon.
Pourquoi atypique? Parce que, situées au cœur d’un vaste parc ponctué de quelques canaux et de plans d’eau, ce sont en réalité des ruines qui se dressent devant le visiteur. Un squelette architectural, aux allures poétiques à la fois romantiques et intrigantes, qui s’impose en ultime témoin du château flamboyant qui s’élevait ici au 18e siècle. Pour mieux comprendre ces lieux, revenons sur l’histoire de la Ferté-Vidame.
Dès 985, il y a plus d’un millénaire, on trouve ici les traces d’un premier château bâti pour défendre la région de l’invasion des Vikings. Terre de religion, à quelques kilomètre de la très pieuse cathédrale de Chartres, la Ferté-Vidame doit son nom au latin «Ferteia, frimitas ou firtias», signifiant «fortifié», et au titre de Vidame, le seigneur des lieux chargé de protéger les terres de l’évêque de Chartres.
Pour administrer et défendre ce domaine épiscopal, plusieurs familles se succèdent: les de Vendômes, d’abord, qui acquièrent le terrain et y construisent un nouveau château en 1374; puis les de Ferrières, dont l’un des descendants, Prégent de la Fin ou Préjean de Lafin (1558-1624), se rangera du côté des Protestants lors des guerres de religions qui troublent le royaume de France au 16e siècle, et fera de la Ferté-Vidame et de son église un fief de Réformistes.
Le 19 mai 1635, le domaine, redevenu catholique, est racheté par Claude de Rouvroy de Ruffec (1601-90), duc de Saint-Simon, Pair de France et favori du roi Louis XIII (règne 1610-43). En 1659, celui-ci fait bâtir la superbe église baroque Saint-Nicolas, située à quelques pas du château, et qui accueille le tombeau de son fils, Louis de Rouvroy (1675-1755). Ce dernier n’est autre que le célèbre duc de Saint-Simon, dont les Mémoires, au style critique, piquant et parfois caustique, relatent en toute subjectivité la vie de la cour au château de Versailles, de la fin du règne de Louis XIV (règne 1643-1715) à la Régence instaurée à la mort du Roi Soleil et jusqu’à la majorité de Louis XV, entre 1715 et 1723. C’est lui qui, en 1718, fait élever les écuries et les communs qui deviendront ce qu’on appellera plus tard - et encore aujourd’hui - le Petit Château.
Saint-Simon écrira donc ses Mémoires ici, dans son château de la Ferté-Vidame, dont l’apparence est alors encore celle de l’édifice médiéval, flanqué de huit tours imposantes, héritée de son histoire passée de forteresse. En 1755, à la mort du duc, sa petite-fille devient propriétaire du domaine avant de le céder le 21 juin 1764 à Jean-Joseph Laborde (1724-94), banquier à la cour de Louis XV, qui devient donc également Vidame. Soucieux de rendre toute sa superbe à la Ferté-Vidame, il fait appel à l’architecte Antoine Matthieu Le Carpentier (1709-73) pour remplacer la forteresse médiévale par un nouveau château de style classique en briques et en pierres, pensé comme une maison de campagne mais riche de décors somptueux.
Derrière sa façade de 150 mètres, le bâtiment, dont le plan s’articule autour d’un pavillon central bordé par deux ailes, chacune terminée par un pavillon, présentait quelques 167 pièces réparties sur trois étages. Un bâtiment des plus impressionnants pour l’époque et la région qui accueillera Louis XV, le futur empereur d’Autriche Joseph II et le duc de Choiseul, ministre du roi.
Laborde participera aussi au réaménagement de la ville de la Ferté-Vidame, avant de devoir céder son domaine au duc de Bourbon Penthièvre (1725-93) le 4 janvier 1784, à la demande de Louis XVI (règne 1774-92). Le roi souhaitait ici dédommager son cousin, le duc de Penthièvre donc, après l’avoir dépossédé du château de Rambouillet l’année précédente.
En 1793, à la mort du duc, sa fille, Louise-Marie-Adélaïde de Bourbon (1753-1821), duchesse de Chartres puis d’Orléans, hérite du domaine qu’elle n’occupera pas, ayant émigré à la Révolution, comme beaucoup de nobles. Le château et ses terres sont alors nationalisés avant d’être revendus à un promoteur immobilier, Jean Cardot Villiers, qui démantèle le château pour en revendre les matériaux et les décors précieux. Ruiné, il est contraint de rétrocéder le domaine à l’État en 1803.
Si la duchesse d’Orléans retrouve sa propriété sous la Restauration (1814-30) et jusqu’à sa mort en 1826, c’est son fils Louis-Philippe d’Orléans (1773-1850), futur roi des Français (règne 1830-48) qui va nourrir de grands desseins pour le domaine de la Ferté-Vidame. Il va ainsi décider d’agrandir et de restaurer le Petit Château pour en faire un lieu de villégiature. Cependant, la Révolution des Trois Glorieuses (27,28 & 29 juillet 1848) contraindra le roi à l’exile en Angleterre et le projet n’aboutira pas.
En 1872, après le Second Empire (1852-70) et le règne de Napoléon III, le domaine est revendu au baron Léon de Dordolot. Ce dernier le cède en 1879 à Charles Laurent, agent de change à Paris, qui en fait une résidence de campagne et de chasse. En 1923, le domaine et ses bâtiments sont achetés par l’armateur et homme politique Christian Vieljeux (1893-1976) qui revendra en 1936 une partie des terrains à la société Citroën qui les transforment en centre d’essai automobile.
En 1946, le ministère de la Justice acquière le Petit Château et le domaine restant pour y installer un centre de réinsertion pour femmes détenues; puis en 1991, l’État cède le tout au département d’Eure-et-Loir qui le réhabilite et consolide les ruines pour permettre au public de s’y promener et d’admirer les vestiges d’un passé éclatant. A l’entrée du Parc, la Maison Saint-Simon accueille depuis 2020 l’office de Tourisme et un musée.
INFORMATIONS PRATIQUES
Tous les détails sur les visites et les animations du domaine sont à retrouver sur le site de la Mairie de la Ferté-Vidame.
SOURCES
Visite du domaine
Site de la Mairie de la Ferté-Vidame
Page Wikipédia
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