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LE PETIT TRIANON À VERSAILLES

Dernière mise à jour : 5 avr. 2023


Rendez-vous aujourd’hui à Versailles. Il ne s’agit cependant pas de visiter le célèbre château, mais de découvrir ou mieux connaître un lieu plus intime, situé à 1,5 kilomètres au nord-ouest du palais : le Petit Trianon. Une demeure créée et bâtie entre 1761 et 1768 pour Madame de Pompadour, la favorite et amie du roi Louis XV, finalement habitée par sa dernière maîtresse, Madame du Barry, et enfin offerte en 1774 par Louis XVI à son épouse la reine Marie-Antoinette qui lui sera à jamais associée.


De Versailles vous connaissez bien sûr le célèbre et grandiose château, construit par Louis XIV (règne 1643-1715) à partir de 1661 autour du modeste pavillon de chasse que son père, Louis XIII (règne 1610-1643), avait acquis en 1632. Agrandi et transformé pour assoir la puissance et la grandeur du monarque absolu, le palais de Versailles devient, en mai 1682, le lieu de résidence principal de la Cour de France, jusque-là itinérante.

Dans son château, le Roi Soleil organise la vie de cour autour de sa personne. L’Etiquette impose un ensemble de règles qui régissent la vie de la famille royale, de la Cour et de ceux qui l’entourent (le personnel, les invités, les courtisans). Le roi lui-même y est contraint, effaçant les lignes entre sa vie publique et sa vie privée qui se joue d’ailleurs souvent… en public ! Car par tradition, et contrairement aux autres cours européennes, la monarchie française se doit d’être accessible à tous ses sujets. Aussi, le roi se doit-il de se montrer et d’informer tout un chacun de ses activités : repas publics, quotidien rythmé avec précision -lever, loisirs, coucher…, en dehors de quelques heures dites « rompues » où il peut jouir d’un peu d’intimité, le monarque mène une vie d’apparat de tous les instants.

Le Roi Soleil, dans une moindre mesure, mais surtout ses successeurs, Louis XV, Louis XVI et Marie-Antoinette, vont tenter d’échapper de plus en plus régulièrement à cette vie publique ininterrompue. Pour cela, ils vont se bâtir des espaces privés et intimes : du Petit Appartement du Roi, en retrait des Grands Appartements du château, au Grand Trianon, en passant par le Hameau de la Reine ou le Petit Trianon qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui.


Premier chef-d’œuvre du style néoclassique, le Petit Trianon est un domaine avant tout féminin, construit pour Madame de Pompadour qui mourra avant la fin de sa construction, occupé par la favorite royale Madame du Barry jusqu’à la mort de Louis XV, puis refuge de la reine Marie-Antoinette jusqu’à la Révolution.


Après vous avoir présenté l’histoire de ce Petit Trianon et expliqué le contexte historique de sa construction, je vous propose de me suivre dans la visite que j’en ai faite cet hiver avec un guide. Une visite accessible à tous sur inscription sur le site du château de Versailles et que je vous recommande sincèrement puisqu’elle vous permet d’entrer dans des pièces et espaces habituellement fermés au grand public… ce qui, pour les passionnés d’histoire et de patrimoine comme moi, est un vrai plaisir.


Le Petit Trianon, refuge d’intimité de Louis XV à Marie-Antoinette


Commençons donc par un peu d’histoire.

Comme je vous le disais, dans la Monarchie Française, vie privée et vie publiques se confondent pour le souverain, et notamment dans la mécanique de l’étiquette versaillaise.


Mais si Louis XIV met en scène sa vie pour mieux contrôler celle de ses courtisans et affirmer son absolutisme royal, il va aussi se créer des lieux plus intimes afin de profiter de ses proches dans des conditions moins rigoureuses que celles imposées par la vie de Cour. Dès les premiers travaux du château en 1661, le Roi Soleil fait ainsi bâtir, à l’arrière des grands appartements d’apparat, des appartements intérieurs réservés à ses invités intimes ou à sa famille. Mais Louis XIV utilise surtout ce Petit Appartement pour exposer ses collections d’œuvres d’art et de bijoux, et le château de Versailles reste le lieu de sa vie officielle.


En parallèle des transformations du palais, en 1660, le Roi Soleil va racheter un village du nom de Trianon qu’il intègre au domaine de Versailles. Après avoir détruit les habitations et relogé les habitants en 1663 pour faire de ce lieu-dit un espace de promenade, Louis XIV commande à son architecte Louis Le Vau de lui construire une maison privée ici-même en 1670. Le petit château de Trianon, dit « Trianon de Porcelaine » en référence à ses murs de faïence bleue et blanche, émerge au cœur d’un jardin qui fait la fierté du souverain. Fragile, l’édifice est vite reconstruit en marbre et en porphyre, des matériaux plus résistants aux intempéries, et il prend la forme qu’on lui connaît aujourd’hui : c’est le célèbre Grand Trianon. Ici Louis XIV ne viendra qu’en famille, avec le minimum de protocole. Il en sera de même avec son château de Marly, à quelques kilomètres de Versailles, où il reçoit plus intimement ses proches et amis.

Si Louis XIV se réserve des espaces de vie privés, ce sont surtout ses successeurs Louis XV (règne 1715-74), son arrière-petit-fils, et Louis XVI (règne 1774-93) qui vont chercher à gagner plus d’intimité et à se créer plus de bulles ou parenthèses loin des contraintes de la vie publique de cour et de la rigueur de l’étiquette. Le Petit Appartement du Roi est ainsi largement agrandi et réaménagé par Louis XV dès 1735 afin de le transformer en un lieu de vie au décor raffiné, intime et inaccessible au public.


Par ailleurs, s’il délaisse un temps le Grand Trianon qu’il offre à sa femme Marie Leszczynska, il va vite comprendre l’usage privé qu’il peut en faire. Dès 1749, il y apporte des aménagements, et y passe des séjours intimes, seul, en famille ou avec sa célèbre favorite Madame de Pompadour (1721-64).


Et c’est grâce à celle qui, de maîtresse royale, deviendra au fil du temps la véritable amie du roi, que va naître le Petit Trianon. En effet, Louis XV est connu pour son caractère mélancolique, voire parfois quasi dépressif. Pour le sortir de son ennui, Madame de Pompadour invite le roi à se plonger dans les sciences botaniques qui le passionnent. Ainsi, en même temps qu’il lance les travaux du Grand Trianon, il va créer non loin une nouvelle ménagerie dédiée aux animaux domestiques, et un jardin dit « Jardin Français » avec des parterres de fleurs, un potager, et même des serres chauffantes, innovantes pour l’époque, pour cultiver des fleurs et fruits exotiques. La gestion de ces jardins est confiée à Claude Richard (1705-84) et son fils Antoine Richard (1735-1807). C’est ici que le botaniste Bernard de Jussieu (1699-1777) travaille sur sa classification des plantes, suivant la nomenclature établie par le scientifique suédois Carl von Linné (1707-78). C’est dans ces jardins que commence l’histoire du Petit Trianon.


Point Histoire ! Qui est Madame de Pompadour ?

Avant de continuer, je vous propose un point sur celle qui est à l’origine du petit Trianon : Madame de Pompadour. Derrière celle qui sera titrée Marquise puis Duchesse par le roi Louis XV dont elle a les faveurs, se cache Jeanne Antoinette Poisson, née à Paris le 21 décembre 1721 (il y a tout juste un peu plus de 300 ans). Son père, François Poisson, fils de tisserands, est simple conducteur dans le service des vivres. Au début du 18e siècle, il se fait remarquer par les frères Pâris, quatre financiers influents, proches de la Couronne et liés à une famille de la noblesse, la famille de La Motte. Les Pâris présentent leur protégé à Madeleine de La Motte qu’il épousera en 1718 et qui donnera naissance à leur fille aînée, Jeanne-Antoinette, quelques années plus tard, puis à deux autres enfants. Alors que son père est accusé de trafic en 1725 et contraint de s’exiler, et que sa mère mène une vie plutôt légère, l’éducation de la petite Jeanne-Antoinette va être confiée au couvent des Ursulines de Poissy dès 1727. Sa mère l’en sort en 1730 et s’installe avec elle à Paris où elle suit une bonne éducation ainsi que l’enseignement des arts (dessins, musique, peinture, chant). Parmi les amants de sa mère, se trouve un certain Charles François Paul Le Normant de Tornehem, un riche fermier général cultivé. Ce dernier jouera un rôle de bon père pour Jeanne-Antoinette qu’il décide de marier à l’âge de 19 ans, le 9 mars 1741, en l’église de Saint-Eustache à Paris, avec son neveu et héritier, Charles-Guillaume Le Normant d’Étiolles qui, lui, a 24 ans. De cette union nait, le 26 décembre suivant, un fils, Charles Guillaume Louis, puis une fille, Alexandrine, le 10 août 1744.


Belle, intelligente, éduquée et pleine d’esprit, Jeanne-Antoinette fréquente les salons parisiens, notamment celui de Madame de Tencin, où elle côtoie Montesquieu et Voltaire, et où elle travaille l’art de la conversation. Dans son château d’Etiolles, qu’elle fait construire à côté de Sénart au sud de Paris, Madame d’Étiolles organise de nombreux événements et des représentations théâtrales dans lesquelles elle se produit parfois. Elle sait aussi que le roi aime à venir chasser non loin de là. Aussi, se rappelant une prophétie qu’une voyante lui avait faite quand elle avait 9 ans - «vous serez la maîtresse du roi» -, elle va chercher à le croiser. Elle se tient informée du parcours de chasse de Louis XV et le rencontre ainsi à plusieurs reprises. C’est à l’été 1743, à l’occasion d’une de ces chasses, que Louis XV va alors la remarquer. L’un des frères Pâris, exilé en même temps que le père de Jeanne, va profiter de l’occasion et des faveurs de la jeune fille auprès du roi pour tenter de regagner sa place auprès de lui. Il fomente un plan qui va fonctionner et changer à jamais la vie de Jeanne-Antoinette.


Nous sommes le 23 février 1745. Louis XV marie son fils, le dauphin Louis, avec l’infante d’Espagne Marie-Thérèse. Alors qu’un bal masqué est organisé pour l’occasion dans la Galerie des Glaces le 25 février, on va s’arranger pour que Jeanne, habillée en Diane chasseresse, et Louis XV, déguisé en if, se rencontrent. C’est chose faite, ils passent la soirée ensemble, et l’intérêt du roi se confirme quelques jours plus tard lors d’un autre bal où on les voit très proches.


A partir de là, Jeanne-Antoinette va régulièrement rendre visite au roi avant d’obtenir un appartement à elle situé au-dessus du sien. Elle emménage ainsi à Versailles le 10 septembre 1745, et devient favorite officielle de Louis XV qui, le 24 juin 1745, lui fait aussi don du domaine de Pompadour dans l’actuel département de Corrèze. Elle devient alors pour la cour et pour la postérité, la Marquise de Pompadour.


La nouvelle favorite s’entend bien avec la reine Marie Leszczynska. Elle est respectueuse et pleine d’attention, tout en agissant auprès du roi pour qu’il considère les désirs de son épouse. Le roi est heureux, et ça se voit. Au-delà de son rôle de maîtresse, dans lequel elle ne s’épanouit pas réellement (les jeux de l’amour ne lui sont pas si agréables, dit-on), Madame de Pompadour sait distraire Louis XV dont le tempérament mélancolique voire dépressif n’est pourtant pas facile à effacer. Elle lui ouvre la porte vers les arts, le théâtre et la fête ; et elle l’intéresse à l’architecture comme à l’art du jardin.


Mais la vie de Madame de Pompadour à la Cour de France n’est pas des plus simples. Elle est détestée par la famille royale, notamment le dauphin qui la surnomme « maman putain », et les artistocrates qui n’admettent pas cette maîtresse royale issue de la haute bourgeoisie et non de la noblesse. Bien qu’il en soit fou, voyant sa maîtresse déprimer et ne plus rien manger, et sous la pression du dauphin et des dévots de la cour, Louis XV met fin à sa relation adultérine avec Madame de Pompadour en 1750.


Mais attention, elle n’en perd pas pour autant sa place et son pouvoir. Elle n’est plus la maîtresse du roi, certes, mais reste sa favorite en titre. Elle va alors s’installer dans un bel appartement au rez-de-chaussée du château de Versailles -un appartement convoité par Mesdames les filles du roi-, et elle va rester la confidente, conseillère et meilleure amie de Louis XV. Soucieuse de ne pas être remplacée, elle va se charger elle-même de fournir au roi des jeunes filles pour le distraire physiquement. Enfin, pour assoir sa position à la Cour, Louis XV la nommera même duchesse en 1752.

Influente, Madame de Pompadour va également jouer un rôle important dans la promotion et le développement des arts français. Amatrice de belles choses, elle ambitionne de créer un style français qui soit le plus beau et le plus demandé d’Europe. Pour concurrencer la porcelaine de Saxe, elle convainc Louis XV de créer la manufacture de Sèvres dont la porcelaine deviendra quelques années plus tard la plus réputée d’Europe. Elle s’investit aussi auprès de jeunes artistes et du développement de l’artisanat de luxe. Elle impose son style de décoration avec notamment le «rose Pompadour», ce rose bonbon devenu célèbre. Elle soutient des écrivains comme Malesherbes, Voltaire pour qui elle obtient le fauteuil à l’Académie, ou encore Diderot dont elle sauvera, dit-on, l’encyclopédie censurée par le pouvoir royal. Passionnée d’architecture, elle acquiert l’hôte d’Evreux, à Paris, le futur Palais de l’Élysée, qu’elle décore et réaménage selon son goût. Enfin, en 1761, elle convainc Louis XV de construire le Petit Trianon dans un style qu’on qualifiera ensuite de style néo-classique, ou plus tard de style Louis XVI, et qui reprendra les codes classiques inspirés de l’Antiquité (lignes droites, ornementations légères) par opposition au style Louis XV ou rocaille, avec ses lignes courbes, ses décors ostentatoires et ses ornements baroques. En avance sur son temps, elle lance ainsi un style et des modes qui lui survivront. On dira même, plusieurs siècles après, qu’elle fût la première ministre de la Culture française.


Par ailleurs, Madame de Pompadour va également user de son pouvoir et de son ascendance sur le roi, pour obtenir des titres pour ses proches. Son frère, le marquis de Marigny, sera ainsi nommé directeur général des Bâtiments du roi. Mais aussi et surtout, elle va peu à peu s’intéresser et s’immiscer dans la vie politique du royaume. Et elle va finalement jouer le rôle d’un Premier Ministre officieux, s’attirant très vite l’attention des ambassadeurs étrangers qui vont tout faire pour tenter de l’acheter, mais en vain. C’est ainsi qu’elle favorise le mariage du dauphin Louis avec Marie-Josèphe de saxe en 1747, parent du futur Louis XVI, Louis-Auguste de France, né, lui, le 23 août 1754. Elle va ainsi régulièrement influencer le roi, comme ce fût le cas en 1756, où elle jouera un rôle primordial dans la révolution diplomatique qui verra le renversement des alliances européennes établies jusqu’alors : la France de Louis XV signe ainsi un traité avec l’Autriche de l’impératrice Marie-Thérèse, réunissant les ennemis séculaires que sont les Bourbon et les Habsbourg. Lorsque la Prusse envahit la Saxe alliée de l’Autriche, la France se doit de lui venir en aide. C’est le début de la Guerre de Sept Ans (1756-63), qui oppose la France alliée à l'Autriche et à l’Empire Russe, et la Grande-Bretagne alliée à la Prusse et à l’Espagne.


Mais quoi qu’elle fasse, la Cour ne laisse aucun répit à la marquise. On continue à l’attaquer sur ses engagements politiques et on lui attribue des erreurs, notamment dans la nomination de certains ministres ; on jalouse son ascendance sur le roi et on critique aussi son rôle peu catholique de ‘fournisseuse’ de jeunes filles pour le roi.


Finalement, épuisée, atteinte de tuberculose, elle s’éteint à Versailles d’une congestion pulmonaire le 15 avril 1764 à l’âge de 43 ans. Louis XV ne peut assister à l’enterrement d’une favorite. Mais on sait qu’il regardera le cortège funèbre quitter Versailles depuis sa terrasse. On dit même qu’il versa publiquement des larmes tant son chagrin était immense.


Maintenant que vous connaissez mieux celle qui exercera une réelle influence sur le roi de France et sur Versailles, revenons au domaine du Petit Trianon. En 1750, Louis XV demande à son architecte Ange-Jacques Gabriel (1698-1782) de construire un petit bâtiment où il pourra se restaurer l’été tout en profitant de son Jardin Français : c’est le Pavillon Français qu’on peut encore observer aujourd’hui à l’arrière du Petit Trianon. C’est d’ailleurs à partir de là qu’on va commencer à parler de Petit Trianon et, par opposition, de Grand Trianon. En 1753, un deuxième pavillon, le Pavillon Frais, est bâti pour servir des collations. A travers ces petits espaces et ce Jardin Français, c’est la volonté de Louis XV de jouir de plus d’intimité qui s’exprime ici. Il y recevra ainsi ses amis et sa favorite pour des dîners ou des après-midi moins protocolaires.


C’est alors que naît chez le roi et Madame de Pompadour l’idée d’élever un petit château afin de pouvoir résider au cœur de ce jardin qu’ils apprécient tant. La Guerre de Sept Ans (1756-63), qui oppose la France alliée à l'Autriche et à l’Empire Russe, et la Grande-Bretagne alliée à la Prusse et à l’Espagne, ralentira le projet. Finalement, c’est en 1761 que, sous la direction d’Ange-Jacques Gabriel, la construction du Petit Trianon est lancée. Malheureusement pour Madame de Pompadour, les travaux ne s’achèvent qu’en 1768, 4 ans après sa mort. Louis XV est alors épris d’une nouvelle favorite, la célèbre Madame du Barry qui sera sa dernière maîtresse et la première occupante du Petit Trianon. Construit pour une femme, Madame de Pompadour, habitée par une autre femme, Madame du Barry, le Petit Trianon est une résidence féminine qui échappe aux règles du protocole. Ici, Louis XV laisse ainsi l’étage noble à sa favorite, préférant, lui, installer ses appartements dans l’attique, au dernier étage.


Point Histoire ! Qui est Madame du Barry ?

Avant de continuer l’histoire du Petit Trianon, revenons sur celle qui en sera la première résidente. Une femme souvent méconnue et considérée à tort comme mal intentionnée.


Jeanne Bécu, dite aussi Mademoiselle Vaubernier, connue plus tard comme Madame du Barry, est née le 19 août 1743 au château de Vaucouleurs, en Lorraine. C’est là que vivaient sa mère, Anne Bécu, son grand-père, Fabien Bécu (dit Bécu de Cantigny du nom de son premier mariage avec Séverine Bonne, Dame de Cantigny) qui était cuisinier de la comtesse Isabelle de Ludres, ex-maîtresse de Louis XIV et propriétaire du château de Vaucouleurs, et sa grand-mère Anne Husson, femme de chambre de la comtesse.


Sa mère, Anne Bécu, mène une vie plutôt volage. A tel point qu’on a des doutes sur l’identité exacte du père biologique de la petite Jeanne. On pense ce pendant que, parmi les hommes fréquentés par Anne, il s’agit de Jean-Jacques-Baptiste Gomard de Vaubernier, dit Frère Ange. Ce moine franciscain se serait rapproché intimement d’Anne Bécu alors qu’elle venait régulièrement travailler comme couturière dans son couvent. La réputation d’Anne est entachée mais en 1747, elle fait la rencontre d’un riche financier, Claude Roch Billard du Monceaux qui, séduit par sa beauté, devient son protecteur et l’emmène avec lui à Paris et lui offre un poste de cuisinière. La petite Jeanne, âgée de 4 ou 5 ans, suit sa mère à la capitale. Le 18 juillet 1749, Anne Bécu épouse un des domestiques de Billard du Monceaux, Nicolas Rançon qui sera peu après envoyé en Corse pour travailler. Anne le suit et Jeanne se retrouve en pension chez les dames de Saint-Aure, dans le couvent de la rue Neuve-Sainte-Geneviève près du Val-de-Grâce à Paris.


Après 9 ans passés au couvent, Jeanne ressort lettrée, cultivée, et initiée aux arts –danse, musique dessin– comme à l’histoire et aux sciences. Mais les conditions de vie sont strictes, et la jeune fille finit par s’échapper pour devenir modiste. A 16 ans, en 1759, elle entre au service d’Elisabeth de la Garde, veuve retirée dans son château de La Courneuve, où elle côtoie et apprend à connaître la haute société. En 1761, renvoyée de son poste (elle était trop proche du fils de la châtelaine), celle qui se fait appelée Jeanne de Vaubernier devient vendeuse dans une boutique de mode à Paris où elle est en contact avec la bonne société. Rapidement, et sa beauté n’y est pas étrangère, Jeanne devient demi-mondaine et fréquente les salons parisiens. En 1764, elle y rencontre un certain Jean-Baptiste du Barry-Cérès, dit le Roué, âgé de 40 ans, réputé pour être sans foi ni loi et pour baigner dans le proxénétisme. Il devient son amant. Finalement, à 21 ans, sous la protection de du Barry, elle devient une des prostituées le plus en vue de Paris.


En parallèle, à la Cour de France, Louis XV, traverse une période difficile. En 1768, à l’âge de 58 ans, il a déjà perdu une fille, un petit-fils, une petite-fille ; sa favorite et amie de 20 ans, la célèbre Madame de Pompadour ; son gendre, puis son fils, le dauphin de France, et sa belle-fille ; son beau-père Stanislas Leszczynski, et son épouse, la reine Marie Leszczynska, décédée le 24 juin 1768. D’une tendance dépressive, le roi est célibataire et malheureux, et chacun va profiter de cette situation pour essayer de gagner en influence sur lui. Son ministre, le duc de Choiseul, souhaite placer sa sœur, la duchesse de Gramont, auprès de Louis XV. Mais c’était sans compter sur un certain maréchal de Richelieu, proche de du Barry et client de Jeanne. Afin de gagner la faveur du roi, le duc de Richelieu va s’entendre avec du Barry pour proposer la belle Jeanne aux plaisirs du souverain.


Au printemps 1768, Richelieu présente jeanne, âgée de 24 ans, à Louis XV qui va vite s’éprendre de la jeune femme dont les charmes et les talents aux jeux de l’amour redonnent de la vitalité à ce roi vieillissant. Louis XV tombe amoureux de Jeanne dont il veut faire sa nouvelle favorite officielle. Il doit pour cela la présenter à la Cour et lui donner un titre. On convient de la marier au frère de Jean-Baptiste du Barry, Guillaume du Barry, le 1er septembre 1768. Par ce mariage blanc, Jeanne devient Madame la comtesse du Barry. Sa réputation et son passé sont connus de la Cour de France et elle n’est pas la bienvenue. Mais moins rancunière que sa prédécesseuse, Madame de Pompadour, ni avide d’intrigues, Madame du Barry pardonne les offenses qu’on lui fait et joue parfaitement le jeu des usages de la cour. Elle va cependant rencontrer une adversaire de taille en la dauphine et future reine de France, Marie-Antoinette. Prévenue de la situation et de la réputation de Madame du Barry par le duc de Choiseul, qui a été l’instigateur de son mariage avec le futur Louis XVI, la jeune Autrichienne n’acceptera jamais cette favorite qu’elle juge indigne d’un roi.


Si elle ne prend pas réellement part à la politique ni aux affaires d’Etat, Madame du Barry va cependant s’intéresser aux arts, comme autrefois Madame de Pompadour. Elle contribue ainsi à l’essor du style néo-classique : elle fait la promotion d’architectes comme Claude-Nicolas Ledoux ; elle commande de nombreux tableaux aux peintres Drouais, Greuze ou Fragonard ; elle collectionne les meubles et objets d’art les plus affinés… et finalement, après Madame de Pompadour qui avait initié le néo-classicisme, elle contribue à inventer le style Louis XVI. De la même façon, élégante, Madame du Barry créera des modes, notamment celle des étoffes à rayures qui se propagera dans toutes les cours européennes.


Mais toutes les belles choses ont une fin. Après 5 ans de règne comme favorite et compagne officielle de Louis XV, elle est renvoyée de Versailles peu avant le décès du roi, le 10 mai 1774, afin d’éviter le scandale. Le nouveau roi Louis XVI et la reine Marie-Antoinette se garderont bien de faire revenir à Versailles Madame du Barry qu’ils méprisent. Réfugiée à l’abbaye du Pont-aux-Dames à Couilly, près de Meaux, elle est finalement autorisée par le jeune roi à en sortir en 1775, et dès 1776 elle peut gagner son château de Louveciennes, offert par Louis XV en 1769 à l’époque de leurs amours.



Heureuse à Louveciennes, elle y vivra quelques histoires d’amour, notamment avec un Lord anglais, Henry Seymour. Arrive alors la Révolution de 1789. Son passé de maîtresse royale la rend suspecte. Cependant, des événements vont la pousser à quitter la France pour Londres où elle sera un temps en sécurité. En effet, dans la nuit du 10 au 11 janvier 1791, son château de Louveciennes est victime d’une effraction et ses diamants et bijoux son dérobés. On en retrouve la trace en Angleterre et Madame du Barry décide alors de quitter Paris pour tenter de les récupérer. Ses recherches seront vaines mais, ainsi réfugiée à Londres, elle s’éloigne des risques révolutionnaires. Une sécurité de courte durée puisqu’elle décide imprudemment de revenir en France après la mort de Louis XVI, le 21 janvier 1793. En effet, alors que la France est devenue une république en septembre 1792 et que les biens de la noblesse sont réquisitionnés, elle souhaite empêcher qu’on nationalise sa propriété de Louveciennes.


Malheureusement, en pleine période de Terreur, et bien qu’une pétition signée par des habitants de Louveciennes réclament sa liberté, elle est officiellement déclarée ennemie de la Révolution. On l’accuse d’espionnage à cause de ses allers-retours en Angleterre, et elle finit emprisonnée le 22 septembre à la prison de Sainte-Pélagie. Jugée devant le Tribunal révolutionnaire, face à l’accusateur public, Fouquier-Tinville, elle est condamnée à mort et guillotinée le 8 décembre 1793 place de la Révolution (actuelle place de la Concorde). Son corps sera enterré au cimetière de la Madeleine, comme ceux de Louis XVI et Marie-Antoinette. Un cimetière remplacé aujourd’hui par la Chapelle Expiatoire, bâtie en hommage au couple royal entre 1815 et 1826 par les frères de Louis XVI, Louis XVIII et Charles X, qui monteront sur le trône de France pendant la période dite de Restauration (1814/15-1830).


Maintenant que vous connaissez mieux celle qu’on appelait la du Barry, retournons au Petit Trianon. En 1772, Ange-Jacques Gabriel fait édifier une chapelle surmontée d’un clocheton. Ce sera le dernier élément ajouté sous le règne de Louis XV qui décède le 10 mai 1774. Mais déjà avant la mort du roi, le Petit Trianon avait changé de propriétaire. En effet, au printemps 1774, alors qu’il est au Petit Trianon avec sa favorite, Louis XV ne se sent pas bien. Les premiers symptômes de la variole ou petite vérole qui l’emportera quelques mois plus tard se font sentir. Comme le roi de France ne peut mourir dans le péché, il fait renvoyer Madame du Barry non sans déchirement. A peine est-elle partie que le 15 août 1774, Louis XVI qui, comme son épouse et les filles de Louis XV, haïssait la du Barry, va offrir le Petit Trianon à la reine Marie-Antoinette. La clef qu’il lui remet est ornée de 531 diamants.


Marie-Antoinette devient châtelaine du Petit Trianon et pour la première fois de l’Histoire de France, une reine devient propriétaire. Elle possède ainsi sa propre Maison privée avec son propre intendant, Bonnefoy du Plan (1732-1824), et son propre architecte, Richard Mique (1728-94). Tout se fait « par ordre de la reine », ce qui ne se faisait jamais jusqu’alors. Cette indépendance, cet esprit de liberté porté par Marie-Antoinette au Petit Trianon où elle reçoit ses intimes, sans protocole, mais aussi les nombreuses dépenses liées à la gestion de son domaine, vont contribuer à la mauvaise image de la reine qui en paiera lourdement les conséquences. On finit d’ailleurs par appeler le Petit Trianon le « Petit Vienne » ou le « Petit Schönbrunn », du nom du château autrichien où elle a grandi.


Car Marie-Antoinette va réaménager son petit château, mais elle va aussi et surtout en transformer les jardins. Très vite, elle demande à Antoine Richard, en charge du jardin botanique, de transférer les cultures de plantes et fruits exotiques à Paris au Jardin du Roi (aujourd’hui le Jardin des Plantes). Elle fait détruire les serres et aménage un jardin anglo-chinois.


Point anecdote : qu’est-ce qu’un jardin anglo-chinois ?

Le jardin à l’anglaise, contrairement au jardin à la française où tout est très construit, régulier et symétrique, doit donner l’impression que la nature est laissée libre et qu’elle reprend ses droits. Dans le jardin anglo-chinois, on va ajouter au jardin anglais de petites constructions, appelées des fabriques : temples, kiosques…



Déçue par les projets d’Antoine Richard, Marie-Antoinette fait appel au peintre Hubert Robert (1733-1808) pour créer des paysages naturels, pittoresques et charmants. Tout est calculé, et les arbres et végétaux sont plantés de telle manière à apporter une sensation de liberté tout en proposant des jeux de couleurs et de textures dignes des plus belles peintures.


Point anecdote : la structure travaillée des jardins anglais.

Saviez-vous que dans les jardins anglais, et notamment autour du Petit Trianon, les arbres étaient choisis pour leur couleur et pour leur période de floraison ou d’effeuillage ?

Ainsi, les tonalités du jardin s’échelonnent du vert plus clair en avant, jusqu’au plus foncé à l’arrière. Une véritable construction picturale.


Au cœur de cette nature réfléchie, plusieurs éléments et monuments seront édifiés entre 1777 et 1779 par Richard Mique pour agrémenter les jardins du Petit Trianon. Le Temple de l’Amour, ce kiosque romantique avant l’heure, inspiré des temples antiques, mais aussi le Pavillon du Rocher ou du Belvédère où la reine organisait des collations, ou encore une grotte artificielle où elle pouvait se réfugier et discuter en toute discrétion avec ses intimes.


C’est à cette période que Marie-Antoinette construira auprès de son Petit Trianon un théâtre privé. Ce Petit Théâtre de la Reine, encore visible aujourd’hui, permettait à la reine de se produire dans des pièces et saynètes devants ses invités.

Enfin, dans son domaine, Marie-Antoinette va commander à Richard Mique son célèbre Hameau qui sera bâti entre 1783 et 1786 selon les dessins d’Hubert Robert, à quelques pas du Petit Trianon. Dans le Hameau de la Reine, ce village artificiel inspiré des villages normands du 18ème siècle, Marie-Antoinette aime venir pour s’éloigner des contraintes de la vie de cour et vivre avec ses proches et ses enfants une vie paysanne idéalisée. Pour en savoir plus, des visites guidées sont organisées et disponibles à la réservation sur le site du château de Versailles. Vous pouvez retrouver la visite que j’ai faite du Hameau dans l’article et le podcast dédiés sur ce blog.


Concernant les aménagements intérieurs, Marie-Antoinette fait installer en 1776 un boudoir à glaces mouvantes qui lui permettent, par un ingénieux système mécanique, de recevoir à l’abris des regards extérieurs ; et en 1787, elle commande un nouveau mobilier pour sa chambre : le célèbre mobilier aux épis. La Révolution l’empêchera d’engager de plus amples transformations. C’est d’ailleurs alors qu’elle est dans sa grotte près du Belvédère que Marie-Antoinette sera prévenue de la marche des Parisiennes et Parisiens sur Versailles le 5 octobre 1789. Le lendemain, elle quitte Versailles et son domaine pour toujours.


A la Révolution, le mobilier du Petit Trianon est vendu aux enchères. Le petit château de Marie-Antoinette est transformé en auberge, ce qui le sauvera de la destruction. Napoléon Bonaparte, au pouvoir comme Premier Consul de 1799 à 1804 puis comme Empereur des Français de 1804 à 1815, réhabilite le Petit Trianon qu’il offre à sa sœur Pauline en 1805. En 1810, Napoléon rénove le Hameau de la Reine et l’offre à sa seconde épouse, l’Archiduchesse Marie-Louise d’Autriche, qui n’est autre que la petite-nièce de Marie-Antoinette.


Sous la Restauration (1815-1830), c’est à la fille de Marie-Antoinette et Louis XVI rescapée de la prison du Temple, Marie-Thérèse de France, duchesse d’Angoulême, que revient le domaine. Elle y passera peu de temps, les souvenirs étant trop douloureux.


Par la suite, Louis-Philippe, roi des Français et instigateur de la Monarchie de Juillet (1830-48), offre le Petit trianon à son fils le duc d’Orléans et sa belle-fille Hélène de Mecklembourg-Schwerin. Ce seront les derniers occupants de l’ancien château de Marie-Antoinette.


Sous le Second Empire (1852-70), l’impératrice Eugénie, épouse de l’empereur Napoléon III et admiratrice de Marie-Antoinette, décide de transformer le Petit Trianon en musée à la mémoire de la reine déchue. Elle fait ainsi remeubler le petit château dans un style 18e siècle.


Dans la deuxième moitié du 20e siècle, et jusqu’à aujourd’hui, le Petit Trianon a été remeublé, redécoré et réaménagé pour évoquer les femmes qui l’ont habité avant la révolution. Une restauration qui fût inaugurée en septembre 2008 et que je vous propose de découvrir sans plus attendre à travers la visite guidée que j’ai faite de ce sublime Petit Trianon, un de mes lieux favoris à Versailles, loin de la foule du château.


La visite du Petit Trianon


La visite du Petit Trianon s’articule en deux parties.

  • Tout d’abord, les espaces ouverts au public regroupant l’étage noble, avec les salons de réception, et l’appartement de Marie-Antoinette.

  • La seconde partie de la visite concerne des appartements plus privés et accessibles aux visiteurs uniquement sur réservation et en visite guidée (sur le site du château de Versailles) : l’entresol avec les chambres de service, et l’attique, avec la chambre et le cabinet du roi, et les logements de suite réservés à Madame Elisabeth, sœur de Louis XVI, et à Madame Royale, fille des souverains.

Habituellement, la visite guidée peut aussi ouvrir les portes de pièces réhabilitées au 19e siècle dont la chambre de l’impératrice Marie-Louise, seconde épouse de Napoléon 1er, le boudoir de la duchesse d’Orléans, belle-fille du roi Louis-Philippe 1er, et la salle ‘Eugénie’ où l’épouse de Napoléon III exposait les objets et souvenirs de la reine Marie-Antoinette qu’elle admirait. Malheureusement, ces pièces étaient en rénovation et fermées lors de ma visite. Je n’ai pu les voir. En revanche, j’ai eu la chance de pouvoir visiter pour la première fois le petit Théâtre de la Reine, et je dois dire que ce fût une très belle surprise.


Notre visite commence devant la façade donnant sur la cour d’Honneur. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’avec le dénivelé du terrain, cette façade est plus haute d’un étage que sa parallèle qui donne sur le jardin Français, à l’arrière du bâtiment. Ainsi, le Petit Trianon, qui compte en réalité trois niveaux, n’en présente que deux côté jardin, et donc trois côté cour.


La façade que nous observons est de style néo-classique, comme d’ailleurs l’ensemble de ce petit château conçu par l’architecte Ange-Jacques Gabriel suivant un plan carré. Cette façade de la cour d’Honneur présente trois étages de cinq fenêtres chacun, entrecoupées de pilastres à chapiteaux corinthiens. Le rez-de-chaussée (qui est le sous-sol côté jardin) se compose uniquement des pièces dites de domesticité, c’est-à-dire des espaces réservés aux domestiques : services généraux, salle des Gardes, réchauffoir… Ces pièces de domesticités étaient reliées aux Communs, ces bâtiments où se trouvaient les cuisines et d’autres pièces de service, par un jeu de couloirs souterrains intérieurs et cachés grâce au dénivelé du terrain.


L’entrée de la visite se fait sur le côté gauche de la cour d’Honneur, par la maison du Chapelain, le prêtre qui officiait dans la chapelle attenante au Petit Trianon. On arrive alors dans une petite cour qui donne sur la chapelle (que je n’ai malheureusement pas visitée) et à l’arrière des Communs, puis nous entrons dans le château par la salle des Gardes où se trouvaient, vous l’aurez compris, les gardes du corps. De là, on gagne un vestibule pavé de marbre blanc et vert, où se trouve l’escalier d’Honneur qui permet d’accéder à l’étage noble et à l’appartement de la Reine. Les sculptures -guirlandes à motifs végétaux, têtes de Méduse-, réalisées par Honoré Guibert en 1765, s’inspire de l’Antiquité dans un style néo-grec. Ici, je vous laisse admirer la magnifique rampe en fer forgé et en bronze doré. Conçue par le serrurier François Brochois, on peut aujourd’hui observer en médaillon le chiffre de Marie-Antoinette -un M et un A entrelacés-, là où se trouvait originellement celui de Louis XV -deux L entrelacés. Cet escalier est représentatif de l’ensemble du Petit Trianon : un lieu réalisé sous Louis XV dans un style à cheval entre style rocaille (ici, sur l’escalier, les feuillages et les courbes et entrelacs), et style néo-classique (ici, sur l’escalier toujours, des ‘grecques’, i.e. des motifs géométriques répétés, ou des ‘postes’, i.e. des motifs ornementaux en forme de vaguelettes répétées et identiques).


Continuons au rez-de-chaussée par le réchauffoir. Comme son nom l’indique, c’est ici que l’on réchauffait les plats qui sortaient des cuisines des Communs avant d’être servis à la table du roi ou de la reine. On y observe une grande cheminée, un potager, c’est-à-dire une sorte de gazinière avant l’heure pour réchauffer les potages ; des tables de travail et quelques ustensiles. Attenante se trouve une petite pièce d’où l’on peut observer le mécanisme qui permet de descendre et remonter les murs en miroirs qui ouvrent ou obturent les fenêtres du cabinet des Glaces Mouvantes de Marie-Antoinette situé au premier étage et dont je vous parlerai plus tard. Enfin, la visite de cette partie réservée aux pièces de service se termine par la pièce d’argenterie où étaient entreposée la vaisselle royale. On peut encore ici en observer quelques échantillons, notamment de très belles pièces issues du ‘service attributs et groseilles’ en porcelaine de Sèvres livré pour Louis XV au Petit Trianon à partir de 1768 ; ou encore des éléments originaires du ‘service à perles et barbeaux’ commandé par Marie-Antoinette en 1782.


Quittons le rez-de-chaussée et empruntons l’escalier d’Honneur pour gagner l’étage noble du Petit Trianon. C’est ici que se trouvaient les pièces principales du château, les salons de réceptions et l’appartement de la Reine. Dès notre arrivée à cet étage, nous sommes face au portrait de la dernière maîtresse des lieux : Marie-Antoinette. Ce célèbre « Portrait de Marie-Antoinette à la rose » a été réalisé en 1783 par la peintre favorite de la reine, Elisabeth Vigée Le Brun.


Point anecdote : saviez-vous que ce portrait n’est pas celui qui était prévu à l’origine?

En effet, au Salon de peintures de 1783, à Paris, Elisabeth Vigée Le Brun avait d’abord présenté un « Portrait de la reine en gaulle », c’est-à-dire vêtue d’une chemise de mousseline, qu’on appelait aussi une robe ‘à la créole’, ou une gaulle. Ainsi habillée et coiffée d’un chapeau de paille, Marie-Antoinette fit scandale, car cette tenue légère était indigne de son rang, la reine ne pouvant être vue comme une simple femme. Aussi, Elisabeth Vigée Le Brun retira-t-elle le tableau du Salon parisien, et elle entreprit une nouvelle version où Marie-Antoinette est représentée en robe de satin bleu nuit, sans chapeau, mais avec la fameuse rose à la main. C’est ce tableau, plus respectable pour l’époque, qui est aujourd’hui ici exposé.


Revenons à notre visite. Le portrait de Marie-Antoinette se trouve dans la première pièce de l’étage noble, l’antichambre ou salle des Buffets. Cette petite pièce ouvre d’un côté sur le jardin français, et les lambris sont peints d’un vert d’eau, couleur officielle du Petit Trianon, qui doit rappeler la nature qui entoure le bâtiment. Enfin, au-delà du portrait de la reine, on comprend qu’on est bien chez elle lorsqu’on remarque les deux bustes de marbre réalisés par Louis Simon Boizot en 1777 : celui de son mari Louis XVI et celui de son frère Joseph II, empereur du Saint-Empire romain germanique. Dans cette pièce, dite aussi salle des Buffets, on conservait également le service nécessaire pour les soirs de réceptions (vaisselles, mobilier).


Nous entrons maintenant dans la première des grandes pièces de réception du Petit Trianon : la grande salle à Manger. Cette pièce d’apparat est impressionnante par sa taille. On ne soupçonne pas, dans ce petit château, de pièce aux dimensions si imposantes. Ici, Louis XV pouvait souper (notre dîner), et Marie-Antoinette y organisa ses dîners officiels, avec son frère Joseph II ou avec le roi de Suède Gustave III par exemple. Les lambris sculptés d’Honoré Guibert ont été commandés par Louis XV et représentent des têtes de boucs, des fruits et des guirlandes de fleurs. Sur la belle cheminée de marbre bleue trône le buste en biscuit de Sèvres de la jeune Marie-Antoinette âgée de 20 ans, et aux murs, les quatre grands tableaux sur le thème des quatre saisons représentent les activités de l’homme pour se nourrir : ‘la Pêche’ (Gabriel François Doyen, 1768), ‘la Moisson’ ou ‘Cérès et Triptolème’ (Louis Lagrenée l’Aîné, 1769), ‘la Chasse’ (Joseph Marie Vien, 1772) et ‘la Vendange’ ou ‘le Triomphe de Bacchus’ (Noël Hallé, 1776). Enfin, on remarquera les fauteuils en acajou massif sculpté de Georges Jacob, réalisés d’après des modèles à l’Antique dessinés par Hubert Robert. Ce ne sont pas les assises originales du petit Trianon, les sièges que l’on voit aujourd’hui datant de 1787 et provenant de la laiterie de Rambouillet. Mais le mobilier original était proche de ce style. Une cinquantaine de personnes pouvaient dîner ou souper ici.


A côté de la grande salle à Manger se trouve une plus petite pièce : la petite salle à Manger. Elle accueillait jusqu’à 19 convives et servait à Louis XV pour ses repas intimes.


Point anecdote : connaissez-vous les tables volantes de Louis XV ?

Au Petit Trianon, le seul moyen de rejoindre l’étage noble depuis les pièces de domesticité était le grand escalier d’Honneur. C’était alors contraire aux habitudes qu’un escalier réservé au roi, à la reine et à leurs invités puisse être emprunté par les domestiques. Aussi, pour plus de discrétion, on envisagea un système ingénieux de tables dites volantes comme il en existait dans d’autres résidences. L’idée était la suivante : au rez-de-chaussée, dans des pièces appelées ‘fruiteries’, attenante au réchauffoir, le personnel préparait directement les plats et les assiettes garnies sur la table, et ceci une fois fait, ces mêmes tables étaient remontées par un trou au plafond et un système de poulies et de contre-poids, jusque dans la salle à manger située à l’étage du dessus. Ainsi, avec ces tables volantes, plus besoins pour le personnel de se déplacer, ni d’emprunter les escaliers, et pour le roi et ses invités, l’intimité et la tranquillité étaient garantis. Cependant, le coût d’un tel système étant trop élevé, bien que les travaux aient commencés, Louis XV décida d’abandonner le projet.

Après cette anecdote ludique, revenons à la petite salle à Manger. Si Louis XV souhaite y recevoir ses amis en toute intimité, Marie-Antoinette ne trouve pas d’intérêt à cette deuxième salle à manger, et elle la transforme en salle de Billard. Malheureusement, plus rien ne subsiste de cet aménagement, et on voit ici du mobilier provenant de la salle à Manger de la maison du Hameau de la Reine. Observez toutefois les deux portraits qui se font face de part et d’autre de la pièce : Louis XV, premier roi ayant occupé le Petit Trianon, peint à la fin de sa vie en 1774 par Armand Vincent Montpetit, et Madame Pompadour, pour qui le domaine avait été créé, peinte ici en jardinière par Carle Van Loo en 1755.


Quittons les salles à manger pour gagner un autre salon de réception que j’aime beaucoup car à la fois intime et richement décoré: le salon de Compagnie. Dédiée aux jeux et à la musique, cette salle est la pièce principale de l’étage. Le décor couleur vert d’eau, dont les lambris sculptés de trophées de musique ou de motifs végétaux, comme ces deux L du chiffre de Louis XV enlaçant trois fleurs de lys, a été réalisé par Honoré Guibert. Les instruments, comme la harpe ou le piano forte dont Marie-Antoinette aimait jouer, mais aussi les tables de jeux, rappellent la fonction de cette pièce. Sachez que, contrairement aux exigences de l’étiquette qui voulait que chacun et chacune se lève et cesse toute occupation quand le roi et la reine entraient dans une pièce, ici, Marie-Antoinette demande que lorsqu’elle entre dans le salon de Compagnie, ni la musique, ni les jeux, ni les femmes qui brodent, ni les hommes qui parlent, n’arrêtent leurs activités. C’est là, vous vous en doutez bien, encore une manière de faire qui sera reprochée à la reine plus tard. Enfin, remarquez ici la lanterne qui trône au milieu du plafond. Habituellement, ce genre de luminaire est dédié aux extérieurs, le cerclage de verre permettant aux bougies de rester à l’abris du vent et donc de ne pas s’éteindre. En réalité, ici, si le lustre traditionnel a été remplacé par une lanterne, c’est simplement parce que les soirs d’été, on aimait ouvrir grand les fenêtres, ce qui créait des courants d’air qui auraient pu souffler toutes les bougies.


C’est avec cette pièce que s’achève la visite des salons de réception. Nous entrons maintenant dans l’appartement de la Reine où les plafonds son plus bas en raison de la présence d’appartements à l’entresol, juste au-dessus. Nous pénétrons alors directement dans sa chambre à coucher. Anciennement cabinet de Retraite de Louis XV, cette pièce devient la chambre de sa favorite, Madame du Barry, en 1772, puis celle de Marie-Antoinette dès 1774. Le mobilier dit ‘aux épis’ a été commandé par la Reine en 1787 au décorateur Jean Démosthène Dugourc. Ornés d’épis de blés, de guirlandes de fleurs, de lierre, de jasmin et de muguet, ce mobilier et les décors doivent rappeler la nature et les jardins qui entourent le Petit Trianon. D’ailleurs, Marie-Antoinette apprécie particulièrement la vue qu’elle a depuis cette chambre sur le jardin et le Temple de l’Amour qu’elle a fait construire par Richard Mique en 1778.


Depuis la chambre, nous pouvons observer le cabinet des Glaces mouvantes qui étaient à l’origine la première pièce des cabinets privés de Louis XV, mais aussi celle de l’appartement de la Reine ensuite. Sous Louis XV, un escalier privé montait directement ici depuis le rez-de-chaussée. Il a été enlevé pour installer en 1776 un cabinet privé, accessible depuis le perron, où Marie-Antoinette va faire installer le système de glaces mouvantes dont je vous parlais précédemment. Commandé au mécanicien Jean Tobie Mercklein, ce système permettait à Marie-Antoinette d’obturer les deux fenêtres de son cabinet privé quand elle le souhaitait afin, pense-t-on, de gagner encore plus en intimité. Deux grands panneaux garnis de miroirs remontaient du rez-de-chaussée pour couper la pièce de tout regard extérieur. Dans les tons de bleu, comme la chambre, ce cabinet présente également des lambris sculptés au chiffre de Marie-Antoinette.


En sortant de la chambre, nous passons par deux petites pièces. D’abord la garde-robe à chaise, c’est à dire les toilettes si vous préférez, où la chaise d’affaires, comme on l’appelle, date de Louis-Philippe et a été installée en 1837. Puis, attenante se trouve la salle de bain de la Reine, composée d’une cheminée, d’une commode réalisée pour Marie-Antoinette par Riesner, et d’une baignoire avec arrivées d’eau chaude et froide.


C’est ici que se termine la visite publique du Petit Trianon. C’est d’ailleurs ainsi que je l’ai toujours conclue. Mais ce n’est pas là qu’elle se finit pour moi aujourd’hui puisque grâce à notre guide, je vais pouvoir découvrir des pièces que je n’ai jamais visitées jusqu’alors. Et cette visite privée commence par l’entresol.


Pour gagner l’entresol, qui se situe entre le premier étage et l’attique, notre guide nous ouvre une porte depuis le palier de l’escalier d’Honneur et qui donne sur un petit escalier caché. Nous gravissons quelques marches avec, pour ma part, un sentiment mêlé de curiosité et d’excitation, et nous arrivons dans un petit couloir. Il faut savoir que sous Louis XV, cet entresol est réservé aux petits cabinets du roi et de Madame du Barry. Aujourd’hui, ces espaces sont visibles dans leur version réaménagée par Marie-Antoinette qui les dédie au logement de son service.


Une première porte ouvre sur la chambre de la première femme de chambre de la reine. Cette femme de chambre devait ‘servir la chambre’ de la reine, c’est-à-dire qu’elle organisait son lever, sa toilette, mais aussi ses activités de la journée ou ses voyages. Parmi les femmes de chambres de Marie-Antoinette, vous connaissez peut-être Madame Campan (1752-1822). Au-delà de sa dévotion à la reine jusqu’à son exécution, Madame Campan est connue pour ses Mémoires. Celle qui fût d’abord lectrice des filles de Louis XV dès 1768, puis femme de chambre de Marie-Antoinette à partir de 1786, a laissé un précieux témoignage de la vie à Versailles mais aussi de la personnalité de la reine. Si vous ne les avez pas lues, je vous recommande vivement de lire ses Mémoires à la fois instructives et touchantes.


Point anecdote : pourquoi le n°68 sur la porte de la chambre de Madame Campan ?

Si vous visitez l’entresol, vous verrez sur les portes des numéros, dont le numéro 68 sur la porte de la chambre de la femme de chambre de la reine. La raison est simple. Comme je vous le disais dans l’introduction historique, après la Révolution le Petit Trianon a été transformé en auberge. Il s’agit donc ici des numéros de chambres qui sont restés, les pièces ayant été aménagées à l’époque pour accueillir des clients.


Continuons notre visite de l’entresol. Nous pénétrons maintenant dans la chambre de la première dame d’honneur de la reine. Celle qui tiendra ce rôle dès 1775 et jusqu’à la chute de la monarchie est une princesse, Laure Auguste de Fitz-James (1744-1814), princesse de Chimay. Elle avait pour rôle de superviser l’emploi du temps de la reine. Aux côtés de la surintendante qui, pour Marie-Antoinette, n’était autre que Marie Thérèse Louise de Savoie-Carignan, plus connue par son titre de princesse de Lamballe (1749-1792), la dame d’honneur assistait au lever de la reine, participait à ses jeux et promenades, dînait ou soupait en public avec elle, ou encore l’accompagnait à la messe. On remarque ici du mobilier et des décors plutôt riches et à la hauteur des fonctions de la première dame d’honneur.


La dernière pièce que nous visitons à l’entresol est la Bibliothèque. On peut se poser la question de savoir pourquoi cette bibliothèque ne se trouve pas à côté de la chambre ou du cabinet de la reine, ce qui serait, a priori, plus simple pour elle. Or il faut savoir que l’usage veut que la reine n’ait pas à se déplacer elle-même lorsqu’elle veut quelque chose. Ainsi, lorsqu’elle souhaite lire un ouvrage, Marie-Antoinette fait appel à sa lectrice qui, elle, se rend dans la bibliothèque pour récupérer et apporter le livre en question à la reine. Si vous regardez bien, vous verrez sur les livres un C et un T majuscules. Il s’agit du C de Château et du T de Trianon. Ainsi, on savait que le livre, s’il était emporté ailleurs, appartenait à la bibliothèque du Château de Trianon.


La visite de l’entresol s’achève ici et nous regagnons le petit escalier pour monter jusqu’au deuxième étage, le plus haut, appelé l’attique. Normalement, cet étage devrait être réservé à la suite royale et le roi aurait dû loger au niveau de l’étage noble. Mais au Petit Trianon, Louis XV se fait construire un appartement dans l’attique, réservant l’appartement du premier étage à Madame du Barry. Louis XV s’y installe en 1768 et y dormira. Louis XVI, après lui, s’attribuera les lieux mais n’y séjournera pas. Sa sœur, en revanche, Madame Elisabeth, y résidera régulièrement.

Commençons la visite de l’appartement du roi par son antichambre. L’aménagement et les décors sont simples. On remarquera sur la cheminée un biscuit de Sèvres représentant ‘l’Allégorie de la naissance du dauphin’ d’après Augustin Pajou qui le réalisa en 1781 à la naissance du fils de Louis XVI et Marie-Antoinette.


Pénétrons maintenant dans la pièce principale de l’appartement : la chambre du Roi. Intime, plutôt chaleureuse, cette chambre n’en est pas moins spacieuse. Le tissu, au mur comme sur le mobilier, est un lampas de soie lyonnaise cramoisi qu’on dit ‘à musique chinoise’ à cause de ses motifs asiatiques. Les meubles ne sont pas ceux d’origine mais ils évoquent l’aménagement sous Louis XV, conservé par Louis XVI et surtout utilisé par Madame Elisabeth.



Comme souvent pour les appartements de l’époque, celui du Roi s’articule autour de trois pièces, dont la dernière que nous visitons ici est le cabinet du Roi. La version que nous voyons est celle de Louis XVI qui, s’il n’a pas réaménagé la chambre et l’antichambre de son grand-père, a redécoré et remeubler son cabinet de travail. On remarque ici du mobilier de style Louis XVI, comme la commode et le bureau réalisés pour cette pièce en 1777 par l’ébéniste Jean Henri Riesner. Le fauteuil tournant en bois doré était certainement celui de Madame du Barry.


Les appartements de l’attique se poursuivent par les logements de la suite du Roi. Ils étaient conçus pour accueillir les seigneurs de la suite de Louis XV, dont le capitaine des gardes. Ces appartements ont été transformés et réorganisés en trois pièces par Marie-Antoinette en 1782 afin d’y accueillir sa fille, Marie-Thérèse de France, dite Madame Royale. Je rappelle que sa belle-sœur, Madame Elisabeth, occupait l’appartement de son frère, Louis XVI, qui ne dormait pas au Petit Trianon. On pense que l’appartement de Madame Royale était principalement dans les pièces rénovées au 19e siècle : le cabinet de toilette et la chambre à coucher de l’impératrice Marie-Louise ; la chambre à cheminée de brèche volette et le boudoir de la duchesse d’Orléans ; la salle Eugénie vouée aux souvenirs de la reine Marie-Antoinette ; ou encore les quatre garde-robes. Comme je vous le disais, je n’ai pas pu visiter ces pièces alors fermées.


A défaut des appartements originaux de Madame Royale, la visite de l’attique se poursuit et se termine aujourd’hui par deux pièces conçues en mémoires de deux personnalités féminines ayant vécu au Petit Trianon auprès de Marie-Antoinette : sa fille Marie-Thérèse et sa belle-sœur Madame Elisabeth.


La première de ses pièces est, à tort, appelée la chambre à coucher de Madame Elisabeth. Il s’agit en réalité d’une salle qui évoque la sœur de Louis XVI, dont le portrait par Elisabeth Vigée Le Brun est exposé au mur, à travers des décors et du mobilier qui, soit lui ont appartenu, soit rappellent ses goûts personnels.


La seconde pièce est, là aussi à tort, appelée la chambre à coucher de Madame Royale. Cette chambre est, elle-aussi, décorée et aménagée pour évoquer la fille de Louis XVI et Marie-Antoinette. On remarquera le biscuit sur la commode qui représente Marie-Thérèse vers 1820. Seule enfant survivante du couple royale après la Révolution, elle devient duchesse d’Angoulême en épousant son cousin, Louis-Antoine d’Artois, duc d’Angoulême, le fils du futur roi Charles X, comte d’Artois et frère de Louis XVI, qui, sous la Restauration (1814/15-1830), montera sur le trône de France après son deuxième frère, Louis XVIII (comte de Provence).


C’est par la chambre de Madame Royale que se termine la visite du Petit Trianon, de sa partie plus officielle aux pièces le plus privées. Avant de vous laisser, il me reste deux choses à vous partager : ma visite du Petit Théâtre de la Reine, et celle des jardins du Petit Trianon.


La visite du Petit Théâtre de la Reine


Commençons par le Petit Théâtre de la Reine. Je dois dire que j’ai été agréablement surpris quand j’ai su qu’il faisait partie de la visite guidée. En effet, si on peut généralement l’apercevoir à travers une vitre ouverte au public, j’avais toujours rêvé d’y entrer et de ressentir ici la présence de Marie-Antoinette qui s’y produisit régulièrement devant ses amis, ses proches et même ses domestiques. Et je n’ai pas été déçu !


Ce Petit Théâtre se trouve dans le jardin français, à droite du Pavillon Français dont je vous parlerai plus en détail un peu plus loin. Il a été construit par Richard Mique à la demande de Marie-Antoinette entre 1778 et 1780 en lieu et place d’une serre de Louis XV. Il faut savoir qu’avant sa construction, la reine, férue de théâtre, organisait régulièrement des pièces jouées sur des installations provisoires, comme dans la galerie du Grand Trianon par exemple.

Sobre d’extérieur, abrité dans un bâtiment simple d’apparence, le Petit Théâtre est en revanche richement décoré à l’intérieur. L’entrée réalisée à l’Antique est encadrée de deux colonnes ioniques qui soutiennent un fronton où un Apollon enfant trône entouré des allégories de la Tragédie et de la Comédie. Une fois à l’intérieur, la coursive qui contourne la salle du théâtre nous conduit rapidement en son centre. Je dois dire qu’il a été magnifiquement restauré et que mon émotion était assez forte en y pénétrant car, si comme dans toute salle de spectacle, il y règne un calme feutré et apaisant, s’ajoute ici le sentiment étrange de pénétrer dans l’intimité de la reine, dans ce lieu qu’elle aimait et où, heureuse, elle a passé de nombreuses soirées entourées de ses amis les plus proches.

En effet, il faut savoir que tout le monde ne pouvait pas assister aux représentations du Petit Théâtre de la Reine. On est ici dans un théâtre de société, et non un théâtre d’apparat. C’est-à-dire qu’il est réservé à des invités triés sur le volet, des proches comme des personnalités importantes, dont l’empereur Joseph II, son frère, et le roi de Suède Gustave III. Pour pouvoir assister à une représentation, il fallait ainsi présenter un jeton remis par la reine, qui permettait de traverser les jardins du Petit Trianon et d’entrer au théâtre. Ici, on représentait des pièces de Jean-Jacques Rousseau ou de Sedaine, mais aussi des spectacles commandés aux artistes de l’Académie Royale de Musique comme Glück et Grétry. Mais le plus étonnant et choquant pour l’époque, c’est que Marie-Antoinette en personne s’y produisait régulièrement devant un public sélectionné avec sa troupe d’acteurs, la ‘troupe des Seigneurs’, à laquelle son amie la princesse de Lamballe ou encore le comte d’Artois, frère de Louis XVI, appartenaient. Audacieuse, mais aussi inconsciente de l’image que cela renverrait, la reine interprétera le rôle de Rosine dans le Barbier de Séville, une jeune ingénue qui cherche à s’émanciper de l’homme qui cherche à l’épouser et qu’elle n’a pas choisie. Un rôle controversé et osé pour une reine, au cœur d’une pièce satirique qui fit polémique et qui sera même, un temps, interdite par la censure royale.


Si vous avez la chance de visite le Petit Théâtre, prenez le temps de bien en observer les décors. Conçus par les artisans des Menus Plaisirs en papier mâché, carton-pâte et en bois, des matériaux rapides d’utilisation et peu onéreux, ce théâtre jouit d’une très bonne qualité acoustique.


Point anecdote : qu’appelle-t-on les Menus Plaisirs ?

Gérés par un trésorier d’abord, puis un intendant, les Menus Plaisirs, appelés aussi simplement les ‘Menus’, faisaient partie des services de l’Administration de la Maison du Roi, et en particulier de l’organisation des plaisirs du souverains -soit les jeux (jeu de paume, jeux d’appartements…), les fêtes et spectacles- mais aussi des cérémonies officielles. En 1750, Louis XV fait construire un bâtiment dédié à cette administration, l’Hôtel des Menus Plaisirs, qui servait à entreposer le matériel et tout ce qui relevait de l’organisation des ‘Menus’ : raquettes, décors de théâtre, instruments de musique. Cet hôtel accueillit l’ouverture des Etats Généraux le 5 mai 1789 puis, pendant la Révolution, elle fût le lieu de rassemblement des représentants du Tiers-Etats et de l’Assemblée Constituante. C’est ici que furent votés l’abolition des privilèges le 4 août 1789 et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le 26 août 1789.


Revenons au Théâtre de la Reine. La salle dispose de 250 places assises, mais aussi de loges. Au premier étage se trouve la loge royale de Marie-Antoinette qu’elle pouvait fermer à l’aide d’une grille si elle souhaitait plus d’intimité. Au second niveau, d’autres loges grillagées permettaient à certains invités de venir incognito. Le comte Florimond de Mercy-Argenteau, ambassadeur du Saint-Empire Romain Germanique à Paris, qui avait négocié le mariage du futur Louis XVI avec la jeune archiduchesse Marie-Antoinette pour consolider l’alliance franco-autrichienne, viendra régulièrement ici, dans ces loges grillagées, épier la reine dans son théâtre pour le compte de sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche.


Décoré aux couleur royales, bleu, blanc et or, réhaussées de faux-marbre à brèche violette, le théâtre présente de nombreux éléments sculptés. Autour de la corniche, on peut observer une guirlande de fleurs portée par des enfants. Face à la salle, dans les coins du plafond, des angelots jouant de la lyre (à droite) et de la harpe (à gauche) se répondent. Au centre et en hauteur de scène, le M et le A de Marie-Antoinette trônent soutenus par des muses. Mais ici on remarque le masque du soleil et ses rayons derrière le chiffre de la reine. Il s’agit de rappeler la présence du roi car, si ce théâtre est celui de la reine, on reste, ici comme ailleurs, à la cour de Versailles. Enfin la scène, surmontée d’un faux rideau en stuc, est encadrée par deux torchères représentant des cornes d’abondance.

Pour finir sur le Petit Théâtre de la Reine, il faut savoir qu’il disposait d’effets scéniques professionnels grâce à un système de cintres et de décors sophistiqués créés par le machiniste de l’opéra Royal Pierre Boullet. Enfin, la fosse d’orchestre en contrebas de la scène pouvait accueillir 20 musiciens.


Sortons maintenant du théâtre pour regagner les jardins du Petit Trianon.


Les jardins du Petit Trianon


Conçu comme un lieu de vie plus paisible que le château, le Petit Trianon est immergé dans la nature. Autour de l’édifice, plusieurs jardins et espaces se succèdent pour donner au domaine un goût de campagne.


A l’arrière du Petit Trianon se trouve ainsi le Jardin Français. Depuis ce jardin, nous pouvons admirer la façade arrière du bâtiment. Cette façade, plus décorée que celle donnant sur la cour d’Honneur, avec ses quatre colonnes surmontées de chapiteaux corinthiens, ne comporte que deux étages, là où l’avant du bâtiment en présente trois. Cela est dû, comme je le disais, au dénivelé du terrain. Ici, sous la terrasse de la façade arrière, se trouvent les pièces de services et des galeries de circulations allant jusqu’au bâtiment des Communs.


Depuis la terrasse, justement, contemplons le Jardin Français. Conçu à la française, comme son nom l’indique, c’est-à-dire dans une maîtrise parfaite de la nature, ce jardin offre une sublime perspective et une rigoureuse symétrie des décors où les arbres et arbustes, les fleurs et les bassins, se succèdent et se complètent. Réalisé en 1749 par les jardiniers Claude et Antoine Richard à la demande de Louis XV et Madame de Pompadour, le Jardin Français est créé avant-même la construction de leur petit château.


Au centre de ce jardin, le roi fait bâtir le Pavillon Français en 1750, là-aussi avant la construction du Petit Trianon. Réalisé par l’architecte Ange-Jacques Gabriel, ce pavillon d’agrément sert de salle à manger d’été à Louis XV. Tout autour du toit court une balustrade présentant une alternance de groupes d’enfants et de vases de fleurs conçus par Jules Antoine Rousseau. A l’intérieur, les décors et boiseries de Jacques Verberckt (1704-1771) représentent des volailles, des poules, des canards, des dindons, des cygnes… ces oiseaux de basse-cour signifiant qu’on est à l’origine dans une salle à manger. Ce bâtiment en forme de croix se compose de quatre cabinets qui tournent autour d’une pièce principale, au centre : une antichambre, un cabinet de conservation (pour les denrées), une garde-robe à chaise (soit des toilettes) et un réchauffoir. Je vous invite à admirer les décors de ce Pavillon Français par les fenêtres, car on ne peut y entrer qu’occasionnellement. Lorsqu’elle devient propriétaire du Petit Trianon, Marie-Antoinette organise régulièrement des fêtes dans les jardins et dans le Pavillon Français auquel elle adjoint une tente pour agrandir l’espace de réception sur l’extérieur.

A gauche du Pavillon Français, on remarque un deuxième pavillon dont les murs sont couverts d’un treillis de bois vert. Cette annexe est ce qu’on appelle le Pavillon Frais. Construit en 1753, il servait aux collations et aux rafraîchissements pendant les journées d’été.


Quittons maintenant le Jardin Français. Depuis la cour d’Honneur du Petit Trianon, sur le côté droit lorsqu’on regarde le bâtiment, se trouve le jardin anglo-chinois réalisé par Antoine Richard, Richard Mique et Hubert Robert pour Marie-Antoinette. Commencé en 1774, ce jardin d’apparence plus sauvage et moins construit que le Jardin Français, marque l’engouement de l’époque pour le retour à la nature, prôné notamment par Jean-Jacques Rousseau dont la reine est une grande lectrice. Le mieux pour admirer ce jardin, est d’en suivre les allées qui vous mèneront à une rivière et deux lacs artificiels, mais aussi à de petites constructions qu’on appelle des fabriques et qui parsèment le domaine de la Reine, jusqu’à son célèbre hameau (que je vous invite à découvrir dans l’article et le podcast dédié à la visite guidée que j’en ai fait). Pour moi, le jardin anglo-chinois, et plus largement le domaine de la Reine, est l’un des plus beaux endroits du parc de Versailles, et l’un de mes préférés. Les visiteurs ne pensent pas toujours à s’y aventurer car il est assez éloigné du château, mais il vaut vraiment la peine d’y consacrer du temps.


Parmi les fabriques que l’on observe dans ce beau jardin, on trouve d’abord le sublime temple de l’Amour. Cette construction à l’Antique, de style grec et romantique avant l’heure, est commandée par Marie-Antoinette à son architecte favori, Richard Mique, en 1778. Son nom vient de la sculpture centrale qui y est exposée: l’Amour taillant son arc dans la massue d’Hercule, réalisée par Edme Bouchardon (1698-1762). Je vous conseille vivement de flâner autour de ce temple situé sur une île au milieu de la rivière artificielle du jardin. Parfaitement intégré au paysage, il offre une sensation de calme et de sérénité bien agréable. Sachez qu’au-delà de s’y reposer, Marie-Antoinette organisait de nombreuses fêtes au temple de l’Amour.


Si l’on continue notre chemin, nous arrivons au niveau du Rocher et du Belvédère. En passant devant un rocher artificiel d’où s’écoule une cascade également artificielle, on gagne un petit édifice de forme octogonal qui surplombe un lac et offre un point de vue parfait sur le jardin du Petit Trianon : le pavillon du Rocher ou Belvédère. Construit entre 1778 et 1781 par Richard Mique, c’est un petit salon où la reine pouvait organiser des collations ou encore des concerts. Les bas-reliefs extérieurs de Joseph Deschamps représentent les quatre saisons. A l’intérieur, le marbre au sol et les murs de stuc de Louis Mansiaux, dit « Chevalier », comme les peintures et guirlandes de fleurs de Leriche, s’accordent avec le plafond de la coupole réalisé par Jean Jacque Lagrenée, représentant des Amours volant dans le ciel. On est, ici encore, dans un lieu qui a tout du monde enchanté et rêvé où la reine se sent comme dans une bulle hors du temps et loin des contraintes de sa position.


Pour finir sur les jardins, je vous suggère de ne pas manquer la Grotte de Marie-Antoinette cachée sous une petite colline, dite la « montagne de l’escargot », non loin du Belvédère. Ici, la reine aimait venir s’assoir sur le banc de pierre accompagnée d’un ou plusieurs proches. Le bruit de la cascade courant sur la grotte couvrait les discussions qu’elle pouvait avoir, tandis qu’une petite fenêtre creusée dans la roche lui permettait de voir venir les intrus sans qu’ils ne l’aperçoivent. Pour la petite et la grande Histoire, c’est ici que se trouvait Marie-Antoinette le 5 octobre 1789 quand on l’a prévenue que le peuple parisien était en route pour Versailles. La suite, on la connaît bien : le château envahi le soir même, une nuit de peur et d’inquiétude puis, le lendemain, le 6 octobre, un aller simple pour les Tuileries à Paris, où la famille royale est assignée à résidence avant d’être déchue de ses pouvoirs, emprisonnée à la prison du Temple, puis, guillotinée : Louis XVI le 21 janvier 1793, et Marie-Antoinette le 16 octobre 1793. Leur fils, le dauphin mourra en prison le 8 juin 1795, et sa sœur, Marie-Thérèse de France, dite Madame royale, survivra à la Révolution et mourra en tant que duchesse d’Angoulême le 19 octobre 1851.



Voilà, c’est là, dans ce beau parc du Petit Trianon, dans ces magnifiques jardins créés pour Marie-Antoinette, que se termine notre visite. J'espère qu’elle vous a plu.

Si vous visitez le château de Versailles, je vous encourage en tout cas à pousser jusqu’au Petit Trianon pour découvrir ce monument imprégné de l’histoire de ses différents résidents et surtout résidentes, parmi lesquelles bien sûr la célèbre dernière propriétaire des lieux : la reine Marie-Antoinette, dont l’histoire est à jamais liée à celle de ce domaine qu’elle aimait tant.


Mon avis


Comme vous l’aurez compris, au-delà du château de Versailles que je compte parmi mes lieux historiques préférés, je vous recommande vivement la découverte du Petit Trianon et de ses jardins.


Que ce soit pour son histoire, sa beauté architecturale néoclassique avant l’heure ; pour ses jardins à la française ou ses jardins anglo-chinois ; ou encore pour les différentes fabriques et constructions qui agrémentent le parc, le Petit Trianon est un incontournable du patrimoine historique français.


Bien que la visite publique soit déjà un très bon début pour découvrir le monument et ses jardins, je vous suggère vraiment de vous inscrire pour une visite guidée. En plus du parcours habituel et de diverses anecdotes, vous pourrez entrer plus en détail dans l’intimité des résidents de ce petit château de campagne, et en particulier dans l’intimité de la reine Marie-Antoinette.


En complément, je vous recommande la visite guidée du Hameau de la Reine qui s’inscrit bien dans la continuité de celle du Petit Trianon, l’ensemble formant ce qu’on appelle le domaine de Marie-Antoinette.


Informations pratiques


Toutes les informations sont à retrouver sur le site du Château de Versailles.


Vous devez impérativement être muni d’un billet pour la visite standard du château et du domaine de Versailles, puis réserver la visite guidée ensuite.

Il en existe d’ailleurs d’autres tout aussi intéressantes à faire. Leu tarif plein est en général de 10€ en plus du billet standard.


Je vous recommande par ailleurs de visiter le Petit Trianon au printemps ou au début de l’été car les jardins n’en seront que plus beaux. Je vous suggère aussi, si vous le pouvez, de le faire en semaine pour éviter la foule, le Petit Trianon se composant de pièces parfois un peu étroites.



Sources

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