Lorsqu’on pense au 18e siècle, en matière d’arts décoratifs, on imagine aisément la grandeur du château de Versailles, la richesse de ses décors, de son mobilier et des objets d’art qui agrémentaient les appartements royaux et princiers.
Parmi les styles qui ont marqué Versailles, et qui ont fait sa gloire, il en est un particulièrement opulent : le style Louis XV. Mais au-delà de son apparence fastueuse, savez-vous ce qui caractérise ce style Louis XV, autrement appelé style rocaille ?
Avant de vous éclairer sur le sujet, mais aussi afin que vous approfondissiez la question, je vous invite à explorer le livre simplement titré Le Style Louis XV, publié en 2023 par le château de Versailles et les éditions In Fine.
Cet ouvrage fait partie d’une collection dédiée aux arts décoratifs que viennent compléter deux autres opus, sortis en 2024 : Le Style Louis XVI et Le Style Empire. Dirigée par Yves Carlier, conservateur général du patrimoine au château de Versailles, cette collection instructive et richement illustrée offre un regard clair et nouveau sur l’évolution des arts décoratifs français aux 18e et 19e siècles.
Mais revenons au style Louis XV. Comme son nom l’indique, ce style de décoration et d’aménagement intérieur naît… sous le règne du roi Louis XV (1715-1774). Il s’imposera cependant plus particulièrement sur une période plus réduite, entre 1725 et 1760.
QUELLE EST L’ORIGINE DU STYLE LOUIS XV ?
Lorsque Louis XV est appelé sur le trône de France, il n’a que cinq ans. Trop jeune pour régner, il est, jusqu’à ses 13 ans en 1723, accompagné dans ses premières années par Philippe d’Orléans, (1674-1723), plus connu comme le Régent.
Cette période de transition, qu’on appellera la Régence, est rupture avec la fin de règne dévote et austère de Louis XIV. Elle est marquée par le retour du roi et le réveil de la vie politique, culturelle et économique au cœur de Paris, et non plus à Versailles. La société se transforme, les mœurs se débrident, et le bouillonnement intellectuel, et économique culturel qui anime la capitale va influencer jusqu’aux arts décoratifs des nouveaux hôtels particuliers et du Palais Royal. Un nouveau style s’impose progressivement, un style rocaille avec ses courbes et contre-courbes et ses excès d’ornementations, annonciateur de ce qui sera, bientôt, le style Louis XV ; un style qui transformera à son tour le château de Versailles, lorsque le jeune roi réinvestit le palais de son arrière-grand-père en 1722.
QUELLES SONT LES CARACTÉRISTIQUES DU STYLE LOUIS XV ?
Avec la mort de Louis XIV, le 1er septembre 1715, le style classique, austère et massif, inspiré de l’Antiquité, que le Roi Soleil avait élevé en symbole royal, disparaît pour un style qu’on va appeler ‘rococo’ en Europe (en référence à ce mouvement né en Italie dans les années 1720) ou ‘rocaille’ en France.
On le nommera parfois aussi ‘style Pompadour’ en référence à la favorite du Roi Madame de Pompadour (1721-1764). À tort, cependant, car si cette-dernière influence bien les décors et le mobilier de son époque, elle sera plutôt l’initiatrice d’un style néo-classique qu’on appellera bientôt le style Louis XVI – un nom trompeur puisque sa naissance est antérieure de quelques années au règne dudit Louis XVI (1774-1793).
Comme nous l’avons vu, alors que la fin de règne de Louis XIV est marquée par la rigueur et l’austérité, la période de Régence qui suit lance la mode d’un style plus intime, riche et luxueux. La vie rigoureuse suivie et imposée par le Roi Soleil fait alors place à une vie de plaisirs.
Ainsi éduqué dans ce contexte, et parce que sa personnalité est empreinte de timidité, Louis XV n’est pas un grand adepte des contraintes de l’Étiquette qui impose au souverain une vie publique de tous les instants. Lorsqu’il commence son véritable règne en 1723 et épouse Marie Leszczynska en 1725, il entend alors s’en détacher dès que ses engagements royaux le lui permettent. C’est pourquoi, en arrière-plan des appartements d’apparat où il se doit d’incarner le monarque absolu, il commande la création d’appartements Intérieurs privés, au château de Versailles, mais également dans d’autres résidences royales qu’il occupe comme le château de Fontainebleau.
Le développement de ces espaces plus personnels et moins vastes va nécessiter des aménagements plus adaptés à la vie privée. Des décors et un ameublement qui doivent aussi répondre aux goûts du roi, lui-même déjà influencé par le style Transition ou Régence de ses premières années de règne.
Si les décors se font luxueux, élégants et raffinés, ils doivent désormais se faire aussi confortables et accueillants pour permettre une vie intime paisible. Dans ce nouveau style Louis XV qui va peu à peu gagner l’ensemble des appartements de l’époque, la courbe est à l’honneur. On s’inspire de la nature (les feuillages entrelacés, les oiseaux, ou encore la coquille qui, avec ses courbes, est l’ornement rocaille par excellence), mais aussi de l’art oriental à la mode, notamment chinois. On oublie la géométrie des styles précédents. Le style rocaille ou rococo est un baroque poussé à l’excès, asymétrique, avec des brillances, des volumes tourmentés, contorsionnés ou torsadés, où le décoratif domine sur le reste.
Il y a peu de logique dans le rococo. On travaille le mobilier comme de la haute couture : peu importe la forme du meuble, on va chercher à l’ennoblir à coup d’ornements. L’harmonie d’un meuble ou d’une pièce se fait ainsi dans l’abondance d’apparat et d’ornementation. Derrière les détails sculptés, peints ou dorés, le fonctionnel s’efface. On s’amuse à cacher les tiroirs, par exemple, et on invente alors des mécanismes ingénieux pour ouvrir tel volet, tel casier ou telle porte dissimulée derrière les décors.
La polychromie est, enfin, de mise sous Louis XV pour une décoration intérieure joyeuse. C’est le cas pour les boiseries et les moulures des appartements qui prennent souvent des tons pastel, relevés par des couleurs sombres comme le vert ou le rouge, mais aussi, bien entendu, par des dorures, l’or étant au cœur de ce style rocaille. Le trompe-l’œil fait aussi son apparition comme les décors de fausses bibliothèques sur les murs et les portes.