top of page

LE VILLAGE PERCHÉ DE MINERVE DANS L’HÉRAULT


Prenons de la hauteur en gravissant les ruelles pavées de Minerve, dans l’Hérault (34), un village médiéval occitan, perché sur un rocher qui domine le lit de la rivière Cesse. S’il ne compte aujourd’hui qu’une quarantaine d’habitants, Minerve n’en est pas moins riche d’une histoire épique et d’un patrimoine remarquable. Son nom viendrait de l’occitan Menèrba –‘men’, montagne, et ‘ereb’, percer. Il pourrait aussi s’agir du lieu d’un temple romain voué à Minerve, la déesse de la pensée, de la sagesse et de la stratégie militaire.


Si dès la préhistoire, il y a 400 000 ans, la région accueille déjà des hommes autour de la Cesse, notamment dans la grotte d’Aldène à quelques kilomètres du rocher minervois, les premières traces d’habitation du village remontent, elles, au néolithique, il y a 6000 ans. Plus en avant, sous l’occupation romaine, à partir du 1er siècle avant JC, Minerve ne se concentre que sur quelques domaines agricoles, les Villae, et il faut attendre l’arrivée du christianisme au 4e siècle pour que le village s’organise autour d’une église, l’église Saint-Nazaire, aujourd’hui disparue et remplacée par le cimetière, et dont subsiste l’autel du 5e siècle, encore visible dans l’église Saint-Etienne actuelle (c’est, en France, le plus ancien autel d’une église encore en activité).

Mais le vrai développement du site se joue à partir de la fin du 5e siècle, avec l’installation des Wisigoths dans la région -on peut encore observer les ruines d’une de leurs maisons. Ils fortifient le village et font de Minerve l’une de leurs places fortes, jusqu’à ce que les Maures (Sarrazins) ne les en délogent en 719. Des envahisseurs qui seront à leur tour mis en déroute par le roi des Francs, Pépin le Bref, en 759. Minerve devient alors franque et une circonscription dépendant de Narbonne où règne des envoyés du roi. Minerve et sa forteresse sont mentionnés pour la première fois en 873, dans un document qui relate un plaid -assemblée générale- organisée devant le château.


Peu à peu, le village fortifié tombe sous l’escarcelle des vicomtes de Béziers puis du comte Guilhem de Carcassonne qui hérite de la région du minervois au 11e siècle. Ce sont ses fils Bernard et Pierre Guilhem qui, à partir de 1066, fondent la dynastie des vicomtes de Minerve, tandis que leurs cousins, les Trencavel, fondent celle des vicomtes de Carcassonne. Au 12e siècle, comme eux, les Guilhem vont protéger les fidèles convertis à la nouvelle fois dite a posteriori cathare, parmi lesquels de nombreux aristocrates de la cour minervoise.


En 1209, face à l’influence grandissante de cette nouvelle église dans Languedoc, le pape Innocent III appelle à la croisade contre les Cathares -appelés aussi les Albigeois ou les hérétiques. Il s’agit de déposséder de leurs biens les seigneurs occitans qui les protègent, de convertir les infidèles et d’exécuter ceux qui ne se repentiraient pas et ne rentreraient pas dans le droit chemin de la religion catholique.


Après le siège et la prise de Béziers le 22 juillet 1209, Carcassonne est à son tour assiégée par les croisés à partir du 1er août. Le 15, le vicomte de la cité, Raimond Roger Trencavel, rend les armes et, emprisonné, meurt le 10 novembre suivant. Simon de Montfort, un seigneur d’Île-de-France élu chef militaire de la croisade devient alors le nouveau vicomte de Carcassonne, Bézier et Albi. Au printemps 1210, ce dernier décide d’assiégé Minerve, appuyé par une délégation narbonnaise et des ecclésiastiques, dont la tête spirituelle de la croisade, Arnaud Amaury, abbé de Citeaux et légat du Pape.


Pendant un mois, du 24 juin au 22 juillet, Minerve est encerclée et pilonnée par les croisées. La Malvoisine, sorte de catapulte utilisée par Simon de Montfort -dont on peut aujourd’hui voir une réplique sur les hauteurs autour du village-, détruit une grande partie des murailles et surtout le passage couvert qui mène au puits Saint-Rustique, indispensable aux Minervois qui, privés d’eau, n’ont d’autre choix que de capituler.

L’abbé Arnaud Amaury décide de laisser la vie sauve au vicomte Guilhem de Minerve et aux habitants qui redeviendront catholiques. Mais préférant mourir plutôt que d’abjurer leu foi, 140 à 180 hommes et femmes se précipitent dans le bûcher dressé sur le parvis de l’église Saint-Etienne. L’actuelle rue des Martyres retrace le chemin que les «hérétiques» ont emprunté pour s’y rendre. Aujourd’hui, et depuis 1982, trône devant l’église une œuvre de Jean-Luc Séverac, «La Colombe», commémorant les suppliciés cathares.


En 1224, Amaury VI de Montfort, le fils de Simon, cède ses propriétés languedociennes, dont Minerve, aux rois de France Louis VIII (r.1223-26) puis Louis IX (r.1226-70), dit Saint-Louis, qui font du village une garnison militaire jusqu’en 1255 où elle est dirigée par un Viguier (magistrat représentant du pouvoir royal). Un nouveau château est construit –dont on peut voir aujourd’hui les ruines et les restes d’une tour, la candela (chandelle)- mais à partir de 1320, Minerve est rattaché à Carcassonne et ne garde que des fonctions militaires… jusqu’aux guerres de religions qui divisent la France au 16e siècle.

Car en 1582, alors que Protestants- et Catholiques s’opposent et se déchirent, un partisan de la Réforme, le capitaine Bacou de Pierrerue, prend possession de la forteresse de Minerve. Assiégé et durement attaqué, le village est repris 7 mois plus tard par François de La Jugie, gouverneur de Narbonne. Finalement, en 1636, à la demande des populations voisines, Louis XIII (r.1610-43) ordonne la démolition du château fort pour éviter qu’il ne serve de place forte aux réformistes.


À la fin du 17e siècle, Minerve se tourne vers le commerce du verre et de nombreux artisans verriers y développent leur art. Une industrie qui s’accroît tout au long du 19e siècle alors des mines de lignite, nécessaire à la fabrication du verre, sont découvertes et exploitées. C’est aussi à cette époque que la culture de la vigne prend de l’ampleur et que le commerce du vin se développe, imposant à Minerve de s’ouvrir aux voies commerciales. Les rues du village sont agrandies pour laisser passer les véhicules, une nouvelle route est créée pour relier Minerve et les communes voisines, mais surtout, un pont de pierre à trois arches, long de 100 mètres et haut de 40, est bâti entre 1908 et 1912 pour enfin faciliter l’entrée dans le village.

Une ouverture au monde qui permet à Minerve de valoriser son patrimoine et d’accueillir des touristes dès le début du 20e siècle. Une histoire et un village que je vous encourage à visiter. Vous ne serez pas déçus!

LES INCONTOURNABLES DE MINERVE


Pour découvrir Minerve, l’idéal est de suivre le parcours proposé par l’Office de Tourisme. Prenez le temps de vous y arrêter pour récupérer la carte dédiée qui vous offrira une visite optimale des rues et monuments du village.


Depuis le parking visiteurs, on rejoint Minerve par le haut du village, là où se trouvait l’ancien pont-levis du château. Plus tard, le fossé sera comblé et une rue sera percée dans les ruines de la forteresse. En suivant le sens de la visite proposée, vous pourrez ainsi découvrir:


1. La Candela: Cette ancienne tour, vestige du château médiéval du 13e siècle, ouvre aujourd’hui la Grand Rue de Minerve. Surnommée la candela (la chandelle), c’est en réalité un angle de murs de la forteresse détruite en 1636.


2. Les Lices et les remparts: il s’agit de l’espace qui se trouvait entre les fortifications du château et celles de la ville. Le château était en effet doublement protégé, par les remparts de la ville et par ses propres murs d’enceinte fortifiés. Le fossé entre les deux, les lices, permettaient de surveiller les entrées à la fois du village et du château. Aujourd’hui, elles ont été aménagées en promenade. Empruntez-les pour, d’un côté, observer les restes de la forteresse avec ses meurtrières et ses ruines d’échauguettes -à gauche quand on regarde le lit du Brian (rivière en contrebas); et de l’autre côté, pour descendre le long des remparts jusqu’à la pointe sud de Minerve.


3. La plus vieille maison de Minerve et le puits Saint-Rustique: En contrebas des remparts, au sud du village, les ruines d’une ancienne maison datant de l’époque wisigothe (6e siècle) rappellent l’histoire séculaires des lieux. Elle donne sur les restes d’une citerne médiévale et sur une galerie voûtée qui descendait jusqu’au puits saint-Rustique. Sur la colline d’en face, on peut observer une reconstitution de la célèbre Malvoisine, la catapulte de Simon de Montfort qui détruisit ce puits lors du siège de 1210, poussant les Minervois à se rendre. Si vous le souhaitez, il est possible de descendre ici vers le confluent du Brian et de la Cesse (rivière qui coulent en contrebas). Personnellement, je ne l’ai pas fait. Depuis la maison et la citerne, en suivant les remparts, on peut également observer la Porta Bassa (Porte Basse) qui servait d’entrée fortifiée pour la ville médiévale.


4. La Grand Rue et la Rue des Martyres: Depuis la pointe sud du village, il faut remonter vers la rue du Caire puis emprunter la Grand Rue bordée de charmantes maisons de pierre. Arrivé place du Monument, je vous invite à redescendre la rue des Martyres qui fait référence au chemin parcouru par les 140 à 180 Cathares qui ont été conduits au bûcher en 1210. Vous passerez alors devant l’église -dont je vous parle ensuite- puis par différentes échoppes, jusqu’à une porte insolite et historique : la porte des Templiers en arc brisé. Autrefois, une croix de Malte y était gravée. Continuer ensuite sur votre droite et suivez la seconde partie de la Grand Rue jusqu’à la rue des Glycines (une ruelle plutôt) qui vous mènera de nouveau dans la rue des Martyres que vous remonterez jusqu’à l’église Saint-Etienne.


5. Le Musée archéologique de Minerve: Si vous le pouvez, prenez le temps de visiter le musée archéologique de Minerve qui se trouve sur la place du Monument, à deux pas de l’Office de Tourisme. Ce musée créé par des érudits locaux présente de nombreux fossiles et objets témoignant de l’implantation humaine dans les vallées de la Cesse et du Brian, et dans le Minervois, depuis la préhistoire. Notez qu’il n’est ouvert que l’après-midi et gratuit.


6. L’Église Saint-Étienne: Bâtie au 10e siècle et remaniée aux 11e et 12e siècle, l’église Saint-Étienne de Minerve n’est pas ouverte au public… mais peut quand même se visiter! Pour cela, tous les jours à 14h (du moins en saison), présentez-vous au Musée d’archéologie. Un ou une guide vous ouvrira les portes de cet édifice créé dans un pur style roman et à ne pas manquer si vous visitez le village. En effet, il accueille l’autel de l’ancienne église de Minerve, l’église Saint-Nazaire, qui se trouvait au niveau du cimetière actuel de la ville avant d’être détruite. Cet autel du 5e siècle (456) est, en France, le plus ancien autel d’une église encore en activité liturgique, et on comprend pourquoi l’église Saint-Étienne reste fermée à la visite libre, pour préserver ce précieux vestige de notre patrimoine. Si vous l’observez bien, vous verrez des sortes de graffitis gravés sur le plateau de l’autel. Il s’agit en réalité de signatures de dignitaires qui prêtaient ici serment. Dans la chapelle latérale dédiée à la Vierge Marie, on peut observer un très bel autel en marbre rouge. Ce marbre de la région, dit marbre de Caunes-Minervois, appelé aussi marbre de Languedoc, est de couleur rose pâle à rouge sang, veiné de blanc. Très appréciés des rois de France et notamment de Louis XIV, on le retrouve aussi au Louvre ainsi qu’au château et au Grand Trianon de Versailles. En face de l’église, en sortant, remarquez l’œuvre de Jean-Luc Séverac, «La Colombe», commémorant les suppliciés cathares. Le bûcher dans lequel ils ont été précipités en 1210 était en effet dressé ici, sur le parvis de l’église.


7. Le Pont du 20e siècle: S’il y a un élément qui ne passe pas inaperçu à Minerve, c’est son fameux pont de pierre à trois arches que je vous recommande de traverser pour un joli point de vue sur la cité mais aussi sur le lit de la Cesse. Long de 100 mètres et haut de 40, il a été bâti entre 1908 et 1912 pour faciliter l’entrée dans Minerve et relier le village aux routes commerciales.


SOURCES

bottom of page