LES ROIS ÉTAIENT-ILS TOUS INFIDÈLES ? HISTOIRE DES MAÎTRESSES ET FAVORITES ROYALES
- Igor Robinet-Slansky

- il y a 5 jours
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Diane de Poitiers, Gabrielle d’Estrées, Madame de Montespan, Madame de Pompadour, Madame du Barry… Ces noms évoquent à la fois la séduction, l’intrigue et le pouvoir. Et pour cause ! Les maîtresses et favorites royales occupent une place unique dans l’histoire de France.
Entre passion et pouvoir, elles ont influencé les rois, inspiré les artistes et parfois même orienté les décisions du royaume. Ces femmes, parfois plus célèbres que les reines, ont marqué leur époque par leur beauté, leur esprit ou leur audace. Mais tous les rois étaient-ils infidèles? Et que distinguait, à la cour, une favorite d’une simple maîtresse? Plongez dans les coulisses sentimentales et politiques de la monarchie française.
D’OÙ VIENNENT LES MAÎTRESSES ROYALES? PETITE HISTOIRE D’UNE INSTITUTION DE COUR
Elles ont enflammé leurs contemporains et continuent d’être l’objet des rumeurs les plus folles : les maîtresses et favorites royales ont souvent dépassé les reines en notoriété. Mais qui sont-elles, et d’où viennent-elles, et depuis quand font-elles partie de l’institution monarchique ?
AUX ORIGINES: DE LA DISCRÉTION MÉDIÉVALE À LA RECONNAISSANCE OFFICIELLE DE LA FIN DU MOYEN ÂGE
Les liaisons extraconjugales ont toujours existé chez les rois, notamment sous les Capétiens, au Moyen-Âge, mais elles demeuraient généralement discrètes, reçues à la nuit tombée dans l’intimité des chambres royales.
C’est au 15e siècle que la bascule intervient avec Agnès Sorel (vers 1422-1450), amante du roi Charles VII (règne : 1422-1461). Elle est en effet souvent présentée comme la première maîtresse «officielle» du royaume de France. Elle reçoit domaines, bijoux, une place publique à la cour, et devient mécène, inaugurant une figure désormais structurante de la monarchie de la Renaissance : la maîtresse royale influente, dictant les goûts artistiques et faisant les artistes de son époque.
À la Renaissance, au 16e siècle, la culture de cour héritée d’Italie permet à l’influence des favorites de s’affirmer. François Ier (règne : 1515-1547) protège Françoise de Foix puis Anne de Pisseleu d’Heilly (duchesse d’Étampes), dont on se souvient souvent plus que des reines Claude de France (1514-1524) et Éléonore de Habsbourg (1530-1547).
Quant à son fils Henri II (règne : 1547-1559), il érige l’ascendant de Diane de Poitiers en véritable pouvoir de cour face à son épouse, la reine Catherine de Médicis (1519-1589), qui tiendra plus tard sa revanche après la mort tragique du roi, après un accident de tournoi, le 10 juillet 1559.
Cette visibilité croissante va de pair avec la naissance d’un véritable «monde de cour», où tout repose sur la faveur du roi, c’est-à-dire sur le privilège d’avoir accès à sa personne. À cette époque, obtenir une audience, un mot, un regard du souverain pouvait tout changer : c’est ainsi que les maîtresses et favorites, proches du roi dans son intimité, ont acquis une influence considérable sur les décisions politiques ou les carrières à la cour.
FAVORITE, MAÎTRESSE, MAÎTRESSE EN TITRE: QUE DISENT LES MOTS?
Les termes de maîtresse et de favorite sont souvent employés comme des synonymes, mais ils recouvrent en réalité des réalités bien différentes au sein de la cour.
La maîtresse, au sens strict, est une femme qui entretient une relation amoureuse – et le plus souvent charnelle – avec le roi, en dehors du mariage. Le mot renvoie avant tout à la sphère intime et ne dit rien, en lui-même, de l’influence politique qu’elle peut exercer. Certaines maîtresses ont eu un rôle public ou diplomatique, d’autres sont restées dans l’ombre, sans interférer dans les affaires du royaume.
La favorite, en revanche, est une notion plus large et plus ancienne. À l’origine, sous les premiers Valois, le mot désigne plutôt une dame de compagnie de la reine ou une femme très proche du pouvoir, bénéficiaire de la faveur royale sans lien amoureux avec le souverain. Peu à peu, au fil des règnes, le terme s’applique à certaines maîtresses influentes, jusqu’à devenir presque synonyme de «maîtresse officielle». Dans tous les cas, il exprime avant tout une idée: celle de la faveur, c’est-à-dire la proximité et la confiance accordées par le roi.
Une favorite peut donc être une maîtresse, mais pas nécessairement: il s’agit avant tout d’une femme qui bénéficie d’un accès privilégié au souverain et qui peut servir d’intermédiaire entre lui et la cour. Par ses conseils, ses recommandations, ses amitiés, elle devient un véritable canal d’influence pour qui souhaite obtenir une charge, une grâce ou une pension.
Enfin, l’expression de maîtresse en titre apparaît sous l’Ancien Régime pour désigner la favorite officielle, non pas au sens d’un titre formel ou écrit, mais d’un statut reconnu par la cour et toléré par l’étiquette, parce qu’il reflète la volonté du roi.
Son statut, quasi institutionnel, admis de fait plus que de droit, confère à la favorite une influence et des privilèges visibles : elle possède des appartements particuliers proches de ceux du roi – notamment à Versailles, dans le voisinage des Petits Appartements du Roi –, elle perçoit pensions et dons, et tient un salon où se croisent ministres, artistes et courtisans. Cette reconnaissance publique fait d’elle une figure incontournable de la monarchie, parfois autant redoutée que respectée.
Ainsi, au fil des règnes, on distingue plusieurs degrés de proximité : des liaisons passagères, des favorites influentes mais non officielles, et une ou plusieurs maîtresses en titre, véritables visages d’un règne et miroirs de son époque.
LES RELATIONS LES PLUS CÉLÈBRES, DU 15e AU 18e SIÈCLE
De la guerre de Cent Ans aux fastes de Versailles, l’histoire des maîtresses royales suit celle de la monarchie: miroir de ses évolutions, reflet de ses goûts et de ses contradictions. À travers elles, se dessine un autre visage du pouvoir : celui de l’influence intime, des ambitions, des passions et du prestige. Au fil des siècles, certaines ont marqué leur époque par leur beauté, leur influence ou leur intelligence, devenant parfois plus célèbres encore que les reines elles-mêmes.
CHARLES VII ET AGNÈS SOREL (VERS 1444-1450)
C’est avec Agnès Sorel que tout aurait commencé. Née vers 1422 en Lorraine dans une famille modeste, elle entre d’abord au service d’Isabelle de Lorraine, épouse de René d’Anjou, prince de sang et cousin de Charles VII, à qui elle va être présentée. Le roi, alors en pleine reconquête du royaume après la guerre de Cent Ans (1337-1453), est séduit par cette jeune femme à la beauté éclatante et au tempérament assuré.
Agnès devient rapidement sa compagne officielle, recevant en 1444 le domaine de Beauté-sur-Marne - d’où vient son surnom de Dame de Beauté. Elle impose à la cour un style nouveau - décolletés audacieux, perles fines, étoffes précieuses - qui fera d’elle une icône de mode avant l’heure. Mais elle n’est pas qu’une parure : elle soutient les artistes, les orfèvres et les lettrés, et incarne un royaume en plein renouveau.
Sa mort prématurée, en 1450, alors qu’elle vient de donner naissance à un quatrième enfant du roi, nourrit les rumeurs : certains parlent d’empoisonnement. Quoi qu’il en soit, elle demeure dans la mémoire collective comme la première favorite royale reconnue, symbole d’une monarchie triomphante et séduisante.
FRANÇOIS IER : FRANÇOISE DE FOIX ET LA DUCHESSE D’ÉTAMPES (1520–1547)
Avec François Ier, la figure de la favorite prend un tournant plus politique. Le souverain, grand amateur d’art et de belles lettres, s’entoure de femmes brillantes, cultivées, souvent influentes.
La première est Françoise de Foix (vers 1495-1537), comtesse de Châteaubriant, issue d’une ancienne noblesse bretonne. Belle, discrète et loyale, elle devient la maîtresse du roi au début de son règne et l’accompagne dans les premières années de la Renaissance française. Mais elle finit par s’effacer face à une rivale plus ambitieuse : Anne de Pisseleu d’Heilly (1508-1580), future duchesse d’Étampes.
Jeune, vive et instruite, Anne s’impose par son esprit et son goût pour les arts. Humaniste convaincue, elle protège les lettrés, soutient les peintres et les poètes, et s’implique dans les affaires diplomatiques. Elle incarne cette alliance entre culture et pouvoir, typique du règne de François Ier. Lorsque le roi meurt, en 1547, elle perd toute influence et se retire de la cour – preuve que la faveur royale, aussi éclatante soit-elle, ne survit jamais au souverain.
HENRI II ET DIANE DE POITIERS (1547–1559)
Entre Henri II (règne : 1547-1559) et Diane de Poitiers (1499-1566), c’est une histoire de fidélité, d’admiration et d’influence. De vingt ans son aînée, Diane avait connu le roi enfant : elle fut sa préceptrice, sa conseillère, puis sa confidente et enfin sa maîtresse.
Née en 1499, issue d’une ancienne famille du Dauphiné, Diane de Poitiers incarne l’élégance et la mesure. D’une beauté entretenue par un art du paraître - bains froids, régime strict, tenue impeccable -, elle impose à la cour une allure digne et classique.
Henri II, fou d’admiration, lui offre le château de Chenonceau, qu’elle embellit avec raffinement. Son monogramme, entrelacé à celui du roi, orne encore la pierre et les vitraux – en réalité un H et deux C enlacés, pour Henri II et Catherine de Médicis, mais qui, de la manière dont ils sont imbriqués, donnent l’illusion d’un H et de deux D…. pour Diane.
Sous son influence, les charges et les grâces passent souvent par son entremise : Diane devient la véritable maîtresse du royaume.
Mais à la mort accidentelle du roi, le 10 juillet 1559, tout bascule. Catherine de Médicis, longtemps éclipsée, reprend la main. Elle chasse Diane de la cour et récupère Chenonceau, scellant la fin d’une domination féminine inégalée à la Renaissance. Diane finit ses jours dans son château d’Anet (en actuel Eure-et-Loir).
HENRI IV : GABRIELLE D’ESTREES, PUIS HENRIETTE D’ENTRAGUES (1589–1610)
Avec Henri IV (règne : 1589-1610), la passion retrouve ses droits. Le « Vert-Galant » - surnom on ne peut plus explicite - multiplie les liaisons, mais certaines comptent plus que d’autres. Gabrielle d’Estrées (1573-1599), fille d’un maréchal de France, devient rapidement la compagne préférée du roi. Elle est belle, gracieuse, bienveillante, et surtout, elle apaise un souverain tourmenté par les guerres de Religion.
Henri IV songe même à l’épouser, allant jusqu’à lui remettre sa bague de couronnement. Elle est titrée duchesse de Beaufort et joue un rôle politique actif, prônant la tolérance religieuse et la réconciliation du royaume. Mais en 1599, alors qu’elle est enceinte, Gabrielle meurt subitement. Le roi, éploré, la fait enterrer avec les honneurs dus à une reine.
Sa disparition laisse la place à Henriette d’Entragues (1586-1633), marquise de Verneuil, plus ambitieuse et intrigante. Belle mais calculatrice, elle tente de manipuler le roi, espérant que son fils illégitime deviendra héritier. Sa duplicité finit par la perdre. Avec elle, la faveur devient un jeu dangereux, où les passions croisent les complots.
LOUIS XIII : UNE RÉSERVE SINGULIÈRE
À rebours de son père Henri IV, Louis XIII (règne ; 1610-1643) se distingue par une retenue presque austère. Pieusement élevé, méfiant envers les intrigues féminines, il se consacre à la politique et à la guerre plus qu’à l’amour.
Aucune maîtresse officielle ne lui est connue, même si on lui prête quelques liaisons sans certitude historique avec Mademoiselle Louise de Lafayette(1618-1665) – sont-ils amoureux ? amants ? amis ? – ou encore Marie de Hautefort (1616-1691) – mais n’était-ce pas qu’un amour platonique ? On dira aussi que le roi aimait plus la compagnie des hommes que celle des femmes… mais jusqu’à quel point ?
Dans une Europe où les favorites dictent parfois la politique des rois, cette absence de maîtresse fait de Louis XIII une singularité, son autorité s’appuyant, non sur la séduction, mais sur le devoir et la foi.
LOUIS XIV : DE LA VALLIÈRE À MONTESPAN… PUIS MADAME DE MAINTENON
Sous Louis XIV (règne : 1643-1715), la maîtresse devient une véritable institution royale. À la cour du Roi Soleil, et en particulier à Versailles où tout est mise en scène, les favorites incarnent successivement les visages du règne : la passion, le faste et la piété.
La première, Louise de La Vallière (1655-1710), entre à la cour comme demoiselle d’honneur d’Henriette d’Angleterre (1644-1670), belle-sœur du monarque – et sa maîtresse. Douce, sincère et modeste, elle séduit le jeune roi par sa candeur. Mais sa sensibilité supporte mal les infidélités et les regards de la cour. Après quelques années d’un amour tumultueux, elle se retire au Carmel et y meurt dans le repentir.
Sa rivale, Madame de Montespan (1640-1707), née Athénaïs de Rochechouart de Mortemart et issue d’une des plus anciennes familles de la noblesse, incarne la grandeur du règne. Spirituelle, brillante, pleine d’esprit, elle domine la cour pendant plus de dix ans. Le roi la couvre d’honneurs et légitime leurs sept enfants. Elle organise fêtes et spectacles, inspire la décoration du palais, soutient les écrivains. Mais l’Affaire des Poisons ternit sa réputation et précipite sa chute.
La dernière est Françoise d’Aubigné (1635-1719), plus connue comme Madame de Maintenon - titre qu’elle obtient du roi en 1675. Veuve du poète Scarron et gouvernante des enfants légitimés de Louis XIV et Madame de Montespan, elle conquiert le cœur du roi par sa piété et sa sagesse. El ;e devient vite bien plus qu’une favorite officielle. En 1683, le Roi Soleil décide de l’épouser secrètement : elle devient l’âme morale du dernier Versailles, celui d’un règne pieux et vieillissant. Par son influence, elle incarne une autre forme de pouvoir, fondée non sur la séduction, mais sur la rigueur et la foi.
LOUIS XV : ENTRE POMPADOUR ET DU BARRY
Avec Louis XV (règne : 1715-1774), la favorite devient presque un rouage de la monarchie. Le roi, timide et mélancolique, trouve auprès de ses maîtresses des confidentes et des conseillères.
Louis XV sera cependant fidèle 10 ans à son épouse, la reine Marie Leszczynska, jusqu’à ce que cette dernière, fatiguée de ses grosses (elle aura 10 enfants en une décennie), ne lui refuse son lit. Le roi cède alors finalement aux charmes féminins de nombreuses maîtresses, mais aussi et surtout de ses deux favorites officielles par lesquelles il fera scandale et provoquera l’indignation d’une partie de la famille royale, de la cour et de l’opinion publique.
Jeanne-Antoinette Poisson (1721-1764), future marquise de Pompadour, est la plus célèbre. Issue d’une bourgeoisie éclairée, elle reçoit une éducation exceptionnelle et séduit le roi par son intelligence. Présentée à Versailles en 1745, elle devient bien plus qu’une maîtresse : une confidente, et une conseillère politique et culturelle. Elle influence la nomination de ministres, protège les philosophes des Lumières, soutient les artistes, encourage l’architecture et façonne les styles, initiant le style néoclassique - futur Louis XVI. C’est d’ailleurs à elle que s’adresse Marie-Thérèse d’Autriche pour convaincre Louis XV d’accepter que son petit-fils, le futur Lois XVI, épouse sa fille l’archiduchesse Marie-Antoinette afin de pacifier els relations entre les deux royaumes.
Et même lorsque leur relation amoureuse s’éteint, elle conserve son rôle d’amie et de ministre officieuse – on dira plus tard qu’elle fût la première ministre de la Culture de France. C’est aussi à cette époque qu’elle contribue à organiser le Parc-aux-Cerfs, une résidence discrète près du château de Versailles où le roi recevait, loin du protocole, de jeunes femmes choisies avec soin par son ancienne maîtresse. En supervisant ce lieu dans la plus grande discrétion, la marquise entendait préserver la réputation du souverain et le bon ordre de la cour, tout en maintenant sa propre influence – en prenant soin de sélectionner des femmes qui ne pourraient la supplanter.
Après sa mort en 1764, une autre femme prend la relève : Madame du Barry (1743-1793). Née Jeanne Bécu en 1743, fille d’une couturière, elle s’élève jusqu’aux plus hauts cercles grâce à son charme et à l’entremise du comte du Barry, qu’elle épouse pour obtenir un titre. Présentée au roi en 1769, elle devient la dernière maîtresse en titre de Louis XV - Marie Leszczynska est décédée le 24 juin 1768.
Sous son influence, Versailles retrouve un éclat mondain et voluptueux. Ses appartements, situés à quelques marches du Petit Degré du Roi, sont un lieu d’élégance et de raffinement, qui attire les courtisans – voir l’article dédié à L’appartement de Madame du Barry à Versailles sur ce blog.
Outre ces deux figures, plusieurs sœurs de la famille de Mailly-Nesle – Mesdames de Mailly, de Vintimille et de Châteauroux – se succèdent auprès du roi, illustrant le jeu complexe des influences familiales et politiques à la cour.
APPARTEMENTS, ÉTIQUETTE, INFLUENCE : LA « MÉCANIQUE » DE LA FAVORITE
À Versailles, tout est question de proximité. Être proche du roi, c’est être au cœur du pouvoir. Cette règle vaut pour les courtisans et les ministres, comme pour les favorites, qui, sous Louis XV en particulier, bénéficient d’espaces réservés au sein même du château. Ces appartements privés sont à la fois lieux de vie, de représentation et d’influence - véritables prolongements de la chambre du souverain.
Les maîtresses en titre bénéficient ainsi d’appartements aménagés à portée des appartements privés du Roi. Elles disposent de salons, d’antichambres et de chambres décorées avec soin, souvent reliées aux cabinets intérieurs et au Petit appartement du Roi, un ensemble de pièces plus intimes où se déroule la vie quotidienne du monarque, loin de la pompe du Grand Appartement.
MADAME DE POMPADOUR : ENTRE INTIMITÉ ET REPRÉSENTATION
Lorsque Madame de Pompadour devient favorite, elle reçoit d’abord un logement à l’attique du corps central du château, juste au-dessus des salons de Mars, de Mercure et d’Apollon. Le roi pouvait s’y rendre directement depuis ses cabinets intérieurs, sans être vu, grâce à un réseau de passages secrets typiques de Versailles.
Ces pièces, autrefois occupées par deux autres maîtresses, les duchesses de Châteauroux et de Lauraguais, forment un ensemble raffiné et fonctionnel : une enfilade de salons et de boudoirs, complétée par un petit appartement de service où l’on trouve une « chaise volante », sorte d’ascenseur manœuvré à contrepoids – un luxe aussi ingénieux que discret.
Vers 1750, alors que sa relation avec le roi évolue en amitié et qu’elle n’est plus seulement la favorite mais la confidente et conseillère du souverain, la marquise quitte l’attique pour un vaste appartement au rez-de-chaussée. Cette translation, du haut du château vers un espace plus ouvert sur les jardins, illustre le glissement de son rôle : moins séductrice, davantage figure d’État. C’est dans ces pièces, où tout respire le goût et l’équilibre, qu’elle mourra en 1764, après avoir marqué d’une empreinte profonde le style et la culture du règne.
MADAME DU BARRY : LES ORS ROYAUX DE LA DERNIÈRE FAVORITE DU ROI
Lorsque Jeanne Bécu, comtesse du Barry, devient maîtresse officielle de Louis XV en 1769, elle reçoit à son tour un appartement dans le corps central du château, à proximité directe des Petits Appartements du Roi. Situé à l’angle sud de la cour de Marbre et de la cour du Roi, son logement s’étend sur une dizaine de pièces réparties sur plusieurs niveaux. Il se distingue par son décor raffiné et son aménagement intime, reflet du goût délicat de la favorite.
L’appartement s’articule autour d’un salon de compagnie, d’une chambre, d’un cabinet de toilette et d’un boudoir, reliés à des pièces de service par un petit escalier. Ce dernier communiquait discrètement avec les espaces privés du roi, permettant à celui-ci de rejoindre sa favorite à l’abri des regards. Les boiseries peintes, les soieries aux tons clairs et les ornements dorés illustrent parfaitement le style de la fin du règne : élégant, plus intime, plus féminin. Preuve de son statut privilégié, elle aura le droit de garnir d’or les murs de ses appartements, des dorures jusqu’alors réservées à la famille royale.
LE PETIT TRIANON : DES FAVORITES À LA REINE
Enfin, le Petit Trianon vient clore cette topographie de la faveur du Versailles du 18e. Commandé par Louis XV pour Madame de Pompadour, achevé sous Madame du Barry, il devait offrir au roi et à sa favorite un refuge champêtre, à l’écart du protocole étouffant de la cour.
Quelques années plus tard, Marie-Antoinette en fera son domaine, transformant ce pavillon de la faveur en lieu d’indépendance et d’expression personnelle. Plus de détail dans l’article consacré au Petit Trianon,
Y A-T-IL EU DES ROIS FIDÈLES? LE CAS LOUIS XVI
Après un siècle de rois volages et de favorites omniprésentes, le règne de Louis XVI (1774-1792) marque une véritable rupture. À Versailles, le nouveau souverain entend se démarquer du modèle de son grand-père Louis XV, dont la succession de maîtresses a durablement entaché la réputation de la monarchie.
Dès son avènement, Louis XVI revendique une image de roi moral et sérieux, fidèle à son épouse Marie-Antoinette (1755-1793). Ce n’est pas seulement une question de tempérament - le roi est réservé, peu enclin aux mondanités -, mais aussi une conviction profonde. Son éducation, marquée par la piété et la rigueur, l’a façonné dans l’idée que les excès de la cour et les scandales amoureux avaient affaibli la royauté.
Lorsqu’on visite aujourd’hui l’appartement intérieur du Roi à Versailles, un détail architectural en dit long : dans le Petit Degré du Roi, ce discret escalier reliant les appartements privés du souverain aux étages supérieurs, Louis XVI fait installer une barrière en fer forgé. Ce geste symbolique n’est pas anodin : cette petite barrière bloque l’accès vers les pièces autrefois occupées par Madame du Barry, la dernière maîtresse en titre de Louis XV. Ce signe, à la fois concret et hautement moral, exprime sa volonté de rompre avec les mœurs de son grand-père et d’incarner une monarchie plus vertueuse, en exprimant ici physiquement : « je n’ai pas de maîtresse et je n’en aurai pas ! ».
Louis XVI, loin des intrigues sentimentales de ses prédécesseurs, se consacre aux affaires du royaume, à la science, à la mécanique et à la chasse. Son mariage, bien que longtemps maladroit sur le plan intime, devient au fil des années une relation de confiance et de respect mutuel avec Marie-Antoinette, qui finit par lui être sincèrement attachée.
Dans l’histoire des souverains français, Louis XVI demeure donc une exception : un roi fidèle, peu porté sur la galanterie, qui refusera d’avoir une favorite officielle. Sa conduite, souvent moquée par certains courtisans, n’en constitue pas moins une rupture forte avec la tradition monarchique de la «faveur amoureuse».
APRÈS 1789 : LA FIN DES FAVORITES… MAIS PAS DES MAÎTRESSES
Avec la Révolution, la monarchie d’Ancien Régime s’effondre, et avec elle disparaît l’institution même de la favorite royale. Le pouvoir change de nature : il n’est plus incarné dans une cour, mais dans des institutions. Désormais, les souverains et les chefs d’État peuvent bien avoir des amantes ou des compagnes, mais plus de « maîtresse en titre » au sens où l’entendait Versailles.
Sous le Premier Empire (1804-1814/15), Napoléon Ier connaît plusieurs liaisons célèbres – notamment avec Marie Walewska, qui joua un rôle sentimental et diplomatique réel – mais jamais ces relations ne sont reconnues officiellement ni intégrées à la vie de cour.
Sous le Second Empire (1852-1870), son neveu, Napoléon III, aura lui aussi des amours hors mariage – on se souvient de la célèbre comtesse de Castiglione -, mais la société du 19e siècle, plus pudique et moralisatrice, relègue ces histoires au domaine du privé.
Par la suite, certains présidents de la République connaîtront eux aussi des aventures sentimentales, parfois très commentées – comme Félix Faure qui mourra même dans les bras de sa maîtresse, ou François Mitterrand et Anne Pingeot avec qui il aura sa fille Mazarine. Des relations extraconjugales, mais toujours dans l’ombre du pouvoir : il n’y a plus de « favorites », seulement des relations personnelles, plus ou moins discrètes, et surtout sans reconnaissance officielle.
Ainsi, si l’histoire des maîtresses et des passions royales se poursuit bien après 1789, elle change de visage – maîtresses et amours de l’ombre, courtisanes et demi-mondaines... L’époque des favorites reconnues, dotées d’appartements près de ceux du souverain, de titres et d’un rôle à la cour, s’achève avec l’Ancien Régime. Désormais, les histoires d’amour ou de charme relèvent de la sphère privée, et ne participent plus – du moins en apparence – à la mise en scène du pouvoir.





































































































































































Cette histoire des favorites royales m'émeut profondément par son mélange de passion et de pouvoir, où l'intime rencontre le politique dans un ballet sentimental fascinant. Pour prolonger cette atmosphère historique, découvrez Sprunki et ses free online games qui vous transporteront dans des univers tout aussi captivants.