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Photo du rédacteurIgor Robinet-Slansky

2 DÉCEMBRE 1851: COUP D’ÉTAT DE LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE

Dernière mise à jour : 11 avr. 2023


Il y a 160 ans, Louis-Napoléon Bonaparte, président de la IIe République Française, menait un coup d’Etat qui conduira à la proclamation du Second Empire l’année suivante. Mais comment en est-on arrivé là?





Après la chute du 1er Empire de Napoléon 1er en 1815, la Restauration voit le retour successifs des deux frères de Louis XVI sur le trône (Louis XVIII: 1814/15-1824; Charles X: 1824-1830). Après trois jours d’insurrection populaire (les Trois Glorieuses: 27-28-29 juillet 1830), le roi autoritaire abdique et son cousin, Louis-Philippe d’Orléans, accède au pouvoir comme Roi des Français, soutenu par les libéraux. Cette Monarchie dite de Juillet repose sur une charte constitutionnelle, un compromis entre le Roi, qui n’a plus de pouvoir absolus, et la nation. Le drapeau bleu, blanc, rouge est rétabli, la censure est abolie, la religion catholique n’est plus religion d’état.

Mais très vite, les opposants, notamment républicains, déstabilisent le régime de ce monarque bourgeois. Dans cette France qui s’industrialise, la jeune classe ouvrière dont les conditions sont précaires, stimulée par les nouvelles théories socialistes et par les groupes républicains, s’insurgent régulièrement dans les grandes villes (Paris, Lyon).


L’ordre est rétabli par la force, la censure aussi, et les associations républicaines sont dissoutes. Par ailleurs, malgré son développement économique, la France entre en récession en 1846. Le chômage augmente et la colère monte chez les ouvriers, mais aussi chez les bourgeois libéraux, nostalgiques de la Révolution française ou de l’Empire.


Pour contourner l’interdiction de leur association, les républicains organisent des réunions sous forme de banquets festifs (non interdits) pour pouvoir se rassembler. Mais le 22 février 1848, un banquet est interdit à Paris. Etudiants et ouvriers manifestent, rejoints par certains bourgeois et la Garde Nationale. Face à la grogne populaire et pour calmer les esprits, Louis-Philippe renvoie son Premier Ministre François Guizot, jugé trop autoritaire, et rappelle l’homme qui l’avait mené sur le trône, Adolphe Thiers. Mais le lendemain, une manifestation dégénère, un tir retenti, l’armée mobilisée réagit et 20 personnes sont tuées. La révolte s’amplifie et les barricades se multiplient.


Le 24 février, la foule envahit les Tuileries et Louis-Philippe est contraint d’abdiquer en faveur de son petit-fils le Comte de Paris, mais en vain. L’Assemblée nationale est envahie et le 25, à l’Hôtel de Ville, un groupe de républicains mené, entre autres, par Raspail, Ledru-Rollin, Lamartine, Arago, Dupont de l’Eure, Louis Blanc et Pierre Marie de Saint-Georges, proclame la IIe République. Louis-Philippe s’exile en Angleterre et un gouvernement provisoire est composé. En Europe, un vent révolutionnaire inspiré par la France, un «printemps des peuples», mène de nombreux monarques à concéder à des constitutions plus libérales.


Le nouveau gouvernement républicain provisoire proclame le suffrage universel direct (uniquement masculin), désireux de faire du vote le seul mode de contestation et de renversement des gouvernements à la place des mouvements insurrectionnels. Il abolit aussi l’esclavage et crée les ateliers nationaux financés par l’Etat afin de donner du travail aux chômeurs (travaux de voieries etc.).


Promulguée le 4 novembre 1848, la nouvelle constitution rétablit le principe de Liberté, Egalité, Fraternité. Le pouvoir législatif est confié à une chambre de députés élus au suffrage universel, et le pouvoir exécutif à un Président de la République puissant, en charge des ministres et des armées. Le problème? aucun moyen n’existe pour trancher en cas de désaccord entre les deux pouvoirs: aucune 3ème force.


Avant cela, le 21 juin 1848, les députés nouvellement élus en avril pour travailler sur la future constitution, des républicains libéraux issus en partie d’anciens courants orléanistes (partisans de Louis-Philippe d’Orléans) et conservateurs, votent la suppression des ateliers nationaux qu’ils jugent onéreux et inefficaces. Une insurrection populaire et socialiste s’élève alors: 4 jours réprimés dans le sang. Le peuple se sent ainsi trahi par la nouvelle république.


En parallèle, resurgit depuis plusieurs années le nom de Louis-Napoléon Bonaparte (1808-1873). Neveu de Napoléon 1er, il est son héritier politique à la mort de l’Aiglon (1832), fils de l’Empereur, puis de ses frères et de ses oncles. Lorsque les cendres de Napoléon sont rapatriées de Saint-Hélène en France par Louis-Philippe le 15 décembre 1840, il souhaite surfer sur la vague bonapartiste pour prendre le pouvoir par la force. Mais il se fait arrêter et emprisonner au fort de Ham dont il s’évade en 1846. Exilé en Angleterre, il organise son retour en France et à la chute de Louis-Philippe, il se fait élire député en avril puis en juin 1848, avant de se présenter à l’élection présidentielle qui a lieu le 10 décembre 1848.

Les candidats républicains sont vite discrédités par leur gestion répressive des émeutes de juin. Soutenu par le Parti de l’Ordre qui regroupe des monarchistes (légitimistes et orléanistes), des bonapartistes ou encore des libéraux et conservateurs, dont Adolphe Thiers (orléaniste) et Victor Hugo (monarchiste devenu républicain), Louis-Napoléon Bonaparte se pose en défenseur du suffrage universel et du peuple contre l’autorité de l’Assemblée Nationale à majorité républicaine. Il est élu à 75% le 20 décembre et devient le 1er Président de la République Française, mais aussi le plus jeune (40 ans) jusqu’à Emmanuel Macron en 2017.

Les élections législatives de mai 1849 consacrent le Parti de l’Ordre qui se veut garant de l’ordre, de la religion et des bonnes mœurs. L’Assemblée Nationale vote alors des lois conservatrices et réactionnaires: retour de la religion catholique au cœur de l’éducation, restriction de la liberté de la presse, limite du suffrage universel, répression des oppositions… De leur côté, les républicains sont trop peu nombreux pour jouer leur rôle de parti d’opposition.


Louis-Napoléon Bonaparte, qu’on appelle le Prince-Président en référence à sa lignée impériale, profite de l’hétérogénéité du Parti de l’Ordre, de l’impopularité des mesures votées dans la confusion par l’Assemblée, et de la faiblesse des républicains. En tournée en France en 1850, il critique la politique des députés et se pose à la fois en défenseur des ouvriers et du peuple, et en protecteur de la religion et de la propriété. Son image à la fois sociale, libérale et conservatrice renforce sa popularité, appuyée par des sociétés bonapartistes et des journaux acquis à sa cause. En outre, il réussit en parallèle à gagner la confiance de l’armée.


Tout serait donc parfait pour lui si la constitution n’empêchait la réélection du président pour un second mandat. Louis-Napoléon tente alors de réviser la Constitution avec le soutien d’un Comité pour la Réélection à l’initiative de pétitions qui trouvent un écho auprès de la population. Cependant, l’Assemblée rejette le texte et le Prince-Président n’a plus le choix: s’il veut garder le pouvoir, ce sera via un coup d’état.


Il nomme alors des proches aux commandes de l’armée et de la Garde Nationale, et à coups d’une propagande organisée par la société Dix Décembre créée par ses soutiens, il dévalorise le socialisme et discrédite l’assemblée et ses députés à l’image réactionnaire. Au matin du 2 décembre 1851, date anniversaire de la victoire de son oncle Napoléon 1er à Austerlitz (2 déc. 1805) et de son sacre (2 déc. 1804), Louis-Napoléon lance un appel au peuple et à l’armée via une campagne d’affichage dans toute la France. Il annonce dissoudre l’Assemblée et rétablir le suffrage universel, et propose un plébiscite pour reconnaître son autorité. Le Palais Bourbon est occupé et les députés opposants arrêtés (dont Thiers). Des républicains (dont Victor Hugo et Jules Favre) tentent de soulever les Parisiens le 3 décembre. L’armée réprime la révolte. En Province aussi les insurgés sont réprimés et les républicains anéantis (27 000 sont arrêtés). Mais la majorité des ouvriers ne réagit pas. Louis-Napoléon a gagné la confiance du peuple et lors du plébiscite des 20 et 21 décembre, il est maintenu à la présidence avec 7,5 millions de «Oui». Il gagne le pouvoir constituant et propose ainsi une nouvelle Constitution le 14 janvier 1852. Celle-ci partage le pouvoir législatif entre 3 assemblées: le Conseil d’Etat, nommé par le président, et qui prépare les lois qu’il propose; le Sénat, nommé par le chef de l’Etat pour contrôler la constitutionnalité des lois; et un Corps législatif (les députés) élu pour 6 ans au suffrage universel qui ne se prononce sur les lois que si elles sont validées par le Sénat… lui-même nommé par le président. L’exécutif est donc renforcé, le législatif affaibli. Le président est élu pour 10 ans.


Finalement, contrôlant ainsi le Corps législatif, puis la presse via une loi en 1852, Louis-Napoléon Bonaparte décide de proposer au Sénat de rétablir l’empire. Ce dernier approuve. Un plébiscite est organisé les 21 et 22 novembre 1852: 8 millions de votant diront «oui» et le 2 décembre 1852, le Second Empire est proclamé. Louis-Napoléon Bonaparte devient Napoléon III. L’Empereur épousera son impératrice, Eugénie, en 1853. Ils auront un fils, le prince impérial Eugène Louis Napoléon, dit Louis-Napoléon, en 1856. Un régime autoritaire fastueux qui marquera le développement économique et culturel de la France, mais qui verra sa chute précipitée par la guerre Franco-Prussienne en 1870.


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