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ANECDOTE: CONFIDENT, INDISCRET ET AUTRES INVENTIONS DU SECOND EMPIRE

Dernière mise à jour : 21 mars 2023

Confident, indiscret, boudeuse… si je vous demande se quoi il s’agit, vous me répondrez certainement que je décris ici les qualités ou les défauts d’une personne. Mais il n’en est rien! Ces adjectifs désignent en réalité des pièces de mobilier apparues au Second Empire (Cette période de l’histoire de France qui s’étend de 1852 à 1870 et qui voit revenir à la tête de la France un couple impérial: l’empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie). Conçus avec des matériaux et des décors aussi richement ostentatoires que l’exige cette période de faste impérial, ces nouveaux types de meubles sont avant tout confortables et répondent à des fonctions particulières et bien précises.

Lorsqu’il rétabli l’empire en 1852, Napoléon III a aussi pour ambition d’en restaurer le faste et la grandeur. L’architecture et les décors vont ainsi servir l’image du régime et évoluer vers un style chargé au goût prononcé pour le luxe et l’apparat qui va influencer les arts décoratifs de l’époque. Naît alors ce qu’on appellera le style Napoléon III ou Second Empire. Un style architectural et décoratif flamboyant et éclectique, mélange de styles anciens -goûts antiques, Renaissance, Louis XV (néo-rococo) ou Louis XVI (néoclassicisme)- qui privilégie la polychromie, et le faste des matériaux et des ornementations.


Mais au-delà de son esthétique délibérément somptueuse, et à la différence du Premier Empire et des styles du passé dont il s’inspire et où l’apparat prime alors, le style Second Empire privilégie le confort et la fonctionnalité du mobilier.

Cette deuxième moitié du 19e siècle voit alors apparaître de nouveaux types de meubles aux influences esthétiques passées ou exotiques (chinoises, japonaises, mauresque…), souvent réalisés dans du bois sombre, voire noirci ou laqué noir, afin d’en faire ressortir tous les décors et dorures. Du mobilier souvent retapissé de toutes sortes de tissus, agrémenté, si possible, de franges, et surtout rembourré et capitonné.


Ainsi, entre autres inventions du Second Empire, on trouve:

  • Le confident: cette banquette en forme de S permet une discussion à deux en toute discrétion.

Meuble Confident - salon de Famille du château de Compiègne
Meuble Confident - Compiègne
  • L’indiscret: cette banquette à trois places est semblable au confident, à ceci-près qu’une troisième personne peut s’immiscer avec indiscrétion dans la conversation des deux autres.

  • La boudeuse: cette double assise sans accoudoir présente deux fauteuils mis dos-à-dos. Idéal pour celles et ceux qui ne souhaitent pas se parler.

Boudeuse (crédits Proantic)
  • La borne: Cette banquette circulaire présente un dossier commun au centre, plein ou creux (pour y insérer des plantes par exemple).

  • La table gigogne: Ce type de tables fait partie du nouveau registre de meubles pratiques et modulables qui permettent d’organiser son intérieur selon ses besoins.

Tables gigognes -du salon des Laques de l'impératrice Eugénie au château de Fontainebleau
Tables gigognes - Fontainebleau
  • La chaise volante: alors qu’auparavant chaque meuble, plutôt lourd, était dédié à une place bien précise, ces chaises volantes, légères, permettent d’être déplacées selon les besoins.

  • Le fauteuil crapaud: ce siège bas, peu profond et trapu, se veut ultra confortable avec son dossier enveloppant et son rembourrage.

  • La psyché: ce grand miroir inclinable et mobile, souvent sculpté et orné à l’époque, existe déjà, mais elle fait son retour en série au Second Empire.

  • Le cartonnier: ce meuble de tri ou de rangement de dossiers apparaît dans les bureaux et les cabinets de travail.

Cartonnier dans le bureau de Napoléon III reconstitué au château de Compiègne
Cartonnier
  • Le buffet-vitrine: cette armoire vitrée permet d’exposer ses collections de bibelots, très à la mode. Plus on a de bibelots, plus on «bibelote» comme on dit alors, et plus on paraît riche.

  • Le bonheur-du-jour: né au 18e siècle, ce petit meuble-bureau à tiroirs revient à la mode au Second Empire où il prend différentes fonctionnalités selon son emplacement (secrétaire, chiffonnier, coiffeuse).

  • Le bahut: ce buffet bas et large inspiré des coffres du Moyen-Âge peut être fixe ou servir pour le voyage (d’où le verbe «transbahuter» que l’on invente alors).

Bahut buffet - appartement Napoléon III au Louvre
Bahut buffet Louvre

Pourquoi ce développement si prolifique de meubles et objets nouveau sous le Second Empire? À une époque où l’industrialisation s’accélère, les innovations technologiques et l’assemblage mécanique qui remplacent l’artisanat permettent la production massive de ces meubles ou objets à moindre coût. Les pièces, choisies sur catalogue et personnalisables, peuvent se décliner en série, et donc se diffuser plus facilement auprès de la Haute Société et d’une large population bourgeoise qui cherche à la fois à montrer sa position sociale via la surabondance de ses objets et décors intérieurs, mais qui aspire aussi à profiter du confort moderne de l’époque.


Ce nouveau mode de consommation moins onéreux et plus prolifique correspond parfaitement aux attentes d’un Second Empire qui n’aime pas le vide. Car à la différence d’aujourd’hui où le style épuré est le summum même des classes sociales aisées, à cette époque, une maison chargée d’objets et de meubles en tout genre, et dont les murs sont remplis de tableaux ou d’autres curiosités, laisse paraître la richesse de son propriétaire (tout comme on dit à cette époque aussi qu’un homme avec de l’embonpoint montre qu’il a suffisamment d’argent pour bien se nourrir).


Le style Napoléon III, opulent, s’inscrit ainsi dans la continuité du style Louis-Philippe des années 1830-40 (en référence au roi des Français Louis-Philippe 1er qui règnera de 1830 à 1848): un style bourgeois et romantique où le confort et l’usage du mobilier s’accordent avec la richesse et l’abondance de ses décors.



Pour aller plus loin, retrouver mon article dédié au style Napoléon III sur ce blog, mais aussi deux ouvrages que je vous recommande: le livre de Xavier Mauduit et de Corinne Ergasse intitulé «Flamboyant Second Empire! Et la France entra dans la modernité…» aux éditions EKHO, et le beau livre «Fastes et Rayonnement du Second Empire. Mode, Arts Décoratifs, Architecture» de Françoise Ravelle aux éditions Parigramme.

SOURCES

  • « Flamboyant Second Empire ! Et la France entra dans la modernité… » de Xavier Mauduit et Corinne Ergasse aux éditions EKHO.

  • « Fastes et Rayonnement du Second Empire. Mode, Arts Décoratifs, Architecture » de Françoise Ravelle aux éditions Parigramme.

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