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ANECDOTE: LE SACRÉ CŒUR, UN MONUMENT ANTICOMMUNARD?

Dernière mise à jour : 21 mars 2023


Le 18 mars 1871, dans les hauteurs de la butte Montmartre, débutait la Commune de Paris. Un épisode insurrectionnel d’abord, politique et sociétal ensuite, qui ne durera que 72 jours, jusqu’au 28 mai 1871, mais qui marquera l’histoire de la capitale et de la France.


Érigé entre 1875 et 1914, et consacré après la Première Guerre Mondiale en 1919, le Sacré Cœur trouverait son origine dans cet événement historique. Cependant, est-ce bien la réalité historique? Et surtout, est-il, comme on le dit souvent, un monument délibérément anti-communards? Si cet argument est avancé par ses détracteurs qui demandent régulièrement sa démolition, la réalité est pourtant bien différente.


Retour sur la naissance d’un monument emblématique de la capitale, et sur l’épisode de la Commune de Paris.



LA COMMUNE DE PARIS (18 MARS-28 MAI 1871)


Tout commence par l’enlisement de la France de Napoléon III dans la guerre qu’il mène à la Prusse de Bismarck partir du 19 juillet 1870. Après la capture de l’empereur à Sedan le 2 septembre 1870, le Second Empire est précipité dans sa chute, et le 4 septembre, un groupe de républicains mené par Léon Gambetta proclame la IIIe République.


Mais en réalité, la situation du nouveau régime républicain reste précaire: le nord de la France est envahi par les Prussiens et Paris est rapidement tenu en état de siège. Gambetta, qui est alors ministre de l’Intérieur, va s’enfuir en montgolfière pour gagner Tours puis Bordeaux où le gouvernement est réfugié, et les Parisiens vont se retrouver seuls face aux privations.


La nourriture est rationnée, les queues s’allongent devant les magasins et la famine s’installe. On va abattre des chevaux et même manger du chat, du chien, ou des rats. Sachez qu’on trouve par exemple des boucheries « canines »… ça n'est pas très ragoûtant, mais il faut comprendre que la situation était très critique pour la population. Dans certains restaurants "haut de gamme" on va même jusqu’à servir les animaux de la ménagerie du Jardin des Plantes qu’on va sacrifier comme les chameaux, les antilopes ou même Castor & Pollux, les célèbres éléphants du zoo. Pendant cette période, les maladies vont se développer et la mortalité va doubler.


Le 18 janvier 1871, l’unité et la création de l’Empire Allemand est proclamé dans la Galerie des Glaces du château de Versailles, et le 26 janvier, l’armistice est signée. Des élections sont organisées et le nouveau gouvernement à majorité monarchiste d’Adolphe Thiers, ancien ministre du roi Louis-Philippe 1er (Monarchie de Juillet: 1830-1848), négocie la paix. La France doit payer, et abandonner l’Alsace et une partie de la Lorraine.


Paris et ses 2 millions d’habitants républicains qui se sont battus et ont souffert du siège de la capitale refusent la défaite et la paix jugée humiliante. Le 17 mars 1871, le gouvernement dit «versaillais», puisqu’il quitte Paris pour Versailles face aux tensions parisiennes, retire les canons de la Garde Nationale situés autour de Paris, et notamment sur la Butte Montmartre. Pour les Parisiens, c’est la preuve de l’acceptation des conditions allemandes. Se sentant désarmés, les habitants de plusieurs quartiers se révoltent, dont les Montmartrois. Le 18 mars, ils s’insurgent et tuent un Général «versaillais». C’est le début de l’épisode de la Commune.


Le 26 mars 1871, les Parisiens décident alors de faire sécession avec le gouvernement national, et de créer un état dans l’État. Un Conseil de la Commune de Paris est élu et forme un contre-gouvernement composé de républicains et d’ouvriers. Les Communards, influencés par la 1ère République (régime politique né de la Révolution entre Septembre 1792 - mai 1804) et par les idées nouvelles issues des thèses socialistes et anarchistes, veulent reconquérir la capitale. Ils prônent une démocratie directe, où le peuple décide, par opposition à un régime représentatif, où les élus de l’Assemblée Nationale proposent et votent les lois.


Issue d’un mouvement populaire, la Commune s’organise pour améliorer les conditions des prolétaires et gagner en égalité. Les 72 journées de la Commune seront productives en termes de législation avec des avancées notables en termes d’idées égalitaires :

  • Démocratie directe avec suffrage universel direct masculin ;

  • Instauration comme sous la Révolution du droit à l’insurrection ;

  • Anticléricalisme et séparation de l’Eglise et de l’Etat ;

  • Ouverture de la nationalité aux étrangers ;

  • Instauration d’un nouveau drapeau rouge ;

  • Annulation ou allongement des délais de paiement des dettes et des loyers ;

  • Création de coopératives et d’entreprises auto-gérées par les ouvriers ;

  • Émancipation des femmes et travail sur l’égalité des salaires ;

  • Réaffirmation de la liberté de la presse...

Mais les choses vont changer quand le 21 mai 1871, le gouvernement Versaillais décide de reconquérir Paris: c’est le début de la «Semaine Sanglante», où 20 000 communards sont tués contre 1 000 soldats «versaillais». 500 otages sont exécutés par les communards dont beaucoup d’hommes d’église. Outre de nombreux immeubles, des monuments emblématiques sont détruits ou incendiés:

  • Le Palais des Tuileries qui était jusque-là la résidence des rois et des empereurs est incendié et en ruines. Il sera définitivement détruit en 1883;


  • Une partie de la Conciergerie est détruite. Elle sera reconstruite ensuite ;


  • La colonne Vendôme va être détruite (elle sera reconstruite). On accusera, à ce propos, le peintre Gustave Courbet qui devra partir en exil en Suisse ;


  • La Bibliothèque impériale au Louvre et ses quelques 200 000 livres et manuscrits seront également détruits ;


  • L’Hôtel de Ville sera incendié puis reconstruit plus tard à l’identique ;


  • Le Palais Royal sera lui aussi endommagé…


Parmi tous ces dégâts, Notre-Dame et le Louvre échappent de peu à la destruction. Plusieurs communards sont alors condamnés aux travaux forcés ou à la déportation comme l’institutrice Louis Michelle qui part pour la Nouvelle-Calédonie.


Finalement, le gouvernement reprend la main, et le 28 mai 1871, c’est la fin de la courte période de la Commune.

ET LA BASILIQUE DU SACRÉ CŒUR DANS TOUT ÇA?


La basilique du Sacré Cœur est bâtie à 130 mètres au-dessus de Paris, en haut du célèbre village de Montmartre, point de départ de la Commune. On dit qu’elle aurait été construite selon la volonté du gouvernement d’Adolphe Thiers pour protester contre la Commune et expier les crimes des communards.


Mais une seconde version historiquement plus crédible est avérée. En plein siège de Paris, Alexandre Legentil, homme d’affaire parisien réfugié à Poitiers, fait le vœu que les Parisiens construiront une église à Paris s’ils s’en sortent. L’archevêque de Paris, le Cardinal Guibert, approuve ce vœu et choisit Montmartre pour fonder cette église construite, comme il l’annonce alors, «en réparation pour toutes les fautes nationales». Une phrase ambigüe qui peut laisser entendre que le nouvel édifice doit réparer les crimes commis par les Communards… sauf que ces mots ont été prononcés bien avant le début de la Commune, en pleine occupation franco-prussienne. Plutôt que la Commune de Paris, c’est donc la guerre franco-prussienne qui est plus directement liée à l’origine du Sacré Cœur.

Le lieu et le projet de construction de la basilique sont finalement acceptés par l’Assemblée Nationale en 1873, donc effectivement après la Commune, ce qui a pu donner foi à ses détracteurs et créer la controverse. Quoi qu’il en soit, après un concours public, l’architecte Paul Abadie remporte l’appel d’offre le 28 juillet avec son église de style romano-byzantin. La première pierre est posée le 16 juin 1875.


Pour la construction, on utilisera principalement le calcin, cette pierre calcaire appelée aussi Château-Landon qui a la particularité de blanchir et durcir au contact de l’eau, et qui donne cette blancheur quasi éternelle au Sacré Cœur.

Les difficultés liées au sol fragile obligent les architectes à construire 83 piliers de 33 mètres de profondeur. Au gré des années, et notamment avec la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, les gouvernements mettent plus ou moins d’entrain à faire avancer l’ouvrage. Anticlérical et partisan de la Commune, Georges Clémenceau -député, sénateur puis ministre de l’intérieur en 1906– va même tenter d’arrêter les travaux et d’affecter le bâtiment à une autre fonction. Finalement, la basilique continue sa construction jusqu’en 1914 où elle est prête à être consacrée. Malheureusement, avec la Première Guerre Mondiale, elle ne le sera qu’en 1919.


Conçu comme un monument dédié au Sacré Cœur (le cœur du Christ, fils de Dieu fait homme), la basilique devient dès 1885 le sanctuaire d’une prière perpétuelle de nuit comme de jour. Les Bénédictines du sacré Cœur de Montmartre ont pour vocation l’adoration de l’Eucharistie et du Christ. Tous les jours de l’année, des fidèles de tous horizons les accompagnent et se relaient pour prier silencieusement afin d’assurer la prière perpétuelle pour l’Eglise et le Salut du Monde. Même en 1940 quand l’Allemagne envahit Paris, comme pendant les bombardements en avril 1944 où les vitraux tombent et les murs tremblent, des personnes braveront leur peur pour continuer la prière.


Retrouvez l’histoire et la visite du sacré Cœur et de la butte Montmartre dans l’article et le podcast sur ce blog.

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