Aujourd’hui, je vous emmène à 130 mètres au-dessus de Paris, en haut du célèbre village de Montmartre à Paris, et plus précisément à la découverte d’un des monuments emblématiques de ce quartier et même de la capitale : la basilique du sacré Cœur!
Tout le monde connait la Basilique du Sacré Cœur, mais peu connaissent certainement son origine.
Cet édifice religieux est finalement assez récent puisqu’il est érigé entre 1876 et 1914, avant d’être consacrée après la Première Guerre Mondiale en 1919.
Mais alors pourquoi une basilique ici et à cette époque ?
Et bien, historiquement, la butte Montmartre a depuis longtemps été un lieu religieux avec des temples romains, tout d’abord, puis l’Église Saint-Pierre construite au 6e siècle et que l’on peut encore voir et visiter non loin du Sacré Cœur ; ou encore l’abbaye Royale des Dames de Montmartre fondée par Louis VI en 1134 où les abbesses ont œuvré de 1147 à 1793.
Mais pour comprendre la genèse de la basilique actuelle, il faut remonter à l’épisode parisien de la Commune, après la guerre franco-prussienne de 1870 qui a vu la défaite française et la chute du Second Empire de Napoléon III.
Toutes ces informations vous sont peut-être encore floues. Mais rassurez-vous, je vais vous éclairer au fil de cet article. Je vous propose donc de me suivre sur les traces du Sacré Cœur en passant par l’histoire de la célèbre butte Montmartre.
L’histoire d’un village : Montmartre
Commençons par un peu d’histoire.
Pour comprendre les origines du Sacré Cœur, il est important de rappeler rapidement l’histoire du village atypique de Montmartre qui, avant d’être rattaché à Paris en 1860 en vertu de la loi d’extension de la capitale, était une commune indépendante du département de la Seine.
Point anecdote ! A propos du département de la Seine, si vous vous replongez dans vos souvenirs de jeunes élèves, il ne vous dit rien.
Et c’est logique car il n’existe plus. Il avait été créé en 1790 sous le nom de département de Paris. Il a été supprimé le 1er janvier 1968 selon la loi du 10 juillet 1964 réorganisant le région parisienne. Quatre nouveaux départements naissent alors : les Hauts-de-Seine (dépt. 92 avec 27 communes), la Seine-Saint-Denis (dépt. 93 avec 24 communes), le Val-de-Marne (dépt. 94 avec 29 communes) et bien sûr Paris (dépt. 75 : une commune divisée en 20 arrondissements).
Il y a quelque chose qui interpelle, non ? Pourquoi Paris porte le numéro 75 ? selon la logique alphabétique il devrait être entre l’Orne (61) et le Pas-de-Calais (62) ! En fait, le 75 fait référence au département de la Seine qui se situait donc au 75ème rang. Un numéro donc que Paris a gardé.
Reprenons l’histoire de Montmartre.
On pense qu’avant même la conquête romaine de Paris et de la région par Jules César en 53 av. JC, les Gaulois honoraient leurs divinités sur la butte. Mais c’est avec les romains que les édifices religieux vont s’installer. Deux temples sont construits et dédiés à Mars et Mercure.
Point anecdote ! pourquoi Montmartre s’appelle Montmartre ?
Il y a deux versions concernant l’origine du nom de Montmartre.
Tout d’abord, le nom de cette colline viendrait peut-être du nom romain de Mons Martis, c’est-à-dire le Mont de Mars en référence au temple dédié à ce dieu. Mais à partir du 8ème siècle, on avance une autre version liée au mythe de Saint-Denis. Vous le savez sûrement, tous les monarques français sont inhumés à la basilique Saint-Denis près de Paris où le « tombeau des rois » les accueille depuis que le roi mérovingien Dagobert 1er (629-639) a choisi d'y reposer. Dagobert a en effet fondé cette abbaye sur la tombe du martyr romain Saint-Denis tué par les Romains en 250 alors qu’il évangélisait Lutèce (l'ancien Paris). Saint-Denis aurait été décapité sur les hauteurs d’une colline au Nord de Paris. Il aurait alors parcouru plusieurs kilomètres, la tête entre ses mains, avant de tomber mort à l’emplacement de l’actuelle basilique Saint-Denis. La fameuse colline appelée dès lors le Mons Martyrum (le Mont des Martyres) est devenue au fil du temps… Montmartre !
A vous de choisir la version que vous préférez. Pour ma part, c’est la 2ème, plus légendaire.
Poursuivons l‘histoire de Montmartre. Au Moyen-Âge, la butte devient un lieu de pèlerinage consacré à Saint-Denis et une basilique mérovingienne dédié au martyre est érigée sur les vestiges du Temple de Mercure romain au 6ème siècle. A partir de là, vignerons et maraîchers investissent le village.
Délabrée, la basilique est remplacée en 1133 par une abbaye bénédictine fondée par Adélaïde de Savoie, épouse du roi Louis VI le Gros (1108-1137). Elle prend le nom d’Abbaye Royale des Dames de Montmartre. Le 21 avril 1147, le Pape Eugène III consacre l’église paroissiale Saint-Pierre bâtie en lieu et place de l’ancienne basilique mérovingienne, à l’emplacement même du temple romain dédié à Mercure. L’église Saint-Pierre possède d’ailleurs encore quatre colonnes antiques qui en sont directement issues. C’est aussi l’église la plus ancienne de Paris encore existante après celle de Saint-Germain-des-Prés.
L’abbaye est en partie incendiée en 1559. Les religieuses décident de la quitter et de s’installer plus bas, dans un nouveau monastère situé sur l’actuelle Place des Abbesses (d’où le nom d’ailleurs), à l’endroit supposé de la décapitation de Saint-Denis. Elles s’y installent en 1686 et l’église Saint-Pierre reste une église paroissiale pour le village de Montmartre, et une chapelle pour les abbesses.
Au 16e siècle, pendant les guerres de religions, le roi Henri IV décide de reconquérir Paris qui est aux mains de la ligue catholique. Il organise alors le siège de Paris en installant des troupes sur la butte Montmartre et sur celle de Montfaucon (au niveau de l’actuelle Place du Colonel Fabien).
A cette époque, Montmartre possède 30 moulins à broyer du grain et surtout le silex pour créer le plâtre de Montmartre connu pour résister aux intempéries. Le sous-sol de la Butte est alors creusé de galeries qui vont fermer à la fin du 18ème siècle pour des raisons de sécurité. Aujourd’hui, il reste deux moulins : le moulin Radet, près de la rue Girardon, et le moulin de la Galette, rue Lepic.
En 1790, alors que sont créées les communes et les départements, le Haut Montmartre vote son indépendance et devient une commune du département de la Seine, tandis que le Bas-Montmartre intègre Paris (une partie de l’actuel 9ème arrondissement). Le mur des fermiers généraux, une enceinte construite juste avant la Révolution, sépare alors Montmartre de la Capitale, au sud.
En 1793, pendant la Révolution, l’abbaye est détruite. Pour information, les derniers vestiges disparaitront en 1843. La dernière abbesse, Marie-Louise de Montmorency-Laval, est guillotinée le 24 juillet 1794. En tant qu’église paroissiale, Saint-Pierre n’est pas détruite. La butte Montmartre est pendant un temps alors appelée le Mont-Marat en hommage à l’assassinat par Charlotte Corday du journaliste révolutionnaire Jean-Paul Marat le 13 juillet 1793.
La commune se divise alors en deux parties : le village de Montmartre au sommet et sur le versant sud, et le village de Clignancourt sur la plaine nord. Finalement, en 1840-1844, sous la Monarchie de Juillet, le Ministre des Affaires Étrangères, Adolphe Thiers, construit une enceinte qui finit de séparer la commune de Montmartre en deux.
En 1860, sous le Second Empire (1852-1870), la plus grande partie du territoire de Montmartre, située dans l’enceinte de Thiers, est rattachée à Paris, tandis qu’une petite partie, en-dehors de cette enceinte, est rattachée à la commune de Saint-Ouen.
En 1870, le Second Empire est précipité dans sa chute par l’enlisement et la défaite de la France de Napoléon III dans la guerre qu’elle mène contre la Prusse de Bismarck dont on n’a pas mesuré la puissance, ni la détermination.
Point Histoire ! la guerre Franco-prussienne de 1870.
Remontons aux origines de cette guerre pour que vous compreniez bien.
Bismarck qui est à la tête de l’Empire de Prusse cherche à unir tous les états allemands qui ne composent pas encore un seul pays, l’Allemagne. Il trouve alors un ennemi commun à tous ces états: la France. Après une provocation diplomatique bien menée par Bismarck, la France déclare la guerre à la Prusse. Malheureusement, on ne mesure pas la puissance de ces états Allemands. En France, le pouvoir politique se divise entre pacifiste et partisans de la guerre. Les défaites s’enchaînent pour la France jusqu’à celle de Sedan où Napoléon III, qui est malade, est capturé. La guerre est gagnée pour la Prusse, et donc pour l’Allemagne. Elle est perdue pour la France. L’Alsace-Lorraine aussi.
Revenons à l’histoire de Montmartre. Le 4 septembre 1870, avec la chute de l’empire et le départ en exil en Angleterre de la famille impériale, un groupe de Républicains mené par Gambetta proclame la IIIe République.
Mais la situation du régime républicain est précaire car le nord de la France est envahi par les Prussiens qui finissent par tenir Paris en état de siège. Gambetta, Ministre de l’Intérieur, s’enfuit en montgolfière pour gagner Tours puis Bordeaux où le gouvernement est réfugié.
Les Parisiens sont seuls face aux privations. Le 18 janvier 1871, l’Allemagne proclame son unité au château de Versailles et fonde l’Empire Allemand. Le gouvernement français négocie l’armistice le 26 janvier 1871. Des élections sont organisées et une majorité de monarchistes, favorable à la paix et à l’armistice, est élue. Adolphe Thiers, ancien ministre du roi Louis-Philippe 1er (Monarchie de Juillet: 1830-1848), dirige le nouveau gouvernement et négocie la paix. La France doit payer l’Allemagne et abandonner l’Alsace et la Lorraine. L’Allemagne devient alors le principal pays ennemi de la France.
C’est alors que commence l’épisode insurrectionnel de la Commune de Paris dans lequel Montmartre jouera un rôle important, et qui donnera lieu ensuite à la construction de la Basilique du sacré Cœur.
Point Histoire ! qu’est-ce que la Commune de Paris (18 mars-28 mai 1871) ?
Alors que les monarchistes sont majoritaires pour gouverner la France, Paris et ses 2 millions d’habitants républicains refusent la défaite et la paix jugée humiliante. Les Parisiens qui se sont battus et ont souffert du siège de la capitale estiment que le gouvernement les trahit en acceptant la paix. Le 17 mars 1871, le gouvernement dit « Versaillais », puisqu’il quitte Paris pour Versailles face aux tensions révolutionnaires parisiennes, retire les canons de la Garde Nationale situés notamment sur la Butte Montmartre. Pour les Parisiens, c’est la preuve de l’acceptation des conditions allemandes. Se sentant désarmés, les habitants de plusieurs quartiers se révoltent, dont les Montmartrois. Le 18 mars, ils s’insurgent et tuent un général « versaillais ». C’est le début de l’épisode de la Commune.
Les Parisiens décident en effet de faire sécession et le 26 mars 1871 un Conseil de la Commune de Paris est élu et forme un contre-gouvernement composé de républicains et d’ouvriers. Les Communards, influencés par la 1ère République née à la Révolution (Sept. 1792 - mai 1804), et par les idées nouvelles issues des thèses socialistes et anarchistes, veulent reconquérir la capitale. Ils prônent une démocratie directe, où le peuple décide, contre un régime représentatif où les élus de l’Assemblée Nationale proposent et votent les lois. Issue d’un mouvement populaire, la Commune s’organise pour améliorer les conditions des prolétaires et gagner en égalité. Les 72 journées de la Commune seront productives en termes de législation : démocratie directe avec suffrage universel direct masculin ; instauration, comme sous la Révolution, du droit à l’insurrection ; anticléricalisme et séparation de l’Église et de l’État ; ouverture de la nationalité aux étrangers ; instauration d’un nouveau drapeau rouge ; annulation ou allongement des délais de paiement des dettes et des loyers ; création de coopératives et d’entreprises auto-gérées par les ouvriers ; émancipation des femmes et travail sur l’égalité des salaires ; réaffirmation de la liberté de la presse... Des lois qui n’auront plus d’effet après la Commune. Le 21 mai 1871, le gouvernement Versaillais décide de reconquérir Paris. c’est le début de la « Semaine Sanglante » où 20 000 communards seront tués contre 1 000 soldats « versaillais ». 500 otages seront exécutés par les communards dont beaucoup d’hommes d’église. Outre de nombreux immeubles, des monuments emblématiques sont détruits ou incendiés: le Palais des Tuileries est détruit comme une partie de la Conciergerie et la colonne Vendôme, la Bibliothèque impériale au Louvre et ses quelques 200 000 livres et manuscrits brûle, comme l’Hôtel de Ville, et une partie du Palais Royal… Notre-Dame et le Louvre échappent de peu à la destruction. Plusieurs communards sont alors condamnés aux travaux forcés ou à la déportation comme l’institutrice Louis Michelle qui part pour la Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement reprend la main et le 28 mai 1871, c’est la fin de la Commune.
Après le résumé rapide de la Commune, poursuivons l’Histoire de Montmartre. Depuis la fin du 19ème siècle et avec l’expansion de Paris, un nouveau type de population s’y installe: ouvriers pauvres, paysans déracinés, artistes sans le sou… tous cherchent un coin pour dormir dans les terrains vagues de Montmartre.
Entre la rue Lepic et la rue Caulaincourt né alors ce qu’on va appeler le « Maquis de Montmartre ». Un ensemble de cabanons insalubres faits de bric et de broc, un genre de bidonville avant l’heure, où vivent les rebuts de la société parisienne.
Point anecdote ! Saviez-vous que des Apaches vivaient à Montmartre ?
Alors non, il ne s’agit pas d'individus issus de la célèbre tribu indienne américaine. En fait, dans le Montmartre mal famé de la fin du 19e et du début du 20e siècle, se développe des bandes criminelles. Depuis que les travaux d’Haussmann ont éloigné les miséreux du centre de Paris, ces derniers se sont retrouvés en périphérie, au niveau des fortifications qui existaient dans ce qu’on appelle alors la « zone ». Il s’agit de la colline de Ménilmontant (Ménilmuche pour les locaux), de celle de Belleville, mais aussi de la Villette (Villetouse pour les intimes) et bien sûr de la Butte Montmartre. Loin des fastes du Paris de la Belle Époque, ces quartiers populaires s’organisent pour survivre. Prostitutions, vols, bagarres, petits meurtres ou crimes organisés, les bandes de voyous font la loi et sèment la terreur dans la capitale. En 1900, le nom d’Apaches est utilisé pour la première fois dans le journal Le Matin pour désigner un groupe de bandits de Belleville. Il va vite être étendu aux autres bandes de jeunes effectuant des actes de violences et autres vols et petits meurtres. Pourquoi ce nom ? Pour leur sauvagerie criminelle, déjà, (je rappelle qu’à cette époque on considère les Indiens comme sauvages…), puis parce qu’ils vivent dans les hauteurs autour de Paris où ils se cachent, leurs « Montagnes Rocheuses » à eux comme le décrivent les journalistes. Toujours armés d’un couteau, les Apaches se reconnaissent à leur casquette portée sur le côté, leur foulard noué, leur pantalon large, leur veste d’ouvrier et leurs bottines lustrées. Ils se créent leur propre culture, leur langage et même leur danse. Le terme d’Apaches va se généraliser à toute la pègre parisienne en 1902, lorsqu’ éclate l'affaire Casque d'Or. Deux bandes rivales s’affrontent pour une prostituée, Amélie Elie dite Casque d’Or. L’histoire sera largement reprise dans les journaux, d’autant plus que la même année, Casque d’Or publie ses mémoires dans la presse où elle raconte sa vie et celle des Apaches. Ces bandes organisées disparaîtront en majorité après la Première Guerre Mondiale où, enrôlés, les Apaches seront souvent envoyés en première ligne pour servir de « chair à canon ».
Dès le 19e siècle, les artistes et hommes de lettre sont attirés par la vie libre et pittoresque de la Butte. Le compositeur Hector Berlioz, l’écrivain romantique Gérard de Nerval ou encore le poète allemand Heinrich Heine vont fréquenter Montmartre. Mais c’est à la Belle Époque, à la fin du 19e et au début du 20e siècles, que se développent les lieux de vie nocturnes comme les « caf’conc’ » (cafés concerts) avec des chansonniers comme le célèbre Aristide Bruant -que l’on reconnait à son chapeau et son écharpe rouge-, ou les cabarets et les bals comme celui du Moulin Rouge.
Alors que Montmartre se développe et accueille le gratin parisien et les artistes venus se divertir et s’encanailler, les promoteurs immobiliers s’emparent du maquis qui disparait sous les immeubles et villas.
Entre 1871 et 1914, poètes, écrivains ou peintres viennent à Montmartre vivre ce qu’on appelle la vie de Bohème où la liberté et la créativité sont les maîtres-mots. Les peintres, qu’on appelle les « rapins », viennent y trouver l’inspiration et rencontrer les modèles "vivants" de la Place Pigalle, celles qu’on appelle les « grisettes », qui se laissent peindre en toute liberté. Avec des cabarets comme le Lapin Agile ou la cité d’artistes du Bateau Lavoir, Montmartre est le centre littéraire et artistique parisien mais aussi international. Parmi les artistes célèbres passés par Montmartre on note : Verlaine, Renoir, Modigliani, Apollinaire, Toulouse-Lautrec, Van Gogh ou encore Picasso… mais il y en a eu bien d’autres !
Après la guerre de 1914-18, pendant les années folles, Montmartre reste le lieu des plaisirs nocturnes, mais les artistes migrent vers Montparnasse.
Maintenant que vous en savez plus sur l’histoire de Montmartre, intéressons-nous plus précisément à l’objet de l’article d’aujourd’hui: le Sacré Cœur.
L’Histoire du Sacré Cœur
L’histoire du Sacré Cœur est directement liée à celle de la Commune. La basilique est en effet construite à l’endroit même où démarre la Commune de Paris en mars 1871. On raconte alors deux versions concernant les origines de cette basilique.
Pour certains, elle aurait été construite à la volonté du gouvernement d’Adolphe Thiers pour protester contre la Commune et expier les crimes des communards. Elle devient alors le symbole du pouvoir bourgeois contre le Paris ouvrier et prolétaire opprimé. C’est pour cette raison que la basilique est, aujourd’hui encore, associée à l’ordre moral et qu’un groupe de personnes demande même régulièrement sa destruction. Mais en réalité, aucun document officiel n’appuie cette version.
Une seconde version plus vraisemblable est alors donnée.
Face à la défaite de la France dans la guerre franco-prussienne, les catholiques de France se tournent vers les grands pèlerinages comme Lourdes, Chartres ou encore Paray-le-Monial. Une partie des Français éprouvent un besoin de prières et se dévouent au Sacré Cœur, c’est-à-dire au Christ, le fils de Dieu fait homme.
En plein siège de Paris par les Prussiens, Alexandre Legentil, un homme d’affaire parisien réfugié à Poitiers, fait le vœu que les Parisiens construiront une église à Paris s’ils s’en sortent. Il en parle à l’archevêque de Paris, le Cardinal Guibert, qui approuve le vœu en janvier 1872. Ce dernier choisit Montmartre pour fonder cette église construite en «réparation pour toutes les fautes nationales». Cette phrase est ambiguë et on comprend que certains y voient ici un lien avec la Commune. En tout cas, ce n’était pas l’objectif premier puisque le vœu de M. Legentil est prononcé le 17 décembre 1870, avant le début de la Commune le 18 mars 1871.
Finalement, le lieu et le projet sont acceptés par l’Assemblée Nationale en 1873 et un concours public est ouvert du 1er février au 30 juin 1874. 78 projets sont présentés et le 28 juillet, l’architecte Paul Abadie remporte l’appel d’offre avec son église de style romano-byzantin. Pour information, Paul Abadie (1812-1884) a bâti 14 églises et restauré une vingtaine d’édifices dont la Tour Saint-Michel à Bordeaux, ou la cathédrale d’Angoulême.
Les fonds pour la construction proviennent essentiellement d’offrandes et la première pierre est posée le 16 juin 1875. Les matériaux utilisés sont principalement le calcin, cette pierre calcaire appelée aussi Château-Landon qui a la particularité de blanchir et durcir au contact de l’eau. C’est ce qui explique la blancheur quasi éternelle du Sacré Cœur.
Pendant la construction, les difficultés liées au sol fragile obligent les architectes à construire 83 piliers de 33 mètres de profondeur, ce qui retarde les travaux. Au gré des années, et notamment avec la séparation de l’Église et de l’État en 1905, les gouvernements mettent plus ou moins d’entrain à faire avancer l’ouvrage. Anticlérical et partisan de la Commune, Georges Clémenceau -député, sénateur puis ministre de l’intérieur en 1906– va même tenter d’arrêter les travaux et d’affecter le bâtiment à une autre fonction. Finalement, la basilique continue sa construction jusqu’en 1914 où elle est prête à être consacrée. Malheureusement, avec la Première Guerre Mondiale, elle ne le sera qu’en 1919.
Conçu comme un monument dédié au Sacré Cœur, la basilique devient dès 1885 le sanctuaire d’une prière perpétuelle de nuit comme de jour. Les Bénédictines du sacré Cœur de Montmartre ont pour vocation l’adoration de l’Eucharistie et du Christ. Tous les jours de l’année, des fidèles de tous horizons les accompagnent et se relaient pour prier silencieusement afin d’assurer la prière perpétuelle pour l’Église et le Salut du Monde. Sachez que même en 1940 alors que l’Allemagne envahit Paris, ou encore pendant les bombardements en avril 1944 où les vitraux tombent et les murs tremblent, des personnes braveront leur peur pour continuer la prière.
Arrêtons-nous sur cette note spirituelle et, maintenant que vous en savez plus sur l’histoire de Montmartre et sur celle du Sacré Cœur, je vous propose de me suivre dans la visite de cette basilique exceptionnelle.
La visite du Sacré Cœur
Pour être impressionné dès le début de votre visite, je vous conseille d’arriver face au Sacré Cœur, en contrebas de la Butte. C’est un des points de vue les plus célèbres, mais aussi le plus beaux, et vous pourrez faire de bien belles photos !
Pour ça, arrivez soit par la station de métro Abbesses (Ligne 12) pour empruntez ensuite les rues Yvonne le Tac puis Tardieu, soit par la station Anvers (Ligne 2) et remontez la rue de Steinkerque. Vous serez alors en bas du square Louise Michel… et vous n’aurez plus qu’à monter les quelques 222 marches pour accéder au Sacré Cœur (ou prendre le Funiculaire si vous préférez).
Une fois arrivez en haut de la Butte, surtout ne manquez pas la vue exceptionnelle que l’on a sur tout Paris (attention, la Tour Eiffel est plus sur la droite quand on regarde Paris).
Une fois que vous avez bien profité du paysage, je vous propose de vous retourner et de faire face à la basilique.
Comme je vous le disais, Paul Abadie, l’architecte, a fait le choix du style romano-byzantin pour le Sacré Cœur. Pour que vous compreniez bien, l'architecture romano-byzantine est un style architectural beaucoup utilisé à la fin du 19e siècle et au début du 20e. Il intègre des éléments de l'architecture byzantine, comme les coupoles ou encore le plan en forme de croix grecque, qui sont associés à des éléments empruntés à l'architecture romane, dont la principale caractéristique est l’utilisation de voûtes en pierre dites en berceau de plein-cintre, c’est-à-dire en arc arrondi, sans brisure ni cassure. La basilique est donc de style romano-byzantin, mais avec quelques libertés prises par Paul Abadie. Comme la basilique se trouve en hauteur, il a choisi d’allonger les différentes coupoles, et en particulier la grande, contrairement aux coupoles byzantines, plus tassées et arrondies. Il s’agit ici de donner plus d’élan à l’ensemble de l’édifice que l’on doit voir de loin.
Point anecdote ! la basilique du Sacré Cœur en chiffres.
Savez-vous que le Sacré Cœur est le deuxième point le plus haut de Paris après la Tour Eiffel ? en effet, le sol étant déjà à près de 130 mètres au-dessus de la Seine, si on ajoute les 83,33 mètres du sol au haut du dôme, on arrive à une hauteur impressionnante de près de 215 mètres ! Pour rappel, la Tour Eiffel mesure 324 mètres (avec les antennes). La basilique fait à l’intérieur 85 mètres de long sur 35 mètres de large. La coupole principale est haute de 55 mètres et présente un diamètre de 16 mètres. Enfin, le Campanile situé à l’arrière de la basilique mesure lui 84 mètres de hauteur.
Observons maintenant l’extérieur de la basilique. On ne peut bien sûr pas manquer le dôme. Sachez qu’on peut y monter mais que je ne l’ai pas fait. La vue doit être impressionnante pour ceux qui n’ont pas le vertige ! A l’arrière, sur le chevet de la basilique, c’est-à-dire au-dessus de son extrémité derrière l’autel et au fond du chœur, on peut apercevoir la sculpture en bronze de l’archange Saint-Michel terrassant le démon qui prend ici la forme d’un crocodile (et non d’un dragon comme c’est souvent le cas).
A l’arrière, au nord du Sacré Cœur, se trouve le Campanile. De style aussi romano-byzantin, il se compose au sommet d’un chemin de ronde, d’un cône et d’un lanternon. Il héberge une cloche qu’on appelle la Savoyarde parce qu’elle a été fondue à Annecy et offerte par la Savoie. Son vrai nom est Françoise-Marguerite. Avec ses 19 tonnes, ses 3 mètres de hauteur et ses 9 mètres de diamètre, c’est la plus grosse cloche du monde en fonctionnement. Depuis 1969, elle est accompagnée de 4 autres cloches qui portent les jolis noms de Félicité, Louise, Nicole et Élisabeth.
Point anecdote ! Pourquoi les cloches portent-elles des prénoms ?
Cette tradition remonte au 12e siècle. Au début, on gravait le nom du donateur de la cloche. Très vite, l’Église a donné des noms de Saints et Saintes, d’anges ou de la Vierge. On les considère alors comme des personnes. D’ailleurs, les parties qui constituent les cloches ont des noms qui les humanisent en quelques sortes : on a la « couronne », c’est-à-dire les anses ; le « cerveau », i.e. la partie haute de la cloche ; la "robe", soit le reste du « corps » de la cloche…
Ainsi, avant d’être installée, toute cloche doit être baptisée. Durant cette bénédiction, qu’on appelle baptême comme pour les humains, la cloche prend son nom. Elle a un parrain et une marraine, on l’asperge d’eau bénite et on l’oint du Saint-Chrême, l’huile sainte, et parfois, elle porte même une robe blanche.
Revenons à l’avant du Sacré Cœur, au niveau de sa façade sud. Nous sommes devant le péristyle. Il est surmonté d’une terrasse où se trouvent de part et d’autre deux statues équestres en bronze. Elles représentent Saint-Louis et Jeanne d’Arc et ont été réalisées par Hippolyte Lefèbvre en 1927. Au-dessus se tient une niche qui contient une statue du Sacré-Cœur (Jésus Christ, fils de Dieu fait homme sur Terre, donc).
Montons quelques marches et avançons sous ce péristyle justement. Nous sommes sur le porche, face à 3 portes en bronze sculpté. Elles sont impressionnantes et méritent d’être observées. Chacun des 6 panneaux représente une scène symbolique du Christ : la guérison du paralytique, la conversion de Marie-Madeleine, la multiplication des pains, la Cène, Jésus au milieu des enfants, et la résurrection de Naïm. Les 3 tympans (emplacement en demi-cercle au-dessus des portes) représentent des séquences annonçant et manifestant l’action du Sacré-Cœur: Moïse faisant jaillir l’eau du rocher, le coup de lance du soldat après la mort du Christ, et Saint-Thomas touchant les plaies des ressuscités.
Entrons enfin dans la basilique. Ce qui est frappant c’est l’immensité des volumes intérieurs. La nef est en forme de croix grecque, c’est-à-dire qu’elle est aussi large que longue. De part et d’autre de l’entrée, on peut observer des niches en mosaïques dorées où se trouvent des bénitiers et qui rappellent le jour de la pose de la première pierre d’un côté, et celui de la consécration de la basilique de l’autre On aperçoit au loin le chœur fermé par 11 arcades romanes. Mais je vais y revenir.
Poursuivons par les bas-côtés (de part et d’autre de la nef) et ce qu’on appelle le déambulatoire qui fait le tour du chœur de la basilique. On y trouve de nombreuses chapelles. Ma visite commence par la gauche en entrant. On se retrouve d’abord devant une statue de la Vierge Marie. En face, se tient la chapelle de Notre-Dame-de-la-Mer avec son magnifique autel en marbre vert.
La chapelle suivante est celle dite des Reines de France. Pieuses et dévouées à la religion, parfois martyres, ces souveraines françaises ont été sanctifiées par l’Église. On trouve sur l’autel Sainte-Radegonde (520-587), reine des Francs, entourée de plusieurs autres reines saintes. A noter qu’Alexandre Legentil, concepteur de la basilique, est représenté sur le bas-relief. Le sol de marbre est aussi très beau avec cette couronne qui trône au centre de la chapelle.
Continuons. Nous sommes devant la chapelle de Saint-Vincent-de-Paul. L’autel est en marbre de Sienne et les vitraux racontent la vie de Saint-Vincent. Face à cette chapelle on peut observer une très belle statue en argent de la Vierge à l’enfant.
Nous quittons les bas-côtés ouest pour arpenter le déambulatoire autour du chœur. Là-aussi se trouvent différentes chapelles. Je ne vais pas toutes les détaillées, mais au moins vous les citer et m’arrêter sur les plus importantes.
La première d’entre elles est la chapelle Saint-Ursule, suivie par celle de Saint-Ignace de Loyola (1491-1556), fondateur en 1539 de la Compagnie de Jésus, ou ordre des Jésuites dont la mission principale est la recherche et l’éducation morale et religieuse. Vient ensuite la chapelle Saint-Luc.
Nous arrivons maintenant dans la chapelle de la Vierge, située dans l’axe central de la nef, à l’arrière du chœur. On l’appelle aussi chapelle du Cœur immaculé de Marie. Elle est plus grande que les autres et mérite qu’on s’y attarde. Il faut bien avancer au fond de cette chapelle si on veut bien en observer les détails et notamment sa magnifique coupole de l’Assomption qui la surplombe. Elle repose sur un ensemble de colonnes de style roman et, fait remarquable, elle est recouverte de mosaïques plus fines que celles qu’on peut trouver ailleurs dans la basilique.
Continuons par la chapelle Saint-Joseph. L’autel est magnifique. Le travail des émaux, des pierreries, des bronzes est digne des plus grands orfèvres. Au sol, le marbre de couleur présente les initiales S et J, pour Saint-Joseph, bien sûr !
Ensuite, arrêtons-nous devant la chapelle de Saint-Jean-Baptiste. Elle a été en partie offerte par le Canada. Là-aussi, prenez le temps d’observer l’autel et les marbreries avant de poursuivre vers les chapelles suivantes : celles de Saint-François d’Assise qui termine le déambulatoire ; celle de Sainte-Marguerite-Marie qui ouvre le parcours sur les bas-côtés est et qui mérite d’être attentivement observée pour la richesse des couleurs de ses marbres et des matières utilisées- ; et la chapelle Saint-Louis.
Nous finissons le tour des chapelles par celle de Saint-Michel, où autour de la statue de Saint-Michel terrassant le dragon, on peut observer une statue de Jeanne d’Arc agenouillée que l’on retrouve aussi sur les vitraux ou encore sur les mosaïques. Cette chapelle est richement décorée donc prenez le temps de vous y attarder pour en saisir tous les détails.
Avant de sortir de la basilique, je vous propose un point sur la coupole principale et sur le chœur. La Coupole centrale se compose de deux niveaux: un chemin de ronde et une rangée de 20 vitraux en grisaille qui éclairent l’édifice. Elle repose sur quatre pendentifs ornés de quatre anges qui portent les instruments de la Passion du Christ : la croix, la lance du centurion, l'éponge imbibée de vinaigre, ou encore la couronne d’épine et le sceptre. Pour rappel, la Passion du Christ rassemble les événements qui précèdent la crucifixion de Jésus.