top of page

LES SECRETS DU SACRE DES ROIS DE FRANCE À REIMS

Dernière mise à jour : 28 mai

Sacre Charles X
Reconstitution du sacre de Charles X le 29 mai 1825 au Mobilier national

Après les 300 ans du sacre de Louis XV en la cathédrale de Reims, le 25 octobre 1722, c'est le bicentenaire de celui du dernier roi de France, Charles X (règne 1824-1830), le 29 mai 1825, que l'on célèbre en 2025.

 

Pour l'occasion, revenons sur ce que l'on appelle justement le sacre du roi de France, sa définition, sa signification et son organisation. Car là où, dans certaines royautés (le Royaume-Uni en tête), le couronnement est l’événement le plus important pour le monarque, en France, cette cérémonie va finalement s’éclipser au profit de celle dite du sacre.


COURONNEMENT ET SACRE DES ROIS DE FRANCE : QUELLE DIFFÉRENCE?

 

Dans l’imaginaire collectif, les deux gestes semblent indissociables : un roi, c’est un homme couronné. Pourtant, l’histoire de la monarchie française révèle des nuances essentielles. Si le couronnement est d’abord un acte politique, le sacre devient, avec le temps, un rituel religieux capital, conférant au roi une légitimité divine.

 

LE COURONNEMENT : RECONNAISSANCE TERRESTRE DU POUVOIR ROYAL

 

À l’origine, le roi devient roi en se coiffant de la couronne. Ce geste marque la reconnaissance du souverain et de son autorité par les grands du royaume et par le peuple. Il symbolise l’accession au pouvoir par la volonté des hommes, dans une logique politique et dynastique. Mais à partir du 8e siècle, un second geste, qui va devenir hautement plus symbolique, vient compléter le premier : le sacre.



PÉPIN LE BREF, PREMIER ROI SACRÉ

 

C’est Pépin le Bref (714-768), fils de Charles Martel et père de Charlemagne (et de la dynastie des Carolingiens), qui inaugure ce nouveau rituel. En 751, à Soissons, il reçoit une première onction, sans doute administrée par l’archevêque Boniface de Mayence. Il s’agit de légitimer son accession au trône après la destitution du dernier roi mérovingien, Childéric III. Le geste n’est pas anodin: il marque l’entrée dans une monarchie où l’appui de l’Église devient indispensable.



Trois ans plus tard, en 754, un second sacre est célébré à la basilique Saint-Denis, cette fois par le pape Étienne II en personne. L’objectif est politique autant que spirituel : il s’agit d’affermir l’alliance entre les Carolingiens et Rome. Ce jour-là, les deux fils de Pépin, Charles (le futur Charlemagne) et Carloman, reçoivent eux aussi l’onction, préparant la continuité dynastique.

 

LA SAINTE AMPOULE : UN SACRE ET UNE LÉGITIMITÉ TOUTE DIVINE

 

Les premiers sacres visent à sanctifier le pouvoir royal, à en faire un pouvoir moral et religieux. Mais ils ne confèrent pas encore une autorité divine au souverain. L’huile utilisée est bénite, certes, mais elle ne provient pas d’une source sacrée. Le roi reste un élu des hommes, validé par l’Église.

 

Tout change à partir du 9e siècle. En 869, on découvre dans le tombeau de Saint Remi, à Reims, une ampoule contenant une huile censée avoir servi au baptême de Clovis. Ce dernier, premier roi de tous les Francs, fût en effet baptisé en ces lieux par l’archevêque Remi à Noël 496 (ou 498, ou 499… il reste des incertitudes). La Sainte Ampoule, comme on appelle alors le précieux flacon de verre contenant l’huile miraculeuse - le Saint Chrême - entre alors dans la légende et intègre le rituel du sacre royal.



Ainsi, à partir du sacre de Henri Ier (1008-1060) en 1027, l’usage de cette huile devient systématique. Désormais, le roi n’est plus seulement reconnu par l’Église : il est oint par Dieu lui-même. L’onction faite avec le Saint-Chrême conservé dans la Sainte Ampoule élève le souverain au-dessus des autres hommes.

 

Il devient lieutenant de Dieu sur Terre, dans une monarchie de droit divin, où son autorité et sa légitimité, comme celle de sa descendance, ne dépendent ni du pape, ni d’un clergé, ni d’un quelconque chef religieux - comme dans les autres monarchies européennes - mais directement de Dieu.

 

Le couronnement devient alors un acte symbolique, souvent intégré à la cérémonie du sacre, mais qui n’est plus constitutif de la souveraineté. Il représente un contrat politique entre le roi et son peuple, là où le sacre affirme la nature divine du pouvoir.

 

DEPUIS QUAND LA MONARCHIE EST-ELLE DE DROIT DIVIN EN FRANCE?

 

Si elle est effective depuis au moins l’an 1027, la monarchie de droit divin n’est actée juridiquement qu’à la fin de la Guerre de Cent ans qui s’est déroulée de 1337 à 1453, et s’est officiellement terminée par Le traité de Picquigny signé le 29 août 1475 entre le roi de France Louis XI et le roi d'Angleterre Édouard IV à Picquigny, en Picardie.



En définissant juridiquement que le pouvoir royal est d’ordre divin, il s’agit pour le roi Louis XI (règne: 1461-1483) d’instituer de manière officielle et incontestable son autorité. Et quoi de mieux pour cela que d’acter qu’elle émane directement de la volonté de Dieu ?

  

REIMS, THÉÂTRE DU SACRE DES ROIS DE FRANCE

 

C’est aussi à cette époque que Reims s’impose comme le lieu quasi exclusif des sacres. D’abord avec Louis le Pieux (778-840) en octobre 816, mais aussi et surtout à partir d’Henri Ier en 1027. En mémoire du baptême de Clovis par saint Remi vers 496, la cathédrale devient l’écrin de cette cérémonie qui mêle politique, foi et symbolique. Reims devient, pour des siècles, le berceau du pouvoir sacré des rois de France.

 


EN FRANCE, LE ROI NE MEURT JAMAIS : LA FORCE DE LA FILIATION

 

Parallèlement au développement de la monarchie de droits divins, une autre idée fondatrice s’impose : en France, le roi « ne meurt jamais ». Pour garantir la stabilité du royaume, le trône ne saurait en effet être vacant - ne serait-ce que le temps d’attendre le couronnement ou le sacre du nouveau monarque. La figure et le statut de roi sont ainsi immortels : à la seconde même où un souverain s’éteint, son successeur est reconnu comme roi. Il n’a pas besoin d’être couronné ou sacré pour exercer le pouvoir. Son autorité et sa légitimité sont automatiques. La continuité dynastique, essentielle pour maintenir la pérennité de l’État, repose ainsi sur une filiation du pouvoir incontestable puisqu’émanant de Dieu lui-même.

 

C’est d’ailleurs le sens de la célèbre formule clamée à la mort des souverains : « Le roi est mort, vive le roi ! ». Ici « le roi est mort », qui fait référence au souverain tout juste décédé, est directement suivi d’un « Vive le roi ! » qui, lui, célèbre l’héritier du trône, immédiatement reconnu comme le nouveau monarque.

  

ORIGINE DE LA CÉRÉMONIE DU SACRE DES ROIS DE FRANCE

 

La cérémonie du sacre doit rappeler le baptême de Clovis, premier roi des Francs, par l’archevêque Saint-Remi à Notre-Dame de Reims à Noël 496 (498 ou 499), acte fondateur de l’unification du royaume de France.

 

Inaugurés par Louis le Pieux en octobre 816 à Reims, les rites du sacre évoluent, et c’est au 13e siècle, avec Louis IX (règne: 1226-70), dit Saint-Louis, qu’ils prennent la forme qu’ils auront jusqu’au sacre de Charles X, second frère de Louis XVI et dernier roi de France à régner entre 1824 et 1830, et à être sacré à Reims le 29 mai 1825.

 


LE RITUEL DU SACRE DES ROIS DE FRANCE

 

De la simple onction originelle, le sacre devient au fil des siècles une cérémonie minutieusement codifiée qui dure plus de 5 heures. Elle est toujours organisée un dimanche ou à l’occasion d’une fête liturgique importante. Le roi arrive quelques jours auparavant dans un carrosse spécialement conçu pour l’occasion et loge au palais archiépiscopal (palais de l’archevêque) voisin de la cathédrale Notre-Dame de Reims : le Palais du Tau -qui tient son nom de sa forme en T.

 


La veille du sacre, le souverain passe sa soirée et une partie de la nuit à prier et à se confesser. Le lendemain matin, réveillé par deux évêques, il est conduit en procession jusqu’à la cathédrale où il entre en cortège et remonte la nef jusqu’au fauteuil ou trône installé spécialement à la croisée du transept, devant le maître-autel, au cœur de l’édifice. L’archevêque accueille alors la Sainte-Ampoule portée sous un dais par les moines de la basilique Saint-Remi.

 

La cérémonie commence et s’articule en quatre actes : le serment, le sacre avec l’onction, la remise des vêtements et insignes royaux, et le couronnement.

 

1. LE SERMENT

 

Le roi promet au clergé et au peuple de protéger l’Église et de défendre la foi catholique. Il s’engage aussi à faire régner la paix et la justice dans son royaume et à faire preuve de miséricorde.

 

2. LE SACRE

 

Après le serment, le sacre à proprement parler peut débuter. Le roi abandonne une partie de ses vêtements. Il ne porte alors plus qu’une simple chemise, et le grand chambrier (un grand officier de la Couronne) lui remet les symboles de la chevalerie : les éperons d’or et l’épée de Charlemagne qui fait de lui le bras séculier de l’Église (la représentation temporelle du pouvoir religieux).



Après des prières pour la santé du souverain, vient le moment de l’onction. Le Saint-Chrême, l’huile contenue dans la Sainte-Ampoule avec laquelle Clovis aurait été baptisé, est déposé sur le roi agenouillé devant l’archevêque qui, avec le pouce, réalise l’onction en 7 points rappelant les 7 points vitaux de la force divine : la tête, la poitrine, entre les épaules puis sur chacune d’elles, et aux jointures des bras.

 

3. LA REMISE DES VÊTEMENTS ROYAUX

 

La cérémonie se poursuit par la remise des vêtements royaux : la tunique bleu hyacinthe (bleu-violet, comme le manteau du grand prêtre d’Israël), la dalmatique (sorte d’aube) et le manteau fleurdelysé (orné de fleurs de lys royales).



On remet ensuite au roi les insignes royaux ou régalia : l’anneau symbolisant le mariage spirituel entre le roi, l’Église et son royaume ; les gants pour éviter la souillure des mains royales par les objets profanes ; puis, dans la main droite, le sceptre de Dagobert 1er, symbole de droiture, et dans la main gauche, la verge, devenue ensuite la main de justice, emblème de la fonction la plus haute du roi : la justice. Les anciens vêtements du roi sont quant à eux brûlés.

 

4. LE COURONNEMENT

 

Vient alors le couronnement. Le roi est intronisé, c’est-à-dire qu’il s’installe sur le trône (ici le trône de Dagobert 1er). Les 12 pairs de France apportent ensuite la couronne qu’ils tiennent au-dessus de la tête du roi où l’archevêque la pose enfin.



Ainsi couronné, et après une dernière profession de foi, le roi reçoit les baisers de l’archevêque et des pairs, et l’assemblée scande un « vive le roi éternellement ! ».

 

Enfin, à l’issue d’une messe, le monarque échange sa lourde couronne de sacre contre une plus légère avant de se diriger hors de la cathédrale où il est accueilli par la foule en liesse. Il se rend ensuite au Palais du Tau où un grand festin est prévu, tandis que des banquets et spectacles sont organisées dans la ville pour la population.



Sachez que si le roi est marié, le sacre de la reine se fait dans la foulée. Dans le cas contraire, la reine est sacrée après le mariage royal, souvent à Paris ou à la basilique Saint-Denis.

 

COMBIEN DE ROIS SACRÉS À REIMS ?

 

En 1000 ans, 33 rois seront sacrés à Reims. Si Louis le Pieux, fils de Charlemagne, est bien le premier en 816, rien n’est fixé officiellement. Au 9e et 10e siècles, les rois peuvent ainsi choisir le lieu de leur couronnement : Noyon, Laon ou encore Compiègne.

 

Il faut attendre le sacre d’Henri 1er en 1027 pour que les rois de France soient traditionnellement sacrés en la cathédrale de Reims. Tous le seront ensuite jusqu’à Charles X en 1825, sauf Louis VI (sacré à Orléans le 3 août 1108 car son frère, désireux de succéder à leur père, l’empêche d’accéder à Reims), Henri IV (sacré le 27 février 1594 en la cathédrale de Chartres car les guerres de religions l’empêche d’accéder à Reims et Paris, aux mains de la ligue catholique, tandis que lui est encore protestant jusqu’à son abjuration à l’occasion de son couronnement), et Louis XVIII (Il sera nommé roi de France à la chute de Napoléon 1er, et ne sera pas sacré).


 

SOURCES

 

Comments


bottom of page