C’est un geste que nous faisons quotidiennement. Avant chaque repas, seul ou en tête-à-tête, comme à l’occasion de réunions en famille ou entre amis, nous nous devons de mettre -ou dresser- la table, c’est-à-dire d’y répartir la vaisselle, les couverts et autres nappes, serviettes et verres. Mais savez-vous que cette expression est d’origine tout historique?
Vous le savez sûrement, dans l’Antiquité, les Romains recevaient et mangeaient allongés, disposant les vivres et boissons sur des guéridons près du lit. Il faut ainsi attendre le 7e siècle pour qu’on voit apparaître les tables autour desquelles les convives vont s'assoir pour partager les repas. Mais au Moyen-Âge, et en particulier dans les châteaux médiévaux, le grand nombre de personnes à nourrir impose de prévoir des tables surdimensionnées qui prennent une place importante, si ce n’est toute la place, dans les pièces où elles sont installées. Pour une question pratique, on va alors choisir de mettre en place des tables éphémères et mobiles, souvent des tréteaux sur lesquels sont disposées des planches recouvertes d’une nappe pour des raisons esthétiques. C’est ainsi que l’on va littéralement «dresser» ou «mettre la table» avant chaque repas, ce qui donnera l’expression que l’on utilise toujours aujourd’hui. Après manger, on démontera le tout, et on «débarrassera» alors la table, comme nous le faisons aujourd’hui, bien que différemment.
Ce n’est qu’à partir de la Renaissance, au 15e et 16e siècles, que l’on voit apparaître des tables fixes à rallonges, dites «à l’italienne», en même temps que l’on s’attache à créer du mobilier décoratif que l’on aime exposer. Cependant, la cour de France est encore nomade à cette époque. Ainsi, alors que le roi, sa famille et sa suite se déplacent tout au long de l’année de château en château, les meubles et objets -dont les tables- sont transportés pour être réinstallés de place en place. On continue donc à utiliser ponctuellement des tables mobiles dressées là où on souhaite manger.
Il en sera de même sous l’Ancien Régime. Alors que sous Louis XIV, à partir de mai 1682, la cour de France se sédentarise au château de Versailles, on continue à déplacer les tables, toujours constituées de planches et tréteaux, pour les dîners et soupers publics de la famille royale, mais aussi pour les soirées d’appartements où des buffets sont disposés dans les salons successifs, selon les besoins, les occasions et le nombre de convives. Notez cependant qu’au 18e siècle, dans les appartements privés du roi par exemple, adepte des dîners intimes, comme dans de nombreuses résidences et châteaux, la salle à manger devient une pièce à part entière dans laquelle est installée une table, bien souvent de façon permanente.
Quoi qu’il en soit, vous saurez désormais pourquoi vous «dressez» la table. Mais puisqu’on en est à mettre la table, anecdote dans l’anecdote: savez-vous pourquoi on parle aussi de «mettre le couvert»? Pour le savoir, remontons au Moyen-Âge. A cette époque, l’usage était de servir à table un plat unique dans lequel chacun piochait et mangeait. Mais quand le service individuel s’est ensuite mis en place, d’abord pour les rois et seigneurs, ces-derniers, de peur d’être empoisonnés, ont rapidement ordonné de couvrir les plats et boissons qu’on leur présentait. On disait alors qu’on servait les plats «à couvert», c’est-à-dire avec un couvercle. Le mot couvert s’est ensuite étendu à l’ensemble de la vaisselle et des ustensiles qui se trouvaient sur la table, et, par extension, de ce service «à couvert» est ainsi née l’expression «mettre le couvert».
Bon appétit!
Sources
« Petit dictionnaire des expressions qui sont nées de l’Histoire » par Gilles Henry, éditions Tallandier.