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Photo du rédacteurIgor Robinet-Slansky

L’APPARTEMENT DU DAUPHIN À VERSAILLES

Dernière mise à jour : 23 mars 2023

Rendez-vous aujourd’hui au château de Versailles, dans un appartement méconnu et pourtant sublime et d’un grand raffinement : l’appartement du Dauphin, l’héritier de la couronne de France. Tout juste rénové en avril 2022 après une fermeture de plus de 10 ans, il est situé sous le salon de la Paix et sous une partie de la Galerie des Glaces, au rez-de-chaussée du corps central du château qui donne sur le parterre du Midi. Cet appartement, qui était réservé à la famille royale, est ici restitué dans l’état où il était quand le fils de Louis XV, le Dauphin Louis-Ferdinand de France, l’habitait entre 1736 et 1765.


Vous connaissez bien sûr le château de Versailles, ce palais grandiose construit par Louis XIV (règne 1643-1715) à partir de 1661 autour du modeste pavillon de chasse que son père, Louis XIII (règne 1610-1643), avait acquis en 1632. Agrandi et transformé pour assoir la puissance et la grandeur du monarque absolu, le palais de Versailles devient, en mai 1682, le lieu de résidence principal de la Cour de France, jusque-là itinérante.

Au-delà des courtisans et nobles issus des plus grandes familles de l’aristocratie française, le palais accueille surtout la famille royale : frères et sœurs, enfants, petits-enfants du roi et autres princes de sang. Pour loger ses proches, le Roi Soleil va ainsi créer des appartements dédiés, souvent à proximité de ses Grands Appartements et de ceux de la Reine. Parmi ces appartements, on trouve celui du Dauphin, l’héritier direct du trône de France. C’est dans cet appartement, restauré en avril 2022 et désormais intégré à la visite publique du château, que je vous propose aujourd’hui de pénétrer.

Après vous avoir présenté l’histoire de l’appartement du Dauphin et expliqué le contexte et les évolutions de sa construction, je vous propose de me suivre dans la visite que j’en ai fait ce printemps. Une visite accessible à tous que je vous recommande puisqu’elle vous permet de vous immerger dans des pièces meublées et décorées dans un style 18e siècle, eet en particulier rocaille, éblouissant.


L’Appartement du Dauphin : de Monsieur à Louis XVI.


Commençons donc par un peu d’histoire.

L’appartement du Dauphin se trouve au rez-de-chaussée de ce qu’on appelle le château-neuf, la partie du palais édifiée par Louis Le Vau (1612-1670), l’architecte de Louis XIV, pour envelopper sur trois côtés le château-vieux -pour rappel, le château-vieux est la partie primitive du palais qui encadre la cour de Marbre, côté ville, et qui est composée de l’ancien pavillon de chasse créé par Louis XIII et que le Roi Soleil a voulu conserver en mémoire de son père.

Situé dans l’angle sud-ouest du corps central du château-neuf, l’appartement du Dauphin donne directement sur le parterre du Midi et sur la terrasse qui ouvre sur la Grande Perspective et les jardins du château. Il est ainsi idéalement placé sous le Grand Appartement de la Reine, le salon de la Paix et une partie de la Galerie des Glaces, à proximité, donc, des appartements officiels des souverains. Cette situation en fait l’un des appartements les plus importants du château. C’est aussi l’un des plus luxueux et l’un des mieux décorés.


Lors de sa création à la demande de Louis XIV, cet appartement est en fait composé de deux appartements destinés au frère et à la belle-sœur du Roi : Philippe d’Orléans, dit Monsieur (1640-1701), et la princesse Palatine, Elisabeth-Charlotte de Bavière, dite Madame ou Madame Palatine, sa seconde épouse. Mais en 1684, Monsieur et Madame décident de s’installer au premier étage de l’aile du Midi, bâtie entre 1679 et 1682 par l’architecte Jules-Hardouin Mansart. Leurs appartements vacants du rez-de-chaussée sont alors réunis et donnés au fils de Louis XIV, Louis de France (1661-1711), héritier de la couronne, appelé aussi «le Grand Dauphin» ou «Monseigneur». Sa jeune épouse, Marie Anne de Bavière, s’installe, elle, dans le grand appartement de la Reine qui est libre depuis la mort de Marie-Thérèse le 30 juillet 1683.


Point anecdote : Pourquoi l’héritier du trône de France s’appelle le dauphin ?

Ce titre est traditionnellement attribué à sa naissance au fils aîné du Roi de France. Mais son origine n’est pas vraiment française. En effet, les premiers à avoir utilisé ce terme étaient les comtes de Viennois et d’Albon qui régnaient sur le Dauphiné du Viennois (une partie de l’Isère, des Hautes-Alpes et de la Drôme d’aujourd’hui), un état féodal gouverné par le Saint-Empire Romain Germanique de 1142 à 1349. Les membres de la famille d’Albon, qui dominaient le comté d’Albon d’abord, puis le comté du Viennois ensuite, après s’en être emparé au 11e siècle, vont s’octroyer le titre de comtes qu’ils vont se transmettre se de père en fils.


Parmi les comtes d’Albon et du Viennois, au 12e siècle, le comte Guigues IV va se doter d’un autre titre : celui de dauphin. Il faut savoir que Guigues IV avait pour deuxième prénom ‘Dauphin’, un prénom commun à l’époque, ne soyez pas surpris (notez d’ailleurs qu’aujourd’hui, son pendant féminin est resté avec le prénom Delphine). Si Guigues IV avait pour second prénom ‘Dauphin’, c’est sûrement en référence à sa mère Mathilde, dont la famille régnait sur la Sicile et les Pouilles, et notamment sur la ville de Tarente, dont l’emblème est justement l’animal dauphin. Guigues IV portera ainsi lui aussi le dauphin sur ses armes.


En souvenir de ses racines, Guigues IV va également choisir de donner le surnom de Dauphin à son fils qui décidera alors de se faire appeler le Dauphin du Viennois et d’en faire un titre transmissible de père en fils. Les comtés d’Albon et de Viennois deviennent ainsi le Dauphiné du Viennois, un territoire dont le seigneur portera dès lors le titre de Dauphin, et continuera à porter en guise d’emblème le fameux mammifère marin.


Dans les décennies suivantes, si plusieurs familles vont se succéder à la tête du Dauphiné du Viennois, le titre de Dauphin, et son animal symbolique, vont rester et se transmettre entre seigneurs successifs. C’est alors que l’un des Dauphins du Viennois, Humbert II de la Tour du Pin, en grand besoin d’argent et sans descendance à la mort de son fils, va décider de vendre son comté au plus offrant. C’est chose faite le 30 mars 1349 quand le roi de France Philippe VI de Valois (règne: 1328-50), qui cherche à agrandir son territoire, achète officiellement le territoire du Dauphiné du Viennois et le rattache au Royaume de France. Humbert II émet cependant une condition : l’héritier du roi devra perpétuer la tradition et porter le titre de dauphin.


Mais Philippe VI, qui décède en 1350, n’aura pas le temps de faire de son fils Jean le nouveau Dauphin. Devenu roi, Jean II le Bon (règne : 1350-64) offre alors le Dauphiné du Viennois à son fils, le futur Charles V (règne : 1364-80), qui en devient le seigneur et qui prend ainsi le titre de Dauphin. Devenu roi de France, il cèdera le Dauphiné du Viennois à son fils Charles VI (règne : 1380-1422) qui devient à son tour le Dauphin, et ainsi de suite. Finalement, cette règle va perdurer au fil des siècles et s’inscrire officiellement dans la monarchie française, chaque héritier de la couronne de France devenant ainsi automatiquement Dauphin du Viennois. Un changement va toutefois s’opérer en 1547 quand Henri II (règne : 1547-59), fils de François 1er et époux de Catherine de Médicis, monte sur le trône. Le nouveau roi va en effet décider de donner à son fils François (le futur François II) le titre de Dauphin de France et non plus celui de Dauphin du Viennois, une évolution du titre qui sera désormais la règle à la cour de France jusqu’au 19e siècle.


Finalement, le dernier Dauphin officiel de l’histoire de France sera Louis de France, duc d’Angoulême, le fils de Charles X (règne : 1824-1830), dernier frère de Louis XVI à être monté sur le trône pendant la période dite de la Restauration (1814-30) après l’Empire de Napoléon 1er. En effet, suite à la Révolution des Trois Glorieuses (les 27, 28 & 29 juillet 1830), Louis de France, duc d’Angoulême, sera forcé d’abdiquer en même temps que son père en 1830, au bénéfice de son cousin Louis-Philippe d’Orléans, nommé roi des Français dans le cadre d’une nouvelle monarchie constitutionnelle.

Pour rompre avec les règles de l’Ancien Régime, l’héritier de Louis-Philippe 1er ne devra plus porter le titre de Dauphin de France mais celui de Prince Royal, comme ce fut le cas quelques années plus tôt pour le fils de Louis XVI, Louis-Charles (le futur Louis XVII) qui, selon la nouvelle constitution établie en 1791 pendant la Révolution, devait lui-aussi abandonner le titre de Dauphin pour celui de Prince Royal.


Pour finir cette anecdote sur une note plus ludique, vous remarquerez sûrement que les représentations de l’animal dauphin sur les emblèmes et armoiries du Dauphin de France sont souvent approximatives et peu réalistes. Certains ont expliqué que la tête, semblable à une tête de chien, désignait la fidélité, et que le corps de poisson symbolisait, lui, l’Église. En réalité, il semble surtout que les sculpteurs n’avaient jamais vu de dauphins et qu’ils les ont imaginés ainsi. Preuve en est qu’ils leurs dessinaient des écailles alors que ces mammifères marins n’en possèdent aucune.


Revenons à l’appartement du Dauphin. Le fils de Louis XIV est un grand collectionneur qui va utiliser et même agrandir les deux appartements réunis de son oncle et sa tante pour exposer ses tableaux, objets et autres pierres précieuses. Le Grand Dauphin occupe l’appartement, décoré dans le plus grand luxe, jusqu’à sa mort par la petite vérole (variole) le 14 avril 1711. Il laisse alors la place de Dauphin à son fils, Louis de France, duc de Bourgogne (1682-1712), appelé le « Petit Dauphin » pour le distinguer de son père. Avec son épouse, Marie-Adélaïde de Savoie (1685-1712), le duc de Bourgogne doit ainsi hériter de la couronne.


Mais la fin de règne du Roi Soleil va être marquée par les tragédies. Marie-Adélaïde de Savoie, d’abord, puis son époux le duc de Bourgogne, Dauphin et petit-fils du roi, meurent successivement le 12 et le 18 février 1712 de la rougeole (ils meurent surtout des saignées des médecins). Leur fils aîné, le duc de Bretagne, devenu Dauphin de France à la mort de ses parents, ne tarde pas à les suivre le 8 mars. Son petit frère, le duc d’Anjou (1710-1774), est aussi gravement atteint par la rougeole mais sa gouvernante, Madame de Ventadour, l’éloigne des saignées des médecins, et avec du repos et des soins, l’enfant finit par guérir. Arrière-petit-fils de Louis XIV, il est désormais Dauphin de France. Cependant, s’il venait à mourir, la monarchie serait sauve grâce à son oncle Charles de France (1686-1714), duc de Berry, frère de son père et dernier petit-fils vivant de Louis XIV, qui pourrait alors monter sur le trône. Aussi, pour ménager ce-dernier, on décide de lui offrir l’appartement du Dauphin, de nouveau divisé en deux, où il s’installe avec son épouse Marie-Louise-Élisabeth d'Orléans (1695-1719). Mais, au grand désespoir de son grand-père qui a vu la grande majorité de sa descendance mourir en quelques années, le duc de Berry meurt le 26 avril 1714. Ainsi, à la mort de Louis XIV le 1er septembre 1715, c’est bien le duc d’Anjou, son arrière-petit-fils, qui devient, à 5 ans, le roi Louis XV.

Le château de Versailles est alors délaissé pour le Palais Royal à Paris pendant la période de Régence dirigée par le neveu de Louis XIV, Philippe, duc d’Orléans, dit alors le Régent. Ce n’est qu’après le sacre de Louis XV à Reims, le 25 octobre 1722, que la Cour de France et le gouvernement se réinstallent à Versailles. Le jeune roi, qui est alors âgé de 13 ans, l’âge de la majorité pour l’époque, peut ainsi régner et reprendre les appartements de son illustre arrière-grand-père. L’appartement du Dauphin est, lui, réaménagé pour le Régent qui en profitera peu puisqu’il meurt le 2 décembre 1723.


Pour assurer la dynastie et la survie de la monarchie, Louis XV épouse Marie Leszczynska, une princesse de Pologne, en la chapelle de la Trinité de Fontainebleau le 5 septembre 1725. Ils auront ensemble dix enfants dont sept, un garçon et six filles, attendront l’âge adulte. Ce garçon, ce seul fils héritier du roi, et donc Dauphin de France, est né le 4 septembre 1729 à Versailles. Dès 1736, Louis-Ferdinand de France, alors âgé de 7 ans, s’installe dans l’appartement qui lui revient et que l’on a de nouveau réuni en un seul logement. Il y restera jusqu’à son mariage avec l’infante d’Espagne Marie-Thérèse, le 23 février 1745. Cette dernière meurt le 22 juillet 1746 en accouchant d’une petite fille, Marie-Thérèse de France, et le Dauphin épouse en secondes noces la fille du roi de Pologne, Marie-Joseph de Saxe (1731-1767). Tous deux réinvestissent l’appartement du Dauphin, de nouveau divisé en deux parties : l’appartement de la Dauphine d’un côté, celui du Dauphin de l’autre.

Ensemble, ils auront huit enfants. Leur fils aîné, Louis de France (1751-61), duc de Bourgogne, meurt prématurément à 9 ans, et leur second fils, Xavier de France (1753-54) n’ayant pas dépassé l’âge d’un an, c’est donc leur troisième fils, Louis-Auguste, duc de Berry, né le 23 août 1754, qui deviendra le Dauphin de France à la mort de son père Louis-Ferdinand le 20 décembre 1765. Et à la mort de son grand-père Louis XV, le 10 mai 1774, Louis-Auguste deviendra le célèbre et malheureux roi de France, Louis XVI qui, comme vous le savez, sera destitué de sa couronne en 1792 pendant la Révolution, puis guillotiné le 21 janvier 1793.


Mais revenons à l’appartement du Dauphin. Dès 1765, Louis-Auguste s’installe dans l’appartement de la Dauphine, sa mère, agrandi de la bibliothèque de son père. Sa jeune épouse, Marie-Antoinette, avec laquelle il s’est marié le 16 mai 1770, s’installera, elle, dans le grand appartement de la Reine laissé vacant suite à la mort de Marie Leszczynska le 24 juin 1768.

Après leur accession au trône en 1774, Louis XVI et Marie-Antoinette vont définitivement gagner les grands appartements officiels du Roi et de la Reine. L’appartement du Dauphin est alors offert au frère du roi, Louis Stanislas Xavier de France (1755-1824), comte de Provence, qui deviendra roi pendant la Restauration (1814-1830) sous le nom de Louis XVIII (règne : 1814-24). Il s’y installe et y vivra avec son épouse, Marie-Joséphine de Savoie (1753-1810), comtesse de Provence, jusqu’en 1787. A partir de cette date, et jusqu’à ce que la famille royale quitte le château de Versailles pour les Tuileries au début de la Révolution le 6 octobre 1789, l’appartement sera occupé par les enfants de Louis XVI et Marie-Antoinette. Après leur fils aîné le Dauphin, Louis-Joseph de France (1781-1789), qui mourra prématurément le 4 juin 1789, c’est leur second fils, Louis-Charles de France, né le 27 mars 1785, qui s’y installe, tandis que sa sœur, la fille aînée du couple royal, Marie-Thérèse de France, occupera l’appartement de la Dauphine. Ils seront les derniers à vivre dans ces appartements.


Après la Restauration, le roi des Français Louis-Philipe 1er (règne : 1830-48), souhaite faire de Versailles un musée de l’Histoire de France avec la création de galeries historiques. Pour cela, il a détruit une partie des appartements du château, dont certains des appartements princiers. Aujourd’hui, les décors qui avaient été en partie conservés ont été retrouvés, rénovés et réinstallés dans les appartements du Dauphin et de la Dauphine. La restauration de ces lieux uniques petrmet aujourd’hui de les présenter dans l’état où ils étaient lorsque le fils de Louis XV, le Dauphin Louis-Ferdinand de France, et son épouse, Marie-Josèphe de Saxe, l’habitaient.


Je vous propose maintenant de partir sans plus attendre à la découverte du sublime appartement du Dauphin.


La visite de l’appartement du Dauphin


Pour des raisons pratiques, la visite de l’appartement du Dauphin se fait dans le sens inverse de l’ordre normal de succession des pièces. On commence donc par la bibliothèque et non par la salle des Gardes, comme la logique le voudrait.


Pour nous rendre dans l’appartement du Dauphin, depuis la cour Royale du château, nous entrons dans le corps de logis sud du château-vieux et, un peu en avant de l’escalier de la Reine qui monte dans son grand appartement, nous pénétrons dans l’appartement de la Dauphine. Lors de ma visite, ce dernier n’était pas encore réaménagé et présentait l’exposition « Chefs-d’œuvre retrouvés » qui se tient depuis le 5 février dernier et jusqu’au 5 juin 2022.


Point culture : l’exposition ‘Chefs-d’œuvre retrouvés’ – 5 février/5 juin 2022

Récemment retrouvées et entrées dans les collections du château de Versailles, deux sculptures commandées par Louis XIV et Louis XV, « Zéphyr, Flore et l’Amour » et « L’Abondance », sont présentées à l’occasion d’une exposition inédite. A travers des documents d’archives, des dessins, des tableaux, elle retrace les origines et l’itinéraires de ces chefs-d’œuvre du 18e siècle qui trônaient jusqu’alors dans le jardin de l’hôtel Ephrussi de Rothschild, à Paris, devenu en 1979 le siège de l’Ambassade de l’Angola en France. Identifiés en 2018 comme d’anciennes sculptures du château de Versailles, les deux ensembles ont été donnés par l’Angola à l’État français. Elles ont ainsi pu aujourd’hui retrouver leur résidence originelle.

Revenons sur ces deux sculptures.

Commandé en 1713 par Louis XIV à Philippe Bertrand et René Frémin pour les jardins du Grand Trianon, le groupe sculpté « Zéphyr, Flore et l’Amour » est achevée par Jacques Bousseau en 1726, après la mort du Roi Soleil (1er sept. 1715). C’est donc son petit-fils et successeur Louis XV qui le fera installer dans les jardins de Trianon, comme un ultime cadeau à son aïeul.


Réalisée par Lambert Sigisbert Adam entre 1753 et 1758 pour Louis XV, « L’Abondance » était destinée à la résidence royale de Choisy. Cette sculpture devait faire partie d’un ensemble de cinq, prévu pour le bosquet de la Paix imaginé par Charles-Antoine Coypel. Il s’agissait de célébrer le traité d’Aix-la-Chapelle qui, en 1748, a mis fin à la guerre de Succession d’Autriche qui impliquait les principales forces européennes dont la France. « L’Abondance » sera la seule des cinq sculptures commandées qui sera finalisée.


Si vous vous rendez au château de Versailles avant le 5 juin prochain, n’hésitez pas à visiter cette exposition assez courte mais richement documentée.


Revenons à l’appartement du Dauphin. Sa visite commence en fait par la dernière pièce de celui de la Dauphine : son cabinet intérieur. Cette petite pièce formait à l’origine une seule et même pièce avec la suivante. On trouvait ici l’antichambre de Monsieur, le frère de Louis XIV, puis la chambre du Grand Dauphin, avant que la pièce devienne la chambre du Régent puis celle du Dauphin, fils de Louis XV, lorsqu’il était enfant. Ce n’est qu’en 1747 que la grande pièce fut scindée en deux petits cabinets : le cabinet intérieur de la Dauphine et le cabinet de Retraite du Dauphin devenu par la suite sa bibliothèque. Ces pièces intimes étaient le point de communication entre les appartements du Dauphin et de la Dauphine. Les boiseries au naturel, c’est-à-dire sculptées de motifs inspirés de la nature (feuillages, fleurs…) et peintes au plus près du réel, sont réalisées avec un vernis Martin dans les tons verts, blanc, rose et rouge. Pour information, les frères Martin, installés à Paris, ont mis au point en 1728 une laque à base de copal, le vernis Martin, qui permettait de concurrencer les laques originaires de Chine et du Japon, beaucoup plus coûteuses. Avant de sortir du cabinet intérieur de la Dauphine, regardez bien les dessus des portes. Peints par Jean-Baptiste Oudry en 1749, ils représentent les quatre saisons. Je vous invite également à admirer le superbe secrétaire à cylindre ayant appartenu à la Dauphine Marie-Joseph de Saxe, mère du futur Louis XVI, et réalisé en chêne, amarante, sycomore et bois de rose, et décoré de bronze ciselé et doré par les ébénistes Jean-François Oeben (1721-63) et Jean-Henri Riesner (1734-1806).


Nous entrons maintenant dans la bibliothèque du Dauphin, première pièce que nous visitons de son appartement. Là-aussi, les boiseries datant de 1755 en vernis Martin sont sublimes et les couleurs éclatantes. Pour celles et ceux qui connaissent bien le château, ici -comme dans les appartements de Mesdames, les filles de Louis XV, que l’on peut également visiter- on est surpris par les décors délicatement colorés, moins habituels dans les grands appartements du Roi et de la Reine, par exemple. Le fils de Louis XV se servait de cette pièce comme cabinet de retraite ou de travail, puis de bibliothèque à partir de 1756, comme en témoigne les nombreuses étagères chargées de livres. Cependant, comme en témoignent aussi les anges musiciens sculptés sur les corniches, il aimait également y chanter et y jouer de la musique avec ses sœurs.

Au-delà des décors, je vous invite aussi à admirer le mobilier de cette bibliothèque , composé d’un bureau et d’un fauteuil réalisés par Antoine Robert Gaudreaus en 1745 dans un pur style Louis XV pour le château de Fontainebleau, et d’une commode créée pour cette pièce par Mathieu Criaerd. Quant aux quatre dessus de porte peints en 1763 par Joseph Vernet, ils reprennent des thématiques marine set maritimes.


Quittons maintenant la bibliothèque pour découvrir l’une de mes pièces favorites de l’appartement : le grand cabinet du Dauphin. Ici, les volumes aérés, la situation en angle de la pièce et les différents éléments de décors en font un espace à la fois très luxueux et agréable. Au départ, trois pièces se trouvaient là : la chambre et le cabinet de Monsieur, le frère de Louis XIV, et le cabinet de Madame, son épouse. Dès 1693, Monseigneur, Louis de France, les réunit en un seul cabinet. Redécoré en 1747 pour le fils de Louis XV, ce grand cabinet présente un décor rocaille, chargé mais ultra luxueux, avec des boiseries dorées et sculptées par Jacques Verberckt (1704-1771).

A l’origine, les dessus de portes, peints par Jean-Marc Nattier (1685-1766), figuraient les sœurs du Dauphin, Elisabeth, Henriette, Adélaïde et Victoire, représentées avec les attributs des Quatre Éléments (Terre, Eau, Feu, Air). Ils ont été remplacés par des dessus de porte de Charles-Joseph Natoire qui étaient présents dans des appartements princiers détruits des châteaux de Versailles et Marly : ‘Télémaque dans l’île de Calypso’, ‘la Beauté rallume le flambeau de l’Amour’, ‘le Repos de Diane’ et ‘Bacchus et Ariane’.

Concernant le mobilier, à part le grand et le petit bureaux réalisés par Bernard Van Risen Burgh en 1745 pour le fils de Louis XV, le reste des meubles et objets datent de Louis XVI. On remarque d’abord l’impressionnant baromètre posé sur la console de Claude-Charles Saunier (1735-1807) réalisée en 1787. Commandé en 1773, pour le Dauphin Louis-Auguste, futur Louis XVI, et réalisé par le sculpteur Jean-Joseph Lemaire et l’ingénieur Jean-Baptiste Toré, il représente un coq, un enfant et un aigle qui figurent les attributs de justice, de force et d’union. Mais l’objet le plus remarquable de ce grand cabinet est sans aucun doute l’immense globe terrestre à double coque qui se trouve à l’angle de la pièce. Commandé par Louis XVI à Edmé Mentelle (1730-1815) pour l’éducation de son fils le Dauphin Louis-Joseph (1781-89), il présente d’abord un globe céleste et terrestre plus traditionnel qui renferme un second globe avec une cartographie des reliefs émergés et sous-marins. Il est vraiment étonnant, et il démontre la précision des connaissances scientifiques que l’on avait déjà à l’époque.


Après avoir bien pris le temps d’observer les détails du grand cabinet, je vous invite maintenant à découvrir une autre pièce importante de l’appartement : la chambre du Dauphin. A l’origine, se trouvait ici le Cabinet doré du Grand Dauphin. Grand collectionneur, le fils de Louis XIV y exposait alors ses tableaux. Transformée en cabinet de travail pour le Régent jusqu’à sa mort le 2 décembre 1723, cette pièce est agrandie et réaménagée en chambre pour le Dauphin en 1747. Le décor est intact : les boiseries rocaille dorées de Jacques Verberckt, conçues selon des dessins d’Ange-Jacques Gabriel, sont telles qu’à l’époque. Un buste de Louis XV, père du Dauphin, trône sur la sublime cheminée en marbre griotte datant de 1712 et agrémentée de figures en bronze doré de Jacques Caffiéri représentant Flore et Zéphyr. L’alcôve où se trouve le lit est tendue de soieries -vertes ici- comme c’était la tradition, tandis que le reste de la pièce est lambrissée de chêne blanc. Le lit d’origine ayant été détruit, on trouve ici un lit « à la duchesse » (c’est-à-dire dont l’impériale -ou ciel- est suspendue et non tenue par des piliers comme les lits à baldaquins), réalisé en 1740 pour la marquise de Créquy. Plusieurs portraits couvrent les murs, mais on notera surtout celui accroché sur le mur de gauche et qui représente le portrait de la première épouse du Dauphin, Marie-Thérèse d’Espagne.


Après la chambre, nous découvrons la seconde antichambre du Dauphin. Je rappelle qu’on visite l’appartement dans le sens inverse de ce qui se faisait, c’est donc logique qu’ici, l’antichambre se trouve après la chambre. Mais en réalité, elle servait à faire patienter les visiteurs qui souhaitaient s’entretenir avec le Dauphin. Quand il était prêt, ce-dernier les faisait alors entrer dans sa chambre.

A l’origine, le Grand Dauphin, fils de Louis XIV, avait fait de cette pièce son cabinet des Glaces, l’une des plus somptueuses de son appartement. Ici, les murs étaient revêtus de miroirs enchâssés dans des cadres d’ébène, d’étain et de cuivre. Le Grand Dauphin y exposait ses bijoux, pierres précieuses et cristaux qui se reflétaient dans les miroirs, mais aussi ses porcelaines. Le parquet en marqueterie présentait les chiffres entrelacés du Dauphin et de son épouse. En 1747, la pièce fut agrandie pour le fils de Louis XV et décorée de simples boiseries. On y trouve aujourd’hui des portraits des enfants de Louis XV et Marie Leszczynska : le Dauphin Louis-Ferdinand et ses sœurs, Mesdames.


La visite de l’appartement du Dauphin se termine ici. Nous ne pouvons visiter la première antichambre qui est en arrière-plan de la seconde antichambre, ni la salle des Gardes attenante.


Nous nous trouvons ainsi dans une galerie, la Galerie basse, construite par l’architecte de Louis XIV, Louis Le Vau, en 1669 lorsqu’il commence les agrandissements du château. En réalité, elle est composée de deux galeries, une haute et une basse, sur deux niveaux. La plus haute, plus petite, donne sur la cour de Marbre. La plus basse, la galerie principale appelée aussi péristyle, où nous sommes, est éclairée par neuf baies qui ouvrent sur les jardins. Conçue par Le Vau pour permettre de rattraper le dénivelé du terrain entre le château-vieux et le château-neuf, elle avait disparu sous Louis XV et Louis XVI. Elle a été rétablie dans son état d’origine, permettant de traverser le château de la cour au jardin comme l’avait souhaité Louis XIV. La Galerie basse présente un ensemble de sculptures, dont un Apollon par Jean Raon et une Diane par Léonard Roger exposés dans les niches disposées aux extrémités. La Galerie basse mène aux appartements de Mesdames Victoire et Adélaïde, les filles de Louis XV, eux-aussi récemment rénovées et que je vous invite à visiter, et dont je vous parlerai prochainement.


Voilà, c’est ici, dans la Galerie basse, que se termine notre visite. J'espère qu’elle vous a plu.

Si vous visitez le château de Versailles, je vous encourage en tout cas à ne pas oublier de passer par l’appartement du Dauphin qui complète bien la visite des grands appartements et des espaces plus connus du palais. J’en profite pour saluer ici le travail de restauration incroyable de précision et de talent qui a été mené ici par les artisans, les équipes du château et la Société des Amis de Versailles.


Mon avis

Comme vous l’aurez compris, l’appartement du Dauphin a été un vrai coup de cœur pour moi. Vous le savez, je suis venu de nombreuses fois au château, et c’est toujours un plaisir que de découvrir de nouvelles pièces et de nouveaux appartements. Et au-delà de l’appartement du Dauphin, je vous recommande vivement de poursuivre par celui de mesdames et de finir par celui du capitane des Gardes.


Informations pratiques

L’appartement du Dauphin se visite avec le billet standard du château de Versailles.

Toutes les informations sont à retrouver sur le site du Château de Versailles.



Sources

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6 Kommentare


Arthur Chaudron
Arthur Chaudron
17. Aug. 2023

Quant à l'antichambre, il me semble qu'a l'époque de Louis-Ferdinand il y avait à l'origine des tentures de l'Histoire du Roy. Dans les années 2010, ils en avaient exposé quelques-une dans la salle des gardes et la première antichambre mais je ne suis pas sur qu'aujourd'hui elles y soient toujours.

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Merci, je n’avais pas cette information.