Rendez-vous aujourd’hui dans le grand appartement de la Reine au château de Versailles, et plus précisément dans sa chambre d’apparat. Par opposition aux cabinets intérieurs et petits appartements réservés aux proches et aux intimes des souverains, et où le protocole est moins rigoureux, les grands appartements du Roi et de la Reine sont voués à leur vie officielle; une vie publique de tous les instants, réglée par l’étiquette, cet ensemble de directives qui régissent la vie de la cour de France et auxquelles vous devez vous soumettre, que vous soyez un membre de la famille royale, un courtisan ou le souverain lui-même.
Au château de Versailles, le grand appartement de la Reine répond de façon parfaitement symétrique à celui du Roi, de part et d’autre de la célèbre Galerie des Glaces et de la cour Royale. Trois reines y résideront: Marie-Thérèse d’Autriche (1638-1683), épouse de Louis XIV; Marie Leszczynska (1703-1768), épouse de Louis XV, et Marie-Antoinette (1755-1793), épouse de Louis XVI.
Au sein du grand appartement, la pièce la plus importante est la chambre. La reine y passe le plus clair de son temps, de son lever en public chaque matin, à ses audiences privées, en passant par ses accouchements qui étaient publics pour éviter toute substitution des enfants royaux. 19 enfants de France sont ainsi nés ici (dont les futurs Louis XV et Louis XVII), et deux reines y sont mortes (Marie-Thérèse et Marie Leszczynska).
Intéressons-nous aux décors maintenant. La chambre a été entièrement redécorée pour Marie Leszczynska entre 1730 et 1735 par les architectes Robert de Cotte et Ange-Jacques Gabriel. Les boiseries dorées de style rocaille réalisées par Jacques Verberckt, Jules Degoullons et André Le Goupil sont d’époque. Les sculptures d’angle en stucs, créées pour Marie-Antoinette, datent, elles, de 1770. On y voit les armes de France et l’aigle bicéphale de l’Empire d’Autriche. On notera aussi au-dessus des miroirs, les portraits de la mère de la reine, Marie-Thérèse d’Autriche, de son frère, Joseph II et, face au lit, du roi son époux, Louis XVI.
La chambre est en effet meublée dans l’état du 6 octobre 1789, date où Marie-Antoinette quitte le palais précipitamment et définitivement. La tenture blanche brochées de bouquets de lilas et de plumes de paon date de 1787 (elle a été retissée à Lyon depuis); la balustrade en bois doré séparait le monde divin (partie réservée à la reine) du monde terrestre (pour les invités et courtisans); sur la cheminée en marbre griotte datant de 1786, trône le buste de Marie-Antoinette sculpté en 1783 par Félix Lecomte; le magnifique coffre à bijoux en nacre et acajou, livré par Ferdinand Schwerdfeger en 1787, est quant à lui remarquable de détails.
Elément central de la chambre, le lit à la duchesse, avec son imposant ciel suspendu, au sommet duquel trône le coq français entouré de plumes d’autruche, est une reconstitution fidèle de celui de Marie-Antoinette. Notez que la courtepointe (dessus de lit) est en revanche bien celle d’origine.
De chaque côté du lit, les portes sous tenture ouvrent sur les cabinets intérieurs et privés de la reine. C’est par la porte de gauche que Marie-Antoinette s’enfuira, au matin du 6 octobre 1789, pour échapper aux émeutiers entrés dans le château et son appartement.
La chambre de la Reine est une pièce incontournable de toute visite du château de Versailles. Et après l’avoir contemplée de nombreuses fois, je la trouve toujours aussi splendide, grandiose et à la fois émouvante quand on sait son histoire et celle de ses résidentes.
Sources
Guide officiel « Versailles – Château, domaine, collections » aux éditions de la réunion des Musées Nationaux (RMN), château de Versailles.
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