top of page
Photo du rédacteurIgor Robinet-Slansky

SUR LES TRACES DE MARIE-MADELEINE À LA SAINTE-BAUME

Dernière mise à jour : 11 juin

Var
Basilique de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume

Le massif de la Sainte-Baume, entre les Bouches-du-Rhône et le Var, au cœur de la Provence Verte, est le massif provençal le plus imposant. Mais c’est aussi l’un des plus mystiques. Si les druides celtiques célébraient déjà ici leurs cultes, et si les Romains y adoraient l’Alma Mater -la mère nourricière-, c’est surtout la présence supposée de sainte Marie-Madeleine au 1er siècle qui a fait toute la religiosité des lieux.


Pour en savoir plus, suivez-moi dans la grotte sanctuaire, où elle aurait vécu 33 ans jusqu’à la fin de sa vie et qui a donné son nom au massif (baoumo signifie ‘grotte’ en provençal), avant de continuer dans la crypte de la basilique Saint-Maximin-la-Sainte-Baume où elle reposerait -c’est le troisième tombeau le plus important de la Chrétienté après celui de Jésus à Jérusalem et celui de Saint-Pierre à Rome.



AVANT TOUTE CHOSE, QUI EST MARIE-MADELEINE, ET COMMENT ARRIVE-T-ELLE A LA SAINTE-BAUME ?


Née dans le village de pêcheur de Magdala sur les bords du lac de Tibériade en Galilée (actuelle Israël), Marie la Magdaléenne, ou Marie-Madeleine, est un fidèle soutien contemporain de Jésus de Nazareth, et l’une de ses plus ferventes disciples. Citée 18 fois dans les évangiles -bien plus que les apôtres eux-mêmes-, elle est considérée comme l’Apôtre des Apôtres qui, en témoin de la Passion (ensemble des événements ayant précédé et accompagné la mort de Jésus), de la mise en Croix et surtout de la Résurrection du Christ (elle est la première à le rencontrer ressuscité), sera chargée d’annoncer le miracle qui fera la Chrétienté.



En effet, inconsolable après la mort de son guide, Jésus, au matin de ce qui sera désormais la Pâques chrétienne, 3 jours après la Crucifixion, elle décide de venir se recueillir sur son tombeau… qu’elle trouve vide! D’abord affolée (a-t-on volé le corps du Christ?), elle est consolée par ce qu’elle croit être un jardinier… mais elle finit par le reconnaître lorsqu’il prononce son nom: Jésus est ressuscité! Ici, on comprend que c’est au son de la voix que Marie-Madeleine croit en la résurrection de Jésus. Pour les chrétiens, c’est ainsi la Parole du Christ qui guide la croyance et la foi. Chargée par le Jésus de diffuser la nouvelle, Marie-Madeleine s’empresse d’aller annoncer aux apôtres le retour de leur guide. La Chrétienté est née.


Avant de continuer, petite précision sur la mauvaise réputation que l’on fait souvent à Marie-Madeleine. En effet, on dit qu’elle serait une ancienne prostituée. Ce n’est pas si simple. Si dans l’Évangile de Luc, on parle d’une «pécheresse dans la ville», rien ne dit de quel pêcher on l’accuse. Ce que l’on sait, c’est qu’elle est issue d’une riche famille de la haute société et qu’elle passe son enfance dans le luxe. Un luxe et une fête dont elle jouira un temps en se rapprochant de la cour fastueuse du roi de Judée, Hérode 1er, et en s’installant à Magdala, ville réputée mal famée et pour ses excès de débauche et luxure.


Elle vit alors en femme libre, ayant eu, dit-on, jusqu’à cinq maris et plusieurs amants, ce qui n’a pas plu, bien entendu, à la société patriarcale dans laquelle la religion chrétienne s’est développée. Ternir l’image de Marie-Madeleine et en faire une pécheresse repentie arrangeait bien l’Église d’alors, d’autant plus qu’il n’était pas du goût de tous que le premier rôle dans l’annonce de la Résurrection soit tenu par une femme, qui plus est une femme indépendante et de réputation légère. Quoi qu’il en soit, ce serait en rencontrant le Christ que Marie-Madeleine aurait pris conscience que la joie n’est pas dans le bien matériel mais dans l’amour de l’autre. Elle aurait ainsi très tôt choisi de tout quitter pour suivre Jésus qui, lui, a reconnu en elle une femme en quête d’amour, l’un des préceptes les plus importants de la philosophie qu’il prêche. Finalement, cette dévotion profonde et cette proximité entre les deux personnages fera dire à certains que Marie-Madeleine aurait été l’amante du Christ, mais rien ne le prouve. Aujourd’hui, d’ailleurs, l’Église réfute l’idée que Marie-Madeleine ait été prostituée.


Comment Marie-Madeleine est-elle arrivée à la Sainte-Baume?

Au 1er siècle, en Palestine, les premiers chrétiens sont persécutés. Parmi eux, en l’an 43, plusieurs disciples de Jésus sont forcés à l’exil, dont Marie-Madeleine, son frère Lazare, sa sœur Marthe, ses compagnons Maximin (futur premier évêque d’Aix en Provence), Sidoine (l’aveugle-né guéri par Jésus et successeur de Maximin à Aix), Marie Jacobée et Marie Salomé. Chargés par l’apôtre Pierre (futur Saint-Pierre) d’évangéliser la Provence, ils traversent la Méditerranée sur un simple radeau et, au terme d’un long voyage, accostent sur les côtes provençales. À Marseille, Marie-Madeleine prêche la parole chrétienne avec Lazare, avant d’en faire autant à Aix-en-Provence avec Maximin. Poursuivant son chemin, elle gravit le massif de la Sainte-Baume et choisit une grotte reculée pour finir ses jours en ermite. Elle y aurait vécu 33 ans, portée sept fois par jour par des anges depuis sa grotte jusqu’au sommet de la falaise, au-dessus, afin de prier et de se recueillir -c’est à cet endroit qu’on trouve aujourd’hui, en hommage, la chapelle du Saint-Pilon bâtie en 1493.



Sentant sa fin proche, Marie-Madeleine est transportée près de son compagnon Maximin qui, lui-aussi, vivait en ermite sur les lieux de la future ville de Saint-Maximin. C’est ici qu’elle meurt et que Maximin l’enterre dans un petit oratoire -la future crypte de la basilique qui accueillera ensuite les corps de Maximin et de Sidoine, devenus évêques d’Aix-en-Provence.


Les siècles suivants sa mort, le lieu de son recueillement, la grotte de la Sainte-Baume, devient un lieu de pèlerinage chrétien. Dès le 5e siècle, suivant la volonté de Saint Jean Cassien, fondateur en 415 d’un premier couvent à Marseille -l’abbaye Saint-Victor-, on installe dans la grotte un prieuré (monastère dépendant d’un prieur) dédié à Sainte Marie-Madeleine. Il accueillera de nombreux pèlerins jusqu’au 11e siècle, parmi lesquels les papes Etienne IV en 816 et Jean VIII en 878.



Mais c’est au 13e siècle que la Sainte-Baume va prendre une plus large dimension. En 1279, le neveu du roi Saint-Louis (Louis IX, règne 1226-70), Charles II d’Anjou (1254-1309), comte de Provence, découvre une crypte sous l’église romane de Saint-Maximin. Murée par des moines Cassianites (adeptes de Saint-Cassien) depuis l’invasion des Maures dans la région en 710, elle protégeait les restes de Saint Maximin, Saint Sidoine et bien sûr Marie-Madeleine dont les reliques étaient cachées dans le sarcophage de Sidoine.


La légende raconte que lorsque le tombeau fut ouvert, les lieux s’emplirent d’un parfum des plus doux. Le squelette de Marie-Madeleine présentait alors deux particularités: d’abord, il manquait un os de la jambe, transporté au 11e siècle à la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay, en Bourgogne. Seconde particularité beaucoup plus étonnante et qui participera au culte de la sainte disciple: sur le crâne, au niveau du front, un morceau de peau aurait été retrouvé intact, à l’endroit même où Jésus, au matin de sa Résurrection, aurait touché Marie-Madeleine. Cette relique nommée le «Noli Me Tangere» («ne veuille pas me toucher») s’est détachée en 1780 et est présentée dans la crypte dans un tube de cristal, sous la relique du crâne de Marie-Madeleine.



Suite à cette sainte découverte authentifiée par le pape Boniface VIII, Charles II d’Anjou fait bâtir la basilique royale de Saint-Maximin et installe le couvent des Dominicains et l’hospice des étrangers (pour accueillir les pèlerins) de part-et-d’autre de la grotte de la Sainte-Baume.


LE SANCTUAIRE ET LA GROTTE DE LA SAINTE-BAUME


La grotte de Marie-Madeleine est très tôt reconnue comme l’un des lieux importants de pèlerinage chrétien. Parmi les visiteurs, de nombreux rois et papes graviront le massif de la Sainte-Baume pour s’y recueillir. D’ailleurs, pour s’y rendre, on peut aujourd’hui encore -comme je l’ai fait et vous le recommande- emprunter le «chemin des Roys». Créé en 1295, son nom est lié aux prestigieux visiteurs qui l’ont gravi: le pape d’Avignon Clément V en 1362, le roi René en 1438, Louis XI en 1456, François 1er en 1516 -qui fera rénover les lieux et installer sept oratoires tout au long de la montée (il n’en reste que trois)-, Louis XIII en 1622 et Louis XIV en 1660.



Jusqu’en 1791 où ils sont expulsés, les religieux vont prendre soin de la grotte et de l’accueil des pèlerins. Il faut attendre 1822 pour que de nouveaux bâtiments soient édifiés pour réparer les destructions révolutionnaires.


Si vous visiter la grotte de la Sainte-Baume, vous verrez qu’elle est aménagée en chapelle où des messes sont régulièrement organisées. Derrière l’autel, le «rocher de Marie-Madeleine» serait celui où la sainte venait prier. Sur le dessus, trône une statue de Marie-Madeleine en prière réalisée par Jean-Antoine Houdon (1741-1828) pour le tombeau du comte de Valbelle, puis déplacée ici après la Révolution. A l’avant de la statue, un reliquaire créé par l’orfèvre lyonnais Armand Caillat en 1886 présente un morceau de tibia et une mèche de cheveux de Marie-Madeleine.


A droite du rocher, une statue de la sainte, appelée «La Pénitente», la présente portée par deux anges. Un escalier descend ensuite vers la partie basse de la grotte. Là, près du Roc de la Consolation où se trouve une autre statue de Marie-Madeleine, vous observerez de nombreuses plaques gravées de prénoms. Ce sont des prénoms d’enfants. Le lieu de prière aménagé ici accueille en effet les parents qui ont perdu un enfant in utero ou mort-né.



A l’extérieur de la grotte, vous verrez: à droite le couvent des Dominicains qui accueillent encore les pèlerins pour des entretiens spirituels; à gauche, l’abri du pèlerin, ouvert à toutes et tous, qui offre une table et un toit pour celles et ceux qui le souhaitent. En face, une pietà sculptée -représentation de Marie en pitié tenant son fils Jésus sur ses genoux lors de sa descente de la Croix- ouvre sur un superbe point de vue qui domine la vallée.



Enfin, en redescendant, contemplez le calvaire qui se trouve à la sortie. On y voit Jésus sur la Croix, entouré des deux voleurs crucifiés en même temps que lui. A ses pieds, sa mère, Marie, accompagnée de Marie-Madeleine, prient et pleurent. Notez que vous aurez déjà peut-être observé cet ensemble statuaire en arrivant. Il est en effet perché au-dessus des 150 marches qui mènent au sanctuaire -150 marches qui symbolisent les 150 «Je vous salue Marie» du rosaire.


Une fois la visite terminée, il ne vous reste qu’à redescendre le chemin des Roys jusqu’au plateau… et à vous rendre dans le charmant village de Saint-Maximin où se trouve la basilique Marie-Madeleine.

LA BASILIQUE SAINTE MARIE-MADELEINE A SAINT-MAXIMIN LA SAINTE-BAUME


Avant de visiter la basilique, prenez le temps de flâner dans le centre médiéval du charmant village de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume. Déambulez dans ses ruelles colorées, admirez ses maisons provençales aux façades et aux portails sculptés des 13e et 14e siècles, perdez-vous dans son ancien quartier juif aux belles arcades, remarquez la maison où habita Lucien Bonaparte, frère de Napoléon, avec son épouse, originaire du village, entre 1793 & 1794 (c’est lui qui sauvera, entre autres, l’orgue de la basilique de la destruction durant la Révolution), contemplez son couvent royal, bâti entre le 13e et le 17e siècle, mais malheureusement fermé à la visite (il est en travaux), ou encore le bel hôtel de ville de 1750-51, voisin de la basilique.



La basilique, justement. Elle est fondée en 1279 à la demande de Charles II d’Anjou roi de Sicile et comte de Provence, et par décision du pape Boniface VIII, après la découverte des reliques de Sainte Marie-Madeleine dans la crypte de l’église romane qui se trouvait ici. Les travaux débutent en 1295 mais après plusieurs interruptions temporaires, ils s’arrêteront définitivement en 1532. L’édifice, qui se revendique comme la plus grande basilique gothique de Provence, ne sera jamais terminé: il manque le portail central, la rosace et le clocher droit. Néanmoins, les décors intérieurs actuels seront aménagés aux 16e et 17e siècles.