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VAUX-LE-VICOMTE BY NIGHT


Ce week-end, j’ai découvert pour la première fois le château de Vaux-le-Vicomte, en Seine-et-Marne (77), chef-d’œuvre du 17e siècle et haut lieu de notre patrimoine historique. Mais cette découverte s’est faite de manière on ne peut plus insolite: de nuit et aux chandelles! Car cet été, comme chaque année, le château et son parc s’illuminent de milliers de lumières (2000 bougies) pour accueillir les visiteurs privilégiés. Un événement exceptionnel dont vous pouvez encore profiter, sur réservation, tous les vendredis et samedis jusqu’au 30 septembre.


Petit conseil: arrivez en fin d’après-midi, lorsqu’il fait encore jour. Vous pourrez parcourir les jardins, des parterres de broderies et de la Couronne au Grand Canal, en passant par le Rond d’eau, les bassins des Tritons, le Miroir d’eau (qui, par un jeu d’optique, reflète la silhouette du château pourtant déjà lointaine), les grandes Cascades et les Grottes, jusqu’à l’immense statue d’Hercule en bronze doré qui fait face au château et d’où on jouit d’un superbe point de vue sur l’ensemble du domaine.


Ensuite, préférez un créneau de visite de l’édifice vers 21h/21h30 afin d’avoir le temps de dîner (format pique-nique -on peut réserver des paniers à l’avance- ou restaurant -ceux du site sont très bien) et de visiter le musée des équipages qui rassemble une belle collection de voitures hippomobiles.


Enfin, pénétrez dans l’intimité des appartements privés 17e-18e au premier étage du château, avant de vous émerveillez devant les fastueuses pièces de réception du rez-de-chaussée, de la grande chambre carrée à la salle des Buffets, en passant par l’impressionnante chambre des Muses et son cabinet des Jeux attenant aux décors ‘grotesques’ (i.e. mélange d’éléments fantastiques et réels), le somptueux appartement du Roi (prévu pour Louis XIV qui n’y dormira jamais), et l’étonnant Grand Salon ovale, dont le volume sous la coupole qui trône à 18 mètres, les sculptures et l’opulence des décors de stuc ne peuvent que vous faire perdre la tête. Avant de sortir, gagnez le sous-sol pour découvrir l’envers du décor en explorant les cuisines et autres caves et garde-manger.

La soirée se termine par un feu d’artifice dans le jardin. Une féérie un peu courte mais magique dans ce cadre d’exception!


Quant au château de Vaux-le-Vicomte, son histoire est intrinsèquement liée au destin tragique du célèbre surintendant des Finances de Louis XIV, Nicolas Fouquet. Je vous propose maintenant de me suivre à la découverte de l’histoire et de l’architecture de ce lieu emblématique du Grand Siècle, mais aussi à la rencontre de Nicolas Fouquet, son bâtisseur et premier propriétaire, et de ceux qui lui ont succédé jusqu’à aujourd’hui.

Nicolas Fouquet par Charles Le Brun
Point biographique: Qui est Nicolas Fouquet?

Issu d’une riche famille de parlementaires ayant fait fortune dans le commerce, il connaît une ascension sociale fulgurante, à l’image de l’emblème de sa famille, l’écureuil (fouquet signifiant écureuil en ancien patois), et de sa devise «Quo non ascendet» (jusqu’où montera-t-il?). D’abord conseiller au parlement de Metz, il devient intendant de la généralité de Paris en 1648, et prouve sa fidélité à la Couronne en s’engageant à défendre le pouvoir royal contre la Fronde (1648-53), cet épisode de rébellion d’une partie de la noblesse contre le jeune roi Louis XIV, sa mère et régente Anne d’Autriche et son conseiller et premier ministre, le cardinal Mazarin.


Reconnu pour sa loyauté envers la famille royale, Nicolas Fouquet devient le protégé de Mazarin et est nommé surintendant des Finances du Royaume en 1653, à tout juste 38 ans. Chargé de renflouer les caisses, il multiplie les emprunts et les crédits auprès de créanciers parfois un peu trop gourmands. Quoi qu’il en soit, il remplit sa mission et au passage se construit une fortune considérable.


Mais il est jalousé, notamment par Jean-Baptiste Colbert (1619-83), ancien intendant de Mazarin et proche conseiller du roi, qui aimerait prendre sa place. Ce dernier va alors travailler à détruire sa réputation, et fait courir le bruit que Nicolas Fouquet détourne les fonds publics (subtilisés, en réalité par Mazarin), notamment auprès du jeune Louis XIV qui, déjà, se méfiait du pouvoir grandissant de son surintendant, trop proche des créanciers du royaume. Ensemble, le roi et son conseiller vont se décider à le faire chuter. On dit et on pense souvent que la déchéance de Nicolas Fouquet tient uniquement des conséquences de la réception qu’il a organisée pour le roi à Vaux-le-Vicomte le 17 aout 1661. Cette réception grandiose, où bals, spectacles et soupers, jeux d’eau et feux d’artifices s’enchaînent dans la démesure, a certes agacé le jeune Louis XIV âgé de 22 ans, dont l’orgueil royal a été piqué par la beauté du château et de ses jardins, comme par la débauche de faste durant cette soirée. Mais son arrestation était prévue bien en amont. Et la somptueuse réception n’a que souligné aux yeux du roi la fortune colossale de son surintendant. Une fortune alors supposée douteuse et malhonnête.


Le 5 septembre 1661, jour de l’anniversaire du roi, Fouquet est arrêté à Nantes par le capitaine des mousquetaires, d’Artagnan. Après un long procès de plus de trois ans et demi, peu équitable -les témoins favorables sont écartés et certaines preuves sont falsifiées par Colbert-, l’ex-surintendant est d’abord condamné à mort, puis à l’exil. Mais le Roi Soleil, qui se veut plus ferme, le fait envoyé à la prison de Pignerol où il meurt le 23 mars 1680.



HISTOIRE DE VAUX-LE-VICOMTE


Vaux-le-Vicomte n’existerait pas sans Nicolas Fouquet (1615-1680). Issu d’une famille fortunée (voir l’encart dédié ci-avant), et après avoir hérité de son père et de son épouse, Louise Fourché, décédée prématurément en 1640, ce dernier acquiert la seigneurie de Vaux en 1641, parfaitement située entre la capitale, Paris, et la résidence royale de Fontainebleau. C’est là qu’il veut installer son domaine, sur ces terres où se trouvent alors une forteresse médiévale et une ferme, au croisement de deux ruisseaux, l’Anqueil et la Bobée, à proximité du village de Vaux. Notez qu’à cette époque, on ne parle pas encore de Vaux-le-Vicomte. Il faudra attendre le 20e siècle pour cela. Vaux tient alors simplement son nom des deux vallons creusés ici par les deux cours d’eau (pour rappel, on dit bien: un val, des vaux).


Mais revenons au 17e siècle. Construire une résidence prestigieuse comme il en rêve coûte cher. Ainsi, au départ, Fouquet se contente de créer le parc de son futur château: l’Anqueil et la Bobée sont détournés et canalisés, les bois sont coupés et le terrain, nettoyé, est réorganisé en terrassements et perspectives.


Remarié en 1650 avec la fille d’un riche parlementaire, Madeleine de Castille, Nicolas Fouquet gravit rapidement les échelons et, proche cardinal Mazarin, premier ministre du jeune Louis XIV, il est nommé surintendant des finances du royaume en 1653. Un poste grassement payé qui lui permet aussi de gagner toute la confiance des créanciers pour emprunter. Aussi, dès lors, il décide de bâtir sur son domaine de Vaux un château digne de sa position.


Son talent va alors résider dans sa capacité à réunir pour la première fois trois des plus grands artistes de son temps autour de son projet: l’architecte Louis Le Vau -architecte de Mazarin, il sera nommé premier architecte du roi en 1654; le peintre, sculpteur et décorateur Charles Le Brun -fondateur de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648; et le jardinier André Le Nôtre -déjà dessinateur en charge des jardins du roi depuis 1643. Ce trio va se surpasser, et entre 1656 et 1661, grâce au travail de plus de 900 ouvriers, ils vont élever ici un château des plus somptueux et des plus innovants de l’époque, au cœur d’un magnifique parc considéré comme l’œuvre fondatrice des jardins à la française.

Les fondations sont creusées en 1553, en 1559 le gros œuvre est terminé et en 1661 le château est quasiment achevé quand Nicolas Fouquet décide d’organiser une grande journée de réception pour le jeune Louis XIV qui doit se terminer par la plus somptueuse des soirées. Un événement qui signera la fin de son pouvoir et le début de sa déchéance.

Tout va se passer le 17 août 1661. Certains travaux sont encore en cours, mais pour ce jour-là, on va démonter les échafaudages et meubler à la hâte les pièces qui restent encore vides. Car un événement de grande ampleur se prépare: le roi Louis XIV, âgé de 22 ans, accompagné de sa mère, Anne d’Autriche, de son ministre, le Cardinal Mazarin, et de la cour, est invité à une réception à Vaux. Il est déjà venu en visiteur, mais ce 17 août, l’invitation est on ne peut plus officielle.

La journée se passe sous une chaleur écrasante, et le soir venu, on se dirige vers les jardins qui s’animent: jeux et spectacles d’eau, parterres brodés des plus belles fleurs, grottes et cascades… les invités sont émerveillés! Mais la soirée ne fait que commencer. Après un souper (notre dîner) fastueux, créé et cuisiné d’une main de maître par le célèbre et talentueux chef cuisinier François Vatel, et qui se tient dans les décors somptueux du château au son des compositions de Jean-Baptiste Lully, l’assemblée se déplace de nouveau vers les jardins.

D’abord, près de ce qu’on appelle la Grille d’eau, le dramaturge et metteur en scène Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, présente une de ses dernières créations, Les Fâcheux, qui alterne scènes jouées et dansées. Le public est conquis! La soirée se poursuit près des grandes cascades d’où la perspective des jardins mène le regard vers le château, un château illuminé de milliers de bougies, tout comme les bassins et fontaines. Les invités, aussi prestigieux soient-ils, sont enchantés et ébahis… jusqu’à ce que résonne le premier coup d’un feu d’artifice gigantesque qui se reflète sur le grand Canal et qui donne à la réception un caractère encore plus féérique.

La soirée se termine alors quand Louis XIV quitte les lieux vers 2 heures du matin pour regagner Fontainebleau. Pour le saluer et lui rendre hommage une dernière fois, un second feu d’artifice est tiré depuis le lanternon qui coiffe le dôme du château.


Tout aurait pu se conclure ainsi. Mais loin d’être flatté par cet événement organisé en son honneur, le Roi Soleil va décider d’en finir avec son surintendant. On dit souvent qu’il a été jaloux du faste éblouissant de cette réception, comme de la grandeur du château et de la beauté des jardins de Nicolas Fouquet. Mais en réalité, cela fait un moment que Louis XIV est suspicieux envers lui. Il craint sa puissance grandissante et le soupçonne, entre autres, de détournement de fonds. Des soupçons fortement appuyés par son proche conseiller Jean-Baptiste Colbert qui, jaloux de la position de Fouquet, ne manque pas de le dénigrer auprès du roi, quitte à mentir. La soirée du 17 août ne fait que renforcer les inquiétudes du monarque: les immenses sommes d’argent déboursées pour cet événement surdimensionné ne sont-elles pas la preuve de la richesse malhonnête de Fouquet?


Quoi qu’il en soit, trois semaines plus tard, le 5 septembre suivant, Nicolas Fouquet est arrêté sur ordre du roi à Nantes par le capitaine des Mousquetaires, Charles de Batz de Castelmore, dit d'Artagnan. Après plus de trois années d’un procès complexe au cours duquel Colbert n’hésite pas à présenter de fausses preuves, Nicolas Fouquet est reconnu coupable le 22 décembre 1664. La sentence doit être la mort mais il sera finalement condamné à l’exil. Une condamnation qui le laisse libre hors de France, ce qui n’est pas du goût de Louis XIV qui intervient et le fait enfermé dans la prison de Pignerol, ville alors française de l’actuelle région de Turin, où il meurt le 23 mars 1680.

Dès l’arrestation de Fouquet et surtout après sa condamnation, l’ensemble des tableaux, tapisseries et statues, jusqu’aux ifs et orangers du parc, sont réquisitionnés par Louis XIV, en partie pour son nouveau domaine de Versailles pour lequel il va faire appel à Le Vau. Car au-delà du matériel, le Roi Soleil, admiratif du travail collectif réalisé à Vaux, va faire appel au trio d’artistes engagés par Fouquet -Louis Le Vau, Charles Le Brun et André Le Nôtre- pour construire son nouveau palais de Versailles, ce palais qui doit dépasser tous les autres et assoir l’absolutisme de son pouvoir.


Quant au château de Vaux, un temps abandonné, il est sauvé par l’épouse de Nicolas Fouquet qui, en 1705, après la mort sans héritier de son fils, cède la propriété au maréchal Charles-Louis-Hector de Villars. Nommé duc par le roi, Villars fait de Vaux son duché. Un duché qui prend le nom de Vaux-Villars et où la duchesse de Villars tient un salon mondain réputé auquel participera régulièrement le célèbre Voltaire. Après la mort en 1734 du maréchal, son épouse délaisse le château, et à la mort de celle-ci en 1763, leur fils, endetté, décide de revendre le domaine… et le plomb des canalisations des fontaines.


César Gabriel de Choiseul-Chevigny (1712-1785), marquis de Choiseul et duc de Praslin, rachète la propriété en 1764. Il est le cousin du duc de Choiseul, alors chef du gouvernement de Louis XV (règne 1715-74). Le duc de Praslin, qui donne au château le nom de Vaux-Praslin, va réaménager le premier étage en créant des appartements plus vastes, et continuer à entretenir le château. A sa mort en 1785, ses enfants gardent le domaine qu’ils sauvent de la nationalisation pendant la Révolution, notamment grâce aux penchants républicains de la duchesse de Praslin d’alors. Cependant, vivre dans le château coûte cher, et les descendants vont peu à peu en délaisser l’entretien.


Il faut attendre 1841 et les rénovations lancées par le duc Charles-Théobald de Praslin et sa femme, pour que le château de Vaux retrouve du prestige. Grâce à l’architecte Louis Visconti -qui a réalisé le tombeau de Napoléon aux Invalides l’année précédente- le toit est réparé, une lanterne coiffe de nouveau le dôme, les parterres sont restaurés et les canalisations sont réinstallées. Malheureusement, le reste des rénovations est stoppé net en 1847 quand la duchesse de Praslin est assassinée et son mari se suicide. Finalement, face au gouffre financier qu’il représente, le château est mis en vente par leurs héritiers en 1875.


C’est là qu’intervient la famille Sommier dont descendent les actuels propriétaires. Le 6 juillet 1875, Alfred Sommier, qui a fait fortune dans l’industrie sucrière, acquiert le domaine de Vaux aux enchères. Lui et sa famille vont s’y installer, chaque année de juillet à décembre. Avec l’architecte Gabriel-Hippolyte Destailleurs, Alfred Sommier restaure le château qu’il remeuble, tout comme il redonne vie aux jardins grâce aux talents du paysagiste Élie Lainé.

Au décès d’Alfred Sommier en 1908, son fils Edme poursuit les travaux. Il restitue notamment les jardins dans leur configuration 17e siècle grâce aux dessins précis existants qui avaient été commandés alors au graveur Israël Silvestre par Nicolas Fouquet lui-même.


Pendant la Première Guerre Mondiale, le château de Vaux accueille un hôpital militaire tenu par l’épouse d’Edme, Germaine qui y recevra entre autres officiels, Georges Clémenceau et le maréchal Ferdinand Foch. A la fin de la guerre, Vaux redevient la demeure familiale tant aimée du couple Sommier.


À la mort d’Edme en 1945, Germaine continue à entretenir le domaine mais les charges s’alourdissent. Lorsqu’elle décède en 1968, son petit-fils, le comte Jean de Vogüe, hérite de la propriété qui prend le nom de Vaux-le-Vicomte. Il est le fils du marquis Robert de Vogüe (mort en 1836) et de Lucie Sommier. En 1967, le fils de Jean, Patrice de Vogüe, reçoit le domaine en cadeau de mariage. Dès 1968, avec son épouse Cristina, il travaille à réhabiliter le château et son parc dans leur style 17e siècle. Pour cela, il a l’idée d’ouvrir au public l’ancienne demeure de Nicolas Fouquet et ses jardins. Depuis 2012, leurs enfants, Jean-Charles et Alexandre de Vogüe ont pris la relève.


Aujourd’hui, Vaux-le-Vicomte accueille plusieurs centaines de milliers de visiteurs annuels et emploie plus de 70 personnes. On y trouve le magnifique château, bien sûr, et son superbe parc, mais aussi une grande boutique, plusieurs restaurants qui logent pour certains dans les anciens communs; le musée des équipages qui, au sein des grandes écuries, présente une belle collection de voitures hippomobiles et d’attelages anciens. De nombreux événements ont lieu tout au long de l’année pour animer le domaine comme les Soirées aux Chandelles (mai-septembre), le Grand Noël (Novembre-janvier), la grande chasse aux œufs à Pâques, la Grande Journée des Costumés au début de l’été… Toutes les informations sont à retrouver sur le site du château.

L’ARCHITECTURE DE VAUX-LE-VICOMTE


D’un point de vie architectural, Vaux est un château qui fait la part belle aux innovations. Louis Le Vau va ainsi d’abord travailler le bâtiment en plan massé et en corps doubles, ce qui ne se faisait pas jusque-là. Auparavant, chaque niveau ou étage se composait de pièces traversantes, ouvertes sur l’avant et l’arrière de l’édifice, et disposées en enfilade. Cette configuration obligeait les châteaux à suivre un plan plus allongé, à coups d’ailes et d’extensions, pour garantir un nombre suffisant d’appartements. Une architecture peu garante d’intimité puisque pour se rendre dans chaque appartement, il fallait bien souvent en traverser d’autres. À Vaux, Louis Le Vau va proposer de dédoubler l’épaisseur du château, permettant un plan plus ramassé qui offre une toute nouvelle liberté d’aménagement. Le corps de logis est alors divisible et propose ainsi entre deux et quatre appartements par niveau, toujours conçus en enfilade comme ce sera le cas tout au long de l’Ancien Régime (antichambre, chambre, cabinets).


Les appartements du rez-de-chaussée sont séparés à la fois par le vestibule qui donne sur la cour d’Honneur, à l’avant du bâtiment, et le Grand Salon de réception ovale qui, lui, ouvre sur les jardins à l’arrière. Car autre nouveauté apportée par l’architecte, les pièces nobles et de réception, habituellement proposées au premier étage, sont désormais présentées en rez-de-chaussée. Ainsi, à Vaux, sur l’arrière, on trouve à l’ouest (à droite quand on est face au château dans la cour d’Honneur), l’appartement d’apparat de Nicolas Fouquet, et à l’est (à gauche), celui bâti pour le roi. Sur l’avant, côté cour d’Honneur, ce n’est pas très clair, mais on peut penser que, côté droit (ouest), se trouve l’appartement de réception de Madame Fouquet, et qu’à gauche (est), se déploient des pièces de réceptions sûrement rattachées à l’appartement du Roi.


Au premier étage, Le Vau fait installer les appartements privés. Ils sont desservis depuis le vestibule au rez-de-chaussée par deux escaliers, à l’est et à l’ouest, qui mènent à un couloir central qui distribue quatre logements. Notez ici que, les espaces de réceptions se trouvant désormais au rez-de-chaussée, il n’est plus besoin de construire un escalier d’honneur monumental comme c’était le cas auparavant. On trouve ainsi au premier, à l’est, les appartements privés de Nicolas Fouquet et de son épouse, et à l’ouest, certainement des appartements d’invités (qui ne se visitent pas).


Enfin, symbole des innovations architecturales inaugurées par le château de Vaux, le dôme ovoïde qui coiffe le Grand Salon est l’une des prouesses techniques des plus complexes et remarquables pour l’époque, tout comme le toit du corps de logis qui, plus court, se distingue des hauts toits droits à la française utilisés jusqu’alors, et qui comprend désormais des combles brisés, plus logeables.


Au-delà du chef-d’œuvre architectural, le château bénéficie également des décors et peintures les plus raffinés de l’époque, réalisées sous la supervision de Charles Le Brun, et inspirés de l’Antiquité ou encore du baroque italien.


Pour l’extérieur, André Le Nôtre va lui aussi innover en proposant une composition théâtrale et inédite des jardins qui doit étroitement répondre à l’architecture du château de Louis Le Vau. C’est ainsi à Vaux que le célèbre jardinier du roi va élaborer les principes du jardin classique, qu’on appellera a posteriori le jardin à la française, et qui sera copié jusqu’à Versailles et dans toute l’Europe des 17e et 18e siècles.


Point anecdote : qu’est-ce que le jardin à la française ?

La naissance du jardin à la française est contemporaine de l’art et de l’architecture qui se développent en France au 17e siècle. En peinture, en sculpture, en décor ou en architecture, le style classique se caractérise par le respect le plus strict des proportions et la recherche de la perfection avec des compositions équilibrées et des formes harmonieuses. Il s’oppose en cela au style baroque originaire d’Italie et que l’on voit encore beaucoup dans les intérieurs du 17e.


Concernant les jardins, en France, le jardin classique émerge à la fin de la Renaissance et surtout au 17e siècle avec la naissance du classicisme. Il trouve ses influences dans les jardins de la Renaissance italienne qu’il réinterprète et fait évoluer pour refléter les valeurs culturelles et esthétiques de la France de l'époque. Avec son travail à Vaux puis à Versailles, André Le Nôtre, le célèbre paysagiste et jardinier du roi Louis XIV, va définir et poser les grands principes du jardin classique à la française -la symétrie, la perspective, la rigueur géométrique. Un style paysagé qu’il va ériger en art à part entière.


Le jardin classique -qu’on appellera rétrospectivement «à la française» au 19e siècle- se caractérise ainsi par son agencement symétrique et géométrique. On retrouve dans sa composition des éléments clés, parmi lesquels: des parterres de pelouse taillée, des allées rectilignes, des bassins et jeux d'eau, des fontaines et bosquets, et des sculptures soigneusement disposées. L'accent est mis sur l'ordre, la symétrie et la perspective, créant ainsi une esthétique formelle et élégante.


Cette maîtrise rigoureuse de la nature par l’homme plaira beaucoup au Roi Soleil qui y verra le symbole de son pouvoir absolu et la manifestation de sa domination sur le monde qui l’entoure, jusqu’à la nature qui lui obéit. Les jardins à la française exerceront ainsi une grande influence dans l’Europe des 17e et 18e siècles, où leur style sera imité et fera référence.


Pour les jardins de Vaux, se jouant des imperfections du terrain, la scénographie de Le Nôtre s’articule autour d’une perspective qui s’étend sur plusieurs kilomètres, de l’avant du château jusqu’à la statue d’Hercule perchée sur la colline qui lui fait face. Notez que cette copie d’une statue antique d’Hercule de la galerie Farnèse à Rome n’a été installée ici qu’en 1891: si elle était bien prévue sur les dessins du 17e siècle, elle n’avait pas eu le temps d’être réalisée avant que Nicolas Fouquet ne quitte son château en 1661.

Le jardin de Vaux -le-Vicomte est pensé comme une œuvre à part entière, un ensemble harmonieux composé de parterres et de broderies de fleurs et d’arbustes, de gazon et d’allées, de jeux d’eau, de fontaines, de canaux et de bassins, de statues, de grottes, et bien d’autres décors construits… Le tout porté par des jeux de symétries et de perspectives qui doivent surprendre le visiteur. Un visiteur-spectateur qui, à chaque pas, s’émerveille du spectacle d’une nature maîtrisée, dessinée et sculptée par le chef d’orchestre qu’est ici le jardinier, et qui prolonge, à l’extérieur, la grandeur et la rigueur architecturale du château qui s’impose au centre de cette composition.


Le domaine de Vaux-le-Vicomte plante ainsi, avec son architecture innovante, ses intérieurs somptueux et la splendeur de ses jardins à la française, le décor de ce que sera le style du Grand Siècle du Roi Soleil, qui atteindra son apogée avec le château et le parc de Versailles, dont les travaux débute dès 1661, portés par le talent du trio Le Vau-Le Brun-Le Nôtre qui a fait la réussite de Vaux.



INFORMATIONS PRATIQUES


Le domaine est ouvert tous les jours du 1er avril au 5 novembre, de 10h à 19h (sauf les samedis du 20 mai au 30 septembre et les vendredis de juillet et août, ouverture à 11h).


Tous les détails à retrouver dans la rubrique Informations Pratiques du site de Vaux-le-Vicomte.


SOURCES

  • Visite du château de Vaux-le-Vicomte.

  • «Le Château de Vaux-le-Vicomte dévoilé – Les Carnets des Guides Bleus» aux éditions hachette

  • Le site du domaine de Vaux-le-Vicomte

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