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Photo du rédacteurIgor Robinet-Slansky

ANECDOTE: FRÉDÉRIC II DE PRUSSE, HOMOSEXUEL ASSUMÉ?

A l’occasion de mon dernier séjour à Berlin, j’ai pu visiter le magnifique château de Sans-souci et le Neues Palais (nouveau Palais) situés à Postdam, la capitale du Land de Brandebourg, à 35 km de Berlin. Le point commun entre ces deux édifices? Ils ont été bâtis par un même homme: le roi de Prusse Frédéric II dit Frédéric le Grand (24 janvier 1712-17 août 1786). Un homme fort, sensible à l’art, à la culture… et à la beauté des hommes, à une époque peu encline à la tolérance. Mais qu’en est-il réellement de cette homosexualité supposée? Pourquoi a-t-elle été longtemps mise de côté par les historiens ? Je vous propose de tenter d’y répondre avec cette nouvelle anecdote historique.


Mais avant toute chose, je vous propose un petit retour sur le château de Sans-souci et sur le Neues palais afin de contextualiser le personnage central de notre histoire : Frédéric II.


Le premier château, Sans-souci, a été construit entre 1745 et 1747 pour servir de résidence d’été à Frédéric II. Reconnaissable à sa façade jaune à un étage et à son style typiquement rococo allemand (qu’on appellera le rococo Frédéricien), il est situé sur un ancien vignoble dont le superbe jardin en terrasses rappelle la structure. Son nom, en français dans le texte, a été choisi par Frédéric II lui-même, enfrancophone aguerri, parce qu’il s’y trouvait à son aise, sans contraintes, et donc « sans souci ».


Le second château, le «nouveau» palais, a été édifié entre 1763 et 1769 au fond du même parc de Sans-souci, à Postdam. Par la grandeur et la beauté de ce château, il s’agit pour Frédéric II de démontrer que la Prusse est toujours une puissance riche et forte après la guerre de Sept Ans (1756-1763) qui vient de s’achever.


Point histoire : la guerre de Sept Ans.

Du 17 mai 1756 au 15 février 1763, la guerre de Sept Ans voit s’opposer, entre autres, la coalition franco-autrichienne (menée par Louis XV et Marie-Thérèse d’Autriche) et la coalition anglo-prussienne (menée par Georges II puis Georges III d’Angleterre, et Frédéric II de Prusse). Cette guerre est déclenchée par l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche qui souhaite récupérer la Silésie, un territoire qu’elle avait dû céder à Frédéric II en 1748 après la guerre de Succession d’Autriche (16 décembre 1740-18 octobre 1748). Ce nouveau conflit, le premier réellement mondial, implique l’affrontement à l’international des empires coloniaux français et anglais, notamment en Amérique du Nord et en Inde où la France perd une grande partie de ses territoires qu’elle doit céder au Royaume-Uni (dont le Canada, la vallée du Mississippi, la Dominique, la Grenade… et d’autres possessions en Inde) -des pertes qui contribueront à ternir l’image de Louis XV et à affaiblir la puissance et l’influence européenne de la France. En Europe, ce conflit implique la Prusse de Frédéric II qui, après quelques défaites (Kunesdorf en 1759) mais surtout plusieurs victoires (Rossbach en 1757), sort vainqueure de la guerre et reprend des terres à l’Autriche, dont la Silésie qu’elle garde. Le royaume de Prusse est désormais une grande puissance européenne avec laquelle la France et surtout l’Autriche vont devoir composer.


Revenons à Frédéric II. S’il est connu pour son courage et pour avoir élevé la Prusse au rang des puissances qui comptent en Europe, sa personnalité est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Sa sensibilité pour les fêtes, les arts ou la musique, mais surtout ses relations jugées très (voire trop) intimes avec certains hommes de son entourage, ont fait de lui un personnage historique unique et parfois controversé. Et bien qu’elle ait été longtemps éludée par les historiens, son homosexualité quasiment assumée semble aujourd’hui être bien avérée. Une homosexualité qui, à l’époque, n’était pas du tout appréciée, vous vous en doutez.


Car le prince Frédéric a en effet une personnalité bien différente de son père, Frédéric-Guillaume 1er (1713-1740), dit le « Roi-Sergent », obsédé, lui, par la rigueur et l’équilibre budgétaires, et par sa Garde Royale et l’ordre militaire. Petit, déjà, le futur Frédéric II aime la musique et la poésie. En grandissant, ce francophile qui ne souhaite s’exprimer qu’en français, considérant qu’il ne veut «parler allemand qu’à ses chevaux», va se passionner d’art, de littérature et de philosophie -il joue divinement de la flûte traversière, apprend le latin en cachette et le français, et invitera même Voltaire à passer 3 ans à ses côtés entre juin 1750 et mars 1753. Ses centres d’intérêts ne sont évidemment pas du goût de son père, bien éloigné des envies de fêtes et de culture de son fils. Un fils qui va de surcroît rapidement commencer à s’attacher à certains jeunes hommes de son entourage, au grand désespoir de Frédéric-Guillaume qui saura, par la force souvent, mettre un terme à ces relations qu’il juge inacceptables.

Ainsi, quand à 16 ans, le jeune Frédéric entretient une amitié grandissante et intime avec un page de son père, Peter Christopher Keith, 17 ans, ce dernier est condamné à l’exile par Frédéric-Guillaume 1er qui assigne auprès de son fils un jeune soldat, le lieutenant Borcke, pour imposer une rigueur toute militaire dans son éducation. Cependant, même si on ne sait pas si l’attachement sera réciproque, on sait que Frédéric s’attachera à se jeune soldat et qu’il ira même jusqu’à lui ouvrir son cœur dans une lettre encore existante. Preuve d’un sentiment amoureux? rien ne le dit. Mais là encore, cette relation ambigüe n’a pas dû plaire à son père.


Le roi n’est pourtant pas au bout de ses surprises, car un événement va bientôt révéler plus ouvertement l’homosexualité de Frédéric, âgé de 18 ans: sa rencontre avec le fils d’un général, Hans Hermann von Katte, 26 ans. Cette fois, l’affection est réciproque et la relation plus assumée. Ensemble, les deux amis (amants?) décident de s’enfuir en Angleterre où règne les Hanovre, la famille maternelle de Frédéric. Rattrapés par Frédéric-Guillaume 1er, ils sont tous les deux arrêtés pour haute trahison. Finalement, seul Hans sera jugé et condamné à la prison à perpétuité par la justice. Mais c’était sans compter sur la colère féroce du roi qui va casser le jugement, ordonner l’exécution du jeune Hans et faire emprisonner son fils. Ainsi, le 6 novembre 1830, Hans est décapité devant la fenêtre de la cellule de Frédéric qui perd connaissance avant même de voir son amant tomber. Traumatisé par cette tragédie, Frédéric paraît désormais insensible, et après un an de prison, il pardonne à son père. Désormais plus dur de caractère, il aura surtout appris à mieux dissimuler ses sentiments.


Mais si en juin 1733 il épouse la princesse allemande Élisabeth-Christine de Brunswick-Wolfenbüttel-Bevern, c’est par obligation et non par choix. Il écrira même à sa sœur: «il ne peut y avoir ni amour ni amitié entre nous». Frédéric ne semble en effet pas adepte de l’amour physique, en particulier avec des partenaires féminines. Les rumeurs sur son homosexualité vont alors redoublées, et pour les faire taire, son médecin justifiera le manque d’enthousiasme de Frédéric pour les choses de l’amour par le résultat d’une gonorrhée mal soignée… et on parlera même d’une castration accidentelle. Des excuses qui ne berneront qu’une partie des contemporains.


Quoi qu’il en soit, le futur Frédéric II, qui est toujours passionné de culture et philosophie, va s’entourer d’une cour d’artistes et d’intellectuels. Une manière certainement de se réfugier et d’oublier ses problèmes.


Il va aussi s’intéresser de près aux armées et à la stratégie militaire pour le plus grand plaisir de son père, Frédéric-Guillaume 1er, qui finit par mourir le 31 mai 1740. Frédéric II monte alors sur le trône. Un trône d’où, par des jeux d’alliances et de diplomatie, et après plusieurs guerres, il réussit à renforcer la puissance militaire et l’influence de la Prusse en Europe.


Une Prusse qu’il va également élever culturellement et intellectuellement: tolérance envers les minorités religieuses; développement des transports, du commerce et de l’industrie; réorganisation du système éducatif et construction de centaines d’écoles; restructuration de la justice (abolition de la torture); élargissement du royaume; construction de nombreux palais et monuments à l’architecture baroque, meublés à la française et décorés d’œuvres des plus grands artistes de l’époque (souvent français)…

Cependant, Frédéric II gouvernera seul, sans réels ministres ou conseillers. Cette volonté de tout contrôler et décider seul, alliée à son ouverture d’esprit et son intérêt pour la philosophie des Lumières, lui donneront ainsi le qualificatif de «despote éclairé».


Finalement, souvent seul, il finit sa vie entouré de ses lévriers qu’il appelle ses «marquises de Pompadour» puisqu’ils sont, à l’image de la célèbre favorite du roi Louis XV, ses compagnons les plus fidèles. Le «vieux Fritz», comme le nomment affectueusement ses sujets, meurt le 17 août 1786 à 74 ans dans son palais berlinois de Charlottenbourg. Il est, selon son souhait, enterré à Sans-soucis.


Frédéric II était-il réellement homosexuel? Tout amène à penser que oui, même si rien ne le prouve clairement. Il aura, en tous les cas, apporté beaucoup au développement de la Prusse et plus largement à la culture allemande.

Sources

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2 bình luận


Fabien Mollard
Fabien Mollard
23 thg 1, 2023

Frédéric était très certainement homosexuel, mais si vous voulez un membre de la famille pour qui ce soit clairement prouvé, vous pouvez vous tourner vers son frère Heinrich. ^^

Thích
Igor Robinet-Slansky
Igor Robinet-Slansky
23 thg 1, 2023
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Merci, c’est bien noté ;)

Thích
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