11 JUIN 1775 : LE SACRE DE LOUIS XVI À REIMS, IL Y A 250 ANS
- Igor Robinet-Slansky
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Le 11 juin 1775, il y a tout juste 250 ans, un jeune homme de 20 ans était solennellement sacré roi de France et de Navarre en la cathédrale de Reims. Ce jeune homme, c’est Louis XVI, dernier roi de l’Ancien Régime à avoir été couronné selon la tradition millénaire des Capétiens. Un sacre à la fois fastueux et solennel, dans une France en quête de stabilité après un long règne et le mort de Louis XV, son grand-père.
LOUIS XVI, ROI MALGRÉ LUI
Derrière l’image du roi guillotiné en 1793, Louis XVI se cache une figure complexe, souvent méconnue. Né en 1754 sous le nom de Louis-Auguste de France, il est le petit-fils de Louis XV, et devient Dauphin à la mort de son père en 1765. Marié dès l’âge de 15 ans à l’archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche, il n’était pourtant pas destiné à régner si tôt.
Le 10 mai 1774, Louis XV meurt de la petite vérole à Versailles. Son petit-fils lui succède à seulement 19 ans, dans un contexte tendu. La fin du règne de Louis XV a laissé un goût amer au peuple et une monarchie affaiblie par des décennies de guerre, de crises économiques et de méfiance vis-à-vis du pouvoir royal. Louis XVI hérite d’une couronne lourde de responsabilités. Il est jeune, discret, peu préparé à l’exercice du pouvoir, mais déjà soucieux de bien faire. Son sacre, prévu un an après son avènement, sera l’occasion de redonner un souffle à la monarchie.
LE SACRE DE LOUIS XVI : LE RITUEL SECULAIRE DE LA MONARCHIE DE DROITS DIVINS
Depuis 816, la cathédrale de Reims est le théâtre quasi-exclusif du sacre des rois de France. Le choix de ce lieu ne doit rien au hasard : c’est là que Clovis fut baptisé par saint Remi vers 496-498, unissant les rois francs à l’Église catholique. Reims devient ainsi le lieu sacré où la monarchie française s’ancre dans une légitimité divine : l’autorité du roi, incontestable, émane de Dieu.
Le sacre de Louis XVI a lieu le 11 juin 1775, soit un an après la mort de Louis XV. La tradition voulait qu’un nouveau roi se rende à Reims, mais le délai était souvent laissé au jugement du souverain. Louis XVI opte pour l’année suivante, le temps d’organiser cette cérémonie d’envergure.
Arrivé à Reims quelques jours avant, le roi loge au palais archiépiscopal, ou palais du Tau, comme ses prédécesseurs. Le matin du sacre, il entre solennellement dans la cathédrale Notre-Dame de Reims, accompagné du clergé, de la noblesse et des grandes figures du royaume.
L’archevêque de Reims, monseigneur Charles-Antoine de La Roche-Aymon, accueille la Sainte Ampoule (fiole contenant le Saint-Chrême, huile miraculeuse censée avoir servi au baptême de Clovis) avant d’officier la cérémonie du sacre.
Celle-ci, très codifiée depuis le sacre de Saint-Louis au 13e siècle, dure plusieurs heures et s’articule en 4 actes :
1.Serment. Le roi promet de protéger l’Église, et de faire régner paix & justice.
2.Sacre. Le roi abandonne une partie de ses vêtements. On lui remet les symboles de la chevalerie: éperons d’or et épée de Charlemagne. Suit l’onction. Le Saint-Chrême est déposé en 7 points par l’archevêque sur le roi agenouillé.
3.Remise des vêtements royaux (tunique, dalmatique (aube), manteau fleurdelysé) et des insignes royaux ou regalia (anneau, gants, sceptre de Dagobert 1er & main de justice).
4. Couronnement. Le roi est intronisé (installé sur le trône). Les 12 pairs de France apportent la couronne qu’ils tiennent au-dessus de la tête du roi où l’archevêque la pose enfin. L’assemblée scande «vive le roi éternellement!».
En ce 11 juin 1775, une scène insolite vient cependant troubler le protocole : Louis XVI refuse de toucher les écrouelles, contrairement à ses prédécesseurs, qui perpétuaient ce geste miracle censé guérir par la grâce royale, accompagné de la phrase ; « Le roi te touche, Dieu te guérit ». Peur ou pragmatisme, le non-geste de Louis XVI marque les esprits, mais aussi un premier tournant : le rapport entre le roi et le sacré commence à s'effriter, comme un présage des remises en question à venir.
La cérémonie est suivie d’un banquet d'apparat dans la salle du Festin du palais du Tau, et de plusieurs jours de réjouissances dans la ville et le royaume.
LE SACRE DE LOUIS XVI : RECONCILIER LA MONARCHIE AVEC SON PEUPLE
Ce sacre n’est pas qu’un acte religieux. Il est aussi un geste politique, une tentative de restaurer la confiance dans la monarchie. Louis XVI incarne alors une promesse de renouveau, dans un royaume fragilisé. On célèbre un roi pieux, modeste, désireux de bien gouverner.
Mais derrière la pompe et les prières, les difficultés s'accumulent déjà : finances publiques au plus mal, société figée, tensions entre les parlements et le roi, poids de la guerre d’Amérique... La belle image du jeune roi vertueux ne résistera pas longtemps aux réalités.
Vingt ans plus tard, le même Louis XVI sera conduit à l’échafaud, après avoir vu son autorité sapée, son royaume bouleversé, et son rôle de monarque constitutionnel désavoué. Le 21 janvier 1793, la Révolution l’envoie à la guillotine. Mais en ce 11 juin 1775, l’histoire ne le sait pas encore.
LE SACRE DE LOUIS XVI : DERNIER SACRE DE L’ANCIEN RÉGIME
Le sacre de Louis XVI reste le dernier sacre royal traditionnel en France. Son frère Charles X (règne 1824-1830) sera bien sacré à Reims le 29 mai 1825, mais dans un contexte postrévolutionnaire, avec des critiques vives et une cérémonie fastueuse mais aussi rapidement contestée.
Aujourd’hui encore, la cathédrale de Reims, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, porte les traces de cette époque : statues de rois, chapelles dédiées. Le palais du Tau, transformé en musée, conserve les objets du sacre, des maquettes et des souvenirs de cette tradition monarchique disparue.
À l’heure où l’on célèbre les 250 ans de son sacre, la figure de Louis XVI mérite sans doute d’être relue avec nuance. Roi sacrifié, mais aussi homme prisonnier de son siècle, il incarne une charnière entre le monde d’avant et les bouleversements révolutionnaires.
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