Une rencontre entre le roi de France, Louis XV (règne: 1715-1774), et un chef indien d’Amérique, ça vous paraît totalement incongru? Et bien sachez que c’est exactement ce qui se passa le 22 novembre 1725 au château de Fontainebleau, comme le relate le ‘Mercure de France’ (anciennement le ‘Mercure Galant’), revue française soutenue par le pouvoir royal qui racontait histoires et faits divers de l’époque, notamment sur la cour de France.
Mais comment des Amérindiens ont-ils pu se retrouver à Paris et Fontainebleau?
Nous sommes dans la première moitié du 17e siècle, au début du règne de Louis XV. À cette époque, une partie des colonies françaises est établie en Amérique du Nord. Parmi les territoires colonisés se trouve la région des Grands Lacs, dans la haute vallée du Mississipi, où vivent une quinzaine de tribus amérindiennes. Bien qu’elles aient leur identité propre et chacune leur chef, ces tribus cohabitent et constituent ce qu’on appelle alors la Confédération des Illinois ou Illiniwek.
En 1725, la Compagnie du Mississipi, une compagnie coloniale et commerciale française fondée en 1684 et soutenue financièrement par le pouvoir royal, est chargée d’inviter cinq chefs Illinois à Paris et en particulier à la cour de France. Le but du roi, ici, est de s’assurer le soutien des tribus locales pour que les terres comme les richesses de la région restent sous domination française.
Ainsi, le 22 novembre 1725, une rencontre des plus exotiques et inattendues a lieu entre Louis XV et les chefs amérindiens à Fontainebleau, où le jeune roi réside après son mariage avec la princesse polonaise Marie Leszczynska, célébré le 5 septembre précédent dans la chapelle de la Trinité du château.
Des festivités sont organisées, les échanges sont cordiaux -la traduction est faite par des missionnaires jésuites résidant dans les colonies américaines-, et les chefs indiens comme le roi s’intéressent les uns aux autres. Dans un discours au roi, le chef de la tribu des Michigameas (ce nom donnera Michigan), Agapit Chicagou, dit simplement Chicagou (on identifie ici l’origine du nom de la ville de Chicago), va affirmer ainsi sa fidélité à la couronne de France. Il aurait également déclaré être «enchanté de découvrir la cabane du grand chef des Français». Une jolie et vaste cabane, tout de même, quand on connaît la taille et la splendeur du château de Fontainebleau.
Les Illinois sont conviés à l’opéra, une chasse au lapin est ensuite organisée dans la forêt par Louis XV et, un soir, les Indiens sont invités à se produire pour montrer trois de leurs danses -la Paix, la Guerre & la Victoire- et leurs coutumes, habillés dans leurs tenues de cérémonie: quasi nus, le corps peint, des plumes dans les cheveux, un arc et des flèches à la main, et une pipe, le fameux ‘calumet’, dans la bouche.
Assistant à ce spectacle, le compositeur Jean-Philippe Rameau s’inspirera des costumes et des danses des chefs illinois pour une scène de son œuvre ‘les Indes Galantes’. Ajoutée à la suite de la visite des Amérindiens à la cour, cette scène se déroule en Amérique du Nord et présente la ‘Danse du calumet de la paix exécutée par les Sauvages’, connue sous le nom de ‘Danse des Sauvages’.
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